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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 13 mai 2025, n° 24/04355

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/04355

13 mai 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°167

N° RG 24/04355 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VAQO

(Réf 1ère instance : 2024J157)

Mme [P] [Z], [N] [O]

C/

S.A. MMA IARD SA

Commune MMA IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PLA

Me CHAINAY

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

TC Lorient

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, rapporteur,

Assesseur : Madame Karine LABORDE, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes du 03 mars 2025

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Mars 2025 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre et Madame Sophie RAMIN, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteur, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [P], [Z], [N] [O]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Alicia PLA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉES :

S.A. MMA IARD SA immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LE MANS, sous le numéro 440 048 882, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Julien CHAINAY de la SELARL EFFICIA, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Maéva NDI PFOUM, avocat au barreau de Paris substituant Me Vincent NIDERPRIM de la SELARL AVOX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LE MANS, sous le numéro 775 652 126, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Julien CHAINAY de la SELARL EFFICIA, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Représentée par Me Maéva NDI PFOUM, avocat au barreau de Paris substituant Me Vincent NIDERPRIM de la SELARL AVOX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

2404355

Par jugement du 4 mai 2007, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au bénéfice de Mme [O], entrepreneur individuel.

Par jugement du 31 mai 2022, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.

Entre-temps, par acte du 17 novembre 2011, Mme [O] a vendu des locaux. Le prix de vente lui revenant, soit 30 389,30 ', n'a pas été versé à la liquidation judiciaire.

Le 29 avril 2016, le liquidateur judiciaire a réclamé au notaire instrumentaire les fonds.

Le 6 novembre 2019, les MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les MMA), se présentant comme assureur responsabilité civile professionnelle du notaire, ont réglé une somme de 30 389,30 ' au liquidateur ès qualités.

Le 1er décembre 2020, après mise en demeure infructueuse, les MMA ont assigné Mme [O] devant le tribunal judiciaire de Nantes en répétition de l'indu faisant valoir être subrogée dans les droits du notaire et du liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a déclaré les MMA irrecevables pour défaut de qualité à agir faute d'avoir sollicité du tribunal de commerce de Lorient l'autorisation de poursuivre individuellement la débitrice.

Le 19 avril 2024, les MMA ont assigné Mme [O] devant le tribunal de commerce de Lorient en répétition de l'indu.

Par jugement réputé contradictoire du 24 juin 2024, le tribunal de commerce de Lorient a :

- constaté la non comparution de Mme [O],

- dit que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ont recouvré leur droit de poursuite individuelle à l'encontre de Mme [O],

- dit en conséquence que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles sont recevables à agir à l'encontre de Mme [O],

- dit que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles sont subrogées dans les droits et actions de leur assuré, Maître [X], notaire,

- condamné Mme [O] à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de 30 389,30 ' au titre de la répétition de l'indu, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 juillet 2020 jusqu'au parfait paiement,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamné Mme [O] à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de 1 500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [O] aux entiers dépens comprenant notamment ceux du greffe liquidés à la somme de 80,29 ' TTC,

- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.

Par déclaration du 19 juillet 2024, Mme [O] a formé appel du jugement.

Les dernières conclusions de l'appelantes sont du 24 janvier 2025.

Les dernières conclusions des intimées sont du 16 septembre 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Mme [O] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [O] contre le jugement du tribunal de commerce de Lorient du 24 juin 2024,

In limine litis,

- prononcer l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Lorient du 24 juin 2024 en ce qu'il n'a pas respecté les conditions de comparution prévues à l'article L 643-11 § IV du code de commerce,

- prononcer l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Lorient du 24 juin 2024 en ce qu'il n'avait pas compétence juridictionnelle pour statuer sur les demandes de condamnation en paiement à l'encontre de Mme [O],

- dire que le tribunal judiciaire de Saint Nazaire était seul compétent pour connaître de la demande en paiement de la SA MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles,

A titre principal,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lorient du 24 juin 2024 en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la SA MMA IARD et de la Société MMA IARD assurances mutuelles,

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la SA MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles à l'égard de Mme [O],

- débouter la SA MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles de toutes leurs demandes contre Mme [P] [O],

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'une fraude avait été commise par Mme [P] [O],

- infirmer le jugement en ce qu'il a autorisé la reprise du droit de poursuite individuelle de la SA MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles contre Mme [P] [O],

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré l'existence d'une subrogation légale entre Maître [X], notaire, et la SA MMA IARD et la Société MMA IARD assurances mutuelles,

statuant à nouveau,

- dire et juger n'y avoir lieu à autoriser la reprise du droit de poursuite individuelle de la SA MMA IARD et de la Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES contre Mme [P] [O],

- dire et juger que la SA MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles ne justifient pas de l'existence d'une subrogation légale de Maître [X] à leur profit contre Mme [O],

- débouter la SA MMA IARD et la Société MMA IARD assurances mutuelles de l'ensemble de leurs demandes en paiement,

en toute hypothèse,

- débouter la SA MMA IARD et la Société MMA IARD assurances mutuelles du surplus de leurs demandes mêmes complémentaires,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau

- débouter la SA MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner la SA MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux entiers dépens de première instance,

au surplus,

- condamner la SA MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à verser à Mme [P] [O] la somme de 6 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens.

Les MMA demandent à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Commerce de Lorient le 24 juin 2024,

y ajoutant,

- condamner Mme [P] [O] à payer aux sociétés MMA la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

Il se déduit des conclusions des MMA qu'elles font valoir qu'étant légalement subrogées dans les droits et actions de leur assuré, M. [X], pour qui elles ont versé une somme entre les mains du liquidateur, elles agissent en répétition de l'indu à l'encontre de Mme [O].

Elles font ensuite valoir qu'étant légalement et conventionnellement subrogées dans les droits et actions du liquidateur judiciaire à qui elles ont versé une somme en raison de l'erreur commise par le notaire, elles agissent en inopposabilité de l'acte accompli nonobstant le dessaisissement du débiteur, à savoir l'utilisation par Mme [O] d'un compte bancaire lui ayant permis d'appréhender le prix de vente à l'insu du liquidateur judiciaire.

Enfin, elles agissent, à titre infiniment subsidiaire, au titre de l'enrichissement sans cause.

La demande d'annulation du jugement

Mme [O] fait valoir que le jugement doit être annulé en ce que le tribunal de commerce n'a pas respecté les conditions de mise en oeuvre de la procédure tendant à la reprise du droit de poursuite individuelle prévue par l'article L.643-11 du code de commerce, en ne convoquant pas le liquidateur judiciaire ni, spécifiquement, Mme [O]. Mme [O] soutient qu'elle a subi un grief en ayant été contrainte à prendre un conseil mais également en ce que le tribunal s'est privé d'éléments indispensables à sa prise de décision qui auraient pu être remis par le liquidateur judiciaire.

Les MMA ne contestent pas que leurs demandes, quel que soit leur fondement, étaient soumises à la règle de l'interdiction des poursuites individuelles et à celle de la reprise des poursuites individuelles et, partant, qu'il y avait lieu à autoriser la reprise du droit des poursuites individuelles sur le fondement retenu par le tribunal de commerce, à savoir l'article L.643-11 IV du code de commerce. Elles soutiennent toutefois que l'argumentation de Mme [O] sur la nécessité de convocation du liquidateur judiciaire et d'elle-même, spécifiquement, procède d'une erreur de droit, sans s'en expliquer plus avant.

L'article L.641-13 du code de commerce dispose que :

« Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :

- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;

- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (...) »

L'article L.622-21 du même code, applicable à la liquidation judiciaire selon l'article L.641-3, dispose que :

« I. - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) »

Ces règles sont d'ordre public.

La créance alléguée par les MMA n'est ni une créance antérieure à la procédure collective, ni une créance postérieure utile.

Selon l'article L.643-11 IV du code de commerce,

« (...) en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions (...)»

L'article R.643-18 du code de commerce prévoit la publicité du jugement d'autorisation de reprise des actions individuelles et la signification de la décision par le greffe avec des délais de recours raccourcis.

La décision d'autoriser les créanciers victimes de la fraude du débiteur à reprendre leurs actions individuelles est une exception propre à la clôture pour insuffisance d'actif pour laquelle seul le tribunal de la procédure collective est compétent, à l'exclusion de toute autre juridiction.

Il ressort du jugement de première instance que les MMA n'ont pas demandé au tribunal de la procédure collective à être autorisées, dans le cadre d'une instance dédiée, à recouvrer leur droit de poursuite mais ont demandé à ce qu'il 6

soit jugé qu'elles étaient « recevables et bien fondées » en ce qu'elles avaient recouvré leur droit de poursuite.

Le tribunal de commerce, en charge de la procédure collective ou ayant été en charge de celle-ci n'a pas été saisi d'une instance tendant à l'autorisation de reprise des actions individuelles, préalable à tout examen des actions du créancier.

Le tribunal de commerce qui, dans son dispositif, a dit que les MMA ont recouvré leur droit de poursuite individuelle et qu'elles étaient, en conséquence, recevables à agir, a excédé ses pouvoirs en se prononçant, par le même jugement, au fond, sur les demandes des MMA.

Ainsi, et sans qu'il soit besoin de démontrer le grief subi par Mme [O], il convient de prononcer l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Lorient.

Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que la dévolution s'opère en principe pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.

Toutefois, la cour n'est pas saisie d'une demande d'autorisation de reprise des actions individuelles à titre principal, préalable à tout examen du fond, et n'a, en tout état de cause, pas le pouvoir de statuer sur une telle demande, laquelle relève du seul tribunal de la procédure collective.

Dépens et frais irrépétibles

Les sociétés MMA seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [O] la somme de 4 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Prononce l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Lorient du 24 juin 2024 RG : 2024J157 en toutes ses dispositions,

Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles à payer à Mme [P] [O] la somme de 4 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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