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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 6 mai 2025, n° 23/04621

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Kinto France (SAS)

Défendeur :

BDR & Associes (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerlot

Vice-président :

M. Roth

Conseiller :

Mme Cougard

Avocats :

Me Kaya, Me Charluet-Marais

T. com. Nanterre, 5e ch., du 11 avr. 202…

11 avril 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 janvier 2020, la société Kinto France (anciennement Toyota Fleet Mobility) a donné en location longue durée à la SARL Rinaltezza un véhicule Toyota Corolla Touring Sport Hybride, immatriculé [Immatriculation 6], pour une durée de 24 mois, moyennant un premier loyer de 4 240 euros TTC puis 23 loyers mensuels de 303,51 euros TTC. Après sa prise en possession en mars 2020, le véhicule est tombé en panne et a été remorqué par un dépanneur.

Estimant que ce dernier avait commis une mauvaise manipulation, la société Kinto France a refusé de prendre en charge le coût de la réparation.

Le 1er mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Rinaltezza et a désigné la SELARL BDR & Associés, prise en la personne de M. [M], en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Rinaltezza a assigné la société Kinto France devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 2 novembre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné la société Kinto à payer à la société Rinaltezza la somme de 7 059,05 euros en remboursement des loyers relatifs au véhicule loué hors d'état de fonctionnement et la somme de 2 182,99 euros à titre de remboursement des frais d'assurance automobiles exposés ;

- débouté la société Rinaltezza de sa demande de paiement par Kinto de la somme de 2 425,58 euros au titre de frais de location de véhicule de remplacement ;

- débouté Rinaltezza de sa demande de paiement par Kinto de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- condamné Kinto aux dépens et à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 13 décembre 2022, la société Rinaltezza a déposé une requête en omission de statuer.

Le 11 avril 2023, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- prononcé la nullité de la clause 19-1 des conditions générales du contrat de location longue durée signé le 27 janvier 2020 entre les sociétés Rinaltezza et Kinto France en raison de son caractère abusif au sens de l'article R. 221-1 du code de la consommation ;

- prononcé la résiliation du contrat du 27 janvier 2020 ;

- débouté la société Kinto France de sa demande d'expertise ;

- dit que les dépens resteront à la charge du Trésor public.

Le 4 juillet 2023, la société Kinto France a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause 19-1 des conditions générales du contrat de location longue durée signé le 27 janvier 2020 entre les sociétés Rinaltezza et Kinto France en raison de son caractère abusif au sens de l'article R. 221-1 du code de la consommation.

Par dernières conclusions du 29 août 2023, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit :

- infirmer le jugement du 11 avril 2023 en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause 19.1 des conditions générales du contrat de location longue durée signé le 27 janvier 2020 entre elle et la société Rinaltezza en raison de son caractère abusif au sens de l'article R. 221-1 du code de la consommation ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Rinaltezza représentée par son liquidateur, la société BDR & Associés, de sa demande nullité de la clause 19.1 des conditions générales du contrat de location longue durée signé le 27 janvier 2020 en raison de son caractère abusif au sens de l'article R. 221-1 du code de la consommation ;

- condamner la société BDR & Associés, en sa qualité de liquidateur de la société Rinaltezza, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à la société Rinaltezza le 4 septembre 2023 par remise à tiers présent à domicile.

Celle-ci n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 décembre 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

1- Sur l'annulation de l'article 19-1 des conditions générales déclarée abusive par le tribunal

La société Kinto France expose que le contrat litigieux qu'elle a conclu avec la société Rinaltezza est un contrat de location longue durée ; que si l'article R. 212-5 du code de la consommation étend les dispositions du code de la consommation à toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, la société Rinaltezza est une société commerciale ; que selon la jurisprudence, une société commerciale n'agit jamais en dehors de son activité commerciale ; que la société Cabinet Rinaltezza ne peut donc bénéficier des dispositions du code de la consommation.

Réponse de la cour

L'article liminaire du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause dispose :

" Pour l'application du présent code, on entend par :

- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

- non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. "

L'article L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation dispose :

Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'article L. 212-2 du même code prévoit :

Les dispositions de l'article L. 212-1 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels.

Les articles R. 212-1 à R. 212-4 de ce code définissent les clauses présumées abusives et les contrats auxquels le régime des clauses abusives ne s'applique pas.

L'article R. 212-5 de ce code prévoit :

Les dispositions des articles R. 212-1 à R. 212-4 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels.

Pour définir la notion de non professionnel au sens du code de la consommation, la chambre commerciale et la première chambre civile de la Cour de cassation retiennent le critère du rapport direct du contrat avec l'activité exercée par le contractant (Com., 14 mars 2000, n° 97-16.299 ; Com., 11 octobre 2023, n° 22-10.521).

La chambre commerciale de la Cour de cassation juge en outre que les dispositions de l'article L. 132-1 [ancien] du code de la consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de service conclus entre sociétés commerciales (Com., 3 décembre 2013, n° 12-26.416).

Elle retient qu'est un non-professionnel, au sens l'article L. 132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, une personne morale qui n'agit pas pour les besoins de son activité professionnelle (Com., 16 octobre 2024, n° 23-20.114).

En l'espèce, le contrat de location longue durée d'un véhicule signé le 30 janvier 2020 avec la société Toyato Fleet est en rapport direct avec l'activité de la société Rinaltezza puisqu'il est nécessaire à la réalisation de l'objet social de cette dernière, peu importe qu'elle ne soit pas spécialisée dans la location automobile.

De là, il résulte que celle-ci n'est pas un non-professionnel au sens de l'article L. 212-2 précité de sorte qu'elle ne pouvait pas se prévaloir des dispositions du code de la consommation sur les clauses abusives.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la clause 19-1 des conditions générales du contrat de location en raison de son caractère abusif au sens de l'article R. 221-1 du code de la consommation

2- Sur les demandes accessoires

L'équité et la solution du litige commande de condamner la société Rinaltezza à payer à la société Kinto France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par défaut, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement en ce qu'il a annulé l'article 19-1 des conditions générales du contrat de location conclu le 27 janvier 2020 entre la société Rinaltezza et la société Kinto France ;

Y ajoutant

Condamne la société Rinaltezza aux dépens ;

Condamne la société Rinaltezza à payer à la société Kinto France la somme de 1 500 euros.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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