CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 2 mai 2025, n° 24/12928
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Maison Du Pain Dupleix (SAS)
Défendeur :
La Cocheraie (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Masseron
Conseillers :
Mme Gaffinel, M. Birolleau
Avocats :
Me Allerit, Me Lallement
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Par acte du 16 novembre 1992, la société civile immobilière La Cocheraie a donné à bail commercial à M. [Z] [U] et Mme [V] [E] des locaux situés [Adresse 2] et [Adresse 1], dans le [Localité 6], moyennant un loyer annuel en principal de 120.000 francs, hors charges et hors taxes, payable à une fréquence mensuelle le premier jour de chaque mois.
Par acte du 16 décembre 2020, la société Maison du pain Dupleix a acquis le fonds de commerce.
Par acte délivré le 27 décembre 2023, le bailleur a fait délivrer à la société Maison du pain Dupleix un commandement, visant la clause résolutoire insérée au bail, de lui payer la somme de 23.060,88 euros en principal, au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois de décembre 2023 inclus, puis, par acte du 6 mars 2024, l'a faite assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré locatif.
Par ordonnance contradictoire rendue le 28 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 27 janvier 2024 à minuit ;
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Maison du pain Dupleix et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 2] et [Adresse 1], à [Localité 6], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;
- rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- condamné à titre provisionnel la société Maison du pain Dupleix à payer, à titre d'indemnité d'occupation due à compter de la résiliation du bail du 28 janvier 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
- condamné par provision la société Maison du pain Dupleix à payer à la société La Cocheraie la somme de 32.157,65 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 12 avril 2024 (terme du mois d'avril 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2023 sur la somme de 9.333,78 euros, à compter du 6 mars 2024 sur la somme de 17.458,47 euros et à compter du 15 avril 2024 pour le solde ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de provision ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;
- condamné la société Maison du pain Dupleix aux dépens de l'instance et à payer à la société La Cocheraie la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes les autres demandes des parties.
Par jugement rendu le 4 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Maison du pain Dupleix et a désigné Me [H], membre de la Selafa M.J.A, en qualité de mandataire judiciaire et Me [W], membre de la SCP [W]-Bouton, en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance.
Par déclaration du 11 juillet 2024, la société Maison du pain Dupleix a relevé appel de l'ordonnance de référé rendue le 28 juin 2024, en critiquant l'ensemble des chefs du dispositif sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes de provision et sur la demande formée au titre du dépôt de garantie.
Le 13 septembre 2024, la société La Cocheraie a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire pour un montant de 49.950,69 euros TTC.
Par acte remis et notifié le 18 septembre 2024, Me [W] ès qualités et Me [M] [H] ès qualités ont constitué avocat.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 11 février 2025, elle demande à la cour de :
- la dire recevable en son appel ;
- recevoir l'intervention volontaire de Me [M] [H], en qualité, membre de la Selafa M.J.A ès qualités de mandataire judiciaire de la société Maison du pain Dupleix et Me [X] [W] en qualité membre de la SCP [W]-Bouton, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Maison du pain Dupleix ;
- réformer l'ordonnance déférée sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, sur son expulsion, sur sa condamnation au paiement d'une provision de 32.157,65 euros, sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la confirmer en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes de provision et sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;
statuant à nouveau,
- débouter la société La Cocheraie de ses demandes relatives à l'acquisition de la clause résolutoire, à son expulsion et à sa condamnation à paiement, à titre provisionnel, de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation, au regard de la procédure de redressement judiciaire en cours ;
- la débouter, en toute hypothèse, de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions dont celles formées dans le cadre de son appel incident ;
subsidiairement,
- dire n'y avoir lieu à référé ;
- condamner la société La Cocheraie aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Éric Allerit, membre de la SELARL TBA, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 12 février 2025, la SCI La Cocheraie demande à la cour de :
à titre principal,
- déclarer irrecevable l'appel interjeté le 11 juillet 2024 par la société Maison du pain Dupleix ainsi que l'intervention volontaire des organes de la procédure collective ;
- déclarer irrecevables les conclusions, fins et prétentions des organes de la procédure collective pour défaut d'appel dans les délais ;
- débouter la société Maison du pain Dupleix, Me [M] [H], en qualité membre de la Selafa M.J.A, nommée aux fonctions de mandataire judiciaire de la société Maison du pain Dupleix et Me [X] [W], membre de la SCP [W]-Bouton, en qualité d'administrateur de la SAS Maison du pain dupleix de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
à titre subsidiaire,
- déclarer la société civile immobilière La Cocheraie recevable en son appel incident ;
- infirmer l'ordonnance entreprise sur la condamnation provisionnelle au titre de l'arriéré de loyers et d'indemnités d'occupation ;
statuant à nouveau,
- condamner, par provision, la société Maison du pain Dupleix à lui payer la somme de 49.950,69 euros au titre de ses arriérés de loyers, charges, indemnités d'occupation et accessoires antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 4 juillet 2024 ;
- la condamner, par provision, à lui payer la somme de 5.538,57 euros au titre de ses arriérés d'indemnités d'occupation, charges et accessoires postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 4 juillet 2024 ;
à titre infiniment subsidiaire,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné par provision la société Maison du pain Dupleix au paiement de la somme de 32.157,65 euros et a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de provision ;
statuant à nouveau,
- fixer ses créances au passif du redressement judiciaire de la société Maison du pain Dupleixà hauteur de 49.950,69 euros au titre de ses arriérés de loyers, charges, indemnités d'occupation et accessoires antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 4 juillet 2024 et de 5.538,57 euros au titre de ses arriérés d'indemnités d'occupation, charges et accessoires postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
en tout état de cause,
- la déclarer recevable en son appel incident ;
- ordonner la rectification de l'ordonnance entreprise comme suit :
' la mention « Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Maison du paix Dupleix et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 2] et [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ; » est remplacée par « Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Maison du pain Dupleix et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] et [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier » ;
' la mention « Condamnons à titre provisionnel la société Maison du paix dupleix à payer, à titre d'indemnité d'occupation due à compter de la résiliation du bail du 28 janvier 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ; » est remplacée par « Condamnons à titre provisionnel la société Maison du pain Dupleix à payer, à titre d'indemnité d'occupation due à compter de la résiliation du bail du 28 janvier 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires» ;
' la mention « Condamnons la société Maison du paix dupleix aux dépens de l'instance ; » est remplacée par « Condamnons la société Maison du pain Dupleix aux dépens de l'instance ; »
' la mention « Condamnons la société Maison du paix dupleix à payer à la société société La Cocheraie la somme 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » est remplacée par « Condamnons la société Maison du pain Dupleix à payer à la société société civile immobilière La Cocheraie la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de réouverture des débats, constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 27 janvier 2024 à minuit, ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l4ordonnance, l'expulsion de la société Maison du pain Dupleix et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] et [Adresse 1], à [Localité 6], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, ondamné à titre provisionnel la société Maison du pain Dupleix à payer, à titre d'indemnité d'occupation due à compter de la résiliation du bail du 28 janvier 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires, condamné la société Maison du pain Dupleix aux dépens de première instance, condamné la société Maison du pain Dupleix à payer à la société La Cocheraie la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance ;
- l'infirmer en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie et rejeté toutes les autres demandes de la société Le Cocheraie ;
statuant à nouveau,
- dire que le dépôt de garantie d'un montant de 7.199,50 euros égal à deux mois de loyer lui restera acquis à titre de premiers dommages et intérêts ;
- dire que les arriérés locatifs seront assortis d'un intérêt au taux légal à compter du commandement de payer du 27 décembre 2023 ;
- ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir, l'expulsion de la société Maison du pain Dupleix et de tous occupants de son chef des lieux loués, avec l'assistance de la force publique, si besoin est, et d'un serrurier, des locaux sis à [Adresse 2] et [Adresse 1], dans un immeuble sis à l'angle de ces deux voies ;
- ordonner le transport et la séquestration des biens meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tout garde-meubles au choix du bailleur et ce, aux frais, risques et périls de la société Maison du pain Dupleix pour sûreté du paiement des loyers, charges et indemnités d'occupation ;
- ordonner à la société Maison du pain Dupleix de rendre les lieux en parfait état de réparation et d'entretien et libres de tout mobilier, agencement, ou autre occupant de son chef ;
- dure qu'elle sera autorisée à conserver le montant du dépôt de garantie en raison de l'inexécution par la société Maison du pain Dupleix de ses obligations à titre de premiers dommages et intérêts ;
- débouter la société Maison du pain Dupleix, Me [H] ès qualités et Me [W] ès qualités de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel ;
- subsidiairement, fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Maison du pain Dupleix sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel à la somme de 3.000 euros ;
- condamner la société Maison du pain Dupleix aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Me [W] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Maison du pain Dupleix et Me [M] [H] ès qualités de mandataire judiciaire de cette société ont constitué avocat le 18 septembre 2024 et n'ont pas conclu.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2025.
En cours de délibéré, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce au présent litige et sur le sort de l'action engagée par la société La Cocheraie à l'encontre la société Maison du pain Dupleix, en redressement judiciaire.
Par note remise et notifiée le 3 avril 2025, la société Maison du pain Dupleix, Me [W] ès qualités d'administrateur judiciaire et Me [M] [H] ès qualités de mandataire judiciaire font valoir qu'il convient que la cour opére une distinction entre la demande de résiliation du bail et d'expulsion du locataire, qui n'est plus recevable du fait de la procédure collective, et la demande en paiement des loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, laquelle est recevable mais ne peut aboutir qu'à l'inscription de sa créance au passif du redressement judiciaire ainsi que l'a jugé la Cour de cassation par un arrêt rendu le 3 juillet 2024.
Par note remise et notifiée le 5 avril 2025, la société La Cocheraie indique que, par suite de l'ouverture du redressement judiciaire, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action engagée antérieurement ; elle invoque à nouveau l'irrecevabilité de l'appel de la société Maison du pain Dupleix et l'irrecevabilité des interventions volontaires des organes de la procédure collective.
Par arrêt rendu le 9 avril 2025, la cour a ordonné la réouverture des débats devant une autre composition de la cour en raison de l'incompatibilité de l'un des membres de la formation de jugement.
SUR CE, LA COUR,
Sur la recevabilité de l'appel et de l'intervention des organes de la procédure
En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen visant à faire déclarer son contradicteur irrecevable, sans examen au fond, notamment pour défaut de qualité à agir.
Aux termes de l'article 126, alinéa 2, du même code, il ne peut y avoir régularisation que si la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance avant toute forclusion.
La société La Cocheraie soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par la société Maison du pain Dupleix aux motifs que :
- en matière de voie de recours ou d'action introduite par le débiteur en redressement judiciaire bénéficiant d'un administrateur avec une mission d'assistance, la voie de recours n'est valablement formée et n'est donc recevable que si elle est conjointement exercée par le débiteur et son administrateur judiciaire qui l'assiste ;
- l'ordonnance de référé du 28 juin 2024 ayant été signifiée à la société Maison du pain Dupleix par acte en date du 3 septembre 2024 et à Me [W] par acte en date du 10 septembre 2024, aucune nouvelle déclaration d'appel n'a été régularisée dans les délais impartis, soit au plus tard le 18 septembre 2024 pour la société Maison du pain Dupleix et le 25 septembre 2024 pour Me [W] ;
- l'intervention volontaire des organes de la procédure ne peut régulariser la procédure car ces organes interviennent sur une déclaration d'appel irrecevable et qu'à ce jour, ils n'ont pas conclu au fond et sont irrecevables à le faire.
La société Maison du pain Dupleix conclut au rejet de la demande d'irrecevabilité en opposant que :
- le débiteur peut former seul le recours dès lors que l'administrateur intervient à la procédure avant l'expiration du délai pour exercer le recours que la signification de la décision à ce mandataire a fait courir, comme tel est le cas en l'espèce, Me [W] étant intervenu volontairement à la procédure par constitution régularisée le 18 septembre 2024 et ayant dument conclu le 19 septembre 2024 ;
- en tout état de cause, le débiteur peut, à raison de son droit propre, agir seul dans une instance tendant à la condamnation au paiement d'une dette pour une cause antérieure au jugement d'ouverture.
L'article. L. 631-12 du code de commerce dispose : 'Outre les pouvoirs qui leur sont conférés par le présent titre, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal. Ce dernier les charge ensemble ou séparément d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise. (...)'
En vertu des pouvoirs dont il reste investi, le débiteur en redressement judiciaire peut formaliser, sans l'assistance de l'administrateur désigné avec une mission d'assistance pour les actes de gestion, un appel contre les décisions statuant sur l'existence et le montant d'une créance déclarée au passif de la procédure collective, pour autant qu'il le fasse en présence des organes de la procédure et que l'appel soit régularisé par l'intervention de ces derniers avant l'expiration du délai prescrit pour exercer le recours que la signification de la décision à ces mandataires a fait courir.
Il résulte des pièces produites que :
- par jugement rendu le 4 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Maison du pain Dupleix en redressement judiciaire et a désigné Me [W] en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance, et Me [H] en qualité de mandataire judiciaire ;
- la société Maison du pain Dupleix a interjeté appel le 11 juillet 2024 sans l'assistance de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire désignés ;
- par acte en date du 10 septembre 2024, l'ordonnance rendue le 28 juin 2024 par le tribunal de commerce de Paris a été signifiée à Me [H] par acte du 3 septembre 2024 et à Me [W] par acte du 10 septembre 2024 ;
- Me [W] ès qualités et Me [H] ès qualités ont constitué avocat le 18 septembre 2024.
Il est constant que la société Maison du pain Dupleix a interjeté appel sans l'assistance des organes de la procédure de redressement judiciaire.
Me [W] et Me [H] ès qualités étant toutefois régulièrement intervenus à l'instance d'appel le 18 septembre 2024, soit avant l'expiration du délai d'appel qui leur était imparti, il s'en déduit que le recours de la société Maison du pain Dupleix a été exercé en présence des organes de la procédure.
L'appel formé par la société Maison du pain Dupleix doit dès lors être déclaré recevable. La cour dira également recevable l'intervention volontaire de Me [W] et de Me [H] ès qualités.
Sur les demandes de la société La Cocheraie
Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce :
'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus'.
Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Maison du pain Dupleix est intervenu le 4 juillet 2024. Il en résulte que la décision rendue le 28 juin 2024 n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas, à la différence de l'instance au fond, une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur - l'instance en cours étant celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance, exclusive de toute condamnation provisionnelle - de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement échappant au pouvoir du juge des référés en application de l'article L. 622-21 du code de commerce qui pose le principe d'arrêt des poursuites tendant au paiement d'une somme d'argent (Com., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-13.210, Bull. 2018, IV, n° 100).
Il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé, sans possibilité de 'fixation de la créance' de la SCI La Cocheraie au titre de l'arriéré locatif antérieur au jugement de redressement judiciaire, comme celle-ci le demande à titre subsidiaire.
L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés et de rejeter la demande formée par l'intimée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables l'appel de la société Maison du pain Dupleix et les interventions volontaires de Me [W] et Me [H] ès qualités ;
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI La Cocheraie ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés ;
Rejette la demande formée par la SCI La Cocheraie en application de l'article 700 du code de procédure civile.