CA Montpellier, ch. com., 13 mai 2025, n° 23/06182
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 13 MAI 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/06182 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QBZO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 OCTOBRE 2023
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2023018945
APPELANT :
Monsieur [H] [V]
né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsituée par Me APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Maître [R] [U] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SFP ELEC désignée par jugement du TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER en date du 9 octobre 2023
[Adresse 4]
[Localité 6]
signifié le 15.02.2024 à domicile
S.A. LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 20 mars 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thibault GRAFFIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE
ARRET :
- par défaut ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE
Le 6 août 2015, la SAS en formation SFPElec, représentée par songérant M. [H] [V], a ouvert un compte courant Contrat Professionnel Global n°[XXXXXXXXXX01] dans les livres de la SA CIC Lyonnaise de Banque.
Le 4 octobre 2019, cette société SFPElec a souscrit un prêt professionnel n°[Numéro identifiant 10] auprès de la SA Lyonnaise de Banque, d'un montant de 20 000 euros, remboursable en 36 mensualités et au taux de 1,80%.
Le 20 janvier 2020, M. [H] [V] a conclu un engagement de cautionnement solidaire « tous engagements » de la société SFPElec envers la Lyonnaise de Banque, dans la limite de 18 000 euros et pour une durée de 5 ans.
Le 9 décembre 2022, la banque a notifié à la société SFPElec la clôture définitive de son compte n°[XXXXXXXXXX02] au 12 février 2023.
Le 27 février 2023, la société Lyonnaise de Banque a mis en demeure la société d'avoir à lui régler la somme de 6 065 euros au titre du solde débiteur de son compte bancaire.
Le 28 mars 2023, elle l'a mise en demeure d'avoir à lui régler la somme de 5 029,77 euros au titre de la résiliation du prêt n°[Numéro identifiant 10] pour échéances impayées.
A la même date, la société Lyonnaise de Banque a vainement mis en demeure M. [V], en sa qualité de caution, de lui régler la somme totale de 8 579,88 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire et du prêt professionnel.
Par exploits des 13 et 24 juillet 2023, la banque a assigné la société SFPElec et M. [H] [V] en paiement.
Par jugement du 9 octobre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SFPElec et désigné Mme [R] [U] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement réputé contradictoire du 13 octobre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a :
condamné la société SFPElec et M. [H] [V], solidairement entre eux, à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 4 565 euros, outre intérêts légaux à compter du 28 mars 2023, jusqu'à parfait paiement ;
condamné la société SFPElec à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 5 029,77 euros outre intérêts conventionnés de 1,80% à compter du 28 mars 2023, jusqu'à parfait paiement ;
condamné M. [H] [V] à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 2 514,88 euros, correspondant à 50% de l'encours du prêt, outre intérêts conventionnels de 1,80% à compter du 28 mars 2023, jusqu'à parfait paiement ;
ordonné la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
condamné in solidum la société SFPElec et M. [H] [V] à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 1 000 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 81,58 euros toutes taxes comprises.
Par déclaration du 18 décembre 2023, M. [H] [V] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt avant dire droit du 21 janvier 2025, la chambre commerciale de la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats pour production par la société Lyonnaise de banque des relevés du compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01].
Par conclusions du 18 mars 2025, M. [V] demande à la cour, au visa des articles 2302, 2023 et 2314 du code civil, des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce et de l'article 9 du code de procédure civile, de :
juger son appel recevable et bienfondé ;
à titre principal, juger nulle l'assignation délivrée à son encontre et par conséquent nul le jugement ;
à titre subsidiaire, infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,
juger qu'il ne peut se voir opposer un quelconque acte de cautionnement ; que la Lyonnaise de Banque ne rapporte pas la preuve de sa créance contre lui ni d'une déclaration de créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société SFPElec ;
juger que la créance de la Lyonnaise de Banque est inopposable à la procédure collective de la société SFPElec ; que s'il est caution, l'absence de démonstration de créance détenue par la Lyonnaise de Banque à l'encontre de la société SFPElec lui fait perdre son recours subrogatoire envers la société, débitrice principale ;
à titre très subsidiaire, si le jugement déféré devait être confirmé,
juger que la Lyonnaise de Banque ne rapporte aucune preuve quant à l'accomplissement de son obligation annuelle d'information à l'égard de la caution ni quant à son obligation d'information liée à la défaillance de la société SFPElec ;
prononcer la déchéance des intérêts ;
en tout état de cause, rejeter l'ensemble des demandes de la Lyonnaise de Banque ;
et la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
Par conclusions du 18 avril 2025, la Lyonnaise de Banque demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1892, 1902, 2288 à 2316 du code civil et des articles L. 313-12 à D. 313-14-1 du code monétaire et financier, de :
débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes ;
confirmer le jugement déféré ;
statuant à nouveau,
à l'encontre de M. [V], le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
à l'encontre de la société SFPElec, fixer sa créance au passif chirographaire de la liquidation judiciaire aux sommes suivantes :
4 565 euros, arrêtée au 9 octobre 2023 correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel
5 072,30 euros du solde du prêt n°[Numéro identifiant 10] en principal, intérêts et tous frais arrêtés au 9 octobre 2023, outre intérêts à 1,80% dus sur 5 072,30 euros postérieurs s'agissant d'un prêt de plus d'un an jusqu'à parfait paiement ;
y ajouter, condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Mme [R] [U], assignée en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SFP Elec, par acte du 15 février 2024 délivré à personne, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est datée du 20 mars 2025.
MOTIFS :
Sur le moyen de nullité de l'acte introductif d'instance
La Lyonnaise de Banque produit l'assignation qui a été délivrée le 13 juillet 2023 à M. [V], à l'adresse [Adresse 3] à [Localité 11], par remise à l'étude de l'huissier de justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile.
L'huissier de justice a précisé en son procès-verbal que la certitude du domicile M. [H] [V] était caractérisée par la présence de son nom sur la sonnette et figurant sur l'enseigne commerciale, et que le destinataire était absent lors de son passage par des mentions faisant foi de ses diligences et constatations jusqu'à inscription de faux.
M. [V] indique lui-même dans son acte d'appel et dans ses dernières conclusions résider à cette adresse laquelle est également celle qui figurait sur la lettre recommandée adressée par voie postale et dont il a accusé réception le 3 mars 2023.
Dès lors, l'assignation a été délivrée conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, et la demande de voir prononcer sa nullité sera rejetée.
Sur le cautionnement et la déclaration de la créance
L'appelant fait valoir exactement que la banque doit rapporter la preuve de son engagement en qualité de caution et qu'il lui appartient également de démontrer avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SFPElec.
La société Lyonnaise de Banque verse aux débats le cautionnement omnibus daté et signé par M. [V] le 20 janvier 2020 par lequel il s'est engagé à se porter caution de la société SFPElec, dans la limite de la somme de 18 000 euros et pour une durée de cinq ans.
La banque produit également sa déclaration de ses créances, remise contre signature à Mme [U] le 2 novembre 2023, en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société SFPElec. Elle a demandé l'admission de ses créances à titre chirographaire pour la somme de 4 565 euros au titre du solde débiteur du compte courant et pour la somme de 5 072,30 euros au titre du prêt [Numéro identifiant 10]outre intérêts au taux contractuel de 1,80%.
L'absence de décision définitive d'admission d'une créance déclarée au passif du débiteur principal n'interdit pas la poursuite de la caution par le créancier devant le juge du cautionnement aux fins de condamnation (en ce sens, Com, 7 février 2018 n°16 22-280). De surcroît, M. [V] ne rapporte en rien la preuve du rejet de la créance au passif de la société SFPElec.
Par conséquent, la banque rapportant la preuve de l'existence du cautionnement de M. [V] et de sa déclaration de créance, ces moyens seront écartés.
Sur le devoir d'information
L'établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, est tenu d'une obligation annuelle d'information de la caution en vertu de l'article L. 313-22 ancien du code monétaire et financier qui lui impose de faire connaître à la caution, avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Les dispositions de l'article L. 333-2 (et L. 343-6) du code de la consommation, ayant été abrogées à compter du 1er janvier 2022 par l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, il convient de faire application des dispositions de l'article 2302 du code civil, dont les dispositions sont entrées en vigueur à cette date, y compris aux cautionnements et aux sûretés réelles pour autrui constitués antérieurement.
Selon l'article 2303 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 le créancier professionnel est tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
La banque doit non seulement justifier de l'envoi, avant le 31 mars de chaque année, de la lettre d'information, mais aussi de son contenu destiné à faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ; cette obligation d'information pesant sur la banque perdure jusqu'à l'extinction de la dette.
La mise en demeure avant la résiliation du contrat de crédit, adressée par la banque à la société SFPElec le 27 février 2023, reçue le 3 avril précise que les échéances impayées au titre du prêt n°[Numéro identifiant 10], datent du 5 septembre 2022 au 5 février 2023.
Or, la Lyonnaise de Banque ne justifiant pas de l'envoi effectif de sa lettre du 14 décembre 2022 informant M. [V] des échéances impayées et ce dernier n'ayant ainsi pas été informé de l'exigibilité des échéances du prêt dans le mois suivant, mais seulement à la date du 3 avril 2023, celle-ci est déchue des intérêts et pénalités échus entre les mois de septembre 2022 à février 2023 pour le prêt n°[Numéro identifiant 10].
Concernant le solde débiteur du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02], selon la déclaration de créance de la banque et le décompte de ce compte courant produit pour la période du 4 janvier 2022 au 11 mai 2023, la créance de la société SFPElec à ce titre s'élève à 4 565 euros.
Or, les relevés du compte bancaire versés aux débats par la banque, ne concernent que les périodes ponctuelles du 6 août 2015 au 27 avril 2016, l'année 2020, puis du 4 janvier 2022 au 11 mai 2023. La banque ne saurait imputer ce manquement à la caution alors que le compte bancaire s'avère avoir été transféré au sein de plusieurs agences CIC en raison de la fermeture de l'une d'elle.
Ainsi, la Lyonnaise de Banque interdit de calculer le montant des intérêts et pénalités déchus à déduire, de sorte qu'elle n'établit pas le montant exact de sa créance réelle à l'égard de la caution.
Par conséquent, la Lyonnaise de Banque qui ne justifie pas du montant qu'elle réclame à la caution au titre du solde débiteur du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02]sera déboutée de cette prétention.
En revanche s'agissant du prêt n°[Numéro identifiant 10], au vu de la déclaration de créance de la banque et du tableau d'amortissement, la créance de la société SFPElec à ce titre s'élève à 4 422,92 euros au principal et la déchéance aux intérêts et pénalités échus est d'un montant de 555,40 euros.
Selon la mise en demeure du 28 mars 2023 et comme demandé par la Lyonnaise de Banque, la caution n'est tenue qu'à hauteur « de 50% du montant restant dû » en raison de « l'intervention de la société de caution BPI France en cas de perte finale ».
Dès lors, au titre du prêt n°[Numéro identifiant 10], M. [V] est redevable de la somme de 1 933,76 euros ([4 422,92 ' 555,40]/2).
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2023, date de réception de la mise en demeure.
Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé sur le montant des condamnations prononcées contre la caution.
Sur les demandes à l'encontre de la société SFPElec
Du fait de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société SPFElec, le jugement qui l'a condamnée à paiement sera infirmé et il sera fixé au passif chirographaire de la liquidation judiciaire de cette société les créances de la Lyonnaise de Banque soit la somme de 4 565 euros arrêtée au 9 octobre 2023 correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel ainsi que la somme de 5 072,30 euros au titre du solde du prêt n°[Numéro identifiant 10]en principal, intérêts et tous frais arrêtés au 9 octobre 2023, outre intérêts conventionnels de 1,80% à compter du 28 mars 2023.
Le jugement sera entièrement réformé.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant
Rejette la demande de nullité ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SFPElec, à titre chirographaire, les créances de la Lyonnaise de Banque soit :
- la somme de 4 565 euros arrêtée au 9 octobre 2023 correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel ;
- la somme de 5 072,30 euros au titre du solde du prêt n°[Numéro identifiant 10]en principal, intérêts et tous frais arrêtés au 9 octobre 2023, outre intérêts conventionnés de 1,80% à compter du 28 mars 2023 ;
Déboute la société CIC Lyonnaise de Banque de sa demande en paiement dirigée contre la caution au titre du solde débiteur du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02] ;
Condamne M. [H] [V], en sa qualité de caution, à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque la somme de 1 933,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2023 au titre du prêt n°[Numéro identifiant 10] avec anatocisme ;
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 13 MAI 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/06182 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QBZO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 OCTOBRE 2023
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2023018945
APPELANT :
Monsieur [H] [V]
né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER subsituée par Me APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Maître [R] [U] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SFP ELEC désignée par jugement du TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER en date du 9 octobre 2023
[Adresse 4]
[Localité 6]
signifié le 15.02.2024 à domicile
S.A. LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 20 mars 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thibault GRAFFIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE
ARRET :
- par défaut ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.
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FAITS et PROCEDURE
Le 6 août 2015, la SAS en formation SFPElec, représentée par songérant M. [H] [V], a ouvert un compte courant Contrat Professionnel Global n°[XXXXXXXXXX01] dans les livres de la SA CIC Lyonnaise de Banque.
Le 4 octobre 2019, cette société SFPElec a souscrit un prêt professionnel n°[Numéro identifiant 10] auprès de la SA Lyonnaise de Banque, d'un montant de 20 000 euros, remboursable en 36 mensualités et au taux de 1,80%.
Le 20 janvier 2020, M. [H] [V] a conclu un engagement de cautionnement solidaire « tous engagements » de la société SFPElec envers la Lyonnaise de Banque, dans la limite de 18 000 euros et pour une durée de 5 ans.
Le 9 décembre 2022, la banque a notifié à la société SFPElec la clôture définitive de son compte n°[XXXXXXXXXX02] au 12 février 2023.
Le 27 février 2023, la société Lyonnaise de Banque a mis en demeure la société d'avoir à lui régler la somme de 6 065 euros au titre du solde débiteur de son compte bancaire.
Le 28 mars 2023, elle l'a mise en demeure d'avoir à lui régler la somme de 5 029,77 euros au titre de la résiliation du prêt n°[Numéro identifiant 10] pour échéances impayées.
A la même date, la société Lyonnaise de Banque a vainement mis en demeure M. [V], en sa qualité de caution, de lui régler la somme totale de 8 579,88 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire et du prêt professionnel.
Par exploits des 13 et 24 juillet 2023, la banque a assigné la société SFPElec et M. [H] [V] en paiement.
Par jugement du 9 octobre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SFPElec et désigné Mme [R] [U] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement réputé contradictoire du 13 octobre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a :
condamné la société SFPElec et M. [H] [V], solidairement entre eux, à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 4 565 euros, outre intérêts légaux à compter du 28 mars 2023, jusqu'à parfait paiement ;
condamné la société SFPElec à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 5 029,77 euros outre intérêts conventionnés de 1,80% à compter du 28 mars 2023, jusqu'à parfait paiement ;
condamné M. [H] [V] à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 2 514,88 euros, correspondant à 50% de l'encours du prêt, outre intérêts conventionnels de 1,80% à compter du 28 mars 2023, jusqu'à parfait paiement ;
ordonné la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
condamné in solidum la société SFPElec et M. [H] [V] à payer au CIC Lyonnaise de Banque la somme de 1 000 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 81,58 euros toutes taxes comprises.
Par déclaration du 18 décembre 2023, M. [H] [V] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt avant dire droit du 21 janvier 2025, la chambre commerciale de la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats pour production par la société Lyonnaise de banque des relevés du compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01].
Par conclusions du 18 mars 2025, M. [V] demande à la cour, au visa des articles 2302, 2023 et 2314 du code civil, des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce et de l'article 9 du code de procédure civile, de :
juger son appel recevable et bienfondé ;
à titre principal, juger nulle l'assignation délivrée à son encontre et par conséquent nul le jugement ;
à titre subsidiaire, infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,
juger qu'il ne peut se voir opposer un quelconque acte de cautionnement ; que la Lyonnaise de Banque ne rapporte pas la preuve de sa créance contre lui ni d'une déclaration de créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société SFPElec ;
juger que la créance de la Lyonnaise de Banque est inopposable à la procédure collective de la société SFPElec ; que s'il est caution, l'absence de démonstration de créance détenue par la Lyonnaise de Banque à l'encontre de la société SFPElec lui fait perdre son recours subrogatoire envers la société, débitrice principale ;
à titre très subsidiaire, si le jugement déféré devait être confirmé,
juger que la Lyonnaise de Banque ne rapporte aucune preuve quant à l'accomplissement de son obligation annuelle d'information à l'égard de la caution ni quant à son obligation d'information liée à la défaillance de la société SFPElec ;
prononcer la déchéance des intérêts ;
en tout état de cause, rejeter l'ensemble des demandes de la Lyonnaise de Banque ;
et la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
Par conclusions du 18 avril 2025, la Lyonnaise de Banque demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1892, 1902, 2288 à 2316 du code civil et des articles L. 313-12 à D. 313-14-1 du code monétaire et financier, de :
débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes ;
confirmer le jugement déféré ;
statuant à nouveau,
à l'encontre de M. [V], le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
à l'encontre de la société SFPElec, fixer sa créance au passif chirographaire de la liquidation judiciaire aux sommes suivantes :
4 565 euros, arrêtée au 9 octobre 2023 correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel
5 072,30 euros du solde du prêt n°[Numéro identifiant 10] en principal, intérêts et tous frais arrêtés au 9 octobre 2023, outre intérêts à 1,80% dus sur 5 072,30 euros postérieurs s'agissant d'un prêt de plus d'un an jusqu'à parfait paiement ;
y ajouter, condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Mme [R] [U], assignée en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SFP Elec, par acte du 15 février 2024 délivré à personne, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est datée du 20 mars 2025.
MOTIFS :
Sur le moyen de nullité de l'acte introductif d'instance
La Lyonnaise de Banque produit l'assignation qui a été délivrée le 13 juillet 2023 à M. [V], à l'adresse [Adresse 3] à [Localité 11], par remise à l'étude de l'huissier de justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile.
L'huissier de justice a précisé en son procès-verbal que la certitude du domicile M. [H] [V] était caractérisée par la présence de son nom sur la sonnette et figurant sur l'enseigne commerciale, et que le destinataire était absent lors de son passage par des mentions faisant foi de ses diligences et constatations jusqu'à inscription de faux.
M. [V] indique lui-même dans son acte d'appel et dans ses dernières conclusions résider à cette adresse laquelle est également celle qui figurait sur la lettre recommandée adressée par voie postale et dont il a accusé réception le 3 mars 2023.
Dès lors, l'assignation a été délivrée conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, et la demande de voir prononcer sa nullité sera rejetée.
Sur le cautionnement et la déclaration de la créance
L'appelant fait valoir exactement que la banque doit rapporter la preuve de son engagement en qualité de caution et qu'il lui appartient également de démontrer avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SFPElec.
La société Lyonnaise de Banque verse aux débats le cautionnement omnibus daté et signé par M. [V] le 20 janvier 2020 par lequel il s'est engagé à se porter caution de la société SFPElec, dans la limite de la somme de 18 000 euros et pour une durée de cinq ans.
La banque produit également sa déclaration de ses créances, remise contre signature à Mme [U] le 2 novembre 2023, en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société SFPElec. Elle a demandé l'admission de ses créances à titre chirographaire pour la somme de 4 565 euros au titre du solde débiteur du compte courant et pour la somme de 5 072,30 euros au titre du prêt [Numéro identifiant 10]outre intérêts au taux contractuel de 1,80%.
L'absence de décision définitive d'admission d'une créance déclarée au passif du débiteur principal n'interdit pas la poursuite de la caution par le créancier devant le juge du cautionnement aux fins de condamnation (en ce sens, Com, 7 février 2018 n°16 22-280). De surcroît, M. [V] ne rapporte en rien la preuve du rejet de la créance au passif de la société SFPElec.
Par conséquent, la banque rapportant la preuve de l'existence du cautionnement de M. [V] et de sa déclaration de créance, ces moyens seront écartés.
Sur le devoir d'information
L'établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, est tenu d'une obligation annuelle d'information de la caution en vertu de l'article L. 313-22 ancien du code monétaire et financier qui lui impose de faire connaître à la caution, avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Les dispositions de l'article L. 333-2 (et L. 343-6) du code de la consommation, ayant été abrogées à compter du 1er janvier 2022 par l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, il convient de faire application des dispositions de l'article 2302 du code civil, dont les dispositions sont entrées en vigueur à cette date, y compris aux cautionnements et aux sûretés réelles pour autrui constitués antérieurement.
Selon l'article 2303 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 le créancier professionnel est tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
La banque doit non seulement justifier de l'envoi, avant le 31 mars de chaque année, de la lettre d'information, mais aussi de son contenu destiné à faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ; cette obligation d'information pesant sur la banque perdure jusqu'à l'extinction de la dette.
La mise en demeure avant la résiliation du contrat de crédit, adressée par la banque à la société SFPElec le 27 février 2023, reçue le 3 avril précise que les échéances impayées au titre du prêt n°[Numéro identifiant 10], datent du 5 septembre 2022 au 5 février 2023.
Or, la Lyonnaise de Banque ne justifiant pas de l'envoi effectif de sa lettre du 14 décembre 2022 informant M. [V] des échéances impayées et ce dernier n'ayant ainsi pas été informé de l'exigibilité des échéances du prêt dans le mois suivant, mais seulement à la date du 3 avril 2023, celle-ci est déchue des intérêts et pénalités échus entre les mois de septembre 2022 à février 2023 pour le prêt n°[Numéro identifiant 10].
Concernant le solde débiteur du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02], selon la déclaration de créance de la banque et le décompte de ce compte courant produit pour la période du 4 janvier 2022 au 11 mai 2023, la créance de la société SFPElec à ce titre s'élève à 4 565 euros.
Or, les relevés du compte bancaire versés aux débats par la banque, ne concernent que les périodes ponctuelles du 6 août 2015 au 27 avril 2016, l'année 2020, puis du 4 janvier 2022 au 11 mai 2023. La banque ne saurait imputer ce manquement à la caution alors que le compte bancaire s'avère avoir été transféré au sein de plusieurs agences CIC en raison de la fermeture de l'une d'elle.
Ainsi, la Lyonnaise de Banque interdit de calculer le montant des intérêts et pénalités déchus à déduire, de sorte qu'elle n'établit pas le montant exact de sa créance réelle à l'égard de la caution.
Par conséquent, la Lyonnaise de Banque qui ne justifie pas du montant qu'elle réclame à la caution au titre du solde débiteur du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02]sera déboutée de cette prétention.
En revanche s'agissant du prêt n°[Numéro identifiant 10], au vu de la déclaration de créance de la banque et du tableau d'amortissement, la créance de la société SFPElec à ce titre s'élève à 4 422,92 euros au principal et la déchéance aux intérêts et pénalités échus est d'un montant de 555,40 euros.
Selon la mise en demeure du 28 mars 2023 et comme demandé par la Lyonnaise de Banque, la caution n'est tenue qu'à hauteur « de 50% du montant restant dû » en raison de « l'intervention de la société de caution BPI France en cas de perte finale ».
Dès lors, au titre du prêt n°[Numéro identifiant 10], M. [V] est redevable de la somme de 1 933,76 euros ([4 422,92 ' 555,40]/2).
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2023, date de réception de la mise en demeure.
Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé sur le montant des condamnations prononcées contre la caution.
Sur les demandes à l'encontre de la société SFPElec
Du fait de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société SPFElec, le jugement qui l'a condamnée à paiement sera infirmé et il sera fixé au passif chirographaire de la liquidation judiciaire de cette société les créances de la Lyonnaise de Banque soit la somme de 4 565 euros arrêtée au 9 octobre 2023 correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel ainsi que la somme de 5 072,30 euros au titre du solde du prêt n°[Numéro identifiant 10]en principal, intérêts et tous frais arrêtés au 9 octobre 2023, outre intérêts conventionnels de 1,80% à compter du 28 mars 2023.
Le jugement sera entièrement réformé.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant
Rejette la demande de nullité ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SFPElec, à titre chirographaire, les créances de la Lyonnaise de Banque soit :
- la somme de 4 565 euros arrêtée au 9 octobre 2023 correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel ;
- la somme de 5 072,30 euros au titre du solde du prêt n°[Numéro identifiant 10]en principal, intérêts et tous frais arrêtés au 9 octobre 2023, outre intérêts conventionnés de 1,80% à compter du 28 mars 2023 ;
Déboute la société CIC Lyonnaise de Banque de sa demande en paiement dirigée contre la caution au titre du solde débiteur du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02] ;
Condamne M. [H] [V], en sa qualité de caution, à payer à la société CIC Lyonnaise de Banque la somme de 1 933,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2023 au titre du prêt n°[Numéro identifiant 10] avec anatocisme ;
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente