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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 2 mai 2025, n° 21/00125

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

QBE Europe (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sainati

Conseillers :

M. Carlier, Mme Wattraint

Avocats :

Me Garrigue, Me Coste, SCP Zurfluh - Lebatteux - Sizaire et Associés, SCP Verbateam Montpellier, Me Melmoux

TJ Montpellier, hors JAF, JEX, JLD, J. e…

9 décembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat sous seing privé du 13 mai 2014, Madame [I] [S] a confié à la société LJ la construction d'une maison individuelle.

La société QBE Insurance Europe Limited (la société QBE) a fourni une garantie livraison à prix convenu et est par ailleurs assureur dommages-ouvrage et responsabilité décennale de la société LJ.

La réception est intervenue le 20 juillet 2015 avec réserves.

Madame [S] a transmis le 27 juillet 2015 une liste complémentaire de réserves.

Estimant que les réserves n'avaient pas été levées et que le bien comportait de nombreux désordres et malfaçons, Madame [S] a, par acte du 28 octobre 2015, fait assigner la société QBE ainsi que la société LJ aux fins d'expertise.

Par ordonnance du 10 décembre 2015, il a été fait droit à la demande d'expertise judiciaire et Monsieur [W] a été désigné pour y procéder.

Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l'ouverture d'une procédure judiciaire à l'encontre du Groupe AS à qui avait été cédée la société LJ.

L'expert a rendu son rapport le 22 mai 2018.

Par acte du 7 novembre 2019, Madame [S] a fait assigner la société QBE aux fins notamment d'indemnisation des coûts de démolition/reconstruction de la maison et du coût de déménagement et d'hébergement.

Par jugement du 9 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

Condamné la société QBE à payer à Madame [S] la somme de 151 769,69 euros au titre des frais de démolition/reconstruction de l'immeuble, y compris les frais annexes de déménagement/hébergement, déduction déjà faite de la franchise contractuelle et du solde dû ;

Dit que cette somme emporte intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil ;

Donne acte à Madame [S] de ce qu'elle dispense QBE de son obligation de désigner un nouveau constructeur terminant les travaux ;

Rejeté toute autre demande ;

Condamné la société QBE aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire.

Par déclaration remise au greffe le 7 janvier 2021, la société QBE a interjeté appel de ce jugement.

1) Par ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 17 janvier 2025, QBE demande à la cour d'appel de :

Rejeter les moyens relatifs à la prescription allégués par Madame [S] comme étant irrecevables ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fait droit à la demande de démolition/reconstruction de la maison individuelle et condamné la société QBE à la somme de 151 769,69 euros, en ce compris les frais de déménagement/hébergement avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation des intérêts et a dispensé la société QBE de désigner un nouveau constructeur terminant les travaux ;

Statuant à nouveau sur la demande de versement de la somme de 211 196 euros pour la démolition et la reconstruction, réactualisée à la somme de 248 513,46 euros au 4 octobre 2024 :

Constater que la maison est conforme au contrat de construction de maison individuelle ;

Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame [S] ;

A titre subsidiaire, si la maison est estimée conforme au contrat de construction de maison individuelle :

Dire que la sanction est disproportionnée ;

Rejeter la demande de démolition/reconstruction de l'immeuble ;

Débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Appliquer la franchise contractuelle de 5 % du prix convenu, soit la somme de 7 637,20 euros ;

Déduire la somme de 38 186,10 euros correspondant au solde du marché dû par Madame [S] ;

Débouter Madame [S] de sa demande de la condamnation de la société QBE au titre de la démolition/reconstruction au paiement de la somme de 248 513,46 euros TTC à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 4 octobre 2024 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE au titre des frais de déménagement et d'hébergement au paiement de la somme 23 580 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Si la cour ne retient pas l'actualisation du 4 octobre 2010 :

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE au titre de la démolition/reconstruction au paiement de la somme de 192 593 euros TTC, à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE au titre des frais de déménagement et d'hébergement au paiement de la somme 18 600 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

A titre plus subsidiaire :

Sursoir à statuer dans l'attente de la désignation d'un repreneur par la société QBE Europe aux fins de chiffrer le coût de la démolition/reconstruction ;

Rejeter la demande de dispense du garant de désigner un nouveau constructeur pour achever les travaux ;

Appliquer la franchise contractuelle de 5 % du prix convenu, soit la somme de 7 637,20 euros ;

Déduire la somme de 38 186,10 euros correspondant au solde du marché dû par Madame [S] ;

Rejeter la demande de prise en charge des frais de déménagement et hébergement ;

Sur la demande de Madame [S] de condamnation de la société QBE en qualité de garant de livraison à la somme de 75 408 euros actualisée à la somme de 187 438,76 euros TTC au 4 octobre 2024 au titre des travaux de réparation :

Juger que les désordres dénoncés après le délai de 8 jours à compter de la réception relèvent de la garantie de parfait achèvement ;

Rejeter les demandes de Madame [S] à l'encontre de la société QBE en sa qualité de garant de livraison pour les désordres non réservés à la réception dans le délai de 8 jours à compter de la réception ;

Constater que le coût de reprise des réserves relevant de la garantie de livraison à prix et délai convenus s'élève à la somme de 63 801,92 euros ;

Appliquer la franchise contractuelle de 5 % du prix convenu sur la somme globale, soit la somme de 7 637,22 euros ;

Déduire la somme de 38 186,10 euros correspondant au solde du marché par Madame [S] ;

Limiter le montant de la condamnation de la société QBE à la somme de 30 738,98 euros pour la reprise des désordres ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE, au titre des travaux de réparation, au paiement de la somme de 187 438,764 euros TTC, à actualiser sur l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE, au titre des travaux des frais de déménagement et d'hébergement, au paiement de la somme de 4 680 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l'actualisation du 4 octobre 2024 :

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE, au titre des travaux de réparation, au paiement de la somme de 109 394,20 euros TTC, à actualiser sur l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE, au titre des travaux des frais de déménagement et d'hébergement, au paiement de la somme de 4 200 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

Sur la demande subsidiaire de Madame [S] de condamnation de QBE en qualité d'assureur responsabilité civile décennale au titre de la démolition/reconstruction :

Juger que Madame [S] ne justifie pas de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ;

Débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Débouter Madame [S] de sa demande de la condamnation de la société QBE au titre de la démolition/reconstruction au paiement de la somme de 248 513,46 euros TTC à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 4 octobre 2024 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE au titre des frais de déménagement et d'hébergement au paiement de la somme 23 580 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l'actualisation du 4 octobre 2024 :

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE, au titre des travaux de réparation, au paiement de la somme de 109 394,20 euros TTC, à actualiser sur l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de la société QBE, au titre des travaux des frais de déménagement et d'hébergement, au paiement de la somme de 4 200 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

Sur le préjudice moral :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Madame [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Sur le préjudice financier :

Débouter Madame [S] de sa demande de condamnation de QBE au paiement de la somme de 13 434,36 euros au titre du préjudice financier allégué ;

En tout état de cause :

Rejeter l'ensemble des demandes, prétentions et moyens de Madame [S] ;

Condamner Madame [S] au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens visés à l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de la SCP Zurfluh-Lebatteux-Sizaire et Associés.

2) Par ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 21 janvier 2025, Madame [S] demande à la cour d'appel de :

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société QBE à payer à Madame [S] la somme de 151 769,69 euros TTC au titre des frais de démolition/reconstruction y compris les frais annexes de déménagement/hébergement déduction faite de la franchise et du solde des travaux ;

Le réformer en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [S] au titre du préjudice moral et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné QBE et donner acte à Madame [S] de ce qu'elle dispense QBE de son obligation de désigner un nouveau constructeur chargé de terminer les travaux ;

Statuant à nouveau :

Juger prescrite la demande de QBE tendant au paiement de la somme de 30 548,88 euros ;

Débouter la société QBE de ses demandes ;

Concernant l'achèvement de l'ouvrage :

Au titre de la démolition/reconstruction :

Condamner la société QBE à payer à Madame [S] la somme de 248 513,46 euros TTC, somme à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 4 octobre 2024 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Au titre des frais de déménagement/hébergement :

Condamner la société QBE à verser à Madame [S] la somme de 23 580 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l'actualisation du 4 octobre 2024 :

Au titre de la démolition/reconstruction, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 192 593 euros à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Au titre des frais de déménagement/hébergement, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 18 600 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

Subsidiairement, sur la condamnation de l'assureur responsabilité décennale :

Au titre de la démolition/reconstruction :

Condamner la société QBE à payer à Madame [S] la somme de 248 513,46 euros TTC, somme à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 4 octobre 2024 jusqu'à l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Condamner

Au titre des frais de déménagement/hébergement :

Condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 23 580 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l'actualisation du 4 octobre 2024 :

Au titre de la démolition/reconstruction, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 192 593 euros à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Au titre des frais de déménagement/hébergement, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 18 600 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

Infiniment subsidiaire, sur la condamnation du garant à la réparation des désordres :

Donner acte à Madame [S] de ce qu'elle dispense QBE Europe de son obligation de désigner sous sa responsabilité un nouveau constructeur chargé de terminer les travaux ;

Au titre de la démolition/reconstruction, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 187 438,764 euros à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Au titre des frais de déménagement/hébergement, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 4 680 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l'actualisation du 4 octobre 2024 :

Au titre de la démolition/reconstruction, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 109 394,20 euros TTC à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme ;

Au titre des frais de déménagement/hébergement, condamner QBE à verser à Madame [S] la somme de 4 200 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

A titre infiniment subsidiaire :

Condamner la société QBE à désigner sous sa responsabilité un nouveau constructeur qui sera tenu d'achever l'ouvrage conformément aux règles de l'art, aux règles d'urbanisme, aux documents contractuels et au permis de construire, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir jusqu'à la réception des travaux ou livraison, et en tout état de cause jusqu'à la levée des réserves et désordres dénoncés dans le délai de 8 jours ;

Infiniment plus subsidiaire, sur la condamnation de l'assureur responsabilité décennale aux travaux de réparation :

Au titre des travaux de réparation, condamner la société QBE à verser à Madame [S] la somme de 187 438,764 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme, somme à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir ;

Au titre des frais de déménagement et d'hébergement condamner QBE Europe à verser à Madame [S] la somme de 4 680 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

A titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l'actualisation au 4 octobre 2010 :

Au titre des travaux de réparation, condamner la société QBE à verser à Madame [S] la somme de 109 394,20 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la clause d'anatocisme, somme à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 pour la période du 22 mai 2018 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir ;

Au titre des frais de déménagement et d'hébergement condamner QBE Europe à verser à Madame [S] la somme de 4 200 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

Sur le préjudice moral :

Condamner la société QBE à allouer la somme de 5 000 euros à Madame [S] en réparation du préjudice moral subi ;

Sur le préjudice financier :

Condamner QBE à verser la somme de 13 434,36 euros à Madame [S] ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Condamner QBE à verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

La clôture a été prononcée le 22 janvier 2025 par une ordonnance du même jour.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et à la décision déférée.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action en paiement de QBE

Madame [S] estime que la demande en paiement de l'appel de fonds n° 9 correspondant à l'achèvement des travaux des travaux d'équipement d'un montant de 30 548,88 euros est irrecevable pour cause de prescription (art. L. 218-2 du code de la consommation).

QBE soutient que la demande de prescription est irrecevable car, constituant une fin de non-recevoir, elle aurait dû être soulevée par voie d'incident et non au fond.

S'il est avéré que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, défaut de qualité, défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, celle-ci constitue un moyen de défense à l'appel principal qui peut être invoquée en tout état de cause.

Dès lors en application de l'article L 218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels se prescrit par deux ans, l'appel de fonds n° 10 concernant l'achèvement des travaux d'équipements est en date du 10 juillet 2015, ainsi cette demande est prescrite.

Sur les non-conformités tirées du non-respect des normes applicables aux personnes à mobilité réduite (PMR)

Le tribunal a rejeté cette non-conformité aux motifs qu'il n'est pas démontré, à la date à laquelle la garantie a été donnée, que la maison devait être construite et aménagée de façon à être accessible aux PMR.

Madame [S] sollicite l'infirmation du jugement, estimant que les dispositions relatives aux PMR s'appliquent par principe à toute construction de maisons individuelles (art. L. 111-7 et s. code de

la construction et de l'habitation dont le domaine est défini par l'article R. 111-18) ;

Par exception les maisons construites pour un usage privatif n'y sont pas soumises, ce n'est pas au moment où la garantie est donnée que l'usage du bien s'apprécie, mais au moment de la signature du contrat. Au moment de la signature du contrat, la maison était destinée à être louée et les dispositions relatives à l'accessibilité par les PMR sont applicables. Il appartenait au constructeur, au titre de son obligation d'information, de se renseigner sur l'usage prévu du bien malgré l'absence de clause relative à celui-ci.

QBE sollicite la confirmation du jugement, précisant que les normes PMR ne s'appliquent pas lorsque l'ouvrage est édifié aux fins d'être la résidence principale du maître d'ouvrage ;

En l'espèce, l'ouvrage a été édifié pour le propre usage de Madame [S], ce qui exclut l'application des normes PMR. Les demandes de permis de construire indiquent que le bien servira de résidence principale à Madame [S]. Les obligations du garant sont limitées aux stipulations contractuelles ; le contrat ne prévoit pas les prestations relatives à l'accessibilité des PMR.

Le premier juge a relevé qu'aucune clause du contrat de construction de maison individuelle ne se réfère à l'usage du bien et que les demandes de permis de construire de mai et de juillet 2014 précisent que le bien sera utilisé à titre de résidence principale et non de location et enfin les contrats de financement avec la BNP ne concernent pas le constructeur.

Enfin aucun autre élément ne peut remettre en cause ces constatations : le plan du 30 juin 2014 ne formalise pas la mise en place de norme PMR, y compris la situation familiale de Mme [S] qui n'a évolué qu'à une date postérieure à la signature du contrat CMI.

Mme [S] invoque l'obligation d'information telle que désormais prévue par le code civil qui s'impose à l'ensemble des parties contractantes mais sans forcément constituer une obligation de « se renseigner » : si l'accessibilité aux PMR était nécessaire, cette information ' connue de Madame [S] ' aurait dû être communiquée au constructeur sans que celui-ci ait l'obligation de se renseigner sur l'usage prévu du bien dès lors que les dispositions légales et réglementaires ne l'imposent pas.

Sur ce point le jugement sera confirmé.

Sur les non-conformités altimétriques et planimétriques, loi anti-termites, hauteur du vide sanitaire, garage.

Le tribunal a ordonné la démolition fondée sur une non-conformité altimétrique et planimétrique aux motifs que l'expert a constaté un défaut d'altimétrie de 50 cm.

Mme [S] sollicite la confirmation mais sur ce fondement juridique mais invoque d'autres malfaçons : le non-respect de la norme PMR, des normes anti-termites, des mauvaises dimensions du garage, la non-conformité de la largeur et la longueur de certaines pièces/escaliers.

QBE sollicite l'infirmation du jugement, estimant que la construction a été édifiée conformément au contrat : la différence altimétrique existe par rapport au permis de construire ; la mise en conformité est possible par un permis modificatif et aucune réserve n'a été formulée lors de la réception, ni dans le délai de 8 jours suivant celle-ci, dès lors ce défaut n'est pas opposable au garant et concernant les autres non-conformités, QBE estime :

La loi anti-termites s'applique aux bâtiments neufs composés de bois en structure, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

L'expert n'a pas constaté de grief relatif à la hauteur du vide sanitaire ;

La non-conformité résultant de mauvaises dimensions n'est pas démontrée en l'absence de dimensions prévues au contrat ou au permis de construire ;

La non-conformité du garage est une demande irrecevable car nouvelle en cause d'appel.

Le tribunal n'a pas statué sur les autres non-conformités alléguées par Madame [S].

a) non conformités altimétriques et planimétriques

Il est donc constant qu'il existe une différence altimétrique par rapport aux documents de permis de construire, ce qui n'est pas contesté par QBE.

Cette différence altimétrique consiste dans un défaut d'implantation de cinquante centimètres et nécessiterait un nouveau dépôt de permis de construire alors même que cette construction a fait déjà l'objet de deux moutures de permis de construire. Cette non-conformité générale et structurelle sur l'ensemble serait hypothétiquement validée par le service d'urbanisme, toutefois cette possibilité éventuelle est sans incidence sur la non-conformité de la livraison de la chose au contrat prévu.

Mais de plus les investigations expertales révèlent précisément :

« N°47 : « Distance de prospect intramuros de 5ml sur limite Nord-Ouest, relevée de 4,72 ml, entraînant non-conformité au contrat ' Les relevés établis par le géomètre indiquent des différences d'implantation de 7 cm maxi. »

N°48 : « Altimétrie de la construction non conforme au contrat ' la hauteur de la construction a été relevée par le géomètre à 50cm plus haut que celle définie au permis de construire ».

N°49 : « Hauteur d'acrotère terrasse inférieure non conforme au contrat »

Il sera utilement remarqué que Madame [S] a formellement dénoncé ce vice dans les 8 jours de la réception comme le démontre son courrier du 27 juillet 2015.

Cette non-conformité qui réside dans une mauvaise implantation et de planimétrie et aussi de mauvaise réalisation du vide sanitaire conduit à un accès plus difficile de la surface habitable.

b) anti-termites

Le non-respect de la loi anti-termites pourrait résulter de l'absence de barrière physico-chimique prévue à la notice contractuelle descriptive, mais comme le relève l'expert, la construction ne comporte aucun élément de bois, étant en totalité en béton avec toiture terrasse, cette non-conformité invoquée n'emporte donc pas de désordre au regard de la réglementation invoquée et du cas d'espèce et sera donc exclue.

c) non-conformité du garage à la norme NF-P91-120 et de la largeur et la longueur de certaines pièces/escaliers.

Il sera relevé que ces désordres ont été largement évoqués lors des réserves (LRAR du 27 juillet 2005) mais aussi lors de la discussion relative à la norme PMR, ils constituent des éléments qui tendent aux mêmes fin, objet que la demande initiale : l'existence d'un ouvrage non-conforme au contrat et au permis de construire qui aboutirait à la démolition/reconstruction de la maison au titre de l'exécution forcée du contrat, ils seront donc examinés.

1° le garage

L'expert constate pour le garage : « n° : 107 : « longueur de 5,00 ml pour stationnement de véhicule, Le ballon d'eau chaude devra être déplacé dans le volume chauffé afin de retrouver les 5m nécessaires. Non-conformité aux règles de l'art ».

Mme [S] verse aux débats une consultation du cabinet Siragusa et d'un géomètre dont les constatations sont sans appel :

« L'emplacement de stationnement n'est pas réglementaire suivant la norme NF P91-120. Il n'est pas possible de sortir du véhicule une fois le véhicule stationné dans le garage » et de rajouter que même avec le déplacement du cumulus compte tenu de la configuration de la porte d'accès au garage et de son dimensionnement, ce garage reste non conforme empêchant les occupants du véhicule de sortir de celui-ci, de faire le tour du véhicule. Cette non-conformité du garage rend cette pièce inutilisable au regard de sa destination voire dangereuse pour les personnes et les biens compte tenu de son exiguïté et porte atteinte à la destination de l'immeuble au regard de l'article 1792 du code civil.

2) les autres désordres et non-conformités de dimensionnement

L'expert relève :

« N°119 : largeur d'escalier relevée de 0,87 ml, pour 0,90 ml prévus au contrat,

- N°139 : Largeur de pièce relevée de 2,69 m, pour 3,10 ml prévus au contrat,

- N°142 : Longueur de pièce relevée de 4,47 ml, pour 4,08 ml prévus au contrat,

- N° 143 : Largeur de pièce relevée de 2,90 ml, pour 3,10 ml prévus au contrat »

Il est bien évident que l'examen désordre par désordre pourrait laisser apparaître ces non-conformités contractuelles comme légères, mais l'accumulation de celles-ci qui touchent à l'emplacement des cloisons, réduit l'espace à vivre, diminue l'usage de l'habitabilité de la maison, conduit à considérer ces erreurs comme rédhibitoires et porte atteinte à la destination de l'immeuble.

Sur la démolition/reconstruction

Le tribunal a condamné sur le fondement contractuel la société QBE à indemniser Madame [S] du coût de démolition/reconstruction de l'ouvrage aux motifs que la maison est implantée avec un défaut d'altimétrie, l'exécution en nature du contrat n'est pas impossible, notamment par démolition/reconstruction, la garantie de livraison couvre le maître d'ouvrage contre les risques d'inexécution des travaux.

QBE sollicite l'infirmation du jugement, estimant que le juge peut appliquer le contrôle de proportionnalité, y compris pour les contrats antérieurs à la réforme de 2016. La sanction est disproportionnée aux non-conformités alléguées.

S'il est exact qu'il doit être application du principe de proportionnalité, le nombre de désordres relevés qui touchent tous à l'habitabilité de la construction : défaut d'altimétrie, de planimétrie, défaut dans les dimensions du vide sanitaire, de configuration du garage puis dans le dimensionnement des pièces à vivre et escalier conduisent à ordonner une opération de démolition/ reconstruction, celle-ci n'étant pas disproportionnée au vu du siège des désordres qui sont généralisés et concernent tous des éléments structurels de la construction et portent atteinte à sa destination et son usage conformément aux dispositions de l'article 1792 (garantie décennale) ce qui va au-delà d'une non-conformité contractuelle, le jugement sera confirmé par substitution de motifs.

Le coût d'une telle démolition/reconstruction était évaluée avec des frais de déménagement et hébergement le 24 avril 2016 pour un montant de 211 193 euros TTC mais cette nouvelle construction doit être conforme aux nouvelles normes intervenues depuis lors et l'évaluation doit aussi prendre en compte le renchérissement des matériaux, alors même qu'il est produit un devis pour la construction d'une maison similaire au prix de 280 000 euros (devis CMA MAISON du 2/10/2023).

Ainsi il sera pris en compte à l'actualisation du coût de la démolition- reconstruction par l'économiste de la construction, M. [O] pour un montant total de 272 093,46 euros TTC, soit :

- le coût de la démolition-reconstruction actualisé s'élève à 248 513,46 euros TTC (207 095,15 euros HT),

- le coût actualisé des frais annexes de déménagement et hébergement s'élève à 23 580 euros TTC (19 650 euros HT) ;

Sur la demande de sursis à statuer

Il ne sera pas fait droit à la demande de sursis à statuer de QBE EUROPE dans « l'attente de la désignation d'un repreneur par la société QBE Europe aux fins de chiffrer le coût de la démolition et reconstruction de la maison individuelle », cette demande, compte tenu de la longueur de la procédure déjà en cours porte atteinte à son effectivité alors même que cette affaire a fait l'objet d'une longue mise en état et s'est déroulée sur plusieurs années.

Sur la demande de dispense de garant

La demande de dispense du garant de désigner un nouveau constructeur pour achever les travaux qui est formulée dans le dispositif des conclusions mais n'est pas développée, l'indemnisation au titre de la démolition/reconstruction ne pouvant être soumise à aucune limitation, le maître de l'ouvrage est libre de dispenser le garant. Le dispositif du jugement sera confirmé en ce sens.

Sur la franchise contractuelle

La société QBE souhaite voir appliquer la franchise contractuelle de 5 % du prix convenu, toutefois le certificat d'assurance DO du 3 février 2015 mentionne l'absence de franchise, cette demande sera rejetée.

En conséquence, la société QBE Europe sera condamnée au paiement de la somme de 272 093,46 euros TTC au titre de la démolition/reconstruction et des frais d'hébergement et de déménagement sans qu'il puisse être invoqué un quelconque enrichissement sans cause, la réévaluation du coût de cette opération étant pertinente au regard de l'évolution des prix à la hausse du coût de la construction.

Sur les préjudices complémentaires : préjudice moral et préjudice financier

Le tribunal n'a statué que sur le préjudice moral et a rejeté la demande d'indemnisation l'estimant infondé.

Madame [S] demande une indemnisation au titre d'un préjudice moral résultant de l'impossibilité de vendre ou louer la maison en l'état et d'avoir subi d'importantes infiltrations. A ce titre elle sollicite les sommes de 5000 euros et 13434,36 euros pour des frais financiers.

QBE conteste ces préjudices ou estime que leur indemnisation n'entre pas dans sa garantie.

Sur le préjudice moral,

Les désordres invoqués concernant les infiltrations sont totalement indépendants de l'action dont s'agit, en l'absence d'autres éléments, Mme [S] sera déboutée à ce titre

Sur le préjudice financier,

Il s'agit d'une demande qui recouvre les nombreux frais exposés pendant la procédure :

Le recours à des experts techniques pour 9043, 44 euros et 2496 euros

Des frais d'huissiers aux fins de constat pour 526,92 euros

Des frais de géomètres pour 1368 euros.

Il est donc difficile de contester l'existence de ces frais qui ont été nécessaires à la défense des moyens développés par Mme [S], compte tenu de l'aridité du rapport d'expertise et de la pertinence de tels éléments.

Tous ces frais font l'objet de justificatifs, et à défaut d'éléments contractuels probants excluant ce type de frais, doivent être considérés comme des immatériels, la société QBE sera condamnée au paiement.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société QBE Europe, succombante, sera condamnée au paiement de la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme partiellement le jugement du 9 décembre2020 et pour une parfaite compréhension du dispositif ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare prescrite l'action en paiement de la société QBE Europe ;

Déboute QBE Europe de sa demande de sursis à statuer ;

Condamne la société QBE Europe à payer à Mme [S] [I] la somme de 272 093,46 euros TTC au titre de la démolition/reconstruction et des frais d'hébergement et de déménagement y afférents ;

Condamne la société QBE Europe à payer à Mme [S] [I] la somme de 13434,36 euros pour frais immatériels ;

Dit que ces sommes emporteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154, ancien, du code civil ;

Donne acte à Mme [I] [S] de ce qu'elle dispense la société QBE Europe de son obligation de désigner un nouveau constructeur terminant les travaux ;

Déboute Mme [I] [S] de sa demande de préjudice moral ;

Déboute la société QBE Europe de sa demande de franchise contractuelle ;

Condamne la société QBE Europe à payer à Mme [I] [S] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure judiciaire et aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire.

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