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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 6 mai 2025, n° 23/02495

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ryb Solutions (SAS)

Défendeur :

Alcis Transports (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

Mme Guiroy, Mme Baylaucq

CA Pau n° 23/02495

5 mai 2025

Par jugement contradictoire du 30 août 2023, le tribunal judiciaire de Tarbes a :

- Prononcé la résolution du contrat de bail commercial régularisé par convention sous seing-privée du 28 juin 2021 entre la SAS RYB SOLUTIONS, bailleur, et SARL ALCIS TRANSPORTS, preneur,

- Condamné la SAS RYB SOLUTIONS à payer à la SARL ALCIS TRANSPORTS la somme de 7 500 euros représentant le montant du dépôt de garantie et celle de 6 240 euros représentant le loyer et les charges des mois d'août et septembre 2021,

- Condamné la SAS RYB SOLUTIONS à payer à la SARL ALCIS transports la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- Condamné la SAS RYB SOLUTIONS aux entiers dépens,

- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 15 septembre 2023, la SAS RYB SOLUTIONS a interjeté appel du jugement.

La société RYB SOLUTIONS , dans ses dernières conclusions du 28 juin 2024, demande à la cour d'appel de Pau de :

CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes uniquement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation du bail commercial,

RÉFORMER le jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau,

JUGER n'y avoir lieu à résolution du bail commercial conclu entre les parties,

DÉBOUTER la société ALCIS TRANSPORTS de toutes demandes ou prétentions contraires,

CONDAMNER la société ALCIS TRANSPORTS à verser à la société RYB SOLUTIONS la somme de 2 500' à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

CONDAMNER encore la société ALCIS TRANSPORTS à verser à la société RYB SOLUTIONS la somme de 4.000' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL ALCIS TRANSPORTS dans ses dernières conclusions du 21 janvier 2025, demande à la cour d'appel de Pau de :

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il rejette la demande de la société ALCIS TRANSPORTS tendant au prononcé de la nullité du bail commercial.

Statuant à nouveau, prononcer la nullité du contrat de bail commercial en date du 28 juin 2021 signé entre la SAS RYB SOLUTIONS, bailleur, et la SARL ALCIS TRANSPORTS, preneur,

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il prononce la résolution du contrat de bail commercial régularisé par convention sous seing-privé du 28 juin 2021 entre la SAS RYB SOLUTIONS, bailleur, et la SARL ALCIS TRANSPORTS, preneur,

En toute hypothèse :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il condamne la société RYB SOLUTIONS à payer à la société ALCIS TRANSPORTS la somme de 7 500 ' représentant le montant du dépôt de garantie et celle de 6 240 ' représentant le loyer et les charges des mois d'août et septembre 2021,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il condamne la société RYB SOLUTIONS à payer à la société ALCIS TRANSPORTS la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il condamne la société RYB SOLUTIONS aux entiers dépens,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il rejette toute autre demande plus ample ou contraire formulée par la société RYB SOLUTIONS.

Y ajoutant :

Condamner la société RYB SOLUTIONS à payer à la société ALCIS TRANSPORTS la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

Condamner la société RYB SOLUTIONS au entiers dépens de l'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 février 2025.

SUR CE

Selon contrat en date du 28 juin 2021, la SAS RYB SOLUTIONS a donné à bail commercial à la SARL ALCIS TRANSPORTS des locaux situés [Adresse 7] à [Localité 4], composés d'un terrain d'une surface de 4 000 m2 avec bureau d'une surface de 8 m2 et ce à compter du 1er août 2021. Ce contrat a été consenti pour une durée de neuf années, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 euros HT. Le contrat contient une clause de destination exclusive des biens loués à l'activité de parking pour autocars et bureaux.

La SARL ALCIS TRANSPORTS a procédé au paiement du dépôt de garantie de 7 500 euros, ainsi que des loyers et charges des mois d'août et septembre 2021 pour 6 240 euros TTC.

Au titre de difficultés liées à la configuration du terrain rendant impossible l'accès des autocars, d'un terrain non nettoyé et de bureaux non construits, la société SARL ALCIS TRANSPORTS a fait établir par Maître [X] commissaire de justice à [Localité 8], un procès-verbal de constat le 31 août 2021.

Parallèlement et par courrier du 1er septembre 2021, la société SARL ALCIS TRANSPORTS a questionné la mairie de [Localité 4] afin de savoir si la parcelle [Cadastre 5] qui desservait le parking était un chemin communal ou une propriété privée.

Par lettre du 20 septembre 2021, la mairie de [Localité 4] indiquait que ladite parcelle était une propriété privée appartenant à un tiers.

Le 14 octobre 2021 la SARL ALCIS TRANSPORTS a fait délivrer une sommation interpellative à la société RYB SOLUTIONS d'avoir à préciser si elle acceptait que la nullité du contrat soit constatée, ce à quoi la société RYB SOLUTIONS s'est opposée.

La SARL ALCIS TRANSPORTS a assigné, le 26 octobre 2021, la société RYB SOLUTIONS devant le tribunal judiciaire de Tarbes, aux fins de voir prononcer à titre principal la nullité du contrat, et à titre subsidiaire, la résolution de ce dernier.

Par jugement dont appel, le tribunal judiciaire de Tarbes a prononcé la résolution du contrat de bail commercial du 28 juin 2021, a condamné la SAS RYB SOLUTIONS à payer à la SARL ALCIS TRANSPORTS la somme de 7 500 euros représentant le montant du dépôt de garantie et celle de 6 240 euros représentant le loyer et les charges des mois d'août et septembre 2021, a condamné la SAS RYB SOLUTIONS à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la nullité du contrat de bail commercial

La SARL ALCIS TRANSPORTS se fonde sur l'article 1178 du code civil pour demander la nullité du bail commercial. Elle reproche à son cocontractant d'avoir été défaillant dans l'obligation d'information lui incombant lors de la régularisation du bail en application de dispositions légales du code de la construction et de l'habitation, du code de l'environnement et du code de commerce.

Elle considère que le défaut d'informations reproché à la bailleresse (absence de diagnostic énergétique, de l'état des risques naturels, de l'inventaire des charges, impôts, taxes et redevances liés au bail et du projet prévisionnel de travaux devant intervenir jusqu'à la première échéance triennal) est constitutif d'un dol ou à tout le moins d'une erreur sur les qualités essentielles du bien, déterminantes du consentement du preneur.

La société RYB SOLUTIONS soutient, en vertu des articles 1128, 1178, 1130, 1131 et 1137 du code civil, une absence de dol, considérant qu'aucune preuve de l'intention de tromper de sa part n'est rapportée par la partie adverse, ni du caractère déterminant des informations qui lui étaient dues.

Elle argue qu'en tant que professionnel du secteur du transport, la société SARL ALCIS TRANSPORTS a visité les lieux avant de conclure le bail, et a pu se convaincre de la possibilité d'y exercer son activité.

Elle fait valoir que s'agissant des divers documents qui doivent être annexés au bail commercial, la loi PINEL n° 2014-626 du 18 Juin 2014 ne prévoit aucune sanction spécifique en cas d'absence de communication de ces derniers au locataire. Selon elle, l'existence d'un vice du consentement ne saurait être déduite du seul manquement par le bailleur à son devoir de communiquer certains documents.

L'article 1178 du Code civil dispose que le contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul.

La nullité relative du contrat peut résulter d'un vice du consentement provoqué par le dol.

L'article 1137 du Code civil définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol, la dissimulation intentionnelle par un contractant d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement.

La Cour de cassation a rejeté une demande présentée par une société qui n'est pas un acquéreur profane et inexpérimenté dans le domaine de l'achat d'immeuble , qui a visité le logement et a pu procéder à toutes constatations utiles et avait signé le compromis en toute connaissance de cause.

En l'espèce, le contrat de bail conclu entre les parties le 28 juin 2021, prévoit en ce qui concerne la destination des locaux : « locaux à usage commercial, le locataire s'engage à ne pouvoir exercer dans les lieux loués que l'activité suivante : parking pour autocar et bureau.»

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 31 août 2021 que : « le terrain se trouve au fond d'une petite rue sans issue ou deux véhicules ne peuvent pas se croiser. Des riverains sont situés de part et d'autre. »

L'huissier a également constaté l'accès difficile pour les autocars obligeant les autocars à prendre un virage en angle droit et à man'uvrer, le chauffeur devant nécessairement s'y reprendre à plusieurs reprises pour tourner et être très vigilant jusqu'à l'entrée du terrain en raison de l'étroitesse de la voie.

Il a également été constaté que la parcelle devait être nettoyée en particulier l'emplacement sur lequel devaient se situer les bureaux .

Ces constatations ne permettent pas de déduire que le terrain ne peut être utilisé pour la destination prévue puisque l'accès des autocars n'est pas impossible même s'il est difficile et que l'implantation des bureaux n'est pas non plus inenvisageable après débroussaillage du terrain.

Il n'est pas démontré une man'uvre ou une intention de dissimuler des informations sur les caractéristiques de la chose louée sur lesquelles il appartenait au locataire, de se renseigner plus précisément en ce qui concerne la configuration des lieux et leur accessibilité si une simple visite des lieux ne lui suffisait pas pour vérifier leur conformité à l'usage auquel il les destinait.

Dans ces conditions la demande d'annulation du contrat sera rejetée.

Sur la résolution du contrat de bail pour inexécution de l'obligation de délivrance

La société RYB SOLUTIONS soutient, en considération des articles 1224 et 1227 du code civil, que la résolution judiciaire ne peut être prononcée que si l'inexécution revêt un degré de gravité suffisant. Selon elle, le manquement par le bailleur à son obligation d'annexer certains documents au contrat de bail ne saurait être de nature à caractériser la condition de gravité exigée. Elle soutient que ces documents ont une portée seulement informative.

Elle relève que le fait que la SARL ALCIS TRANSPORTS n'ait pas demandé à ce que les documents manquants lui soient communiqués fait peser le doute de la réelle importance de ces derniers pour elle, qui est un professionnel du secteur. En outre, selon elle, la SARL ALCIS TRANSPORTS ne rapporte pas l'existence d'un préjudice.

Elle reproche au premier juge d'avoir retenu le caractère essentiel de la remise de documents tel qu'il résulte de l'article R. 125-26 du code de l'environnement. Selon elle, il n'est pas possible de retenir le caractère essentiel de cette remise de documents dans la mesure où la SARL ALCIS TRANSPORTS a pu visiter le terrain avant de s'engager et qu'elle a accepté de signer le bail sans exiger aucun renseignement supplémentaire.

Elle fait valoir que le tribunal de Tarbes, pour prononcer la résolution contrat, s'est fondé à tort sur les dispositions des articles R. 125-26 et L. 125-5 du code de l'environnement. Selon elle le premier juge a fait un syllogisme infondé en combinant d'une part des documents administratifs, et, d'autre part l'accessibilité du terrain loué. Elle soutient que la remise ou non des documents exigés par le code de l'environnement n'a eu aucune conséquence, ni sur la conclusion du bail, ni sur son exécution postérieure.

Elle soutient que la parcelle est accessible aux poids lourds de tous gabarits et qu'il n'existe aucune entrave au passage vers, et depuis, la parcelle.

Elle en veut pour preuve un procès-verbal de constat d' huissier du 12 juin 2024 établissant que le [Adresse 6] prolongé est en nature de voirie bitumée en état d'usage.

La SARL ALCIS TRANSPORTS fait valoir que la remise des documents administratifs relatifs au bien loué constitue une obligation contractuelle essentielle, et qu'au visa des articles R. 125-26 et L. 125-5 du code de l'environnement, l'absence d'état des risques naturels et technologiques doit être sanctionnée par le prononcé de la résolution du contrat.

Elle argue de ce que la parcelle n'étant pas accessible pour des autocars, le bien loué ne peut être utilisé conformément à sa destination contractuelle. Elle se fonde sur les articles 1226 et 1227 du code civil pour demander la résolution du contrat de bail.

L'article 1224 du Code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave, d' une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Le contrat de bail commercial conclu entre les parties décrit les locaux constitués d'un terrain d'une surface de 4000 m² avec bureau d'une surface de 8 m².

Il est mentionné : « le LOCATAIRE déclare, en outre, bien connaître les lieux loués objet du présent bail pour les avoir vus et visités et, de ce fait, dispense le bailleur d'en faire plus ample désignation. »

La destination des locaux est précisée comme étant à usage commercial en ces termes : « le LOCATAIRE s'engage à ne pouvoir exercer dans les lieux loués que l'activité suivante : parking pour autocar et bureau. »

Le bail porte donc sur un terrain sur lequel est construit un bâtiment pour servir de parking et de bureau.

Le locataire ne démontre pas l'inexécution de son obligation de délivrance par le bailleur puisque le terrain est accessible par les autocars comme cela est établi par le constat d'huissier produit par le bailleur et il n'est pas argué de l'absence d'un local à usage de bureau.

Les arguments suivant lesquels des man'uvres sont nécessaires pour les autocars afin d'accéder au parking et que le terrain nécessite d'être nettoyé ne constituent pas la démonstration d'un empêchement majeur pour le locataire d'utiliser les lieux conformément à leur destination alors qu'il a eu l'occasion de visiter les lieux et que par mention au bail commercial il a déclaré bien les connaître pour les avoir vus et visités. En tant que professionnel des transports il lui appartenait de demander des renseignements complémentaires pour s'informer davantage sur les modalités d'utilisation du bien loué conformément à la destination contractuellement prévue.

Les conditions prévues pour la résolution judiciaire du contrat en cas d'inexécution suffisamment grave ne sont pas constituées et la demande de résolution judiciaire du contrat sera donc rejetée infirmant le jugement déféré.

Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil de la part de la société RYB SOLUTIONS

La société RYB SOLUTIONS demande, au visa de l'article 1231-1 du code civil, des dommages et intérêts considérant que la SARL ALCIS TRANSPORTS a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de sa relation contractuelle, lui causant un préjudice.

Selon elle, en signant le bail commercial, la SARL ALCIS TRANSPORTS a déclaré bien connaître les lieux loués et elle a parfaitement été en mesure d'apprécier si lesdits lieux correspondaient ou non à l'usage qu'elle souhaitait en faire.

La société RYB SOLUTIONS fait valoir la qualité de professionnel de son cocontractant, soulevant ainsi une mauvaise foi de sa part dans l'exécution du contrat.

La société RYB SOLUTIONS n' tablit pas l'existence ni la consistance de son préjudice évalué à la somme de 2500 ' ni la relation de causalité avec la mauvaise foi qu' elle impute à la SARL ALCIS TRANSPORTS.

Elle sera donc déboutée de ce chef de demande.

La somme de 3000 ' sera allouée à la société RYB SOLUTIONS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré,statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de bail commercial

Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et rejette la demande de résolution judiciaire du contrat de bail commercial conclu entre la SAS RYB SOLUTIONS et la SARL ALCIS TRANSPORTS.

Déboute la SAS RYB SOLUTIONS de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne la SARL ALCIS TRANSPORTS à payer à la société RYB SOLUTIONS la somme de 3000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit la SARL ALCIS TRANSPORTS tenue aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

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