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CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 30 avril 2025, n° 24/14956

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/14956

30 avril 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 30 AVRIL 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/14956 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ6JC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 3 Juillet 2024 -Président du TJ de PARIS - RG n° 24/51565

APPELANTE

Mme [F] [R]

Chez Madame [L]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Isabelle SAMAMA-SAMUEL de l'ASSOCIATION BENHAMOU SAMAMA-SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

INTIMÉS

M. [Z] [M]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Audrey CHELLY SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1406

S.E.L.A.F.A. MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES prise en la personne de Maître [P] [S], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de Mme [F] [R], nommée à cette fonction par jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 5 janvier 2023, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2025, en audience publique, devant Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte sous seing privé signé le 20 avril 2000, M. [N], aux droits duquel vient M. [M], a consenti à Mme [R] un contrat de bail à usage professionnel portant sur des locaux situés [Adresse 4], afin d'y exercer l'activité d'orthophoniste.

Le 7 mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme [R] et désigné la société Mandataires judiciaires associés, prise en la personne de Me [S], en qualité de mandataire judiciaire. Le 6 octobre 20l6, le tribunal a arrêté le plan de redressement et désigné le même mandataire en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 5 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Paris a prononcé la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Mme [R], désignant la société Mandataires judiciaires associés, prise en la personne de Me [S], en qualité de liquidateur judiciaire. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris le 19 septembre 2023. Un pourvoi a été formé par Mme [R] à l'encontre de cette décision.

Par courrier recommandé du 9 novembre 2023, la société Mandataires judiciaires associés a notifié à M. [M], compte tenu de l'absence de trésorerie pour payer les loyers, la résiliation du bail en vertu de l'article L.641-12 du code de commerce. Le liquidateur a précisé au propriétaire que dans l'hypothèse où les clefs des locaux ne seraient pas restituées, cette lettre valait restitution des lieux et qu'il était autorisé procéder au changement des serrures.

Ce courrier a fait l'objet d'une notification à Mme [R] le 9 novembre 2023, [Adresse 2], le courrier étant revenu avec la mention « Destinataire inconnu à l'adresse ».

Exposant que le bailleur a repris possession des lieux sans lui permettre d'organiser le déménagement des meubles se trouvant dans les lieux et lui appartenant, par exploits des 7 et 15 février 2024, Mme [R] a fait assigner M. [M] et la société Mandataires judiciaires associés devant le juge du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de :

L'autoriser, accompagnée de déménageurs, à récupérer ses meubles et effets personnels en présence d'un huissier ayant pour mission de lister les objets et mobiliers repris, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter de la signification de l'ordonnance,

Condamner M. [M] à lui verser une provision de 5.000 euros au titre du préjudice subi,

Le condamner à lui verser la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance du 3 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

Renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige et par provision, tous moyens des parties étant réservés,

Rejeté le moyen de nullité tiré d'un vice de forme ;

Déclaré Mme [R], irrecevable en sa demande aux fins d'être autorisée à récupérer les meubles et effets personnels se trouvant sur place ;

Déclaré Mme [R] recevable en sa demande de provision sur le fondement du préjudice moral ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de M. [M] ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de « prendre acte » ;

Rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [R] au paiement des dépens ;

Rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 8 août 2024, Mme [R] a interjeté appel de l'ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 13 février 2025, Mme [R] demande à la cour, au visa de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, de :

Infirmer l'ordonnance de référé du 3 juillet 2024 en ce qu'elle a :

Déclaré Mme [R] irrecevable en sa demande aux fins d'être autorisée à récupérer les meubles et effets personnels se trouvant sur place,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur le fondement du préjudice moral,

Condamner Mme [R] aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

Déclarer Mme [R] recevable en sa demande aux fins d'être autorisée à récupérer les meubles et effets personnels se trouvant sur place,

Dire et juger que le refus du bailleur de laisser Mme [R] reprendre ses affaires constitue un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser ;

En conséquence,

Autoriser Mme [R], accompagnée de déménageurs afin de récupérer ses meubles et effets personnels et ce, en présence d'un Huissier ayant pour mission de lister les objets et mobiliers repris et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir,

Condamner M. [M] au paiement d'une provision de 5.000 euros sur le préjudice subi par cette dernière,

Condamner M. [M] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [M] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le dessaisissement étant une mesure de protection de l'intérêt des créanciers, seul le détenteur de cet intérêt à agir, à savoir le liquidateur, peut s'en prévaloir. Elle souligne que les actes relevant d'un acte personnel peuvent être accomplis par le débiteur seul et rappelle que lorsque l'entrepreneur crée une entreprise individuelle, son patrimoine est automatiquement séparé entre patrimoines professionnel et personnel. Elle soutient que seul un inventaire des biens aurait permis de distinguer ceux qui dépendent de l'un ou de l'autre de ces patrimoines.

Elle allègue que les conditions de la reprise des lieux, l'absence d'établissement d'un inventaire et le refus du bailleur de lui laisser reprendre ses effets personnels constituent un trouble manifestement illicite ; que le bailleur a changé les serrures la nuit et l'a empêchée de rentrer dans les lieux le lendemain ; que la reprise des lieux est donc intervenue en dehors de tout cadre légal ; qu'elle est la seule à pouvoir apprécier si ces affaires ont été fouillées et si ses objets de valeur sont toujours là.

Elle estime avoir subi un préjudice moral tenant notamment à ce changement de serrures, de nuit, sans procès-verbal de reprise ni état des lieux et au refus d'accès qui lui a été opposé.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 17 février 2025, M. [M] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :

Confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Paris en date du 3 juillet 2024 en ce qu'il a :

Déclaré irrecevable Mme [R] en sa demande aux fins d'être autorisée à récupérer les meubles et effets personnels se trouvant sur place ;

Débouté Mme [R] de sa demande de provision sur le fondement du préjudice moral ;

Condamné Mme [R] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau :

Déclarer Mme [R] irrecevable et infondée en l'ensemble de ses demandes,

Juger que Mme [R] ne justifie d'aucun trouble manifestement illicite, ni même des effets personnels,

Constater que M. [M] a remis aux officiers de police judiciaire 35 cartes vitales et 12 carnets de santé,

Débouter Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts provisionnels,

Débouter Mme [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [E] née [R] au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner Mme [E] née [R] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [E] née [R] aux entiers dépens.

Il fait valoir que Mme [R] a été placée en liquidation judiciaire ; que le dessaisissement s'étend à tous les biens et droits patrimoniaux du débiteur ; que Mme [R] est irrecevable en ses demandes et ne fait pas la preuve des prétendus effets personnels qui motiveraient cette procédure. Il expose qu'il n'a pas qualité pour dresser un inventaire et qu'il n'existe aucune obligation sur ce point.

Il conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite et allègue que Mme [R] sait qu'elle doit quitter les lieux depuis le 19 septembre 2023 ; que si les biens étaient de valeur, elle les aurait déménagés de longue date ; qu'aucune liste d'effets n'est fournie ; que s'agissant de cartes vitales de patients, il ne s'agit pas d'effets personnels mais des biens appartenant à des tierces personnes. Il considère que Mme [R] organise son insolvabilité et qu'elle a sous-loué les lieux sans autorisation. Il expose qu'il a récupéré les lieux en très mauvais état et non débarrassés et qu'il a dû engager des frais.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 3 mars 2025, la société Mandataires judiciaires associés demande à la cour, au visa des articles 834, 835 du code de procédure civile, L622-17, L622-21, L641-3, L641-9, L641-13 et L681-1 et suivant du code de commerce, de :

Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 3 juillet 2024 par le président du tribunal judiciaire de Paris dont appel en ce qu'elle a déclaré Mme [R] irrecevable en sa demande aux fins d'être autorisée à récupérer les meubles et effets personnels se trouvant sur place ;

Statuer ce que de droit sur la demande de Mme [R] tendant à voir condamner M. [M] au paiement d'une provision de 5.000 euros sur le préjudice subi par cette dernière ;

Dire Mme [R] irrecevable et subsidiairement mal fondée en l'ensemble de ses demandes et prétentions plus amples et contraires ;

L'en débouter en toutes fins qu'elles comportent ;

Dire M. [M] irrecevable et subsidiairement mal fondé en sa demande de condamnation de Mme [R] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

L'en débouter en toutes fins qu'elles comportent ;

Condamner toute partie succombant en tous les dépens.

Elle soutient qu'en vertu de l'article L.641-9 du code de commerce et selon la jurisprudence, Mme [R] n'a pas qualité pour solliciter la restitution des biens dont elle a été dessaisie ; qu'elle a en revanche qualité pour demander réparation de son préjudice moral.

Elle considère que Mme [R] invoque une distinction de patrimoine qui ne figure dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant confirmé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et elle fait valoir que la procédure porte sur l'ensemble de son patrimoine. Elle soutient que Mme [R] n'a pas précisé l'objet de sa demande ; que le local est professionnel et l'incapacité de lister les objets qu'elle entend récupérer fait douter de leur caractère personnel.

Elle allègue que M. [M] ne justifie pas du respect des conditions des articles L.622-17 ou L.641-13 du code de commerce, de sorte que sa demande est irrecevable ; que le préjudice n'est non plus justifié.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2025.

SUR CE,

La demande de M. [M] de prendre acte de ce qu'il « a remis aux officiers de police judiciaire 35 cartes vitales et 12 carnets de santé », ne revêt pas le caractère d'une demande au sens de l'article 4 du code de procédure civile de sorte que, comme l'a retenu le premier juge, il n'y a pas lieu de statuer sur celle-ci.

M. [M] n'a pas repris devant la cour sa demande afin qu'il soit ordonné à la Selafa MJA de mandater un commissaire de justice pour faire dresser un constat contradictoire avec lui et de procéder à ses frais au débarras de l'ensemble des biens.

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article L.641-9 I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, il en résulte, qu'en raison du dessaisissement, le débiteur ne peut exercer seul des actions en justice relatives à son patrimoine, la règle de représentation du débiteur par le liquidateur est d'ordre public.

Aucun droit propre du débiteur en liquidation judiciaire ne fait échec à son dessaisissement pour l'exercice des actions tendant au recouvrement de ses créances ou à la mise en cause de la responsabilité d'un cocontractant (Com., 14 juin 2023, pourvoi n° 21-24.143, publié).

Mme [R] expose que le refus du bailleur de la laisser reprendre ses affaires personnelles constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en l'autorisant à les récupérer, en présence d'un commissaire de justice.

Un défaut de qualité pour agir est invoqué non seulement par M. [M], tiers à la procédure de liquidation judiciaire, mais aussi par la Selafa MJA, ès qualités de liquidateur, nécessairement recevable pour opposer le dessaisissement de Mme [R].

Un arrêt de la présente cour en date du 19 septembre 2023 a confirmé le jugement du 5 janvier 2023 du tribunal judiciaire de Paris ayant prononcé la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Mme [R].

Pour justifier de la recevabilité de son action personnelle malgré la liquidation judiciaire, Mme [R] expose qu'il existe une séparation entre ses patrimoines professionnel et personnel et que seul un inventaire des biens meubles se trouvant dans les locaux aurait permis de déterminer la nature desdits biens. Elle estime que la présente action tendant à récupérer ses effets et biens personnels ne dépendant pas de l'actif de la liquidation judiciaire est attachée à sa personne.

Comme le relève la société MJA, Mme [R] se prévaut implicitement mais nécessairement des dispositions de la loi du n°2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante dont le principal apport est de créer de plein droit deux patrimoines, l'un personnel, l'autre professionnel.

Selon l'article L.526-22 du code de commerce dans sa version initiale issue de cette loi, en son alinéa 2, les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel.

Cependant, les articles L. 526-22 à L. 526-31 du code de commerce s'appliquent aux créances nées après l'entrée en vigueur des articles 1er à 5 de la loi du 14 février 2022 (article 19 de la loi).

Or, la procédure de liquidation judiciaire porte sur des créances antérieures à l'entrée en vigueur de cette loi, le plan de redressement ayant été arrêté par jugement du 6 octobre 2016, puis modifié par jugements des 6 février 2020 et 3 février 2022.

La lecture de l'arrêt du 19 septembre 2023 confirme en outre que la procédure de liquidation judiciaire concerne l'ensemble du patrimoine de Mme [R] puisqu'elle a, par exemple, fait état de ce qu'elle devait percevoir une somme de 50.000 euros au titre d'une assurance-vie dans le cadre d'une succession.

Il sera relevé par ailleurs que l'appelante sollicite de pouvoir récupérer ses meubles et objets personnels mais sans en fournir la moindre liste ; elle ne verse a fortiori aucune pièce, telles des factures ou photographies, relatives aux objets en question.

Il en résulte que sa demande ne présente pas, en tout état de cause, le caractère suffisamment déterminé requis, sauf à lui permettre de décider unilatéralement des éléments à récupérer dans un local, professionnel, dans lequel des meubles et effets personnels n'ont pas vocation à se trouver.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclarée irrecevable la demande principale en cessation du trouble.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Comme l'a également retenu le premier juge, la demande de provision au titre d'un préjudice moral est attachée à la personne de Mme [R] et dès lors recevable en ce qu'elle a été initiée par cette dernière, seule.

Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Mme [R] invoque un préjudice moral tenant à la reprise de nuit, sans que ne soit dressé un procès-verbal, des locaux par le bailleur et au refus de tout accès pour la récupération de ses biens ainsi que de toute conciliation. Elle reproche aussi à son bailleur un dénigrement auprès de sa clientèle.

Il a été retenu que l'action de Mme [R] pour récupérer ses effets personnels était irrecevable.

Le dénigrement allégué n'est pas caractérisé. L'usage de la force ou le fait que la reprise ait eu lieu de nuit n'est pas démontré avec l'évidence requise en référé et procède en tout état de cause d'un éventuel débat de fond.

Il en résulte que Mme [R] ne justifie pas d'une créance non sérieusement contestable au titre d'un préjudice moral, la première décision sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ce chef de demande.

Sur la demande au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive

M. [M] réclame la somme de 5.000 euros à ce titre.

La Selafa MJA considère que cette demande est irrecevable en ce qu'il ne justifie pas du respect des conditions des articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce.

M. [M] ne donne aucune explication sur ce point.

Dans l'hypothèse d'une procédure collective, la créance de dommages-intérêts pour procédure abusive trouve son origine dans la décision qui prononce la condamnation (Cass. com., 11 juin 2003, n° 00-21.775 ; Bull. civ. IV, n° 96).

En tout état de cause, la mauvaise appréciation qu'une partie a de ses droits n'est pas en elle-même constitutive d'un abus, Mme [R] s'étant bornée à exercer une voie de droit qui lui était offerte.

Cette demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le sens de la présente décision conduit à confirmer également les dispositions de l'ordonnance entreprise s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

A hauteur d'appel, Mme [R], partie perdante à titre principale, sera condamnée aux dépens mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [R] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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