CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 5 mai 2025, n° 24/05556
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Eurepi (SASU)
Défendeur :
Urios (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Simon-Rossenthal
Vice-président :
M. Blanc
Conseiller :
Mme Lorans
Avocats :
Me Pelit-Jumel, Me Wurth, Me Dujardin, Me Imbert, AARPI Gaussen Imbert et Associés
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Les 18 juillet 2017, 7 décembre 2017 et 29 juin 2018, la société GMS meunerie, qui a pour activité l'industrie et le commerce de la minoterie, et l'un de ses fournisseurs, la société Eurepi, ont conclu avec la société Urios, qui a pour activité le recouvrement, la gestion, le conseil en gestion de créances et en informations économiques et commerciales, des contrats de prestations de services par lesquels la société URIOS s'engageait à réaliser une étude garantie de la société GMS meunerie et à garantir le règlement des factures émises par la société Eurepi à un taux d'indemnisation de 90 % hors taxe, dans les limites respectives de 2 000 000 euros pendant une période de 12 mois, 350 000 euros pendant une durée de 7 mois et 2 000 000 euros pendant une période de 12 mois.
La société GMS meunerie a été placée en redressement judiciaire le 3 septembre 2018, puis en liquidation judiciaire le 7 janvier 2019.
Le 27 novembre 2018, la société Urios ayant refusé de payer à la société Eurepi la somme de 2 079 898,05 euros au titre de créances impayées par la société GMS, la société Eurepi a fait assigner la société Urios en paiement devant le tribunal de commerce de Bobigny.
Le 28 janvier 2019, la société Eurepi a assigné en intervention forcée Maître [C] [P], en sa qualité de liquidateur de la société GMS meunerie.
Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a statué comme suit :
« Déboute la SAS Eurepi de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne la SAS Eurepi à verser à la SAS Urios la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la SAS Urios du surplus de sa demande à ce titre ;
Condamne la SAS Eurepi aux dépens ;
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 95,66 euros TTC (dont TVA : 11,94 euros). »
Par déclaration du 30 octobre 2020, la société Eurepi a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 9 mai 2022, la cour d'appel de Paris a statué comme suit :
« INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
CONSTATE que la résiliation du contrat de garantie conclu entre les sociétés Urios, GMS Meunerie et Eurepi le 29 juin 2018 par la société Urios est fautive ;
CONDAMNE la société Urios à payer à la société Eurepi la somme de 520 497 euros ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE la société Urios à payer à la société Eurepi la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Urios aux dépens. »
Par arrêt du 7 février 2024, la Cour de cassation a statué comme suit :
« CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris :
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Urios et la société Eurepi aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé. »
Aux points 7, 8, 11, 12, 14 et 15 de cet arrêt, la Cour de cassation a relevé :
« 7. Pour condamner la société Urios au paiement d'une certaine somme, l'arrêt retient que les critiques formulées a posteriori sur le lien entre les délais de paiement contestés de 45 jours et le résultat de solvabilité qui serait déterminé par la société Urios ne sont pas démontrées, en l'absence de production de comptes sociaux, d'une situation de trésorerie ou d'une attestation d'un professionnel du chiffre sur cette prétendue solvabilité. Il ajoute qu'en ce qui concerne le délai entre la date d'échéance et le paiement des factures, si le contrat stipule que le délai de forclusion d'une facture non réglée est au 60ème jour après leur échéance initiale, l'écart reproché par la société Urios concerne 16 factures, et qu'il existe une compensation entre le délai de -15 jours pour neuf factures, de + 16 jours pour cinq factures et de +15 jours pour une facture.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, selon les articles 3 et 4 des conditions particulières du contrat litigieux, les obligations de l'entreprise signataire étaient d'envoyer, en cas de non-paiement partiel ou total, au moins une relance écrite dans les trente jours de l'échéance impayée, que le délai initial de paiement ne pouvait excéder 90 jours, que l'entreprise signataire ne pouvait accorder de report d'échéance à son débiteur, sous peine de déchéance de la garantie financière et qu'en cas de retard de paiement 45 jours après échéance, il lui incombait d'adresser un dossier dans les quinze jours suivants sans que soit stipulé un quelconque mécanisme de compensation, ni que la déchéance de garantie soit subordonnée à la démonstration d'un lien entre les délais de paiement et le résultat de solvabilité, la cour d'appel a violé [l'article 1103 du code civil] susvisé.
[']
11. Pour dire que la résiliation du contrat de garantie du 29 juin 2018 par la société Urios était fautive, l'arrêt retient que cette dernière reconnaît avoir été destinataire d'un état récapitulatif des soldes de trésorerie, une synthèse des retards par fournisseurs et une synthèse des résultats arrêtés fin avril 2018, avant la signature du contrat de garantie du 29 juin 2018, qu'elle ne démontre pas l'absence de communication de factures dans les conditions prévues au contrat et qu'il lui appartenait d'en tirer ses propres conclusions et de solliciter éventuellement d'autres informations avant d'accepter de signer le dit contrat en toute connaissance de cause, à la suite des deux autres précédents contrats de garantie.
12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Urios qui soutenait que, lors de la conclusion du contrat de garantie du 29 juin 2018, la société GMS meunerie avait omis de l'informer d'une importante dégradation de sa stabilité financière, consistant notamment en la désignation d'un mandataire ad hoc au quatrième trimestre 2017, la perte du principal marché du groupe en Angola au premier semestre 2018, la formulation de demandes d'aménagement de paiements auprès de la commission des chefs de service financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale, de l'assurance chômage et d'établissements bancaires, ainsi que du rejet de ces demandes, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences [de l'article 455 du code de procédure civile] susvisé.
[']
14. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de la société Urios, l'arrêt retient que, selon l'article 2 des conditions particulières du contrat de garantie, la créance garantie est matérialisée par une « créance impayée 6 mois après son échéance initiale » et que la situation de compte de la société GMS meunerie émise le 31 août 2018 ne respecte par les stipulations du contrat en ce qu'elle liste 21 factures émise entre le 17 mai 2018 et le 21 août 2018, sans respect du délai contractuel de six mois pour pouvoir bénéficier de la garantie. Il en déduit que seules les six factures émises à la date du 1er juillet 2017, d'un montant total de 578 330 euros doivent être retenues.
15. En statuant ainsi, alors que l'article 2 des conditions particulières du contrat de garantie stipule que la garantie financière « s'applique en cas de non-paiement dû à l'insolvabilité présumée (créance qui reste impayée six mois après son échéance initiale) ainsi qu'en cas de non-paiement dû à l'insolvabilité constatée (procédure de sauvegarde de justice, redressement et liquidation judiciaire) », la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe [selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis]. »
Par déclaration du 12 mars 2024, la société Eurepi a saisi la cour d'appel de Paris.
Par dernières conclusions remises au greffe le 2 mai 2024, la société Eurepi demande à la cour de :
« DECLARER l'appel de la société EUREPI recevable et bien fondé ;
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de BOBIGNY en ce qu'il a :
- Débouté la SAS EUREPI de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamné la SAS EUREPI à verser à la SAS URIOS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- Condamné la SAS EUREPI aux dépens.
Statuant à nouveau,
DECLARER la société EUREPI recevable et bien fondée en ses demandes ;
CONDAMNER la société URIOS à payer à la société EUREPI la somme de 2 079 898,05 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 septembre 2018, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;
DEBOUTER la société URIOS de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la société URIOS à verser à la société EUREPI la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société URIOS aux entiers frais et dépens. »
La société Eurepi fait notamment valoir que :
- sa créance a été régulièrement déclarée, ne sera pas contestée en cas de vérification du passif chirographaire et correspond au montant figurant dans les comptes de la société GMS meunerie comme l'a confirmé le liquidateur de cette société ; de plus, les contrats de garantie sont tripartites et, comme retenu par la cour d'appel, la preuve de la réalité des prestations n'est pas une condition de garantie, l'avis de résiliation confirmant l'existence de ces prestations ;
- outre que ces contrats sont valides en l'absence de vice du consentement caractérisé, de dol ou de manquement à l'obligation d'information de sa part ou de la société GMS meunerie, les conditions d'une résolution du contrat du 29 juin 2018 en vertu des articles 124 et 1226 du code civil ne sont pas réunies, dès lors que cette société n'a pas dissimulé d'informations déterminantes au sens de l'article 4 de ses conditions particulières ni manqué à ses obligations dans des proportions justifiant une résiliation ; d'ailleurs, la société Urios a invoqué des informations incomplètes et partielles et non inexacte ; ainsi, la résiliation invoquée par la société Urios étant fautive, elle ne peut produire aucun effet ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait qu'une résolution ou une rupture du contrat est valablement intervenue, celle-ci ne devrait produire des effets que pour l'avenir, à savoir sur les livraisons et facturations effectuées postérieurement en vertu de l'article 5 des conditions particulières, les avis de « résiliation » de la société d'Urios confirmant sa volonté de ne mettre fin à sa garantie que pour l'avenir, de sorte que l'ensemble des factures transmises le 7 septembre 2018 sont couvertes par la garantie ;
- elle est en droit de faire appel à la garantie dans la mesure où elle a respecté ses obligations contractuelles et notamment les délais de paiement contractuellement fixés de « 45 jours fin mois », lesquels peuvent se calculer selon deux méthodes valables en l'absence de mode de calcul figurant au contrat et que le confirme notamment la DGCCRF, la société Urios appliquant la première et elle-même et la société GMS meunerie la seconde, consistant à ajouter 45 jours à la fin du mois d'émission de la facture ; elle a également transmis les factures dans les délais impartis aux contrats ;
- il ne peut lui être reproché d'avoir omis de procéder aux relances prévues à l'article 3 des conditions particulières, devant être effectuées dans les 30 jours de l'échéance impayée, dès lors que pour 13 factures, ce délai n'était pas écoulé et que le redressement judiciaire est intervenu le 3 septembre 2018, que, pour les autres, la sanction n'est pas la déchéance de garantie, qu'elle n'a jamais accordé de report d'échéance et qu'aucune disposition du contrat n'impose d'informer régulièrement la société Urios des retards de paiement, le tribunal de commerce ayant dénaturé ce contrat et le fait de considérer qu'elle a contribué à l'aggravation de son préjudice démontrant qu'elle a subi un réel préjudice ;
- s'agissant du quantum de la créance, en vertu des articles 2 et 8 des conditions particulières, le plafond de garantie exigée est égal à 90 % de la garantie accordée et les factures sont couvertes par la garantie lorsque le sinistre est réalisé pendant cette période, de sorte que l'ensemble des factures litigieuses est couvert par les contrats de garanties.
Par dernières conclusions remises au greffe le 21 juin 2024, la société Urios demande à la cour, vu les articles 1112-1, 1130, 1137, 1178, 1224, 1225, 1229 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
« Dire la société EUREPI mal fondée en ses demandes de garantie de ses factures impayées par la société URIOS ;
A titre principal,
Dire que la créance que la société EUREPI prétend tenir sur la société GMS Meunerie n'est aucunement justifiée ;
Dire que la société EUREPI n'a pas respecté ses obligations contractuelles ;
Dire que la condition sine qua non à l'examen de la demande d'étude garantie en cas d'insolvabilité constatée n'est pas remplie ;
Dire que la société EUREPI est parfaitement infondée à solliciter la garantie de ses factures impayées par la société URIOS ;
A titre subsidiaire,
Dire que les sociétés GMS Meunerie et EUREPI ont violé leur obligation contractuelle d'information envers la société URIOS ;
Faire application de la clause résolutoire du contrat ;
Confirmer, en conséquence, la résolution du contrat d'étude garantie en date du 29 juin 2018 avec effet rétroactif au jour de sa constitution ;
Dire que la société EUREPI n'est, en conséquence, pas fondée à solliciter la garantie de ses factures impayées par la société URIOS ;
A titre infiniment subsidiaire,
Dire que le consentement de la société URIOS a été vicié par la réticence dolosive commise par la société GMS Meunerie au moment de la conclusion du contrat ;
Prononcer, en conséquence, la nullité des contrats d'étude garantie en date des 7 décembre 2017 et 29 juin 2018 ;
Dire que la société EUREPI n'est donc pas fondée à solliciter la garantie de ses factures impayées par la société URIOS ;
En tout état de cause,
Dire que le quantum sollicité par la société EUREPI n'est aucunement justifié ;
Débouter la société EUREPI de sa demande de condamnation au titre de l'appel de garantie ;
Par conséquent
Débouter la société EUREPI de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny en date 13 octobre 2020, en toutes ses dispositions ;
Condamner la société GMS MEUNERIE à payer à la société URIOS la somme de 20000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ».
La société Urios fait notamment valoir que :
- elle renonce en appel à invoquer l'absence d'admission de la créance de l'appelante au passif de la liquidation de la société GMS meunerie ;
- l'appelante ne fait valoir aucun nouvel élément, ne démontre pas le bien-fondé de sa demande faute de justifier des commandes à l'appui des factures dont elle demande le paiement étant donné que la livraison de la chose vendue incombe au vendeur et que la seule absence de contestation de créance au passif de la société GMS meunerie n'est pas suffisante, ni ne prouve que les conditions de mise en 'uvre de la garantie sont réunies n'établissant pas l'envoi de ses factures impayées dans les conditions prévues aux articles 3, 4-1 et 6 du contrat et l'arrêt d'appel auquel elle se réfère ayant été cassé ;
- la société Eurepi n'a pas non plus respecté ses engagements contractuels en matière tant de relance client dans le délai de 30 jours à compter du sinistre par écrit que de respect des délais de paiement contractuellement fixés, le lendemain de l'échéance non respectée constituant le point de départ de ce délai de 30 jours, le vocable « entreprise signataire » désignant à la fois les sociétés GMS meunerie et Eurepi et le rapport du Sénat du 24 juin 2018, ne pouvant être contredit par une note d'information et un avis, précisant que la notion « 45 jours fin de mois » signifie que « la computation débute à la fin du mois » ; or, toute modification des délais de paiement, tant à la hausse qu'à la baisse biaise l'équilibre financier déterminé par la société Urios et les dates d'échéance figurant sur 15 factures font apparaître des écarts, soit de moins de 15 jours, soit de 15 jours ou 16 jours par rapport aux délais de paiement contractuels ;
- les factures dont les délais de paiement sont supérieurs au délai contractuellement sont inexigibles et déchues de la garantie financière et le jugement a considéré à juste titre qu'en ne procédant pas aux relances prévues et en ne l'informant pas des retards de paiement, la société Eurepi devait être déchue de cette garantie, de sorte qu'il ne peut y avoir de résiliation fautive ;
- subsidiairement, les contrats de garantie n'étaient plus en vigueur au jour de l'appel en garantie du fait que, outre que les deux premiers étaient arrivés à terme, elle a valablement appliqué la clause résolutoire mettant fin rétroactivement au troisième, notamment prévue à l'article 4 des conditions particulières, ayant découvert au mois d'août 2018 des informations déterminantes pour l'appréciation de la solvabilité de la société GMS meunerie dont celle-ci ne l'avait pas informée malgré leurs nombreux échanges et conduisant à la perte de sa cotation en bourse, en particulier le fait qu'un mandataire ad hoc avait été désigné en 2017, qu'elle avait perdu le principal marché du groupe en Angola au premier semestre 2018, la formulation de demandes d'aménagement de paiements auprès de la commission des chefs de service financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale, de l'assurance chômage et d'établissements bancaires, ainsi que du rejet de ces demandes, l'amenant à résilier ce contrat le 28 août 2018 puis, le même jour, devant l'ampleur de la découverte de la rétention d'informations, à mettre en 'uvre cette clause résolutoire ;
- à titre infiniment subsidiaire, les contrats en garantie son nuls du fait d'un dol perpétré par la société GMS meunerie à son encontre, laquelle ne l'a pas informée de la désignation de ce mandataire lors de la conclusion du premier contrat et en décembre 2017, alors qu'elle était tenue de l'informer de toute information en lien avec sa solvabilité, déterminante de son consentement, ni des informations déterminantes précitées qui n'étaient pas accessibles pour elle lors de celle du troisième contrat, ce qui constitue une réticence dolosive ;
- si le liquidateur conteste tout manquement à l'obligation d'information, aucune pièce justificative n'est produite par la société GMS meunerie ;
- en tout état de cause, le quantum réclamé n'est justifié ni au regard du plafond de la garantie, soit 90 % de 2 000 000 euros, ni au regard de la date d'émission de certaines factures, soit celles des 17 mai, 5, 13 et 26 juin 2018 relevant des contrats expirés des 18 juillet et 7 décembre 2017.
La déclaration de saisine et les dernières conclusions de la société Eurepi ont été signifiées à Maître [P], en sa qualité de liquidateur de la société GMS meunerie, par acte d'huissier du 19 juin 2024, remis à personne morale.
Par dernières conclusions remises au greffe le 28 avril 2021, Maître [P], en sa qualité de liquidateur de la société GMS meunerie demande à la cour de :
« Constater que Maître [P] est uniquement appelée en déclaration de jugement commun,
Statuer ce que de droit,
Condamner la partie perdante aux dépens. »
Maître [P] fait notamment valoir que les garanties au profit des fournisseurs, dont la société Eurepi, sont acquises dès lors que :
- un manquement à l'obligation d'information est totalement contesté et non établi ;
- la société Urios a procédé à une résiliation des contrats le 28 août 2018, ce qui ne peut avoir d'effet que pour l'avenir ;
- la nullité de plein droit invoquée par la société Urios est contradictoire avec la résiliation précédemment invoquée et sans fondement au regard des circonstances de fait et de droit ;
- étant donné que, pour partie au moins, la couverture des encours des différents fournisseurs est relative à des contrats antérieurs aux renouvellements, dans le cadre desquels la société Urios considère qu'il y a des manquements à l'obligation d'information, les faits invoqués ne peuvent remettre en cause, en tout cas rétroactivement, les garanties anciennes.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de mise en 'uvre de la garantie financière au titre des contrats de prestations de services
L'article 1103 du code civil dispose :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
En l'espèce, la société Eurepi sollicite la mise en 'uvre de la garantie financière à laquelle s'est engagée la société URIOS en vertu des contrats de prestations de service tripartites signés les 18 juillet 2017, 7 décembre 2017 et 29 juin 2018 par ces sociétés et la GMS meunerie, au motif que cette dernière reste lui devoir la somme de 2 079 878,05 euros au titre de factures de livraisons de marchandises à la société GMS meunerie demeurées impayées.
Pour s'opposer à la mise en 'uvre de cette garantie, la société Urios conteste en premier lieu la réalité de la créance de la société Eurepi à l'égard de la société GMS meunerie et, en second lieu, invoque à titre principal le non-respect des conditions de mise en 'uvre de la garantie financière et des obligations contractuelles de la société Eurepi en matière de relance et de délais de paiement, à titre subsidiaire la résolution des contrats et à titre infiniment subsidiaire l'existence d'un dol lors de la conclusion des contrats des 7 décembre 2017 et 29 juin 2018. Dans l'hypothèse où sa garantie serait valablement mise en 'uvre, elle conteste le quantum de la créance que la société Eurepi lui réclame à ce titre.
Les contrats de prestations de service stipulent en page 1, d'une part, que, par dérogation aux conditions générales, ces contrats portent sur la réalisation d'une étude garantie, respectivement, d'un montant de 2 000 000 euros d'une validité de 12 mois à date d'activation du 1er juillet 2017 pour celui du 18 juillet 2017, d'un montant de 350 000 euros d'une validité de 7 mois à date d'activation du 1er décembre 2017 pour celui du 7 décembre 2017 et d'un montant de 2 000 000 euros d'une validité de 12 mois à date d'activation du 1er juillet 2018 pour celui du 29 juin 2018. Ils indiquent d'autre part que « [l]es délais de règlement entre la société EUREPI et la société objet de l'étude garantie sera de 45 jours fin de mois » et que le « présent contrat est conclu pour la durée de validité de l'étude garantie objet du contrat ».
En page 3, ces contrats comportent par ailleurs des « conditions générales » de 13 articles et des « conditions particulières des études garanties » de 8 articles.
L'article 2 de ces conditions particulières, intitulé « La garantie financière » indique notamment qu' « Elle s'applique en cas de non-paiement dû à l'insolvabilité présumée (créance qui reste impayée 6 mois après son échéance initiale) ainsi qu'en cas de non-paiement dû à l'insolvabilité constatée (procédure de sauvegarde de justice, redressement et liquidation judiciaire). La garantie financière sera de 90% de la garantie accordée, hors TVA, hors intérêts de retard et autres pénalités. »
Selon l'article 3 desdites conditions particulières, « L'entreprise signataire est dans l'obligation d'envoyer, en cas de non-paiement partiel ou total, au moins une relance écrite dans les 30 jours de l'échéance impayée. Le délai initial de paiement ne peut excéder 90 jours, et l'entreprise signataire ne peut accorder de report d'échéance à son débiteur, sous peine de déchéance de la garantie financière. »
En vertu de l'article 4-1 des mêmes conditions particulières, intitulé « Retard de paiement », « [s]i une ou plusieurs factures ne sont pas intégralement payées 45 jours après leur échéance initiale de paiement, l'entreprise signataire doit, dans les 16 jours suivants, adresser son dossier à URIOS par LRAR. Au-delà du 60ème jour, il est forclos. ['] » et de l'article 4-2, intitulé « En cas de procédure collective, « [l]e dossier doit parvenir à URIOS en LRAR, accompagné des différentes pièces justificatives dans les 30 jours de la publication officielle du jugement d'ouverture d'une procédure de ['] redressement judiciaire de l'acheteur [']. »
L'article 6 de celles-ci indique notamment qu' » En toute hypothèse, l'entreprise signataire reste tenue de prouver son droit à faire appel à la garantie » et son article 8 que « Nos prestations sont dues pour autant que les sinistres prennent naissance pendant la période au cours de laquelle le présent contrat est en vigueur [']. »
- Sur la créance d'Eurepi à l'égard de GMS meunerie
Pour justifier de sa créance au titre de factures impayées à l'égard de la société GMS meunerie, la société Eurepi produit une situation de compte arrêtée au 31 août 2018, faisant état d'un solde de 2 559 485,46 euros au titre de 21 factures après déduction de 6 règlements de 138 744,46 euros au total, un courrier en date du 4 septembre 2018 adressé au liquidateur de cette société, Maître [P], par laquelle elle a déclaré sa créance à hauteur de ce montant en indiquant joindre notamment copie des factures et des contrats de vente y afférents et un courrier de ce liquidateur, en date du 16 avril 2020, indiquant que « la créance déclarée de la société Eurepi n'est pas, et ne sera pas contestée en cas de vérification du passif chirographaire ultérieure, elle correspond à l'exact montant figurant dans les comptes de la société GMS meunerie, selon l'état comptable extrait de la comptabilité de GMS meunerie que je vous annexe », ainsi que cet état comptable confirmant ce solde de 2 559 485,46 euros.
La société Eurepi justifie également avoir transmis cette situation de compte, par lettre recommandée avec avis de réception du 7 septembre 2018, à la société URIOS accompagnée de 16 factures émises entre le 17 mai et le 31 août 2018 pour livraison de blé hors taxe, pour un montant total de 2 079 898,95 euros, les 5 autres factures mentionnées pour un montant total de 618 330,97 euros ayant été émises le 1er juillet 2017.
Si la société Eurepi ne produit pas les bons de commande afférents à ces factures, au regard de ces éléments, notamment de l'ouverture le 3 septembre 2018 de la procédure de redressement judiciaire de la société GMS meunerie, ultérieurement convertie en liquidation, la créance d'Eurepi à l'égard de GMS meunerie arrêtée au 31 août 2018 au titre de ces factures apparaît certaine, ainsi que l'a estimé le mandataire judiciaire de cette société et, à juste titre, le tribunal, à hauteur de 2 559 485,46 euros.
- Sur le respect des conditions de mise en 'uvre de la garantie financière et de ses obligations contractuelles par la société Eurepi
S'agissant des factures émises le 1er juillet 2017 d'un montant total de 618 330,97 euros, force est de constater qu'elles sont bien restées impayées plus de 6 mois après leur échéance initiale et que le « sinistre » a pris naissance pendant la période au cours de laquelle le contrat du 18 juillet 2017 était en vigueur. Cependant, la société Eurepi ne justifie pas avoir effectué de relances écrites dans les 30 jours des échéances impayées, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, ni avoir réclamé le paiement de celles-ci ou avoir envoyé son dossier à la société Urios dans les délais impartis par l'article 4-1 des conditions particulières des études garanties à peine de forclusion, indépendamment de l'interprétation de l'expression « 45 jours fin de mois ». Il s'ensuit que les conditions de mise en 'uvre de la garantie financière au titre de ces factures ne sont pas réunies. Cela étant, la somme de 2 079 898,46 euros réclamée par la société Eurepi apparaît correspondre aux factures émises à hauteur de ce montant à compter du 17 mai 2018 jusqu'au 28 août 2018, date à laquelle la société Urios a invoqué la résiliation puis la nullité de sa garantie.
S'agissant de ces dernières factures, la procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 3 septembre 2018 et la date à laquelle le « sinistre » a pris naissance dépend de la date d'échéance de ces factures, la société Eurepi précisant, concernant la date du sinistre, que la date d'échéance desdites factures est postérieure à la mise en place du dernier contrat de garantie et la société Urios qu'une relance doit être effectuée « dans le délai de 30 jours à compter du sinistre, à savoir au lendemain de l'échéance contractuellement fixée ».
Quant à cette date d'échéance, sur laquelle les parties s'opposent, celles-ci ont expressément prévu aux contrats des « délais de règlement de 45 jours fin de mois » sans préciser le mode de calcul de ces 45 jours.
Un tel délai figure à l'article L.441-6 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à la date des contrats litigieux, selon lequel « [l]e délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. »
Au vu de ces dispositions et de la note d'information n° 2009-28 du 2 mars 2009 de la DGCCRF, la société Eurepi soutient à juste titre qu'un tel délai peut être calculé selon deux formules différentes, soit en comptant 45 jours à compter de la date d'émission de la facture, l'échéance intervenant à la fin du mois civil au cours duquel expirent ces 45 jours, soit en ajoutant 45 jours à la fin du mois au cours duquel la facture a été émise. Le rapport du Sénat du 24 juin 2008 dans le cadre des travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 modifiant notamment cet article ne saurait établir le contraire.
Suivant la première formule appliquée par les sociétés Eurepi et GMS meunerie, l'échéance de la facture du 17 mai 2018 indiquée sur celle-ci est le 30 juin 2018 et suivant la seconde, appliquée par la société Urios, le 15 juillet 2018. Il s'ensuit que, quelle que soit la formule appliquée, le sinistre a pris naissance durant la période d'application du contrat du 29 juin 2018.
Dès lors que ces deux formules pouvaient valablement être appliquées, la société Urios n'est pas fondée à reprocher à la société Eurepi des écarts de 15 ou 16 jours entre la date de paiement contractuelle et celle indiquée sur les factures ni un non-respect des délais de paiement contractuellement fixés.
De plus, en transmettant son dossier le 4 septembre 2018, soit le lendemain de l'ouverture de la procédure judiciaire de la société GMS meunerie, la société Eurepi a transmis son dossier dans les délais impartis par l'article 4-2 des conditions particulières des études garantie.
Par ailleurs, contradictoirecernant 13 de ces factures, émises du 10 juillet au 28 août 2018, compte tenu de cette procédure, l'absence de relance écrite ne peut pas non être reprochée à la société Eurepi.
Concernant les 3 factures émises les 17 mai, 5 et 13 juin 2018, leur échéance était fixée, selon les indications figurant sur celles-ci, au 30 juin, 31 juillet et 31 juillet 2018 et, selon le calcul de la société Urios, au 15 juillet, 15 août et 15 août 2018. Il peut donc être reproché à la première l'absence de relance écrite mais pas le fait d'avoir accordé un délai de paiement de 90 jours, de sorte que la déchéance prévue n'est pas encourue non plus pour cette facture.
Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la société Urios est mal fondée à opposer à la société Eurepi le non-respect des conditions de mise en 'uvre de la garantie financière et de ses obligations contractuelles concernant les factures émises à compter du 17 mai 2018.
- Sur la validité du contrat du 29 juin 2018
L'article 1224 du code civil dispose :
« La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »
L'article 1226 de ce code prévoit :
« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. »
Aux termes de l'article 1229 dudit code :
« La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la restitution est qualifiée de résiliation. ['] »
En outre, l'article 1130 du code civil prévoit :
« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »
L'article 1137 de code dispose également que « [l]e dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. »
En l'espèce, l'article 4 des conditions particulières des études garanties des contrats de prestations de service, intitulé « Remise au recouvrement » stipule que « L'entreprise signataire a vis-à-vis d'URIOS une obligation d'information et ceci non seulement au moment de la demande de l'étude garantie mais aussi tout au long de l'existence de la garantie. L'entreprise signataire doit déclarer tous les faits et circonstances connus d'elle et qui sont de nature à influencer l'appréciation de l'entreprise objet de l'étude. Toute déclaration inexacte, tant au moment de la demande de l'étude que pendant la période de garantie, rend celle-ci nulle de plein droit. »
L'article 5 de ces conditions, intitulé « Suspension de la garantie financière » prévoit que « URIOS peut à tout moment résilier, suspendre ou réduire la garantie financière accordée dans le cadre des études garanties. Cette décision est communiquée par les moyens de communication habituels entre l'entreprise signataire et URIOS, y compris par message électronique. A compter de la date de la communication de la résiliation ou suspension, toutes les nouvelles opérations réalisées par l'entreprise signataire sont exclues du champ d'application de la présente garantie. Toute remise de dossier au recouvrement suspend automatiquement la garantie financière. »
Par ailleurs, l'article 1er des conditions générales des contrats prévoit que « Toutes les informations transmises par l'une des parties à l'autre relèveront de l'obligation de confidentialité. ['] » et son article 2 que « Les renseignements sont fournis avec les réserves habituelles : la valeur de ceux-ci n'a qu'une portée indicative ».
Le 28 août 2018, la société URIOS a adressé à la société Eurepi deux avis de résiliation, le premier indiquant comme motifs de cette résiliation « Cotation suspendue au 24/08/2018 (Bourse) » et précisant que « les nouvelles informations recueillies » « nous contraignent à annuler, à compter de ce jour, la garantie qui s'appliquait sur l'entreprise » GMS meunerie et qu'en conséquence « toutes les livraisons et facturations effectuées à compter de ce jour ne bénéficient plus de notre garantie » et le second, portant la mention « Annule et remplace » mentionnant comme motifs « Informations incomplètes et partielles lors du renouvellement de l'étude garantie du 1/08/2018 » et relevant que « Suite à la suspension de la cotation en bourse de la société en date du 24/08/2018, aux échanges avec les interlocuteurs du groupe GMS, aux informations à notre disposition au jour du renouvellement de l'étude garantie en date du 01/07/2018 et celles obtenues depuis 8 jours, il apparaît que les obligations contractuelles d'informations conformément à l'article 4 du contrat signé entre nos sociétés n'a pas été respecté et par conséquent l'étude garantie est nulle de plein droit. »
En outre, la société URIOS justifie avoir informé la société GMS meunerie, par lettre recommandée avec avis de réception du 31 août 2018, que, par application de cet article, » l'ensemble des études garanties des contrats 2017 et 2018 sont nulles de plein droit » en précisant avoir appris par voie de presse le 27 août 2018, « soit moins de 3 semaines après la signature et le paiement des nouveaux contrats », la suspension de la cotation de leur groupe ainsi qu'un jour plus tard, la mise en redressement judiciaire de GMS et GMS meunerie et, à la suite de ces communications officielles, le fait que certaines informations significatives avaient été omises lors de l'actualisation et/ou le renouvellement des contrats, parmi lesquelles la désignation d'un mandataire ad hoc fin 2017, le fait que le groupe GMS n'avait pu obtenir les efforts additionnels demandés à l'Etat et à ses banques, l'organisation en interne de réflexions sur l'éventualité d'une mise en redressement judiciaire et les éventuelles procédures d'alerte des commissaires aux comptes.
Elle a ultérieurement ajouté l'omission de l'informer de la perte du principal marché du groupe en Angola au premier semestre 2018 et la survenance d'importants conflits au sein de la direction.
Il ressort des articles publiés par les sites internet « Business Wire » et ABC Bourse le 28 août 2018 respectivement à 12h30 et 18h30, produits par la société Urios, que la société GMS a été contrainte de demander à cette date l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire pour elle-même et sa filiale GMS meunerie, dont le destin lui est intimement lié, et de constater son état de cessation des paiements, aux motifs, notamment, que la chute brutale de l'activité export au premier semestre 2018 a encore aggravé les tensions de trésorerie et que le groupe n'a « pas pu obtenir les efforts additionnels demandés à l'Etat (la CCSF du Bas-Rhin a rendu le 4 juin 2018 une décision n'accordant pas un moratoire suffisant) et à ses banques (qui, par réponse en date du 24 août 2018, n'ont pas fait droit aux demandes de moratoire du Groupe) ». S'il est fait référence à un protocole conclu avec le pool bancaire pour rembourser les concours bancaires sur la base d'un échéancier courant jusqu'au 30 septembre 2018 sous l'égide d'un mandataire ad hoc tenant compte d'une cession du contrôle du groupe qui devait intervenir fin 2015, il n'est pas fait état d'une perte de marché en Angola.
Il résulte également des échanges de courriels et courriers fournis par la société Urios notamment entre elle et M. [I], responsable administratif et financier de la société GMS meunerie, entre le 13 décembre 2017 et le 28 août 2018, que la première a fait une mise à jour complète de la situation du groupe GMS en décembre 2017 et que des entretiens oraux sont intervenus avec lui à différentes reprises, notamment en février 2018 et lors du dernier renouvellement de juillet 2018.
Il apparaît ainsi qu'au mois de décembre 2017, la société Urios a été informée par M. [I] que le groupe pourrait être cédé au plus tard à l'horizon 2018 pour des raisons de conflits entre actionnaires, qu'à cette occasion, le produit de la cession des titres GMS devrait « permettre de régler la dernière échéance du crédit syndiqué qui représente 13 M ' ». Cette échéance étant maintenant très proche, et dans la mesure où le délai de cession du groupe ne permettra pas d'honorer cette échéance à fin septembre, le groupe est entré en négociation avec le pool bancaire afin d'envisager les modalités possibles d'apurement », ce prêt étant de « 29 M ' ». De plus, ce dernier a précisé qu'un gel des échéances de novembre à janvier 2018 avait été accepté par les banques, que, s'agissant des organismes sociaux et fiscaux, « le moratoire vit sa vie. Nous remboursons 75 K tous les mois. Pas d'autre accord négocié », que la procédure d'apport partiel d'actif concernant l'outil de production et les moulins allait débuter début janvier 2018. Il a également fait état de rencontres avec des banques d'affaires à qui donner mandat de vente pour le groupe.
Il apparaît également que la société Urios s'est fait transmettre régulièrement, notamment le 27 juin 2018 par courriel, le récapitulatif des soldes de trésorerie, la synthèse des retards par fournisseurs et la synthèse des résultats à fin avril, et que la situation du mois de janvier 2018 était meilleure que le précédent.
Il ressort enfin du courriel envoyé le 28 août 2018 à 15h05 par le président de la société Urios à M. [I], après la suspension de la cotation en bourse du groupe et la publication de l'article de Business Wire, que ce dernier lui a fait part de la situation du groupe GMS lors de leur entretien sur le dernier renouvellement de garantie, notamment, au niveau de l'export, d'une difficulté due à la concurrence turque, de la possibilité de la cession d'un ou plusieurs moulins, de l'injection de liquidités par l'actionnaire principal pendant la phase de recherche d'un acquéreur, du mandat donné à une banque d'affaires de trouver des acquéreurs, de ce que des acteurs y compris chinois seraient intéressés par le groupe et de ce qu'un risque de procédure collective à court terme n'était pas à l'ordre du jour compte tenu du processus en cours de cession in boni du groupe. M. [I] a confirmé, à 21h11, avoir évoqué ces sujets, a précisé que ces « éléments et informations justes » « permettaient d'envisager un cadre plus serein pour la transmission du groupe GMS », « L'objectif étant bien d'organiser une cession de structures in boni », qu'il a bien été question que [D] [R] participe au financement de la période le temps que le groupe puisse être cédé, que celui-ci a plusieurs fois « confirmé au top management qu'il n'envisageait pas que le groupe soit mis en RJ » et précisé « je ne pouvais pas imaginer qu'il n'aille pas au bout de cette démarche » et « Jusqu'à mon retour de congés, j'envisageai encore le dénouement de ces solutions comme rapides ». Interrogé sur la nomination du mandataire ad hoc, il a précisé qu'il s'agissait d'un cadre sécurisé pour les banques dont il lui avait parlé et qu'il n'avait aucune raison de lui cacher.
Au regard de ces éléments, des échanges entre les parties qui sont intervenus notamment oralement et des explications de M. [I], il n'est pas établi que des informations inexactes ont été déclarées à la société Urios par la société GMS meunerie ni que, lors de la demande de renouvellement de garantie et de la conclusion du contrat du 29 juin 2018, des informations essentielles ou déterminantes de son consentement dont il résultait une importante dégradation de la stabilité financière de cette société ne lui ont pas été transmises, notamment une demande de moratoire aux banques et à l'Etat refusée les 4 juin et 24 août 2018, dès lors, en particulier, qu'elle était informée des conflits entre actionnaires, du plan d'apurement conclu avec le pool bancaire dans un cadre sécurisé par le biais d'un mandataire ad hoc, de l'impossibilité dans laquelle serait le groupe d'honorer la dernière échéance de ce plan en septembre 2018 impliquant un aménagement du montant de cette échéance et de la nécessité de céder ce groupe sous peine de redressement judiciaire, cette période étant particulièrement à risque et le risque de redressement judiciaire ne pouvant être exclu qu'à court terme, ainsi que son président en avait parfaitement conscience. En outre, la perte d'un marché en Angola n'est évoquée que par la société Urios dans un courrier postérieur à ce redressement.
En revanche, ces pièces démontrent que la société GMS meunerie a bien manqué à son obligation d'information au cours de l'exécution de ce contrat, au mois d'août 2018, en faisant preuve d'un manque de transparence à l'égard de la société Urios entraînant une rupture de confiance, en omettant de la prévenir des réflexions en interne et des négociations préalables à la suspension de la cotation en bourse et à la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ce manquement étant d'une gravité telle qu'il justifie la résiliation du contrat et de sa garantie sans préavis qu'elle a notifiée les 28 et 31 août 2018, avec effet à compter du 28 août 2018.
La nullité du contrat et de la garantie financière en vertu de l'article 4 des conditions particulières des études garanties n'étant pas encourue, la société Urios sera déboutée de sa demande d'annulation à ce titre. Faute d'établir une réticence dolosive à la date de sa formation, elle sera de même déboutée de sa demande d'annulation pour dol.
Le contrat ayant pris fin par sa résiliation au 28 août 2018, la société Eurepi est fondée à obtenir la garantie des factures du 17 mai 2018 de 139 159,93 euros, du 5 juin 2018 de 186 245,10 euros et du 13 juin 2018 de 176 389,52 euros, soit une somme de 501 794,55 euros au total, pour lesquelles le « sinistre » a pris naissance alors qu'il était toujours en vigueur, mais non concernant les factures ultérieures.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il déboute la société Eurepi de l'ensemble de ses demandes.
Eu égard au taux d'indemnisation de 90%, la société Urios sera condamnée à lui verser la somme de 451 615,10 euros en exécution de la garantie financière prévue au contrat de prestation de services du 29 juin 2018, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 septembre 2018 en application de l'article 1344-1 du code civil.
Par ailleurs, la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu du sens de la présente decision, le jugement sera également infirmé en ce qu'il condamne la société Eurepi aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procedure civile.
La société Urios, partie perdante pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel en vertu de l'article 696 du code de procedure civile. Elle sera également condamnée à verser à la société Eurepi la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 de ce code.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Urios de sa demande d'annulation du contrat de prestations de services du 29 juin 2018 ;
Dit que le contrat de prestations de services du 29 juin 2018 est résilié à compter du 28 août 2018 ;
Condamne la société Urios à verser à la société Eurepi la somme de 451 615,10 euros en exécution de la garantie financière prévue à ce contrat du 29 juin 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2018 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamne la société Urios aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société Urios à verser à la société Eurepi la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes.