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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 6 mai 2025, n° 22/01602

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Franck Beun Edifice (SARL), Areas Dommages (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

M. Sousa, Mme Grua

Avocats :

Me Lepage, Me Fleuriot-Reveillard, Me Moreno, SCP Cruanes-Duneigre, Thiry et Moreno

TJ Tours, du 7 juin 2022

7 juin 2022

FAITS ET PROCÉDURE

En 2009, M. [E] a souhaité faire réaliser une terrasse dans sa maison d'habitation, et a confié les travaux à la société Franck Beun Edifice. Les travaux ont été exécutés fin 2009 et facturés le 30 novembre 2009, pour un montant total de 16 197,96 euros.

Suite à des désordres d'infiltrations apparus dans le garage situé sous la terrasse, M. [E] a sollicité une expertise judiciaire en référé. Par ordonnance du 9 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours a ordonné une expertise confiée à M. [Y] qui a déposé son rapport le 13 mars 2020.

Par actes d'huissier de justice en date du 15 mai 2020, M. [E] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Tours, la société Franck Beun Edifice et son assureur, la société Aréas dommages aux fins d'indemnisation des préjudices subis.

Par jugement en date du 7 juin 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Tours a :

- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes fondées exclusivement sur les dispositions de l'article 1792 du code civil ;

- déclaré en conséquence sans objet, la garantie de la société Aréas dommages ;

- rejeté l'ensemble des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] aux entiers dépens en ce compris ceux exposés en référé et les frais d'expertise judiciaire.

Par déclaration en date du 1er juillet 2022, M. [E] a interjeté appel de tous les chefs du jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, M. [E] demande à la cour de :

- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- dire et juger que la SARL Franck Beun Edifice a engagé sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil pour les travaux réalisés à son domicile ;

- condamner la société Aréas dommages à garantir la SARL Franck Beun Edifice de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle ;

- dire et juger le cas échéant que la franchise de la société Aréas dommages ne lui est opposable que s'agissant de l'indemnisation de son préjudice de jouissance, à l'exclusion de la réparation des dommages matériels ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la SARL Franck Beun Edifice a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil pour les travaux réalisés à son domicile ;

En tout état de cause :

- condamner la SARL Franck Beun Edifice d'avoir à lui verser les sommes suivantes :

o 36 601,80 ' TTC en réparation du préjudice financier subit du fait des travaux de reprise nécessaires pour assurer l'étanchéité de la terrasse ;

o 2 000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;

- débouter la société Aréas dommages et la société Franck Beun Edifice de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SARL Franck Beun Edifice d'avoir à lui verser la somme de 4 000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Franck Beun Edifice aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise qui s'élèvent à la somme de 2 875,42 '.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, la société Franck Beun Edifice demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et la dire bien fondée ;

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 3 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société Aréas dommages à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. [E].

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, la société Aréas dommages demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En tant que de besoin, dans l'hypothèse où le caractère décennal du désordre serait retenu :

- juger qu'elle ne doit pas sa garantie, eu égard à l'activité d'étanchéité non souscrite par l'assuré ;

- débouter M. [E] et la SARL Franck Beun Edifice de toute demande à son encontre ;

- juger que sa garantie au titre des dommages immatériels ne couvre pas le préjudice de jouissance ;

- débouter M. [E] et la SARL Franck Beun Edifice de toute demande à ce titre ;

Sur la question de la responsabilité contractuelle de la SARL Franck Beun Edifice :

- juger qu'elle ne garantit pas la société Franck Beun Edifice au titre de sa responsabilité contractuelle ;

- débouter M. [E] et la SARL Franck Beun Edifice de toute demande à ce titre ;

Subsidiairement,

- juger qu'elle est fondée à opposer à son assurée et à M. [E] les franchises contractuellement prévues ;

En tout état de cause,

- condamner M. [E] à lui régler une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

I- Sur la garantie décennale du constructeur

A- Sur l'existence de désordres de nature décennale

Moyens des parties

L'appelant soutient que la responsabilité de la SARL Franck Beun Edifice est engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil ; qu'une terrasse est un ouvrage et il est constant qu'est impropre à sa destination un ouvrage qui n'est pas hors d'air et hors d'eau ; que l'expert judiciaire a constaté la réalité des désordres à savoir l'absence d'étanchéité de la terrasse, et par voie de conséquences des infiltrations qui se produisent dans le garage et le cellier se trouvant sous cette terrasse ; que l'expert a constaté que l'enduit d'étanchéité appliqué par la SARL Franck Beun Edifice n'était pas adapté aux travaux réalisés à son domicile puisque la documentation technique de l'enduit appliqué précise expressément que cet enduit ne convient pas pour des terrasses se trouvant sur des pièces habitées ; que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'expert n'a pas indiqué que les infiltrations excédaient ce qui est autorisé, mais il n'a pas non plus indiqué le contraire ; qu'en revanche, il a bien souligné que les locaux souffraient de problèmes d'humidité et d'infiltrations importantes ; que de telles infiltrations, avec de l'eau ruisselant sur les murs, entraînent donc une impropriété des locaux à leur destination.

La société Franck Beun Edifice indique qu'il n'y a pas de désordre de caractère décennal ; que le tribunal a débouté M. [E] de ses demandes fondées exclusivement sur les dispositions de l'article 1792 du code civil au motif que l'existence d'une impropriété à la destination du garage n'était pas démontrée, car l'expert n'a retenu aucune impropriété à la destination de garage, local de 2e catégorie permettant des infiltrations limitées des murs ou planchers ; que le jugement ne pourra qu'être confirmé sur ce point.

La société Aréas dommages explique que les désordres dénoncés ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination, et ne portent pas atteinte à sa solidité ; qu'elle fait sienne l'analyse des premiers juges, qui ont considéré que le plancher haut situé au-dessus du garage de M. [E] est classé en 2e catégorie, de sorte que des infiltrations limitées peuvent être acceptées ; que l'expert n'a pas précisé en quoi les infiltrations constatées excéderaient le seul d'acceptabilité ; que faute de rapporter la preuve du caractère décennal des infiltrations, sa garantie ne peut en aucun cas être mobilisée ; que le jugement sera donc confirmé.

Réponse de la cour

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Les parties ne produisent pas de procès-verbal de réception mais aucune n'allègue l'absence de réception de l'ouvrage. Il y a donc lieu de considérer que la réception a eu lieu le 30 novembre 2009 par prise de possession de l'ouvrage et paiement intégral des sommes dues au constructeur.

Il résulte du rapport d'expertise que la terrasse réalisée se situe partiellement au-dessus de la partie annexe (garage et cellier), l'ouvrage débordant de 43 m² sur le jardin.

L'expert judiciaire a constaté des traces d'humidité en sous face du plancher haut sur les poutrelles et hourdis et des tâches verdâtres sur les murs (infiltrations d'eau) dans le garage, ainsi que des traces d'humidité en sous face du plancher haut sur les poutrelles et hourdis et quelques tâches verdâtres sur les murs dans le cellier.

S'agissant de l'enduit d'étanchéité, l'expert a indiqué ce qui suit :

« On constate que la sous-couche d'étanchéité appliquée sur l'ensemble du sol au-dessus du garage et du cellier est de type ARDEX 8+9, la mise en 'uvre ayant été effectuée après reprise du sol avec un mortier d'égalisation de type ARDEX AM 100.

On note en haut de la page 3 de la documentation technique ARDEX 8+9 (pièce annexe n° 7) « les travaux d'étanchéité pour la construction selon DIN 18195, comme par exemple les terrasses se trouvant sur des pièces habitées ne doivent pas être effectués avec ARDEX 8+9 ».

On observe également que le produit d'étanchéité a été appliqué sur le mortier d'égalisation mis en 'uvre au-dessus du complexe du plancher haut du garage/cellier (hourdis ciment/poutrelles et chape de compression), l'épaisseur du complexe de plancher n'est donc pas protégé contre les infiltrations d'eau en rive au droit des murs anciens qui ne sont eux-mêmes pas traités contre les infiltrations (pas de drainage et étanchéité côté terre plein) ».

L'expert a ensuite apporté les précisions suivantes concernant les tolérances d'humidité dans un garage au regard du DTU 20.21 :

« En 1re catégorie, l'ouvrage (plancher ou mur) borde des locaux utilisés où aucune trace d'humidité n'est acceptée sur sa face intérieure, c'est le cas des murs ou planchers limitant des locaux habitables en sous sol.

En 2e catégorie, l'ouvrage (plancher ou mur) borde des locaux pour lesquels l'étanchéité de la paroi n'est pas obligatoire et où notamment des infiltrations limitées peuvent être acceptées par le maître d'ouvrage, c'est le cas des murs

ou planchers bordant des locaux utilisés comme chaufferie, garage, caves.

Dans le cas présent, le plancher haut situé au-dessus du garage de Monsieur [E] est classé en 2e catégorie, cependant les travaux commandés par le maître d'ouvrage prévoyaient l'aménagement d'une terrasse avec la mise en oeuvre d'un dallage sur une sous-couche d'étanchéité de type ARDEX 8+9, afin d'éviter toutes infiltrations d'eau dans le garage et le cellier situés sous cette terrasse, il s'avère que malgré la réalisation de cette étanchéité des infiltrations perdurent ».

Il résulte de ces éléments que nonobstant le classement en 2e catégorie des murs et planchers du garage et cellier, M. [E] avait commandé des travaux comportant la mise en 'uvre d'un complexe d'étanchéité destiné à éviter des infiltrations dans les pièces situées sous la terrasse.

Or, l'ouvrage réalisé par la société Franck Beun Edifice est à l'origine d'infiltrations dans le garage et le cellier de sorte qu'il est impropre à sa destination, dès lors qu'il ne garantit pas l'étanchéité promise.

Le constructeur n'alléguant ni n'établissant l'existence d'une cause étrangère, sa garantie décennale est engagée au titre des travaux réalisés.

B- Sur l'indemnisation des préjudices

Moyens des parties

L'appelant explique que l'expert a validé le devis de la société SMAC qui s'élève à la somme de 36 601,80 ' TTC, sachant que l'expert préconise une réfection complète de la terrasse avec reprise du système d'étanchéité avec la mise en 'uvre d'un bitume élastomère sur chape et d'un dallage sur plots ; qu'il conviendra donc de condamner la SARL Franck Beun Edifice à lui verser la somme de 36 601,80 ' TTC, au titre du préjudice financier résultant des nécessaires travaux de reprise de la terrasse pour en assurer l'étanchéité ; qu'il subit également un préjudice de jouissance résultant des infiltrations d'eau qui se sont produites dans son habitation, au niveau du garage et du cellier ; que la cour condamnera la SARL Franck Beun Edifice à lui verser la somme de 2 000 ' à ce titre ; que le préjudice de jouissance résulte des infiltrations constatées dans le garage et le cellier, et ce depuis au moins l'année 2018 ; qu'il apparaît de manière évidente que de telles infiltrations, qui entraînent une humidité très importante voire des écoulements d'eau dans son garage et son cellier sont constitutives d'un préjudice de jouissance certain ; qu'il est en effet habituel d'entreposer des objets ou du mobilier dans ce type de pièces, tel que cela résulte des photographies annexées tant au procès-verbal de constat qu'au rapport d'expertise ; que la très forte humidité régnant dans ses pièces ne peut que détériorer le matériel et le mobilier qui y sont entreposés ; que de même, en l'état, la valeur de l'immeuble s'en trouve nécessairement diminuée.

La société Franck Beun Edifice indique que la demande au titre du préjudice de jouissance devra être rejetée ; qu'en effet, malgré les infiltrations, M. [E] n'a jamais été privé de l'usage du garage et du cellier qui par définition, comme l'indique l'expert judiciaire, sont des ouvrages de 2e catégorie pour lesquels l'étanchéité de la paroi n'est pas obligatoire et où des infiltrations peuvent être acceptées par le maître d'ouvrage ; que dès lors, aucun préjudice de jouissance ne saura être retenu ; que de surcroît, ce préjudice n'est nullement démontré par M. [E] qui se contente de l'arguer ; que M. [E] sera donc débouté de toute demande à ce titre.

Réponse de la cour

La société Franck Beun Edifice est tenu, au titre de sa garantie décennale, d'indemniser intégralement le maître d'ouvrage des préjudices subis.

L'expert judiciaire a indiqué préconiser la réfection complète de la terrasse avec reprise du système d'étanchéité avec la mise en 'uvre d'un bitume élastomère sur chape et d'un dallage sur plots. Il a ainsi estimé les travaux de reprise à la somme de 36 601,80 euros TTC, après examen du devis de la société SMAC du 5 novembre 2019.

Il convient donc de condamner la société Franck Beun Edifice à payer à M. [E] la somme de 36 601,80 euros en réparation de son préjudice matériel.

Le préjudice de jouissance au titre du garage et du cellier existe dès lors que M. [E] n'a pas pu utiliser normalement ces pièces en raison des infiltrations d'eau et de l'humidité y régnant depuis avril 2018, date du constat d'huissier de justice les mentionnant. Ce préjudice n'est pas conditionné à l'impossibilité totale de faire usage de ces pièces.

Il est certain que M. [E] n'a pu entreposer du mobilier dans le garage et le cellier qui aurait été rapidement dégradé par l'humidité régnant dans ces pièces du fait des infiltrations d'eau en provenance de la terrasse.

Il convient donc de condamner la société Franck Beun Edifice à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes fondées exclusivement sur les dispositions de l'article 1792 du code civil.

II- Sur la garantie de la société Aréas dommages

Moyens des parties

La société Frank Beun Edifice explique qu'il convient de condamner la société Aréas dommages de à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; qu'elle a réalisé des travaux de réfection de terrasse chez M. [E] mais nullement des travaux d'étanchéité au sens de la nomenclature Qualibat à laquelle font référence les conditions particulières du contrat d'assurance ; qu'en effet selon le lexique Qualibat l'étanchéité est définie comme des « complexes bitumineux permettant la mise hors d'eau des terrasses » ; que si l'expert préconise au titre des travaux de reprise un nouvel ouvrage qui comprend un complexe bitumineux, c'est précisément parce qu'elle n'en a pas réalisé ; qu'elle a réalisé une terrasse et cette activité est assurée ; que le produit ARDEX 8+9 appliqué n'est pas un complexe d'étanchéité bitumineux mais un produit d'étanchéité utilisé par tout carreleur/poseur de sols durs pour assurer l'étanchéité sous la pose de son revêtement qui est ensuite collé par-dessus ; que de surcroît, la pose de cet enduit d'étanchéité ARDEX 8+9 ne fait d'ailleurs pas partie des travaux d'étanchéité visés aux conditions particulières du contrat souscrit auprès de la société Aréas dommages ; que le dallage pierre posé est un dallage en pose collée qui est totalement incompatible avec un complexe bitumineux qui impose une pose sur plots ; qu'il convient de distinguer et de ne pas confondre l'objet du contrat d'assurance (c'est-à-dire la couverture d'assurance de la responsabilité décennale dans le cadre de l'activité déclarée) et les modalités d'exécution des travaux dans le cadre de ladite activité professionnelle ; que la société Aréas dommages sera condamnée à la garantir des condamnations prononcées au profit de M. [E].

M. [E] affirme qu'il y aura lieu de condamner la société Aréas dommages d'avoir à garantir la SARL Franck Beun Edifice de toutes les condamnations prononcées contre elle dans le cadre du présent litige ; que dans le cadre des opérations d'expertise, la société Aréas a indiqué que sa police d'assurance a été résiliée à effet du 1er janvier 2012, et que les travaux d'étanchéité ne faisaient pas partie des activités garanties ; qu'il résulte toutefois des conditions générales de la société Aréas que celle-ci est bien tenue de garantir les dommages constatés en l'espèce ; que l'exclusion visant les travaux d'étanchéité à laquelle la société Aréas faisait référence s'applique en fait uniquement dans le cadre des garanties complémentaires après réception des travaux non concernées dans le présent litige ; que les travaux d'enduits couverts par la garantie de la société Aréas dommages excluent uniquement la pose d'un film plastique étanche et les étanchéités de cuvelage ; qu'en l'espèce, les travaux en question ne correspondent à aucune de ces deux activités, mais uniquement à la pose d'un enduit spécifique ; que la société Aréas dommages soutient que ces travaux devraient être identifiés précisément, selon sa nomenclature, comme des travaux d'activité courante d'étanchéité, alors que la société Franck Beun

Edifice n'exerce pas une telle activité ; que de manière générale, les désordres constatés et reprochés au constructeur ne relèvent d'aucune des activités spécifiques d'étanchéité visées par la nomenclature de l'assureur ; que c'est donc bien que les travaux en question concernent en réalité la pose d'un enduit spécifique, ce qui correspond aux activités garanties, et non la réalisation spécifique d'une étanchéité ; que d'ailleurs, le produit utilisé par

la SARL Franck Beun Edifice est bien un enduit et identifié comme tel par le fabricant et l'expert lui-même dans le cadre de son rapport ; que la société Aréas ne peut donc pas prétendre que le produit appliqué par la SARL Franck Beun Edifice ne serait pas un enduit, et que son assurée ne serait donc pas garantie ; qu'à tout le moins, cette dénomination a de quoi semer le doute, même dans l'esprit d'un entrepreneur, dès lors que le produit en question est bien identifié comme étant un enduit, activité pour laquelle la SARL Franck Beun Edifice était bien assurée auprès d'Aréas ; que c'est donc à tort que la société Aréas dommages a cru pouvoir soutenir que sa garantie serait exclue ; que par ailleurs, les travaux ont été réalisés en 2009, soit avant la résiliation de la police d'assurance ; qu'il conviendra donc de condamner la société Aréas dommages d'avoir à garantir la SARL Franck Beun Edifice de toutes les condamnations prononcées contre elle dans le cadre de la présente instance.

La société Aréas dommages réplique que l'étanchéité n'a pas fait partie des activités déclarées par l'assurée alors que le chantier confié à la société Franck Beun Edifice comporte une réalisation d'étanchéité, laquelle est manifestement déficiente ; que l'expert judiciaire identifie précisément la cause des désordres dans la mise en oeuvre d'un procédé de type ARDEX 8+9, et préconise par la réfection complète de la terrasse avec reprise du système d'étanchéité avec la mise en oeuvre d'un bitume élastomère sur chape et d'un dallage sur plots ; que les défauts d'exécution concernent bien l'étanchéité dont l'activité non souscrite est spécifiquement visée par l'article VII « Définition des Activités » sous l'intitulé « 5.1 Étanchéité » et plus précisément au point « 5.12 Activité courante d'étanchéité » ; qu'il ne s'agit pas d'un problème de pose d'un simple enduit, mais bien d'une « sous-couche d'étanchéité sur l'ensemble du sol » ; que l'activité « 1.13 enduits » exclut elle-même la pose de films plastiques étanches et l'étanchéité de cuvelage ; que l'activité garantie sous le terme « enduits » concerne donc un simple enduit, sans aucune étanchéité ; qu'il suffit de se reporter à la fiche technique du produit ARDEX 8+9 pour se convaincre qu'il s'agit d'un produit destiné à assurer une étanchéité ; qu'en présence de travaux non déclarés lors de la souscription de la police, elle est en droit de dénier sa garantie ; que les activités souscrites par l'assuré délimitent le champ d'application des garanties complémentaires et de l'assurance obligatoire ; qu'il n'y a pas lieu d'opérer une quelconque distinction entre garanties complémentaires et garantie obligatoires, dès lors que les conditions particulières du contrat, listant et précisant les activités souscrites, s'appliquent à l'entier contrat ; que la cour dira donc la demande de garantie formée à son encontre non fondée ; que s'agissant du préjudice de jouissance, la police qui assurait la société

Franck Beun Edifice a été résiliée à effet au 1er janvier 2012, de sorte que la garantie complémentaire non obligatoire a pris fin dés cette date ; qu'il appartenait à l'entreprise de mettre en cause son assureur subséquent, soit la SMABTP, qui a dû prendre la suite des garanties, ce qu'elle n'a jamais fait à ce jour ; qu'au surplus, le préjudice de jouissance ne peut être qualifié de préjudice pécuniaire tel qu'il est défini à l'article 1-5 des conditions générales

susvisées ; qu'en cas d'obligation à garantie, il sera jugé qu'elle en en droit d'opposer à M. [E], la franchise s'attachant à la garantie complémentaire non obligatoire résultant des dommages immatériels ; qu'il en irait de même à l'encontre de l'assurée s'agissant de l'ensemble des dommages indemnisés.

Réponse de la cour

Il résulte des articles L.241-1 et A.243-1 du code des assurances que, si le contrat d'assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l'annexe I à l'article A. 243-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur.

Aux termes des conditions particulières du contrat d'assurance, la société Franck Beun Edifice a déclaré les activités suivantes de maçonnerie-béton armé :

1.11 Fondations

1.12 Maçonnerie et béton armé courant

1.13 Enduits (hormis film plastique étanche et étanchéité de cuvelage)

1.14 Plâtrerie

1.15 Revêtements de mur et de sol (extérieurs, intérieurs) en parements durs (carrelage, faïence, pierre, marbrerie, etc...)

1.16 voiries et réseaux divers (VRD) dont la destination est la desserte privative des bâtiments

1.17 Pose de fosses septiques.

Il convient de constater que la société Franck Beun Edifice n'a déclaré aucune activité de la catégorie étanchéité mentionnée dans le tableau de définition des activités incorporé aux conditions particulières.

Il est constant qu'un assureur ne peut refuser à un constructeur, la garantie résultant d'un contrat d'assurance obligatoire, en se fondant sur les modalités d'exécution de l'activité déclarée et non sur son objet, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 10 septembre 2008, pourvoi n° 07-14.884, Bull. 2008, III, n° 126).

En l'espèce, la société Franck Beun Edifice a été chargée par M. [E] de réaliser des travaux de réfection d'une terrasse extérieure et le devis établi décrit des travaux de dallage comportant une prestation relative à la pose d'une sous-couche d'étanchéité sur l'ensemble du sol (type ARDEX 8+9).

Il s'ensuit que les travaux avaient pour objet la réalisation d'une terrasse entrant dans le cadre des activités déclarées, et non la réalisation d'un complexe d'étanchéité, quand bien même la pose du dallage était précédée d'une simple sous-couche d'étanchéité, qui ne constitue qu'une modalité de pose du dallage.

Il y a d'ailleurs lieu de rappeler qu'aux termes du rapport d'expertise, les désordres d'infiltration sont survenus faute pour la société Franck Beun Edifice d'avoir mis en 'uvre un complexe d'étanchéité, qui ne pouvait pas être palliée par la pose d'une sous-couche d'un enduit de type ARDEX 8+9, inadapté à assurer l'étanchéité au-dessus de pièces habitées.

En conséquence, les travaux réalisés par la société Franck Beun Edifice étaient déclarés à l'assureur qui n'est pas fondé à dénier sa garantie.

S'agissant du préjudice de jouissance qui est un préjudice immatériel relevant des garanties facultatives, il y a lieu de constater que le contrat d'assurance a été résilié avec effet au 1er janvier 2012 et que l'article 11 des conditions générales d'assurance stipule que les garanties complémentaires incluant les dommages immatériels cessent automatiquement à la date de résiliation du contrat. En conséquence, la société Franck Beun Edifice n'est pas fondée à solliciter la garantie de son assureur au titre de sa condamnation à réparer le préjudice de jouissance subi par M. [E].

M. [E] n'a pas exercé d'action directe à l'encontre de la société Aréas dommages de sorte que la question de l'opposabilité de la franchise à son égard ne se pose pas. En revanche, la société Aréas dommages est bien fondée à opposer les franchises contractuelles à son assurée.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré sans objet, la garantie de la société Aréas dommages. La société Aréas dommages sera condamnée à garantir son assurée au titre des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [E], à l'exception de la somme allouée au titre du préjudice de jouissance.

III- Sur les frais de procédure

Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Franck Beun Edifice sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant le coût de l'expertise judiciaire, et à payer à M. [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

DIT que garantie décennale de la société Franck Beun Edifice est engagée au bénéfice de M. [E] ;

CONDAMNE la société Franck Beun Edifice à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 36 601,80 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- 2 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la société Aréas dommages à garantir la société Franck Beun Edifice au titre des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [E], à l'exception de la somme allouée au titre du préjudice de jouissance ;

DIT que la société Aréas dommages est fondée à opposer à la société Franck Beun Edifice les franchises contractuelles ;

CONDAMNE la société Franck Beun Edifice aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant le coût de l'expertise judiciaire ;

CONDAMNE la société Franck Beun Edifice à payer à M. [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes formées au titre des frais irrépétibles.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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