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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 30 avril 2025, n° 24/03159

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Samcv Smabtp (Sté), JH Industries (SAS)

Défendeur :

Etablissements Roger (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Vice-président :

Mme Berthiau-Jezequel

Conseiller :

Mme Deguette

Avocats :

Me Scolan, Me Barrabe, Me Mabire Morival, Me Thillard, Me Roth, Me Lachkar, Me Menard

Dieppe, du 5 août 2024, n° 22/01311

5 août 2024

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La Sarl Marine immobilier a fait réaliser des travaux de réhabilitation de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 11] par la Sarl Les chantiers du littoral, société de son groupe qui a acheté les matériaux nécessaires auprès de la Sas Établissements Roger. Le 30 décembre 2013, la Sarl Marine immobilier a signé un procès-verbal de réception de travaux sans réserve. Elle absorbera ensuite la Sarl Les chantiers du littoral.

Par acte authentique du 15 juin 2016, M. [D] [L] et Mme [G] [K], son épouse ont acquis auprès de la Sarl Marine immobilier un appartement au sein de cet ensemble immobilier. Par mail du 18 novembre 2017, ils ont signalé à la Sarl Marine immobilier des infiltrations d'eau. Un rapport d'expertise amiable a été établi le 27 mai 2019.

Par ordonnance du 8 janvier 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dieppe a ordonné une expertise judiciaire et a désigné M. [F] [B] pour y procéder. Par ordonnance du 23 décembre 2020, il a déclaré commune et opposable à la société JH industries, la société Smabtp, la société Établissements Roger et la société Axa assurances cette mesure d'expertise. L'expert judiciaire a déposé son rapport le

21 mars 2022.

Par actes de commissaire de justice des 25, 28, 29 et 30 novembre 2022, M. et Mme [L] ont assigné la société Marine immobilier, la société Axa France Iard, la société Établissements Roger, la société JH Industries et la société Smabtp devant le tribunal judiciaire de Dieppe afin d'obtenir réparation de leurs préjudices.

Par ordonnance contradictoire du 5 août 2024 le juge de la mise en état a :

- déclaré irrecevables les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action de M. [L] et Mme [K] soulevées par la société JH industries et la société Smabtp,

- condamné in solidum la société JH industries et la société Smabtp aux dépens de l'incident,

- débouté la société JH industries et la société Smabtp de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société JH industries et la société Smabtp à payer à

M. [L] et Mme [K] la somme globale de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 15 octobre 2024.

Par déclaration reçue au greffe le 4 septembre 2024, les sociétés Smabtp et JH industries ont formé appel de cette ordonnance.

Par décision du président de chambre du 7 octobre 2024, l'affaire a été fixée à bref délai en application des articles 906 et suivants du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2024, les Samcv Smabtp et la Sas JH industries demandent à la cour, au visa des articles 1641 et 1648 du code civil, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise 2024 en ce qu'elle a :

. écarté tout renvoi devant la formation de jugement pour statuer sur la question de fond inhérente aux fins de non-recevoir,

. déclaré irrecevables les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action de M. et Mme [L] soulevées par les sociétés JH industries et Smabtp,

. condamné in solidum les sociétés JH industries et Smabtp aux dépens de l'instance,

. débouté les sociétés JH industries et Smabtp de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné in solidum les sociétés JH industries et Smabtp à payer à M. et Mme [L] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

- déclarer M. et Mme [L] irrecevables en leurs demandes à leur encontre,

- condamner in solidum M. et Mme [L] à leur payer, chacune, la somme de

2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. et Mme [L] en tous les dépens et autoriser la Selarl Gray Scolan, avocats à Rouen, à procéder à leur recouvrement, pour ceux la concernant, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elles exposent qu'il existe une chaine de contrats ininterrompue par un contrat de sous-traitance de sorte que les propriétaires, M. et Mme [L], subrogés dans les droits du maître de l'ouvrage, la Sarl Marine immobilier, jouissent en qualité de sous-acquéreurs de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à leur auteur ; qu'ainsi, ils ne peuvent agir sur un fondement extracontractuel et disposent contre le fabricant, la Sas JH industries d'une action contractuelle directe.

Elles soulignent que la Sas JH industries n'est pas un fabricant d'élément pouvant entrainer la responsabilité solidaire et que les menuiseries qui ont été fabriquées sont des éléments d'équipement indifférenciés qui ne peuvent être considérés comme conçus et produits pour satisfaire, en état de service et sans modification, à des exigences propres au chantier, spécifiques, précises et déterminées à l'avance.

Elles relèvent que l'expert constate et décrit des vices cachés ; que ce fondement exclut tout autre fondement contractuel tel que le défaut de délivrance conforme ou le manquement au devoir de conseil.

Elles retiennent que le seul fondement juridique que peuvent invoquer M. et Mme [L] à leur encontre est celui qui est tiré de l'article 1641 du code civil soit en conséquence, un délai de deux ans pour agir à compter de la connaissance du vice ; qu'en l'espèce, l'action est prescrite. Elles ajoutent que M. et Mme [L] ne peuvent se prévaloir de l'effet interruptif de la prescription de l'assignation délivrée par la Sarl Marine immobilier à leur encontre, l'effet interruptif de prescription de l'assignation ne valant que si elle est adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire.

Par dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2025, la Sas Établissements Roger demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a plus particulièrement écarté tout renvoi devant la formation de jugement pour statuer sur la question de fond inhérente aux fins de non-recevoir, et en conséquence déclaré irrecevables les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action de M. et Mme [L] soulevées par les sociétés JH industries et Smabtp,

en conséquence, statuant à nouveau,

à titre principal,

- joindre l'incident au fond en renvoyant devant la juridiction de jugement la fin de non-recevoir tirée de la prescription ou la forclusion de l'action directe de M. et Mme [L] à laquelle s'est associée la Sas Établissements Roger, dont la solution dépend de la question de fond qui lui est préalable tenant au fondement juridique applicable à l'action directe de M. et Mme [L] à l'égard des sociétés JH industries et Smabtp mais aussi à l'égard de la société Établissements Roger,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour s'estimerait compétente pour statuer sur cette question de fond et cette fin de non-recevoir,

- juger mal fondée l'action en garantie décennale intentée par M. et Mme [L] à son égard en sa qualité de simple revendeur de menuiseries extérieures, mais aussi en l'absence d'impropriété à destination et de spécifications techniques permettant d'identifier les menuiseries extérieures comme un EPERS,

- constater qu'elle n'est liée par aucun contrat à M. et Mme [L] mais uniquement avec la société Les chantiers du littoral devenue aujourd'hui la société Marine immobilier par suite de la transmission universelle de son patrimoine,

- juger qu'il n'y a pas de défaut de conformité qu'il lui est imputable et/ou à la société JH industries,

- juger que s'il y a défaut de conseil imputable à la société JH industries, qu'elle puisse seule utilement s'en prévaloir à l'égard de cette dernière,

ce faisant,

- juger mal fondée l'action en responsabilité contractuelle diligentée par M. et Mme [L] à son encontre,

en conséquence,

- juger que M. et Mme [L] ont eu connaissance de l'existence d'un vice caché depuis le 27 mai 2019 date du dépôt du rapport d'expertise technique voire au plus tard le 22 mars 2022 date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire,

ce faisant, vu l'absence de tout acte interruptif de prescription intervenu avant le

22 mars 2024, tenant à la notification de M. et Mme [L] d'une assignation ou de conclusions en vue de rechercher sa responsabilité et/ou de la société JH Industries sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- juger prescrite depuis le 27 mai 2021 et en tout cas depuis le 22 mars 2024 une action éventuelle en garantie des vices cachés dirigée à son encontre,

en conséquence,

- déclarer irrecevable leur action dirigée à son encontre pour cause de prescription,

- condamner M. et Mme [L] à leur payer une somme de 4 000 euros, en remboursement des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [L] aux entiers dépens de l'incident et d'appel dont distraction sera faite au profit de Me Roth avocat associé au barreau de Dieppe conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle rappelle qu'elle n'est liée par aucun contrat à M. et Mme [L] et qu'elle est intervenue comme un simple revendeur de la société JH industries qui est le fabricant des menuiseries extérieures litigieuses et n'est donc liée à la société Les chantiers du littoral que par un contrat de fourniture.

Elle soutient que M. et Mme [L] ne peuvent donc a priori se prévaloir d'une quelconque présomption de responsabilité des constructeurs à son égard ainsi qu'à celle de la société JH industries et soutient qu'ils disposent d'une action directe à l'encontre de la société Marine immobilier, leur vendeur, qui ne signifie aucunement qu'ils en ont une à leur encontre et/ou de la société JH industries qui ne sont pas locateurs d'ouvrage.

Elle retient que l'expert judiciaire ne relève à aucun moment l'existence d'une non-conformité des menuiseries extérieures, reprochant uniquement à la société JH industries et non à son égard, un simple défaut de conseil au seul motif que la société JH industries ne pouvait ignorer que le bâtiment était en front de mer et que cela engendrait des dispositions spécifiques pour le classement AEV.

Elle souligne que l'expert judiciaire se contente de confirmer les écoulements d'eau sans pouvoir en expliquer précisément la cause, avançant comme une des hypothèses plausibles, la géométrie des baies en façade en partie haute, sans toutefois en exclure d'autres, évoquant ainsi l'existence d'un vice caché sans toutefois être en mesure de pouvoir en sérier précisément l'origine.

Par dernières conclusions notifiées le 28 février 2025, M. [D] [L] et Mme [G] [K] épouse [L], demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue en date du 5 août 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Dieppe en ce qu'il a :

. déclaré irrecevables les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action de M. et Mme [L], soulevées par les sociétés JH industries et Smabtp,

. condamné in solidum les sociétés JH industries et Smabtp aux dépens de l'incident,

. débouté les sociétés JH industries et Smabtp de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné in solidum les sociétés JH industries et Smabtp à payer à M. [L] et Mme [K] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article

700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- débouter les sociétés JH industries et son assureur, la Smabtp de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Établissements Roger de l'ensemble de ses demandes,

- condamner les sociétés JH industries et son assureur, la Smabtp, ainsi que la société Établissements Roger, à régler à M. [L] et Mme [K], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés JH industries et son assureur et la Smabtp ainsi que la société Établissements Roger aux entiers dépens.

Ils rapportent que les désordres sont apparus en novembre 2017 et que la réalité de ceux-ci et les responsabilités susceptibles d'être engagées ont été connues au jour du dépôt du rapport de l'expert judiciaire, à savoir le 21 mars 2022 et énoncent que l'assignation a été délivrée aux sociétés JH industries et Smabtp respectivement les 29 novembre 2022 et 25 novembre 2022 soit dans le délai de 10 ans de l'apparition des désordres et de la découverte du vice.

Ils soutiennent que les sociétés JH industries et Smabtp n'invoquent aucunement le fait qu'ils les auraient assignées au-delà du délai de 10 ans mais se contentent de contester le caractère d'élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire.

A titre subsidiaire sur le fondement de la délivrance conforme et du défaut de conseil et d'information, ils retiennent que seul le rapport d'expertise judiciaire leur a permis d'être en possession des éléments techniques et des faits utiles pour connaître les éventuelles responsabilités susceptibles d'être engagées.

Sur le fondement des vices cachés, ils soutiennent que le juge de la mise en état saisi de l'incident de prescription n'était pas compétent pour apprécier la qualification des désordres et retiennent qu'en l'absence d'action fondée sur la garantie des vices cachés, aucune argumentation relative à la prescription de cette action ne peut être retenue.

Ils rapportent que le rapport d'expertise amiable ne pourra servir de date de départ du délai de prescription, ne fournissant pas les éléments techniques et de fait, de nature à permettre à une juridiction de statuer sur les responsabilités éventuellement encourues.

Sur l'irrecevabilité des fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action soulevées par les sociétés JH industries et Smabtp sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ils relèvent que les appelants n'invoquent aucun argument relevant de la compétence du juge de la mise en état.

Sur la confirmation de l'ordonnance, quant au rejet de la demande tendant à voir joindre l'incident au fond, ils soulignent qu'en l'absence de recevabilité des fins de non-recevoir, il n'y a aucun incident à joindre au fond.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 19 mars 2025.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action engagée par les acquéreurs.

Les sociétés JH industries et Smabtp reprochent au premier juge d'avoir écarté la fin de non-recevoir soulevée au titre de la prescription de l'action en garantie des vices cachés en considérant que ce fondement relevant des articles 1641 et suivants n'était pas invoqué par les demandeurs et alors que M. et Mme [L] ne peuvent invoquer un autre fondement, décennal, contractuel ou extracontractuel.

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription est un moyen de défense : ainsi le défendeur qui oppose au demandeur un fondement juridique exclusif de l'action entreprise, différent de celui qui a été visé par le demandeur, est habile à défendre la prescription de cette action pour tenter de compromettre tout recours en indemnisation à son encontre.

En l'espèce, si les assignations délivrées le 29 novembre 2022 aux différentes parties ne visent pas l'action en garantie des vices cachés à l'encontre du fabricant, le moyen opposé par ce dernier pour exclure tout autre fondement doit être examiné.

En effet, le maître d'ouvrage ou le sous-acquéreur jouissent de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à leur auteur ; il dispose donc à cet effet contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée notamment sur la non-conformité de la chose livrée, la garantie des vices cachés.

Toutefois, lorsque le défaut qui affecte le bien vendu le rend impropre à son usage normal, l'action en garantie des vices cachés constitue le seul fondement ouvert au demandeur.

Un défendeur à l'action peut discuter l'exacte qualification du fondement invoqué par le demandeur.

- Sur la prescription des actions de nature contractuelle

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1648 du code civil précise que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Il s'agit d'un délai de prescription et non de forclusion.

M. et Mme [L] ont acquis l'appartement subissant des infiltrations le 15 juin 2016 et ont révélé à la Sarl Marine immobilier le défaut par courriel du 18 novembre 2017. Dans son rapport du 27 mai 2019, l'expert de la société d'assurance Groupama, assureur de M. et Mme [L], a conclu que : « Les fenêtres installées ne sont pas conformes au classement AEV applicable à la localisation du bâtiment et son exposition. ». Il préconise le remplacement des 7 menuiseries en aluminium du logement des propriétaires.

M. et Mme [L] n'ont appelé aux opérations d'expertise que leur vendeur, la Sarl Marine immobilier par assignation en référé du 7 novembre 2019. Les autres acteurs de la construction n'ont été assignés que par la Sarl Marine Immobilier par actes extrajudiciaires des 13, 15, 16 et 21 octobre 2020.

Le rapport de l'expert judiciaire a été déposé le 21 janvier 2022 : sans pouvoir analyser les causes des désordres à l'exception de joints défectueux, il confirme que l'absence d'étanchéité à l'eau des menuiseries rend celles-ci impropre à leur destination et déclare que la Sas JH industries est responsable puisque les côtes ont été prises par un salarié de la société et que la connaissance de la destination des menuiseries justifiait la fourniture de menuiseries classées AEV (résistance Eau-Air-Vent). Il ne précise pas cependant la classification qu'il convient de retenir.

M. et Mme [L] ont assigné le fabricant au fond le 29 novembre 2022.

Il ressort de ces éléments que dès le 27 mai 2019, M. et Mme [L] avaient connaissance des défauts affectant les menuiseries et de leur inadaptation en raison de la localisation de l'immeuble, dès lors de la nature et de l'ampleur des vices affectant les fenêtres. Ils n'ont accompli aucun acte interruptif de prescription à l'encontre de la Sas JH industries et de son assureur avant assignation au fond le

29 novembre 2022, soit plus de deux ans après la découverte du vice. En conséquence, l'action sur ce fondement est prescrite.

Comme le soutiennent les appelantes, l'action en garantie des vices cachés exclut les actions en responsabilité contractuelle relevant de l'obligation de délivrance ou encore du défaut d'information et de conseil.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a admis la recevabilité de l'action entreprise sur le fondement de la responsabilité contractuelle dans les termes ci-dessus, car engagée dans le délai de cinq ans sans examiner les moyens tirés de la prescription biennale de l'action exclusive alléguée par les appelantes au titre de la garantie des vices cachés.

La fin de non-recevoir bénéficie également au fournisseur des fenêtres, la Sas Établissements Roger, qui de même n'a pas été assigné au fond avant le 25 novembre 2022 sans avoir été appelé aux opérations d'expertise.

- Sur la prescription des actions de nature extracontractuelle

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription des actions ci-dessus ne fait pas obstacle à une action de nature extracontractuelle.

En l'espèce, le fait dommageable, soit les infiltrations, a été révélé en novembre 2017 selon le premier courriel émanant des acquéreurs du bien rédigé le 18 de ce mois.

M. et Mme [L] ne font valoir aucun autre fait dommageable susceptible de motiver à l'encontre des intimés d'autres faits de nature à constituer le point de départ de leur délai pour agir. Les acquéreurs disposaient donc d'un délai pour assigner prenant fin le 18 novembre 2022.

M. et Mme [L] ont fait procéder à la délivrance d'une assignation à l'encontre de la Sas JH industries et la Smabtp le 29 novembre 2022 soit après expiration du délai quinquennal pour agir.

Les autres parties dont la Sas Établissements Roger les 25, 28, 29 et 30 novembre 2022 soit également hors délai de sorte que l'action est irrecevable également à l'encontre de cette société.

- Sur la garantie décennale

L'article 1792 dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En application de l'article 1792-4-1 du même code, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.

De façon non contestée, la réception des travaux de menuiserie a été effectuée le

30 décembre 2013. L'acquéreur reprenant les droits de son vendeur disposait d'un délai pour agir prenant fin le 30 décembre 2023 de sorte que sur ce fondement l'action entreprise par M. et Mme [L] est recevable. Ce point n'est pas contesté par les parties intimées ; l'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur les frais de procédure

L'ordonnance ayant statué sur les dépens et l'indemnité procédurale sera infirmée pour l'être en partie sur les fins de non-recevoir traitées. Les dépens et frais demandés suivront le sort de la procédure au fond en première instance.

M. et Mme [L] succombent en appel et supporteront solidairement les dépens dont distraction au profit de Me Roth, avocat et de la Selarl Gray Scolan, avocats associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une des parties au procès.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la forclusion du délai pour agir de M. [D] [L] et de Mme [G] [K], son épouse, sur le fondement de la garantie légale décennale contre la Sas JH industries et la Smabtp et contre la Sas Établissements Roger ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable les actions engagées par M. [D] [L] et de Mme [G] [K], son épouse, contre la Sas JH Industries et la Smabtp et contre la Sas Établissements Roger :

- sur les fondements contractuels de l'obligation de délivrance, de garantie des vices cachés, du devoir d'information et de conseil,

- sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle ;

Dit que les dépens et frais irrépétibles de première instance suivront le sort de la procédure au fond ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne solidairement M. [D] [L] et de Mme [G] [K], son épouse, aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Roth, avocat et de la Selarl Gray Scolan, avocats associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

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