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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 30 avril 2025, n° 23/04414

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Languedoc Fermetures (SARL), BPCE IARD (SA), Menuiserie Castes Industrie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Boxo, Me Lanau, Me Lambert

TJ Carcassonne, du 22 juin 2023, n° 17/0…

22 juin 2023

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS:

1. M.et Mme [N] ont confié à la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] :

- le remplacement de menuiseries suivant devis du 25 novembre 2015 d'un montant de 24 000 ' TTC,

- la pose d'une porte sectionnelle et de menuiseries suivant devis du 21 décembre 2015 d'un montant de 6 800 ' TTC.

2. Ils ont versé un acompte d'un montant de 9 000 '.

3. La société Languedoc Fermetures [Localité 7] est assurée auprès de la SA BPCE IARD et s'est fournie en matériel auprès de la SAS Menuiserie Castes Industrie.

4. Les travaux se sont déroulés du 22 février au 26 février 2016.

5. Se plaignant de malfaçons et du non-achèvement de certains travaux, les époux [N] ont fait réintervenir la société Languedoc Fermetures [Localité 7] les 20 et 21 juin 2016.

6. A l'issue, la société Languedoc Fermetures [Localité 7] a émis deux factures n°02798 d'un montant TTC de 23 999,99 ' et n°02799 d'un montant TTC de 6 856,08 ' pour un reste à payer respectif de 16 999,99 ' et 4 856,08 '.

7. Le 19 novembre 2016, deux factures rectificatives étaient émises afin de tenir compte du refus de livraison de volets de la part des époux [N] et d'une erreur affectant la facture n° 02708 d'un montant respectif de 13 255,73 ' et 5 389 ' soit un total de reste à payer après déduction de l'acompte de 9 644,73 ' dont la société Languedoc Fermetures [Localité 7] a sollicité le paiement en vain.

8. C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier du 16 octobre 2017, la société Languedoc Fermetures [Localité 7] a fait assigner en paiement les époux [N] devant le tribunal judiciaire de Carcassonne.

9. Par acte d'huissier du 7 septembre 2018, la société Languedoc Fermetures [Localité 7] a appelé son assureur la société BPCE IARD en intervention forcée aux fins de se voir relever et garantir des condamnations pouvant être prononcées à son encontre.

10. Par ordonnance du 3 octobre 2018, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

11. Par acte du 15 mai 2019, la société Languedoc Fermetures [Localité 7] a fait assigner la société Menuiserie Castes Industrie, fournisseur des menuiseries en intervention forcée aux fins de voir engager sa responsabilité.

12. Par ordonnance du 3 juillet 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux instances.

13. Par ordonnance du 26 novembre 2020, le juge de la mise en état a fait droit à la demande d'expertise des époux [N] et désigné M. [M] pour y procéder.

14. Le rapport d'expertise a été déposé le 19 janvier 2022.

15. Par jugement réputé contradictoire du 22 juin 2023, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :

- Débouté les époux [N] de leur demande en résolution du contrat la liant à la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] ;

- Condamné les époux [N] à payer à la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] la somme de 9 433,73 ' TTC assortie des intérêts au taux légal, à compter du 16 octobre 2017 ;

- Prononcé la mise hors de cause de la SA BPCE IARD ;

- Condamné les époux [N] à payer la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] la somme de 5 000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné les époux [N] à payer à la SA BPCE IARD la somme de 3 000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples, autres ou contraires ;

- Condamné les époux [N] aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

16. Les époux [N] ont relevé appel de ce jugement le 30 août 2023.

17. Par ordonnance du 8 février 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la société Menuiserie Castes Industrie et de la société BPCE IARD.

18. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 5 février 2024, les époux [N] demandent en substance à la cour, au visa des articles 1184 et suivants du code cvil, de :

- Réformer le jugement du 22 juin 2023,

- Prononcer la résolution judiciaire partielle du contrat,

- à titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise judiciaire complémentaire consistant en un test d'infiltrométrie,

- Condamner la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] à rembourser aux époux [N] la somme de 12 257,80 ' correspondant au solde du marché résolu ainsi que l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] à rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire après compensation,

- Condamner la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- La condamner à payer aux époux [N] la somme de 8 000 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

19. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 24 juillet 2024, la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] demande en substance à la cour, au visa des articles 1104 (ancien 1134) et 1231 -1 (ancien 1147) du Code Civil, 559 et 913-5 du Code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [N] au paiement du solde des travaux,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [N] au paiement de la somme de 5 000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- Juger irrecevable la demande d'expertise formulée subsidiairement,

En toute hypothèse,

- Débouter les appelants de leur demande d'expertise complémentaire consistant en un test d'infiltrométrie,

Pour le surplus,

- Réformer le jugement et ainsi,

- Condamner les époux [N] au paiement de la somme de 8730,51 ' assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2017,

- Condamner les époux [N] au paiement de la somme de 3000' à titre de dommages et intérêts dus en raison du retard dans l'exécution de leur obligation de paiement,

- Condamner les époux [N] au paiement de la somme de 3000' à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En tout état de cause,

- Condamner les époux [N] au paiement de la somme de 5000' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

20. Par uniques conclusions remises par voie électronique le 3 janvier 2024, la société BPCE IARD demande en substance à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du Code civil, de :

- Rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées,

- Confirmer purement et simplement le jugement du 22 juin 2023 en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la SA BPCE IARD.

- Condamner tout succombant à payer à la SA BPCE IARD une somme de 3 500 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

21. La société Menuiserie Castes Industrie n'a pas constitué avocat.

22. Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 janvier 2025.

23. Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

24. Selon l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : 'Les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites.'

25. En vertu de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : 'La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'

Il appartient au juge d'apprécier souverainement en cas d'inexécution partielle si cette inexécution a assez d'importance pour être immédiatement prononcée.

26. Il résulte enfin des dispositions de l'article 1315 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation et de celles de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

27. Au cas d'espèce, les époux [N] poursuivent en appel leur demande, rejetée par le premier juge, tendant au prononcé de la résolution du contrat et à la condamnation de la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] à leur rembourser la somme de 12 257,80 ' au titre du solde du contrat.

28. Ils indiquent que si les travaux relatifs à la porte du garage, aux grilles de défense, au forfait pose, aux deux coulissants de la véranda pour un montant de 5 472,71 ' sont conformes, des désordres persistent quant à l'étanchéité à l'air des fenêtres fournies ainsi que le révèle l'étude d'infiltométrie et le constat d'huissier établi le 2 février 2022. Ils critiquent la rapport de l'expert en ce qu'il n'a effectué que deux accédits et n'aurait pas de compétences spécifiques en menuiseries.

29. Il sollicitent à titre subsidiaire l'organisation d'une expertise complémentaire consistant en un test d'infiltométrie.

30. La SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] lui oppose en substance que l'expert judiciaire qui a répondu précisément à sa mission n'a pas constaté les désordres toujours invoqués par les époux [N] postérieurement à quelques reprises effectuées. Elle fait observer en outre que le constat d'huissier du 2 février 2022 a été réalisé trois semaines après ledit rapport et le test d'infiltrométrie pour les besoins de la procédure d'appel, alors que l'expert avait évoqué cette possibilité dont les appelants ne se sont pas saisis et précise enfin que le jugement est entaché d'une erreur portant sur le solde des factures restant dû qui s'élève à 8 730,51' et non à 9 433,73'.

31. Sur ce, la cour observe à titre liminaire que l'expert, inscrit sur la liste des experts de la cour de ce siège et dont la désignation n'a fait l'objet d'une quelconque contestation initiale par les époux [N], a établi ses conclusions après avoir analysé l'ensemble des pièces produites par les parties, répondu de manière précise à leurs dires à l'issue de deux accédits réalisés les 6 avril et 8 juillet 2021, les époux [N] étant assistés par leur conseil lors de ces deux visites outre par un expert privé lors de l'accédit du 6 avril 2021.

32. Il sera également observé que nonobstant cet accompagnement juridique et technique, ils n'ont sollicité aucun complément d'expertise tel le test d'infiltomérie suggéré par l'expert qui a précisé en page 12 de son rapport qu'aucune demande de réaliser une telle investigation ne lui avait été transmise.

33. Au regard de ces observations, les critiques des époux [N] portant sur la manière dont l'expert s'est acquitté de sa mission apparaissent dénuées de fondement.

34. Or, l'expert a relevé en substance s'agissant de l'étanchéité à l'air des menuiseries litigieuses qui fonde les griefs résiduels des époux [N], que celles-ci étaient non seulement conformes, mais que les documentation et certification techniques y afferéntes ont fait apparaître un meilleur classement que ce qu'impose la règlementation alors que les époux [N] s'appuient sur une documentation commerciale relative à des portes-fenêtres mises en oeuvre par un autre menuisier qui n'est pas contractuelle.

L'expert a également précisé que l'examen des menuiseries n'a pas fait apparaître de différence avec le document technique d'application sauf en ce qui concerne les joints mais que cette différence'ne permet pas de considérer une atteinte à l'étanchéité à l'air qui n'a pu être constatée in situ, même avec une caméra thermique'.

35. Ces conclusions expertales précises et circonstanciées ne peuvent être remises en cause par le test d'infiltométrie qu'ont fait réaliser de manière non-contradictoire les époux [N] postérieurement au jugement déféré, alors même qu'ainsi que précédemment relevé, la réalisation d'un tel test avait été suggérée par l'expert au cours des opérations expertales et que les époux [N] ne s'en sont pas saisis et que conformément à la jurisprudence constante de la cour de cassation rendue au visa de l'article 16 du code de procédure civile, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise amiable laquelle doit pouvoir être corroborée par des éléments extérieurs de nature à en corroborer les termes (Cass Ch. Mixte 28 septembre 2012 pourvoi n° 11-18.710, Civ. 3ème, 14 mai 2020, n°19-16.278.).

36. Les époux [N] ne justifiant en conséquence d'aucun motif de nature à justifier le prononcé de la résolution du contrat, la cour confirmera le jugement qui les a déboutés de cette demande, l'infirmera toutefois quant au quantum de la condamnation prononcée au titre du solde des travaux qui s'élève à 8 730,51' suivant factures en date du 19 novembre 2016, condamnation qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 6 juin 2017, et non à compter de l'assignation.

37. Enfin, la cour estime manifestement tardive la demande d'expertise complémentaire formée à hauteur d'appel huit ans après l'achèvement des travaux et à défaut d'avoir été sollicitée au cours ou à la suite immédiate des opérations expertales précédemment ordonnée d'autant qu'ainsi que le souligne la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7], la société Menuiserie Castes Industrie, fabricant des mesuiseries litigieuses, et son assureur ne sont plus en la cause du fait de la décision de caducité partielle de l'appel à l'égard de ces parties.

38. La SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] ne justifiant pas davantage en cause d'appel qu'en première instance qu'elle a subi par la mauvaise foi de son débiteur un préjudice indépendant du retard dans l'exécution par ce dernier de son obligation de paiement, réparé par la condamnation aux intérêts moratoires à compter de la mise en demeure, la cour confirmera le jugement l'ayant déboutée de sa demande indemnitaire.

39. En raison de la caducité partielle de l'appel prononcée à l'égard de la S.A BPCE IARD ayant eu pour effet l'extinction de l'instance d'appel à l'égard de cette partie, sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile n'est pas recevable.

40. Parties succombantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les époux [N] supporteront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [U] [N] et Mme [Y] [N] à payer à la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] la somme de 9 433,73 ' outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [U] [N] et Mme [Y] [N] à payer à la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] la somme de 8 730,51 ' outre intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2017.

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [N] et Mme [Y] [N] aux dépens d'appel.

Condamne M. [U] [N] et Mme [Y] [N] à payer à la SARL Languedoc Fermetures [Localité 7] la somme de 2 500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déclare irrecevable la demande de la S.A BPCE IARD au titre des frais irrépétibles.

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