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CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 30 avril 2025, n° 22/07598

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/07598

30 avril 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 30 AVRIL 2025

(n° 2025/ 76 , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07598 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFU4Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er mars 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] - RG n° 19/02309

APPELANTE

S.A. CF PROFINA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 393 994 074

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Sébastien DUFAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B265

INTIMÉS

Monsieur [O] [H]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8] (92)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Marie ABLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2051

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS du MANS sous le numéro 775 652 126

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.A. MMA IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS du MANS sous le numéro 440 048 882

[Adresse 2]

[Localité 6]

Toutes deux représentées par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, ayant pour avocat plaidant Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS, AMSALLEM, JONATH, FLAICHER ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : J10, substitué à l'audience par Me Yagmur OZDILEKCAN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame FAIVRE, Présidente de Chambre

Monsieur SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame CHANUT

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame CHANUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA PROFINA, devenue la SAS CF PROFINA, a pour activité la mise en place de programmes d'investissement en outre-mer, dans le cadre des dispositions fiscales spécifiques à ces territoires et départements.

Les sociétés en participation (SEP) COFINA 05609 et 05709 ont été constituées par la société PROFINA et ses filiales, les SNC COFINA 056 et 057, avec pour objet la location de longue durée, à des entreprises exerçant leur activité dans les DOM-TOM, de biens d'équipement professionnels éligibles aux dispositions de l'article 199 undecies A&B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts. Ce mécanisme permet à des particuliers domicilés en métropole de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu, en procédant à des investissements en outre-mer consistant à acquérir, par le biais de SNC ou de SEP, des biens immobiliers neufs et à les louer à des artisans et industriels locaux.

La SNC COFINA 056 a été désignée en qualité de gérant de la SEP COFINA 05609 et avait la qualité de propriétaire des biens qu'elle acquiert en vue de la réalisation de l'objet social de la SEP. La SNC COFINA 057 a été désignée avec les mêmes pouvoirs pour la SEP COFINA 05709.

Toutes les parts du capital de la SEP COFINA 05609, sauf une, ont été cédées, dont 208 parts à M. [O] [H].

De même, toutes les parts du capital de la SEP COFINA 05709, sauf une, ont été cédées, dont 208 parts à M. [O] [H].

La société PROFINA a demandé à M. [H] en sa qualité de nouvel associé, de verser en compte courant au profit de COFINA 05609 et COFINA 05709, la somme totale de 60 586 euros dont les 2/3 environ, c'est à dire 40.154 euros ont été affectés aux SEP COFINA 05609 et COFINA 05709 pour l'acquisition de matériels.

Le 24 novembre 2009, la SEP COFINA 05609 a acheté à la société EXCIUM, via la SNC COFINA 056, deux logiciels de supervisions moyennant le prix de 211 992,73 euros.

A la même date, la SEP COFINA 05709 s'est également portée acquéreur, via la SNC COFINA 057, auprès de la même société EXCIUM, de quatre logiciels de supervisions, pour un prix de 223 059,73 euros.

Le 25 novembre 2009, les SNC COFINA 056 et COFINA 057 ont chacune conclu avec la société VSM un contrat de location d'une durée de 5 ans sur les logiciels en question, moyennant un loyer semestriel, respectivement, de 14 653,70 euros et de 15 418,70 euros hors taxes.

Les SNC COFINA 056 et 057 ont versé à la société EXCIUM le solde du prix de vente, soit les sommes de 65 454 euros et 68 870,98 euros, provenant des versements effectués par les associés au compte courant des SEP concernées.

Le 25 septembre 2012, l'administration fiscale a notifié à M. [O] [H] une proposition de rectification, en ce que le matériel acquis auprès de la société EXCIUM ne remplit pas les conditions prévues à l'article 199 undecies B du code général des impôts, remettant en cause les investissements ouvrant droit au crédit d'impôt au titre de l'exercice 2009, à hauteur de 247 289 euros aux motifs qu'il n'a pas été possible pour les services des impôts, d'effectuer les opérations de contrôle envisagées et ainsi qu'il ne se trouve pas justifié d'une continuité d'exploitation des matériels. En conséquence, l'administration fiscale a formé un rappel à concurrence de 18 771 euros, à savoir 16 000 euros de droits, 1 171 euros d'intérêts de retard et 1 600 euros de majoration au sens de l'article 1758 A du code général des impôts.

La société PROFINA avait souscrit un contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle, modifié par un avenant n° 4 à effet au 1er janvier 2013, auprès de la compagnie COVEA RISKS, aux droits de laquelle se trouvent désormais la

SA MMA IARD et la SAMCV MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, à la suite d'une opération de fusion-absorption et de cession de portefeuilles.

C'est ainsi que par acte du 24 janvier 2019, M. [O] [H] a fait assigner PROFINA ainsi que la SA MMA IARD et la SAMCV MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris, afin qu'elles soient solidairement condamnées, avec exécution provisoire, à lui payer :

- à titre principal, la somme de 50 374 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la perte de la réduction fiscale consécutive à l'investissement pour l'année 2009 ;

- à titre subsidiaire, celle de 40 154 euros à titre de dommages-intérêts, en compensation des sommes versées aux SEP COFINA 05609 et COFINA 05709 au titre des comptes courants d'associé ;

- en outre, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal correctionnel de

Fort-de-France a condamné M. [P] [N], gérant de la société VSM, pour des faits d'abus de confiance commis entre le 8 octobre 2009 et le 11 février 2020, et portant sur des matériels informatiques qui lui avaient été remis pour en faire un usage particulier.

Par jugement du 1er mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- donné acte à la SA MMA Iard et la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles de leur intervention volontaire ;

- condamné la SA PROFINA à payer à M. [O] [H] la somme de 40 154 euros ;

- rejeté les demandes formées par la SA PROFINA et M. [O] [H] à l'encontre de la SA MMA Iard et de la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles ;

- condamné la SA PROFINA aux dépens ainsi qu'à payer à M. [O] [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de la SA MMA Iard et de la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique du 13 avril 2022, enregistrée au greffe le 2 mai 2022, la SAS CF PROFINA a interjeté appel total du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [H] la somme de 40 154 euros, a rejeté ses demandes de garantie à l'encontre de la SA MMA IARD et la SAMCV MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et l'a condamnée à payer à M. [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions d'appelant complétives et récapitulatives, notifiées par voie électronique le 11 octobre 2024, la SAS CF PROFINA demande à la cour de :

- recevoir la CF PROFINA en son appel et en ses prétentions ;

Y faisant droit

- INFIRMANT le jugement du 1er mars 2022 ;

A titre principal,

- dire et juger que CF PROFINA n'était débitrice d'aucune obligation de résultat à l'égard de M. [H] et n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité ;

- débouter M. [H] de toutes prétentions présentes dirigées contre CF PROFINA ;

En toutes hypothèses,

- condamner les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à relever et garantir la société CF PROFINA, pour l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre en principal, intérêts frais et accessoires, au profit de M. [H], et ce dans la limite des termes de sa police ;

- à ce titre, dire et juger que le montant de la franchise qui viendrait à s'imputer sur l'indemnisation mise à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, s'établit à la somme unique de 22 000 euros, et doit s'imputer sur la demande de paiement du premier associé des SEP/SNC concernées ayant obtenu un titre exécutoire consacrant sa créance d'indemnisation ;

- condamner la partie qui succombera dans ses demandes à payer à la société CF PROFINA, la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 10 septembre 2024,

M. [O] [H] demande à la cour, au visa des articles 1147 (ancien), 1103, 1104, 1231-1 et 1231-2 du code civil ainsi que de l'article L. 124-3 du code des assurances, de :

- recevoir M. [H] en son appel incident et en ses prétentions ;

Y faisant droit,

- CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er mars 2022 en ce qu'il a :

* constaté que la société PROFINA a souscrit auprès de M. [H] une obligation de résultat consistant à lui faire bénéficier de la réduction fiscale promise ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour jugerait que la société PROFINA n'était débitrice d'aucune obligation de résultat à l'égard de M. [H] ;

* constater que la société PROFINA a commis un défaut de conseil et des négligences concernant les investissements faits à travers les SEP COFINA 05609 et COFINA 05709, en n'exposant pas les risques fiscaux et en n'assurant pas le suivi de la mise en location des logiciels objets de l'investissement ;

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement intervenu en ce qu'il a :

* condamné la société PROFINA à payer à M. [H] des dommages intérêts en réparation du préjudice subi ainsi que 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* INFIRMER le jugement critiqué sur le montant des indemnités allouées à M. [H] et en ce qu'il a rejeté ses demandes à l'encontre des assureurs MMA IARD et

MMA IARD Assurances Mutuelles ;

En conséquence,

- condamner solidairement la société PROFINA et ses assureurs MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [H] à titre d'indemnisation pour la perte de la réduction fiscale consécutive aux investissements auxquels il avait participé pour l'année 2009 à travers les SEP COFINA 05609 et COFINA 05709, la somme de

50 374 euros, à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022 ;

A titre subsidiaire, si par improbable la cour devait estimer que la perte d'une réduction fiscale ne constitue par un chef de préjudice indemnisable ;

- condamner solidairement les sociétés PROFINA et MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [H] à titre de dommages intérêts en compensation des sommes versées aux SEP COFINA 05609 et COFINA 05709, au titre de comptes courants d'associé, la somme de 40 154 euros, à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022 ;

En toutes hypothèses,

- prononcer la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouter les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et PROFINA de toutes demandes dirigées contre M. [H] ;

- condamner solidairement PROFINA, MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions d'intimées récapitualtives, notifiées par voie électronique le

5 janvier 2023, la SA MMA IARD et la SAMCV MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent à la cour, au visa notamment de l'article 1147 du code civil (ancienne version), de :

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société PROFINA et M. [H] à l'encontre des MMA ;

- INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus ;

En conséquence,

A TITRE PRINCIPAL :

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société PROFINA et M. [H] à l'encontre des MMA, résultant du non-respect par PROFINA de son engagement à rembourser les investisseurs du montant de l'apport correspondant à l'opération défaillante ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- juger que la société PROFINA n'a commis aucune faute à l'égard de l'investisseur ;

- juger que le préjudice de l'investisseur n'est pas établi ;

- juger que le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués n'est pas établi ;

En conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes formées à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ;

- juger que les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES assurent la responsabilité civile professionnelle de la société PROFINA dans la limite globale de la somme de 2 000 000 d'euros par sinistre et par an, stipulée aux termes de l'avenant n° 4 à effet au 1er janvier 2013, soit un seul plafond de 2 000 000 d'euros pour les deux sinistres, et ce, après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au titre des autres réclamations répondant de ces mêmes sinistres, au sens contractuel, intervenues au jour de ladite condamnation ;

- juger que, dans le cas où le tribunal devait retenir la responsabilité de la société PROFINA, la franchise d'un montant global de 60 000 euros, stipulée aux termes de l'avenant n° 4 à effet au 1er janvier 2013 au contrat d'assurance souscrit par la société PROFINA au profit de la compagnie COVEA RISKS aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA, s'applique dans le cadre des sinistres résultant de la souscription dans les SEP 056 et 057, soit deux franchises de 60 000 euros, et que, dans le cas où la globalisation ne devait pas être retenue, les franchises sont entièrement déduites des condamnations éventuellement prononcées ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- juger que toute garantie de responsabilité civile au titre du contrat d'assurance souscrit par PROFINA auprès des MMA serait exclue, dans le cas où la cour devait relever une faute intentionnelle ou dolosive de PROFINA ou un manquement à une obligation de résultat ;

- débouter l'intégralité des demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre des MMA;

- condamner M. [H] à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] aux entiers dépens de l'instance.

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelante (la SAS CF PROFINA) sollicite l'infirmation du jugement, faisant notamment valoir que :

- elle n'a pas manqué à une obligation de résultat ; il n'incombait à CF PROFINA qu'une simple obligation de moyens, ne pouvant garantir les différents aléas pouvant survenir, notamment dans le défaut d'information obtenu par l'administration fiscale auprès de locataires, ou encore dans l'existence d'erreurs ou fraudes comptables commises par un fournisseur de matériels ou dans l'état du matériel au moment de son acquisition ; conformément à l'ancien article 1147 du code civil, le tribunal aurait dû rechercher l'éventualité d'une faute commise par CF PROFINA et engageant sa responsabilité ;

- elle n'a commis aucune faute exposant sa responsabilité et les préjudices allégués sont mal fondés ;

- elle justifie avoir satisfait à l'ensemble de ses obligations, notamment au titre de la finalisation des investissements, leur mise en exploitation et leur pérennité ; les seuls motifs retenus par l'administration fiscale résultent de la situation personnelle du locataire VSM, dont il semble établi qu'en 2009, année de la réalisation des investissements, il a dissimulé que les matériels étaient destinés à la société VIDEAUREMA (également dirigée par son gérant M. [P] [N]) qui n'a conclu aucun accord avec les SEP concernés et qui, depuis lors a permis aux matériels de disparaitre par cession des actifs de cette société à la société SVDC ; ce manquement, imputable au locataire et aux sociétés VIDEAUREMA et SVDC, ne pouvait être mis au jour qu'après réalisation de l'opération d'investissement ainsi qu'après acquisition et imputation de la réduction fiscale ; le retard des SNC et de leur dirigeant dans la prise de connaissance des faits et des agissements des consorts [N] est logique, en présence de tels faits ayant conduit à la condamnation de M. [N], représentant légal de VSM et VIDEAUREMA mais également fils du dirigeant de SVDC, du chef d'abus de confiance ; il ne peut être opposé à PROFINA, victime au même titre que les SNC de ces agissements, un quelconque manquement à ses obligations en matière d'éligibilité des matériels et des locataires aux dispositions de l'article 199 undecies B du CGI ;

- quant aux préjudices allégués, M. [H] prétend à la compensation intégrale des sommes qu'il a dû payer à l'administration fiscale, au titre de la réintégration dans ses revenus pour l'année 2009 de la réduction fiscale déduite de ceux-ci, et des majorations et intérêts qui en sont la conséquence ; les assureurs ont justement exposé que la réparation à laquelle une victime supposée peut prétendre, n'est en effet pas destinée à lui procurer une situation meilleure par rapport à celle qu'il aurait eue si une faute n'avait pas été commise ; la jurisprudence n'admet pas comme préjudice indemnisable la perte de l'avantage fiscal escompté, le paiement des intérêts de retards et majorations attachés au redressement fiscal et le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ; ne justifiant pas d'un préjudice indemnisable, M. [H], toujours associé au capital des deux SNC COFINA 056 et COFINA 057, ne peut pas réclamer le remboursement des sommes versées en compte courant d'associé qui ont été bien employées par les SNC comme convenu ;

- sur la mobilisation de la garantie de son assureur responsabilité civile professionnelle, PROFINA relève que, s'il était retenu à son encontre par la cour une faute quelconque ayant directement causé le préjudice allégué par M. [H] ou un non-respect d'obligations de résultat, les assureurs devront la garantir pour l'intégralité des conséquences à venir de la présente action, en application des dispositions de la police souscrite par la SAS CF PROFINA auprès de COVEA RISKS le 1er avril 2005 ; elle relève à cet égard qu'elle revêt la qualité d'assuré (page 3 et 4, point VII, de la police), que l'activité déclarée est précisément celle qui a généré le sinistre en cause (page 3 de la police) et qu'il est expressément prévu que la garantie de COVEA RISKS-MMA IARD couvre la responsabilité civile professionnelle de CF PROFINA (Chapitre II article A, page 6 de la police) ; également, si le tribunal considère comme exclu de la garantie

le non-respect d'une obligation de résultat, il le fait en s'appuyant sur le Chapitre II.B (page 6 de la police), dont la formulation induit pourtant que seules les obligations d'obtention d'un résultat ou d'une performance en matière commerciale, de produit ou de quantification de service rendu sont effectivement exclus, mais pas les erreurs, omissions ou inexactitudes commises par l'assuré ; or, c'est bien une suite d'erreurs par omission qui est reprochée à CF PROFINA ; les assureurs sont donc mal fondés à exciper de cette exclusion qui ne s'applique pas aux manquements opposés à la

SAS CF PROFINA ;

- sur la franchise, en matière d'assurance, le dommage est constitué par le fait générateur, qui est l'événement à l'origine du dommage, lequel est en l'espèce survenu au plus tard à la date de notification du redressement fiscal envisagé, soit le 25 septembre 2012 ; or, les conditions de garantie devant être appréciées à la date du ou des faits générateurs, l'avenant n° 4 à la police prenant effet le 1er avril 2013 n'est pas applicable ; partant, le montant de la franchise pour les opérations fiscales supérieures à 100 000 euros, prévu dans la police de 2005 en page 8, Chapitre C, est fixé à 22 000 euros, et non à 40 000 euros ou 60 000 euros comme le soutiennent les MMA, étant précisé que le montant de la franchise ne saurait être doublé du fait de la mise en cause de deux SNC/SEP, puisque c'est la même police qui s'applique et le même associé (M. [H]) qui tire argument de la réintégration fiscale qui lui a été notifiée le 25 septembre 2012, de sorte qu'il s'agit du même sinistre.

L'intimé M. [O] [H] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté que la SAS CF PROFINA a souscrit auprès de lui une obligation de résultat consistant à lui faire bénéficier de la réduction fiscale promise, mais son infirmation quant au montant des indemnités allouées et au rejet de ses demandes à l'encontre des assureurs, répliquant notamment que :

- il résulte du dossier commercial, établi par la société PROFINA et dont les termes l'engagent, qu'elle est tenue à une obligation de résultat consistant à la parfaite exécution des conditions requises pour faire bénéficier à M. [H] de la réduction fiscale promise ;

- la SAS CF PROFINA a commis une faute engageant sa responsabilité en ne contrôlant pas l'exploitation effective des biens mis en location, en application de l'article 1147 ancien du code civil ; en effet, elle se devait de s'assurer du sérieux de l'activité, de la solvabilité des locataires potentiels et de leur capacité à remplir les obligations prévues au contrat de location ; elle avait aussi pour charge de s'assurer de la conservation des matériels et de leur exploitation pendant toute la durée nécessaire à la confirmation de la réduction fiscale obtenue par les associés de COFINA 05609 et COFINA 05709,

c'est-à-dire pendant 5 années ; or, elle a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard des associés de ces deux SEP ; d'une part, le montage financier permettant l'acquisition et la mise en location des biens tel qu'élaboré par la société PROFINA n'était pas conforme aux dispositions de l'article 199 undecies du CGI ouvrant droit à réduction d'impôt et, d'autre part, les contrats de location conclus avec VSM, n'ont pas donné lieu, à une exécution par ce locataire pendant la durée légale à laquelle il s'était obligé, ni à un règlement des loyers ; aussi, la SAS CF PROFINA a manqué à ses obligations essentielles à l'égard des investisseurs avec lesquels elle avait contracté, en ne réalisant pas et en ne s'assurant pas de la sécurisation de l'opération d'investissement qui a été proposée à ces investisseurs, dont M. [H], et qui devait leur permettre d'obtenir une réduction d'impôt ; par conséquent, ses manquements dans le suivi et la surveillance des matériels des SNC COFINA 056 et COFINA 057 engagent la responsabilité de la

SAS CF PROFINA ;

- subsidiairement, la SAS CF PROFINA a également commis une faute engageant sa responsabilité en manquant à son devoir d'information et de conseil, en vertu des articles L. 541-1,I.4° et L. 533-12 du code monétaire et financier ; se présentant comme une société spécialisée dans l'activité de la « vente de produits de défiscalisation dans le cadre de la loi [J] », la SAS CF PROFINA est tenue d'une obligation d'information et de conseil à l'égard des investisseurs ; or, à aucun moment le risque de reprise fiscale n'est clairement abordé dans le dossier commercial qui leur est remis ; la société PROFINA a ainsi violé l'obligation d'information et de conseil qui lui incombait en sa qualité de professionnel à l'égard de particuliers non avertis mais également de conseillers en investissement financier ;

- sur le préjudice de M. [H], il est fondé à en solliciter la réparation en ce qu'il s'agit d'un préjudice indemnisable ; en effet, une partie qui manque à ses obligations contractuelles doit assurer la réparation intégrale du préjudice résultant de ses manquements ; c'est ainsi que plusieurs cours d'appel ont admis la réparation du préjudice à hauteur du montant total du redressement fiscal, intégrant les pénalités et les intérêts de retard, considérant qu'il existait un lien direct entre les manquements de la société PROFINA, notamment à son devoir d'information et de conseil, et la perte qui en a résulté, à savoir la reprise de la réduction d'impôt ; en l'espèce, il existe bien un lien de causalité entre le préjudice allégué par M. [H], et les manquements de la SAS CF PROFINA, car, si cette dernière avait rempli ses engagements en ce qui concerne le montage de l'opération d'investissement, le suivi et la surveillance des investissements, alors, d'une part, la réduction d'impôt promise aux associés aurait été acquise à leur profit, l'administration fiscale n'étant pas alors en mesure d'opposer les griefs de fictivité et d'absence d'exploitation en résultant, et, d'autre part, les matériels auraient conservé une valeur à la revente ; par ailleurs, si la SAS CF PROFINA avait correctement accompli son devoir d'information et de conseil, cela aurait nécessairement conduit l'investisseur à investir auprès de tiers concurrents lui proposant de réaliser la même économie fiscale ; dès lors, M. [H] est bien fondé à solliciter le remboursement de l'intégralité de son investissement, soit la somme de 40 154 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022 ;

- sur l'action directe à l'encontre des assureurs, en application de l'article L. 124-3 du code des assurances, M. [H] est admis à réclamer aux MMA, en leur qualité d'assureur responsabilité civile de PROFINA, sur le fondement de l'action directe qui lui est ouverte, de procéder à l'indemnisation de son préjudice ; les matériels ont été acquis fin 2009 et ce n'est qu'en 2012 que PROFINA s'est rendue compte de ce que ces matériels n'étaient plus utilisés par le locataire VSM, soit trois ans sans diligence ni vérification, de sorte que l'assureur ne peut soutenir que son assuré aurait satisfait à l'ensemble de ses obligations et notamment aux obligations de suivi qui étaient les siennes ; par ailleurs, il est manifeste que les manquements reprochés à PROFINA, tant dans le cadre d'une obligation de résultat que de moyens, entrent dans le champ d'application de la garantie.

La SA MMA IARD et la SAMCV MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la SAS CF PROFINA et M. [H] à l'encontre des MMA, et son infirmation pour le surplus, répliquant notamment que :

- à titre principal, sur les demandes dirigées à leur encontre résultant du non-respect par la SAS CF PROFINA de son engagement à rembourser les investisseurs du montant de l'apport correspondant à l'opération défaillante, elles rappellent les termes de leur police d'assurance et les conditions d'exclusions de leur garantie ; il résulte d'abord du contrat d'assurance souscrit par la SAS CF PROFINA que « les réclamations et dommages découlant d'une obligation de résultat ou de performance commerciale, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément » sont exclus de la garantie (Chapitre II.B., page 6) ; il en résulte ensuite que, dans le cas où la clause excluant « les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré » devait avoir vocation à s'appliquer, la garantie serait exclue (Chapitre II.B., page 6) ; en conséquence, si la cour considérait que la SAS CF PROFINA s'est engagée à une obligation de résultat, toute garantie au titre du contrat serait exclue ; en outre, s'agissant de l'exclusion de garantie en cas de faute intentionnelle ou dolosive, si la procédure pénale ouverte à l'encontre du dirigeant de la société VIDEAUREMA révélait une complicité de la SAS CF PROFINA et que la cour retenait la responsabilité civile professionnelle de cette dernière, les MMA seraient aussi en droit d'exclure leur garantie ; dans le premier cas comme dans le second, leur assurée devrait donc être condamnée à verser à l'investisseur l'intégralité des condamnations éventuellement mises à sa charge ;

- à titre subsidiaire, les demandes formées à l'encontre de la SAS CF PROFINA et des MMA résultant du montage, de la commercialisation et de la gestion des dossiers [J] ne sont pas bien fondées, en l'absence de responsabilité de la SAS CF PROFINA, d'une part, et de l'absence d'application de la garantie des sociétés MMA, d'autre part ;

- sur la responsabilité prétendue de la SAS CF PROFINA, les conditions cumulatives de faute, préjudice et lien de causalité ne sont pas réunies ; l'assurée n'a commis aucun manquement aux obligations lui incombant quant aux montage, commercialisation et gestion de l'opération litigieuse ; au contraire, les éléments invoqués par l'investisseur permettent de retenir la parfaite diligence de la SAS CF PROFINA et n'établissent aucune faute ;

- de plus, les préjudices allégués ne sont pas bien fondés ; concernant le premier, tenant à la perte de la réduction fiscale pour l'année 2009, le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable ; s'agissant du second préjudice allégué, correspondant au paiement d'intérêts de retard, il est inexistant vu qu'aucun préjudice n'est né, actuel et certain lorsque la dette apparue dans le patrimoine du demandeur en réparation s'accompagne d'un avantage (l'avantage financier procuré par la conservation dans le patrimoine du contribuable jusqu'à son recouvrement par l'administration), qui la contrebalance et qui est la conséquence de la faute alléguée ; quant au préjudice correspondant au montant investi, comme pour tout investissement dans le cadre d'un programme de défiscalisation, l'investissement est réalisé à fonds perdus, de sorte que l'investisseur en aurait de toute façon supporté le coût et ne saurait par conséquent en solliciter le remboursement ;

- enfin, les préjudices allégués ne présentent pas de lien de causalité avec les griefs invoqués ;

- bien que les MMA assurent la responsabilité civile professionnelle de la

SAS CF PROFINA, au titre du contrat d'assurance souscrit par cette dernière (Chapitre II. A. Garanties, page 6 du Contrat, pièce 1), leur garantie n'est pas applicable dès lors qu'il a été démontré que les conditions de cette responsabilité ne sont pas réunies en l'espèce ;

- si toutefois la cour jugeait la garantie mobilisable, les MMA font valoir que l'avenant n° 4, applicable dès lors que la première réclamation est intervenue en 2013 pour les deux SEP concernées, prévoit un plafond de 2 000 000 euros « par sinistre et par an », ainsi qu'une franchise par sinistre d'un montant de 60 000 euros en cas d'opération fiscale supérieure à 100 001 euros ; or, vu la définition contractuelle du sinistre, celle de la réclamation et l'article L. 124-1-1 du code des assurances, le fait dommageable serait en l'espèce constitué par les prétendus manquements de la SAS CF PROFINA à ses obligations propres à chacune des opérations réalisées par l'intermédiaire de chaque SEP, soit un même vice de conception ou erreur de montage pour chacune des opérations concernées ; ainsi, il y a lieu de procéder à une globalisation, en vertu de l'article L. 124-1-1 du code des assurances, s'appliquant par sinistre, soit par manque de diligence allégué dans le cadre de chaque opération ; au vu de ces éléments, un seul plafond de garantie de 2 000 000 euros s'appliquera ; quant à la franchise, il sera également appliqué celle de l'avenant n° 4, à savoir une franchise de 60 000 euros, s'appliquant de manière globale, par sinistre, suivant le principe de la globalisation soit au total deux franchises de 60 000 euros ; en effet, contrairement aux dires de la SAS CF PROFINA, la garantie et ses modalités d'application (telles que le plafond et la franchise) s'appliquent lorsque le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation de la garantie et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à l'assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai maximum de cinq ans à compter de sa date de résiliation ou d'expiration (Conditions d'application de la garantie, pièce n°1, page 14) ; or, la réclamation d'espèce est intervenue après l'entrée en vigueur de l'avenant n° 4, donc ce sont les stipulations du contrat tel qu'amendé par cet avenant qui s'appliquent, et plus les stipulations du contrat dans sa version antérieure à l'avenant n° 4 à effet au 1er janvier 2013.

Sur ce,

Sur le droit à réparation de M. [H]

Sur les manquements reprochés à la société PROFINA

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 qui dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée,encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

La société PROFINA a précisément pour activité la mise en place de programmes dits « clef-en-main » de type [J] et se présente d'ailleurs en spécialiste de ce type de montage depuis de nombreuses années dans le dossier commercial qu'elle remet à ses clients.

Elle a proposé à M. [H] une opération à travers deux sociétés qu'elle avait constituées, COFINA 05609 et COFINA 05709, qui devait permettre aux personnes physiques de bénéficier d'une réduction d'impôt dont le montant dépendait de leur part dans le capital de chaque SEP concernée. Elle a donc procédé, pour le compte de deux sociétés qu'elle venait de constituer et à la tête de laquelle elle avait placé deux SNC dont elle détenait les parts COFINA 056 et COFINA 057, à l'identification d'entreprises et artisans martiniquais susceptibles de prendre en location un ou plusieurs matériels dans le cadre des investissements outre-mer prévus dans la loi [J], c'est-à-dire des matériels nécessaires à leur activité professionnelle et devant être exploités durant cinq années.

Il résulte du dossier commercial établi par la PROFINA et dont les termes l'engage, en page 11, qu'elle garantit l'opération proposée aux investisseurs au 31 décembre de l'année en cours et qu'au cas exceptionnel où le programme n'aurait pu être réalisé, elle s'engage à rembourser les investisseurs du montant de l'apport correspondant à l'opération défaillante.

Il est précisé en page 17 du même document que la location des matériels permettra aux investisseurs de bénéficier des dispositions des articles 199 undecies A et B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts. En page 19, il est indiqué qu'à la clôture des comptes annuels de la SEP, soit le 31 décembre 2009, les investisseurs, associés de la SEP au prorata de leur participation, pourront déduire de leurs impôts 50 % du montant de l'investissement.

Le tribunal indique à juste titre qu'il s'agit d'une obligation de résultat consistant à faire bénéficier à M. [H] de la réduction fiscale promise, puisqu'elle s'est engagée, sans autre condition, à rembourser les investisseurs du montant de l'apport correspondant à l'opération si elle était défaillante.

La société PROFINA se devait de s'assurer du sérieux de l'activité, de la solvabilité des locataires potentiels et de leur capacité à remplir les obligations prévues au contrat de location. Elle avait également pour charge de formaliser les différentes conventions nécessaires à la réalisation de l'opération conformément au dispositif [J], à savoir, concrétiser l'acquisition des matériels après sélection de ceux-ci par les locataires, obtenir la conclusion des contrats de location avec les locataires sélectionnés, et s'assurer de la conservation des matériels et de leur exploitation pendant toute la durée nécessaire à la confirmation de la réduction fiscale obtenue par les associés de COFINA 05609 et COFINA 05709, à savoir pendant 5 ans.

Or, la société PROFINA a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard des associés de COFINA 05609 et COFINA 05709. Elle n'a notamment effectué aucune diligence, ni aucune vérification, pendant plusieurs années, aucun suivi des investissements réalisés, notamment en procédant à de simples vérifications in situ en Martinique comme l'a fait l'administration fiscale, ce qui lui aurait permis de constater que la société V.S.M n'avait plus d'activité, et par conséquent que les matériels ne pouvaient plus être exploités par cette société.

La notification d'un redressement fiscal aux associés, résulte de l'absence de contrôle de l'opération d'investissement outre-mer réalisée par COFINA 05609 et COFINA 05709, qui sont des sociétés placées sous le contrôle et la direction de la société PROFINA, alors même que cette société garantissait la régularité de l'opération et sa bonne fin à savoir l'obtention d'une réduction fiscale.

Il résulte en effet de la proposition de rectification notifiée aux SEP COFINA COFINA 05609, COFINA 05709 et à leurs associés dont M. [H] les 12 et 25 septembre 2012 que le montage financier permettant l'acquisition et la mise en location des biens tel qu'élaboré par la société PROFINA n'était pas conforme aux dispositions de l'article 199 undecies du CGI ouvrant droit à réduction d'impôt. Il est notamment relevé que les sociétés COFINA 05609 et COFINA 05709, ne disposant d'aucun compte bancaire, n'ont en réalité ni versé au fournisseur les sommes égales aux apports des investisseurs ni encaissé les loyers du locataire, la société VSM.

L'existence de faits délictueux, dont elle soutient ne pas avoir eu connaissance, ne caractérisent pas une cause d'exonération de sa responsabilité. Les manquements commis ont bien pour conséquence d'engager la responsabilité de la société PROFINA.

Sur les préjudices causés à M. [H] par les manquements commis par la société PROFINA

Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que, dûment informé ou conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre. En effet, en effectuant un redressement fiscal, l'administration ne fait que remettre le contribuable dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait correctement rempli ses obligations fiscales et met ainsi à sa charge l'impôt qu'il aurait dû acquitter.

M. [H] ne démontre pas relever de l'exception susvisée, dans la mesure où il a été retenu une inexécution contractuelle à l'encontre de la société PROFINA et non le

non-respect d'une obligation pré-contractuelle d'information et de conseil. En tout état de cause, M. [H] ne démontre pas qu'il aurait pu bénéficier d'une solution fiscale alternative, qu'il aurait consenti à l'adopter et qu'elle lui aurait certainement permis de bénéficier d'un avantage au moins équivalent au montant de la réduction d'impôt initialement escomptée. Dès lors, sa demande ne pourra qu'être rejetée.

En revanche, M. [H] sollicite à bon droit subsidiairement, le remboursement des sommes qu'il a versées aux SNC par le biais du compte courant d'associé dans chacune des SEP, puisqu'un compte courant constitue une créance sur chaque SEP alors que cette créance ne pourra jamais lui être remboursée puisque lesdites sociétés ne comptent ni actif ni trésorerie.

La société PROFINA en sa qualité de monteur d'opérations de défiscalisation avec des obligations distinctes n'a pas proposé plusieurs solutions d'investissements mais s'est engagée sur un type d'investissement, de sorte que le préjudice est la conséquence directe de l'échec de la société PROFINA dans l'exécution de ses obligations. Il existe bien un lien de cause à effet direct et évident entre le préjudice allégué par M. [H], et les manquements commis par la société PROFINA, car il est établi que si cette société avait rempli ses engagements en ce qui concerne le montage de l'opération d'investissement, le suivi et la surveillance des investissements : la réduction d'impôt promise aux associés aurait été acquise à leur profit, l'administration fiscale n'étant pas alors en mesure d'opposer les griefs de fictivité et d'absence d'exploitation en résultant, et les matériels auraient conservé une valeur à la revente.

En conséquence de ce qui précède, la créance de réparation détenue par M. [H] sur la société PROFINA, du fait des manquements commis par celle-ci en tant que monteur de l'opération de défiscalisation en cause, sera évaluée à la somme de 40 154 euros qui correspond au montant investi en pure perte, la société PROFINA s'étant engagée à rembourser les investisseurs du montant de l'apport correspondant à l'opération défaillante.

Le jugement sera confirmé, la cour y ajoutant les intérêts au taux légal à compter du

1er mars 2022 et ordonnera la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'action directe à l'encontre des MMA venant aux droits de COVEA RISKS

Aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances,

« Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ».

M. [H] réclame aux assureurs responsabilité civile de PROFINA, sur le fondement de l'action directe qui lui est ouverte, l'indemnisation de son préjudice.

Sur ce,

Il résulte de la page 6 de la police d'assurance que parmi les exclusions de garantie figurent les réclamations et dommages découlant d'une obligation de résultat ou de performance commerciale des produits ou services rendus sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément (les conséquences d'inexactitudes, erreurs de fait, de droit, retard, omissions commis par l'assuré restant garanties).

Cette exclusion n'a pas été modifiée par l'avenant du 4 avril 2013, discuté par ailleurs par les parties.

La responsabilité de la société PROFINA résultant du non-respect de son obligation de résultat, la garantie des assureurs n'est dès lors pas acquise.

Il n'y a donc pas lieu à condamnation solidaire des assureurs au paiement des sommes mises à la charge de la société PROFINA. De même, cette dernière sera déboutée de son appel en garantie à l'encontre de ces assureurs. Le jugement sera confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA PROFINA aux dépens de première instance ainsi qu'à payer à M. [O] [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté la demande des MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la SAS CF PROFINA sera condamnée aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui en ont fait la demande.

La SAS CF PROFINA, qui succombe sera condamnée à payer à M. [H], d'une part, et aux MMA, d'autre part, une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Dit que les intérêts légaux seront dus sur la somme de 40 154 euros à compter du

1er mars 2022 ;

Dit que les intérêts qui seront dus pour une année entière seront capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SAS CF PROFINA aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats qui en ont fait la demande ;

Condamne la SAS CF PROFINA à payer à M. [H], d'une part, et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, d'autre part, une indemnité de

3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS CF PROFINA de sa propre demande de ce chef ;

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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