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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 6 mai 2025, n° 21/06585

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Franfinance (SA)

Défendeur :

Maison Renovée (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Vice-président :

M. Pothier

Conseillers :

M. Pothier, Mme Pichon

Avocats :

Me Floch, Me Delomel

TJ Rennes, du 10 déc. 2021, n° 11-21-004…

10 décembre 2021

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant bon de commande du 4 août 2020, la société Maison rénovée a conclu avec Mme [S] [X] née [H], dans le cadre d'un démarchage à domicile, un contrat de fourniture et d'installation d'une pompe à chaleur et d'un chauffe-eau pour un coût de 24 900 euros. Les travaux ont été financés par la souscription d'un crédit auprès de la société Franfinance (la banque).

Suivant acte extrajudiciaire du 25 janvier 2021, Mme [S] [X] née [H] a assigné la société Maison rénovée et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Fougères.

Suivant jugement du 29 juillet 2021, le premier juge a :

- Annulé les contrats de vente et de crédit.

- Dit que la banque avait commis une faute la privant du droit à remboursement du capital emprunté.

- Condamné la banque à restituer à Mme [S] [X] née [H] les sommes et échéances perçues en exécution du contrat de crédit.

- Condamné la société Maison rénovée à reprendre les biens après avoir procédé aux travaux nécessaires à leur démontage, sous astreinte de 100 euros par jour passé un délai de deux mois à compter du jugement.

- Débouté Mme [S] [X] née [H] du surplus de ses demandes.

- Débouté la société Franfinance de ses demandes.

- Condamné la banque et la société Maison rénovée à payer à Mme [S] [X] née [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la banque et la société Maison rénovée aux dépens.

Suivant déclaration du 20 octobre 2021, la banque a interjeté appel.

Suivant jugement du 30 novembre 2022, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Maison rénovée.

Suivant arrêt du 2 février 2024, la cour a :

- Constaté l'interruption de l'instance par l'effet du jugement de liquidation judiciaire.

- Révoqué l'ordonnance de clôture aux fins de mise en cause du mandataire liquidateur de la société Maison rénovée et renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état.

- Réservé les dépens.

Suivant acte extrajudiciaire du 26 février 2024, la société Franfinance a assigné la société S21Y représentée par Me [K] [N] en qualité de mandataire liquidateur de la société Maison rénovée en intervention forcée.

En ses dernières conclusions du 12 novembre 2024, la société Franfinance demande à la cour de :

- Réformer le jugement déféré.

- Fixer la créance au passif de la société Maison rénovée.

Statuant à nouveau,

- Débouter Mme [S] [X] née [H] de ses demandes.

- La condamner à lui payer la somme de 671,86 euros au titre des impayés outre les intérêts au taux légal capitalisés à compter de la mise en demeure du 21 mars 2021.

- La condamner à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la première instance et d'appel.

A titre subsidiaire,

- Condamner Mme [S] [X] née [H] à lui restituer la somme de 24 900 euros outre les intérêts au taux légal capitalisés à compter de la signification de la présente décision.

- Condamner la société maison rénovée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [S] [X] née [H] du surplus de ses demandes.

A titre très subsidiaire,

- Condamner la société Maison rénovée à lui restituer la somme de 24 900 euros correspondant au capital emprunté outre les intérêts au taux légal capitalisés à compter de la signification de la présente décision.

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la société Maison rénovée à lui payer la somme de 24 900 euros au titre du préjudice économique subi outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

En ses dernières conclusions du 8 novembre 2024, Mme [S] [X] née [H] demande à la cour de :

Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 221-5 et L. 312-55 du code de la consommation,

Vu les articles 1217, 1224 et suivants et 1231-1 du code civil,

- Confirmer le jugement déféré.

A titre subsidiaire,

- Prononcer la résolution des contrats de vente et de crédit.

- Confirmer le jugement déféré pour le surplus.

En tout état de cause,

- Condamner la banque à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux dépens.

La société S21Y n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au soutien de son appel, la banque fait valoir que le bon de commande est régulier. Elle fait valoir également que la consommatrice a confirmé son intention et sa renonciation à se prévaloir d'une quelconque irrégularité.

Mme [S] [X] née [H] conclut à l'irrégularité du bon de commande en faisant valoir qu'il ne précise pas les caractéristiques essentielles des biens acquis, les modalités de pose ainsi que le délai de livraison et d'exécution. Elle ajoute qu'il n'est pas fait mention de l'identité et des coordonnées d'un médiateur de la consommation. Elle conteste toute régularisation du contrat nul.

Le premier juge a retenu que le bon de commande était irrégulier au motif qu'il ne comportait pas les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le nom ou la dénomination sociale du vendeur et les informations relatives à l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite.

L'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel lui communique notamment, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

- Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné.

- En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

- Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte.

- S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales.

- La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

Le bon de commande du 4 août 2020 indique que la vente porte sur une pompe à chaleur air-eau de marque Chaffoteaux d'une puissance de 11 kw et sur un chauffe-eau de marque Thaleos d'une capacité de 200 litres. Les caractéristiques essentielles du bien ou du service sont suffisamment précisées.

Concernant les modalités de pose, il ne peut être considéré que ces informations constitueraient, sauf contrainte technique particulière et identifiée, des caractéristiques essentielles des biens vendus à l'instar de la marque des équipements.

Le bon de commande comporte des informations suffisamment précises quant à l'identité du vendeur, dénomination commerciale, identification au registre du commerce et des sociétés et coordonnées. Il comporte les informations relatives aux garanties légales. Il n'est pas démontré qu'une éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle a été souscrite de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'en faire mention.

En revanche, il est indiqué que la date limite de livraison du bien et d'exécution de la prestation de service est de 3 mois maximum à compter de signature du bon de commande. Cette mention est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation du bien. Un tel délai global ne permet pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations. A cet égard, le bon de commande est irrégulier.

De même, si le bon de commande précise la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, ses coordonnées n'ont pas été communiquées à la consommatrice conformément à l'article R. 111-1, 6°, du code de la consommation.

Aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, Mme [S] [X] née [H] a eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'elle a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'elle a manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.

Il convient donc pour les causes de nullité sus-évoquées, écartant le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier invoqué par la banque, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.

Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen de nullité tiré d'un démarchage téléphonique illicite, démarchage téléphonique dont la preuve n'est pas rapportée par la consommatrice.

Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la banque.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure. La banque soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.

Mme [S] [X] née [H] soutient que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière. Elle lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'un certificat de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal. En l'occurrence, Mme [S] [X] née [H] a signé le 20 août 2020 une attestation faisant ressortir sans ambiguïté que les travaux avaient été effectués conformément au bon de commande. Elle ne prétend toujours pas que tel ne serait pas le cas même si elle considère que le document était incomplet ou imprécis.

Il est aussi de principe que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comporte des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de la consommatrice qu'elle entendait confirmer l'acte irrégulier. En versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital prêté.

La banque fait valoir que la dispense de remboursement du capital prêté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.

Mme [S] [X] née [H] fait valoir notamment que le vendeur se trouve en liquidation judiciaire, qu'elle subit un préjudice consécutif à l'impossibilité de récupérer auprès de lui le capital du contrat de prêt et que la faute de la banque consistant dans le financement d'un contrat irrégulier est en lien direct avec ce préjudice.

L'annulation ou la résolution d'un contrat de crédit affecté, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur. Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Civ. 1 - 10 juillet 2024 - pourvoi n° 22-24.754).

Mme [S] [X] née [H] subit un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire la restitution du prix de vente du matériel dont elle n'est plus propriétaire. Il existe un lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a débouté la banque de sa demande en restitution du capital emprunté et l'a condamnée à restituer à Mme [S] [X] née [H] les sommes et échéances perçues en exécution du contrat de crédit.

L'annulation du contrat principal est survenue du fait du vendeur. La banque est fondée à rechercher sa garantie quant au remboursement du prêt en application de l'article L. 312-56 du code de la consommation. Elle justifie avoir déclaré sa créance le 7 février 2023. Il y a lieu de faire droit à sa demande de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Maison rénovée à la somme de 24 900 euros, le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ayant arrêté le cours des intérêts légaux et des intérêts conventionnels.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point ainsi que sur les dispositions portant condamnation de la société Maison rénovée au titre de la remise en état, des frais irrépétibles et des dépens puisque l'article L. 622-21 du code de commerce prohibe les poursuites individuelles.

Il n'est pas inéquitable de condamner la banque à payer à Mme [S] [X] née [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

La banque, partie succombante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 29 juillet 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Fougères sauf en ce qu'il a :

- Condamné la société Maison rénovée à reprendre les biens après avoir procédé aux travaux nécessaires à leur démontage, sous astreinte de 100 euros par jour passé un délai de deux mois à compter du jugement.

- Débouté la société Franfinance de ses demandes à l'égard de la société Maison rénovée.

- Condamné la société Maison rénovée à payer à Mme [S] [X] née [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Maison rénovée aux dépens.

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes formulées à l'encontre de la société Maison rénovée au titre de la remise en état, des frais irrépétibles et des dépens.

Fixe la créance de la société Franfinance au passif de la liquidation judiciaire de la société Maison rénovée à la somme de 24 900 euros.

Y ajoutant,

Condamne la société Franfinance à payer à Mme [S] [X] née [H] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Condamne la société Franfinance aux dépens de la procédure d'appel.

Rejette les autres demandes.

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