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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 13 mai 2025, n° 24/01339

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

EGP - Espace Gestion et Patrimoine (SARL), MMA IARD (SA), MMA IARD Assurances Mutuelles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Javelas

Conseillers :

Mme Thivellier, Mme de Larminat

Avocats :

Me Clavier, Me Illouz, Me Perot, Me Ndi

T. prox. Gonesse, du 14 déc. 2023, n° 11…

14 décembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 17 juin 2016, M. et Mme [H] ont donné à bail à Mme [D] [K] alors épouse [L] et M. [F] [L] une maison individuelle située [Adresse 1] à [Localité 9], moyennant le paiement mensuel d'un loyer initial de 2 200 euros et le versement d'un dépôt de garantie de 2 200 euros.

Les bailleurs ont confié la gestion du bien à la Sarl Espace Gestion et Patrimoine (ci-après société EGP) suivant contrat de mandat du 10 décembre 2014.

Par ordonnance du 19 décembre 2017, le juge des référés du tribunal d'instance de Gonesse a notamment :

- condamné solidairement M. et Mme [L] à payer, à titre provisionnel, à M. et Mme [H] la somme de 12 710,88 euros arrêtée au 1er novembre 2017, échéance de novembre 2017 incluse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2017 sur la somme de 11 000 euros et à compter de ce jour pour le surplus,

- autorisé M. et Mme [L] à se libérer de leur dette par versements de 1 000 euros par mois en sus du loyer courant,

- constaté la suspension des effets de la clause résolutoire,

- dit qu'à défaut d'un seul règlement à l'échéance :

- l'intégralité de la dette sera due,

- les effets de la clause résolutoire reprendront,

- en conséquence, le bail sera résilié de plein droit à compter de l'impayé,

- les bailleurs pourront procéder à leur expulsion,

- en ce cas, M. et Mme [L] seront solidairement condamnés à payer, à titre provisionnel, une indemnité d'occupation fixée au montant des loyers en cours ainsi qu'au montant des charges dues depuis l'impayé jusqu'à la libération des lieux,

- condamné M. et Mme [L] in solidum à payer à M. et Mme [H] la somme de 350 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [L] in solidum aux entiers dépens.

Les délais n'ayant pas été respectés par les locataires, les bailleurs ont poursuivi la procédure d'expulsion et par jugement du 19 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise a rejeté la demande de Mme [K] de délais pour quitter les lieux.

Mme [K] et M. [L] ont été expulsés le 25 mai 2019.

L'état des lieux de sortie a été réalisé par procès-verbal d'huissier le 19 juin 2019.

La société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, assureurs de responsabilité civile professionnelle de la société EGP, et la société EGP ont versé aux propriétaires les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés par les locataires, ainsi que les sommes dues au titre des frais d'huissier engagés et des travaux de remise en état du bien.

Les époux [H] ont délivré le 2 juillet 2020 une quittance subrogative au profit de la société MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles pour un montant de 35 469,90 euros et au profit de la société EGP pour un montant de 3 000 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er décembre 2021, la société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles ont mis en demeure Mme [K] et M. [L] de leur payer la somme totale de 38 469,90 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2022, le conseil des sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP a mis en demeure Mme [K] et M. [L] de payer la somme de 40 384,49 euros au titre des loyers, charges, indemnité d'occupation, frais d'huissier et travaux de remise en état après déduction du montant du dépôt de garantie et d'un coefficient de vétusté et réintégration des honoraires de la société EGP.

Par actes de commissaire de justice délivrés le 26 septembre 2022, les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP ont assigné Mme [K] et M. [L] aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à payer les sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- à la société EGP, la somme de 4 914,59 euros,

- à la société MMA Iard et à la société MMA Iard Assurances Mutuelles, la somme de 35 469,90 euros,

- avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2021, date de la première mise en demeure, et capitalisation des intérêts,

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2023, le tribunal de proximité de Gonesse a :

- déclaré les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP irrecevables en leurs demandes comme prescrites,

- débouté Mme [K] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- laissé à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés.

Par déclaration reçue au greffe le 22 février 2024, les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 23 octobre 2024, la société MMA Iard, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Espace Gestion et Patrimoine, appelantes, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal de proximité de Gonesse en ce qu'il :

- les a déclarées irrecevables en leurs demandes comme étant prescrites,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a laissé à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a exposés,

- confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal de proximité de Gonesse en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

- les juger recevables et bien fondées en leurs demandes,

- condamner in solidum M. [L] et Mme [K] à payer :

- à la société EGP la somme de 4 914,59 euros,

- aux sociétés MMA la somme globale de 35 469,90 euros,

- outre les intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2021, date de la première mise en demeure adressée par les requérantes aux débiteurs,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner in solidum M. [L] et Mme [K] à leur payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit des avocats constitués en application de l'article 699 du même code.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 juin 2024, Mme [K], intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de proximité de Gonesse du 14 décembre 2023 en ce qu'il a déclaré valable la subrogation,

En conséquence,

- juger que les appelants ne justifient pas du règlement des sommes évoquées et que la subrogation n'a donc pu valablement s'opérer à leur profit si bien qu'ils n'ont aucune qualité à agir et devront être déclarés irrecevables dans leur action et ainsi déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, si la subrogation était déclarée valable,

- confirmer le jugement du tribunal de proximité de Gonesse du 14 décembre 2023 en ce qu'il a déclaré les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et Espace Gestion et Patrimoine irrecevables en leurs demandes comme prescrites,

En conséquence,

- débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

- condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'ensemble des préjudices subis,

- condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [L] n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice du 22 avril 2024, la déclaration d'appel lui a été signifiée par dépôt à l'étude. Les conclusions des appelantes lui ont été signifiées le 20 juin 2024 selon les mêmes modalités.

L'arrêt sera donc rendu par défaut en application de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 janvier 2025.

Le 22 avril 2025, la cour a adressé aux parties via le RPVA le message suivant :

'La cour observe que Mme [K] avait formé, devant le premier juge, une demande reconventionnelle d'indemnisation à hauteur de 20 000 euros dont elle a été déboutée et qu'elle formule, devant la cour, cette même demande.

Pour autant, Mme [K] ne demande pas, dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation ou la réformation de ce chef du jugement l'ayant déboutée de cette demande. Or, la Cour de cassation (Civ. 2ème , 17 septembre 2020, n° 18-23.626) juge que dans cette hypothèse, faute d'effet dévolutif, la cour ne peut que confirmer ce chef du jugement.

Les parties sont donc invitées à présenter leurs observations sur ce point avant le 5 mai 2025.'

Par message RPVA du 3 mai 2025, les appelantes ont indiqué rejoindre l'avis de la cour qui ne peut que confirmer le rejet de la demande reconventionnelle de Mme [K] laquelle n'a pas sollicité l'infirmation du jugement sur ce point dans le dispositif de ses écritures au stade de l'appel incident.

Mme [K] n'a pas fait valoir ses observations sur ce point.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir des sociétés MMA Iard, MMA Iard assurances Mutuelles et EGP

Le premier juge a jugé que la subrogation était valablement intervenue en application de l'article 1346-1 du code civil et que les sociétés demanderesses rapportaient bien la preuve des paiements effectués au profit des bailleurs subrogeants.

Mme [K], qui poursuit l'infirmation de ce chef du jugement, soutient que les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP doivent être déclarées irrecevables en leur action faute de qualité à agir dans la mesure où elles ne justifient pas de la concomitance entre le paiement et la subrogation telle qu'imposée par l'article 1346-1 du code civil ni du règlement effectif de l'indemnité en soutenant que la quittance subrogative est insuffisante en elle-même pour établir le paiement et que l'assureur doit prouver le décaissement des sommes versées à l'assuré (Civ. 2ème, 13 oct. 2005, n°03-18.804).

Les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP répliquent qu'elles ont procédé à l'indemnisation des bailleurs en leur versant une somme forfaitaire, définitive et libératoire de 38 469,90 euros et que ces derniers se sont donc trouvés désintéressés de leur créance à l'encontre de Mme [K] et M. [L], de sorte que la subrogation légale doit trouver à s'appliquer à leur profit.

Elles ajoutent qu'à l'occasion de ces paiements, une quittance a été signée le 2 juillet 2020 par les époux [H] attestant de la réalité du paiement et opérant subrogation dans leurs droits et actions à l'encontre des locataires intimés, activant ainsi la subrogation conventionnelle. Elles soutiennent qu'il ne résulte pas des arrêts cités par Mme [K] qu'une quittance de paiement serait insuffisante à prouver le paiement par l'assureur dans la mesure où dans ces situations, les documents produits n'étaient pas des quittances puisqu'ils étaient émis sous condition du paiement effectif de l'indemnité, contrairement au cas d'espèce, de sorte qu'il n'y a aucun doute sur l'effectivité du paiement du 2 juillet 2020.

Elles en concluent que la subrogation tant légale que conventionnelle trouve à s'appliquer à leur profit.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l'article 1346 du code civil, la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.

Il résulte de l'article 1346-1 du même code que la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.

Cette subrogation doit être expresse.

Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.

En l'espèce, M. et Mme [H] ont déclaré, par écrit du 7 juin 2020, vouloir subroger les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP dans tous les droits et actions qu'ils détiennent à l'encontre de Mme [K] et M. [L] à l'instant même du paiement de la somme de 38 469,90 euros (pièce 11 des appelantes).

Par la suite, le 2 juillet 2020, ils ont signé une quittance d'indemnité subrogative (pièce 12 des appelantes) dans laquelle il est indiqué : 'nous reconnaissons recevoir de MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles, en qualité d'assureur de la responsabilité civile de EGP, la somme de 35 469,90 euros pour solde de tout de compte et de la société EGP la somme de 3 000 euros au titre de sa franchise, soit au total la somme de 38 469,90 euros en règlement forfaitaire et définitif du litige nous ayant opposé à EPG suite à la prise en charge de la dette locative des locataires, M. [L] et Mme [K] pour la location d'un bien sis [Adresse 1] à [Localité 9] (mandat de gestion du 10/12/2014). Moyennant ce paiement, nous nous déclarons entièrement désintéressés du litige sus-énoncé et renonçons à toute action ultérieure à l'encontre des sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP'. Ils yont également confirmer leur volonté de subroger les sociétés appelantes dans leurs droits et actions détenus à l'encontre de M. et Mme [L].

Les sociétés MMA, qui se sont acquittées de leur propre dette née du contrat d'assurance responsabilité civile les liant à la société EGP, peuvent prétendre bénéficier de la subrogation légale, dans la mesure où, par leur paiement et du fait de cette subrogation, elles ont libéré envers leur créancier commun, les époux [H], celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette, à savoir les locataires, M. [L] et Mme [K] (Civ. 1ère, 27 novembre 2013, n°12-25.399).

Les sociétés appelantes produisent également une quittance subrogative.

Il résulte des termes même de cette quittance tels que rappelés ci-dessus qu'elles justifient du paiement emportant subrogation (Civ. 2ème, 8 février 2018, n°16-28.398) étant rappelé qu'en application de l'article 1342-8 du code civil, le paiement se prouve par tout moyen. L'intimée ne peut utilement invoquer l'arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2005 dans la mesure où le justificatif du paiement invoqué dans cette affaire était un courrier qui ne constituait pas une quittance subrogative puisqu'il était rédigé sous la condition du paiement à intervenir et que s'il prenait acte d'un accord sur le principe de l'indemnisation, il ne faisait pas preuve du paiement effectif, ce qui ne correspond pas aux termes de la quittance produite en l'espèce.

Enfin, la cour relève que les époux [H] avaient expressément manifesté, dans un acte antérieur du 7 juin 2020, leur volonté de voir les sociétés appelantes subrogées dans leurs droits lors du paiement.

Au vu de l'ensemble de ces observations, les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP justifient que les conditions de la subrogation tant légale que conventionnelle sont remplies, de sorte qu'elles ont qualité à agir à l'encontre de M. [L] et Mme [K] sur ce fondement et que leurs demandes doivent être déclarées recevables de ce fait.

Sur la prescription

Le premier juge a déclaré les sociétés appelantes irrecevables en leurs demandes en raison de la prescription aux motifs que le subrogé ne disposait pas d'autres droits et actions que ceux du subrogeant, de sorte que leur action était soumise aux règles de prescription applicables au créancier subrogeant. Il a retenu que l'action en paiement dérivait d'un contrat de location soumis à la prescription triennale de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 que la débitrice pouvait leur opposer s'agissant d'une exception inhérente à la dette ; que la prescription avait commencé à courir dès le 19 juin 2019, date de l'état des lieux de sortie et date à laquelle les bailleurs ont eu connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action à l'encontre des locataires ; que cependant, l'assignation avait été délivrée le 26 septembre 2022, soit plus de 3 ans après.

Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP font valoir que :

- concernant la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation, le tribunal a omis de prendre en compte l'ordonnance de référé du 19 décembre 2017, devenue définitive et en tout cas assortie de l'exécution provisoire de droit, qui a non seulement interrompu le délai de prescription mais qui a également condamné M. [L] et Mme [K] à rembourser l'arriéré locatif et à payer une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux en cas de non-respect de l'échéancier accordé, de sorte qu'elles disposaient d'un délai de 10 ans pour procéder à l'exécution forcée de ce titre en leur qualité de créancier subrogé dans les droits et actions des époux [H]. Elles ajoutent qu'elles sont fondées à obtenir en justice la reconnaissance de leur qualité de subrogeant et in fine un titre exécutoire à leur nom reprenant la créance dont elles ont hérité et qu'aucune prescription n'était donc acquise ;

- concernant les réparations locatives, les travaux de réhabilitation du bien ont été entrepris en octobre 2019, soit moins de 3 ans avant la délivrance de l'assignation du 26 septembre 2022, de sorte que la prescription ne saurait leur être opposée ;

- concernant le paiement des frais de justice et d'exécution exposés à la suite de l'inexécution des obligations contractuelles des locataires et de l'inexécution de l'ordonnance de référé, la prescription ne saurait leur être opposée dans la mesure où elles ont agi dans le délai de droit commun de 5 ans.

Mme [K] conclut à la confirmation du jugement ayant déclaré les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP irrecevables en leur demandes comme étant prescrites en faisant valoir que celui qui est subrogé dans les droits d'un créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que leur action est soumise à la prescription applicable à l'action directe du créancier. Elle indique que l'assignation ayant été délivrée le 26 septembre 2022, l'action en paiement des arriérés de loyers, charges 'et autres' nés antérieurement au 26 septembre 2019 est donc prescrite par application du délai de prescription de 3 ans de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 applicable en matière d'actions dérivant d'un contrat de bail comme l'ajustement retenu le premier juge dont elle reprend la motivation.

Elle ajoute que les sociétés appelantes fondent désormais leur action sur l'ordonnance de référé du 19 décembre 2017 et qu'elles ne justifient pas de la signification de cette décision dont la preuve du caractère définitif n'est donc pas rapportée.

Sur ce,

L'article 1346-5 alinéa 3 du code civil dispose que le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il peut également lui opposer les exceptions nées de ses rapports avec le subrogeant avant que la subrogation lui soit devenue opposable, telles que l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.

La prescription de l'action figure parmi les exceptions inhérentes à la dette et le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant (Cass. 1ère civ., 2'févr. 2022, n°'20-10.855).

* Sur la demande au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés

En application de l'article 1346-4 du code civil, la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier. Le subrogé reçoit donc les droits et actions du subrogeant dont les titres exécutoires existants.

Il résulte de l'article L. 111-4 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

En l'espèce, les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP demandent le paiement d'une somme de 13 048,48 euros correspondant aux loyers et charges impayés incluant le mois de mars 2018 et la somme de 18 860,99 euros correspondant aux indemnités d'occupation incluant le mois de mai 2019.

Elles produisent une ordonnance de référé rendue le 19 décembre 2017 par le tribunal d'instance de Gonesse ayant condamné solidairement Mme [K] et M. [L] au paiement de la somme de 12 710,88 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er novembre 2017 et en cas de reprise des effets de la clause résolutoire, d'une indemnité mensuelle d'occupation fixée au montant des loyers en cours ainsi qu'au montant des charges dus depuis l'impayé jusqu'à la libération des lieux.

Il est justifié de la signification de cette ordonnance par acte d'huissier de justice du 9 janvier 2018 (pièce 18 des appelantes).

Les subrogeants, M. et Mme [H], bénéficiaient donc d'un titre exécutoire pour le paiement des loyers, charges et indemnités d'occupation impayées et ainsi du délai décennal de prescription de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution y étant attaché.

Etant rappelé que la subrogation transmet au subrogé les droits et actions du subrogeant, les sociétés appelantes sont donc fondées à invoquer la prescription décennale ayant commencé à courir le 9 janvier 2018, de sorte que leur action en paiement des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés en mai 2019 n'était pas prescrite au jour de la délivrance de l'assignation survenue le 26 septembre 2022.

Cette demande est donc recevable.

Il en est de même pour la demande au titre des frais d'avocat et d'huissier correspondant aux dépens et aux frais irrépétibles auxquels les locataires ont été condamnés par l'ordonnance de référé du 19 décembre 2017.

* Sur la demande au titre des réparations locatives

En application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

En l'espèce, les locataires ont été expulsés le 21 mai 2019 et l'état des lieux de sortie a été établi par huissier de justice le 19 juin 2019, date à laquelle les bailleurs étaient donc en mesure de connaître les dégradations locatives leur permettant d'exercer leur demande en indemnisation, sans qu'il y ait lieu de reporter le point de départ du délai de prescription à la date de réalisation des travaux comme le soutiennent les appelantes.

Le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé au 19 juin 2019, de sorte que la demande au titre des réparations locatives à hauteur de 7 935,95 euros était prescrite au jour de la délivrance de l'assignation le 26 septembre 2022 survenue plus de 3 ans après.

Le jugement déféré est donc partiellement infirmé en ce qu'il a déclaré les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP irrecevables en toutes leurs demandes, seule la demande au titre des réparations locatives étant prescrite.

Sur la demande en paiement

* Sur les demandes fondées sur la subrogation

En application de l'article 1346-4 du code civil, le tiers subrogé reçoit la créance et les droits mêmes du subrogeant. La subrogation ne peut jamais s'opérer que dans la limite du montant et de la teneur des droits du subrogeant (Cass. 3ème civ., 7 juill. 2010, n° 09-13.159).

Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles se sont acquittées d'une somme totale de 35 469,90 euros et la société EGP d'une somme de 3 000 euros, correspondant à sa franchise, soit un total de 38 469,95 euros se décomposant comme suit :

- loyers impayés (jusqu'à mars 2018) : 13 048,84 euros,

- indemnité d'occupation (d'avril 2018 à mai 2019) : 18 860,99 euros,

- frais d'avocat et d'huissier avancés : 3 797,90 euros,

- travaux de remise en état du bien immobilier après expulsion : 7 935,95 euros,

soit 43 643,68 euros, de laquelle elles ont déduit :

- le dépôt de garantie : 2 200 euros,

- les honoraires de la société EGP : 1 914,59 euros

- un coefficient de vétusté : 1 059,19 euros.

Il résulte du décompte produit (pièce 3 des appelantes) que la dette locative incluant les loyers, charges et indemnités d'occupation dues par les locataires au 21 mai 2019 est d'un montant total de 31 414,92 euros et non 31 909,83 euros (13 048,84 + 18 860,99) comme demandé par les appelantes.

Il convient en outre d'ajouter les sommes réglées au titre des frais d'huissier pour un montant total de 3 370,85 euros correspondant aux dépens de la procédure en référé et, au titre des frais d'avocat, la somme de 350 euros correspondant à l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile et non à la somme de 1 093 euros correspondant à la facture produite, soit une somme totale de 3 720,85 euros.

Il convient de déduire de cette somme le dépôt de garantie (2 200 euros) et les honoraires de la société EGP (1 914,59 euros).

M. [L] et Mme [K] sont donc tenus au paiement d'une somme totale de 31 021,18 euros.

M. [L] et Mme [K] sont donc condamnés in solidum à payer la somme de 28 021,18 euros (31 021,18 - 3 000: franchise) aux sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et la somme de 3 000 euros à la société EGP, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2021, date de la mise en demeure.

* Sur la demande au titre des honoraires de la société EGP

La société EGP réclame en sus la somme de 1 914,59 euros correspondant au montant des honoraires dus au titre de son mandat de gestion locative correspondant à 5% + TVA sur les sommes encaissées, cette rémunération étant prélevée au fur et à mesure de l'exécution du contrat, de sorte que l'absence de règlement des loyers lui a généré un manque à gagner à hauteur de ce montant. Elle explique que cette somme a été déduite du règlement versé aux bailleurs puisqu'ils n'avaient vocation à encaisser que 95% du loyer, mais qu'elle aurait dû lui être payée par les locataires puisqu'elle est incluse dans les loyers. Elle en déduit qu'en raison de cette inexécution contractuelle, elle a subi un préjudice correspondant à cette perte d'honoraires et qu'elle est donc fondée à en réclamer l'indemnisation aux locataires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la déduire des loyers impayés dont il leur est réclamé le paiement.

Sur ce,

En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Cass. Ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963). Ainsi, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle distincte de ce manquement.

En l'espèce, la société EGP ne fonde pas sa demande sur la quittance subrogative, laquelle ne comprend pas cette somme puisqu'elle en a été expressément exclue, mais sur la faute contractuelle des locataires lui ayant causé un préjudice.

Il résulte du contrat de mandat général de gestion immobilière conclu entre la société EGP et M. et Mme [H] que la rémunération du mandataire était à la charge exclusive du mandant et prenait la forme d'honoraires de gestion courante d'un montant de '5% + TVA sur les sommes encaissées'.

Or, le contrat de gestion, qui fait la loi des parties, met les honoraires à la charges des propriétaires et en application de l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989, qui est d'ordre public comme le précise l'article 2, ces frais sont à la charge exclusive du bailleur.

Dans la mesure où il est impossible de faire supporter par les locataires les frais de gestion locative, la société EGP doit être déboutée de sa demande en paiement.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation est de droit lorsque les conditions de l'article 1343-2 du code civil sont réunies, les seules conditions posées par ce texte étant que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière.

Dès lors, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts.

Sur le préjudice de jouissance

Il résulte de l'article 542 du code de procédure civile que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il résulte de ces dispositions que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement comme l'a jugé la Cour de cassation (Civ. 2ème, 17 septembre 2020, n° 18-23.626) avant même l'entrée en vigueur du décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 qui a modifié l'article 954 susvisé en imposant que les conclusions comprennent un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement.

Devant la cour, Mme [K] formule une demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros au titre de l'ensemble des préjudices qu'elle indique avoir subi et qu'elle qualifie de demande reconventionnelle. Or, force est de constater qu'elle avait formé cette même demande devant le premier juge qui l'en a déboutée et qu'elle ne demande pas l'infirmation de ce chef du jugement dans ses conclusions et notamment dans leur dispositif qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à titre de dommages et intérêts, étant en outre relevé que les sociétés appelantes demandent également à titre principal cette confirmation.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [K] et M. [L], qui succombent, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant infirmées.

Ils sont en outre condamnés in solidum à verser aux sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions dévolues à la cour sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande en paiement des sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP au titre des réparations locatives et débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

Déclare les demandes en paiement des sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP recevables sauf celles relatives aux réparations locatives ;

Condamne Mme [D] [K] et M. [F] [L] in solidum à payer aux sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 28 021,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2021 ;

Condamne Mme [D] [K] et M. [F] [L] in solidum à payer à la société Espace Gestion et Patrimoine la somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2021;

Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil;

Déboute la société EGP de sa demande au titre de ses honoraires de gestion ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Condamne Mme [D] [K] et M. [F] [L] in solidum à payer aux sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et EGP la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [D] [K] et M. [F] [L] in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour les dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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