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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 13 mai 2025, n° 23/00160

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

L'once d'or ii (SASU)

Défendeur :

L'once d'or ii (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Vice-président :

M. Pothier

Conseiller :

Mme Picot-Postic

Avocats :

Me Boucher, Me Chaudet, Me Draï, Me d'Ollone

TJ Rennes, du 16 mai 2023, n° 20/01509

16 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE:

Le 16 avril 2020, M. et Mme [C] ont, après de nombreux échanges par courriels les jours précédents, commandé à la société l'Once d Or II quatre lingotins d'or de 500 grammes au prix de 27 350 euros l'unité.

Ils ont procédé au règlement de deux d'entre eux le 20 avril 2020 par virement de la somme de 57 400 euros.

Suite à un courrier de Mme [D] [C] le 21 avril 2020 indiquant vouloir finalement acquérir deux lingots de 500 grammes pour la somme de 57 400 euros, la société l'Once d'or II a accepté, par courriel du 22 avril 2020, de limiter la vente à deux lingots de 500 grammes et de rembourser la différence trop perçue, en indiquant cependant que la livraison sera aux frais de l'acheteur. La livraison était prévue deux jours plus tard.

Toutefois, par courriel du 23 avril 2020, les époux [C] ont fait part à la SASU l'Once d'or II de leur volonté d'annuler leur commande et d'obtenir le remboursement des sommes par eux déjà versées, ce qui a été refusé par ladite société.

Par courrier du 2 mai 2020, leur conseil a mis en demeure la société l'Once d'Or II de restituer les fonds, qui est restée vaine.

Le 25 mai 2020, les époux [C] ont présenté au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Vannes une requête aux fins de saisie conservatoire pour la somme de 57 400 euros, à laquelle il a été fait droit suivant ordonnance du lendemain.

Par jugement du 20 octobre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Vannes a rétracté l'ordonnance rendue le 26 mai 2020 et ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 9 juin 2020.

Parallèlement, suivant acte extrajudiciaire du 3 juillet 2020, les époux [C] ont assigné la société l'Once d'or II devant le tribunal judiciaire de Vannes aux fins de la résolution du contrat de vente.

M. [C] est décédé le 17 avril 2021.

Suivant jugement du 18 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Vannes a condamné la société l'Once d'or II à payer à Mme [D] [C] la somme de 57 400 euros, outre les intérêts au taux légal, outre celle de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la société l'Once d'or II et M. [Z] [S] (intervenant volontaire) de leurs demandes reconventionnelles, et condamné ces derniers in solidum aux dépens.

Suivant déclaration du 9 janvier 2023, la société l'Once d'or II et M. [Z] [S] ont interjeté appel.

Suivant conclusions du 9 avril 2023, M. [Z] [S] s' est désisté de son appel à l'encontre de Mme [D] [C].

Suivant ordonnance du 16 mai 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction partielle de l'instance entre M. [Z] [S] et Mme [D] [C].

En ses dernières conclusions du 12 février 2025, la société l'Once d'or II demande à la cour de:

Vu les articles 1113, 1114, 1132, 1133, 1137 et 1583 du code civil,

Vu l'article L.221-5 du code de la consommation,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- statuant à nouveau,

- à titre principal,

- juger que la vente est parfaite entre les parties pour l'achat de quatre lingotins de 500 grammes au prix de 109 400 euros,

- condamner Mme [C] à lui régler la somme de 109 400 euros au titre de la vente des quatre lingotins de 500 grammes,

- dire que cette condamnation portera intérêt au taux légal à compter du 21 avril 2020, jour de la vente,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l article 1343-2 du code civil,

- condamner Mme [C] à lui régler la différence de prix entre la valeur des lingotins lors de la vente et la valeur des lingotins au jour de la livraison à intervenir tel que fixé par le cours de l'or publié par la Banque de France, à titre de dommages et intérêts,

- débouter Mme [C] de sa demande de livraison de lingotin d'une marque agréée LBMA,

- à titre subsidiaire,

- juger que la vente est parfaite entre les parties pour l'achat de deux lingotins de 500 grammes au prix de 54 700 euros,

- condamner Mme [C] à lui régler la somme de 57 400 euros au titre de la vente des deux lingotins de 500 grammes,

- condamner Mme [C] à lui régler la somme de 1 000 euros au titre des frais de livraison des deux lingotins de 500 grammes,

- dire que cette condamnation portera intérêt au taux légal à compter du 21 avril 2020, jour de la vente,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner Mme [C] à lui régler la différence de prix entre la valeur des lingotins lors de la vente et la valeur des lingotins au jour de la livraison à intervenir tel que fixé par le cours de l'or publié par la Banque de France, à titre de dommages et intérêts,

- débouter Mme [C] de sa demande de livraison de lingotin d'une marque agréée LBMA,

- en tout état de cause,

- juger qu'elle livrera à Mme [C] les lingotins dans les conditions convenues lors de la vente une fois le prix réglé par cette dernière,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [C] à lui régler la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner Mme [C] aux dépens de l'instance.

En ses dernières conclusions du 24 février 2025, Mme [D] [C] demande à la cour de :

Vu les articles 1111, 1130, 1131 et 1137 du code civil,

Vu les articles L.111-1, L.221-11, L.242-10 et L.222-11 du code de la consommation,

Vu le code de procédure civile,

- à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société l'Once d'Or II à lui verser la somme de 57 400 euros outre les intérêts au taux légal et 4 800 euros en application de l article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire,

- juger qu'un dol a vicié le consentement des époux [C],

- juger qu'une erreur a vicié le consentement des époux [C],

- prononcer la nullité du contrat, ainsi que la restitution des sommes versées soit la somme de 57 400 euros augmentée des intérêts produits,

- à titre très subsidiaire,

- fixer le prix des lingotins au jour où la société l'Once d'or II estime que la vente serait devenue parfaite soit en avril 2020,

- ordonner que les lingotins livrés soient neufs, d'une marque agréée LBMA, avec gravure des numéros d'identification sur leur surface, accompagnés de leur certificat d'authenticité,

- ordonner que la livraison intervienne aux frais de la société l'Once d or II après information et accord sur le choix des lingotins,

- en tout état de cause,

- accueillir son appel incident et le déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société l'Once d'or II à 1 000 euros de dommages et intérêts et statuant de nouveau, condamner ladite société à payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,

- débouter la société l'Once d'or II de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société l'Once d'or II à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société l'Once d'or II aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 24 février 2025, la société l'Once d'or II demande de:

Vu les articles 15, 16, 802 et 803 du code de procédure civile,

- juger que les conclusions n° 6 et les pièces n° 27 et 28 de Mme [C] notifiées le 24 février 2025 sont tardives,

- en conséquence,

- écarter des débats les conclusions n° 6 et les pièces n° 27 et 28 de Mme [C] notifiées le 24 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur l irrecevabilité des conclusions n° 6 et pièces n° 27 et 28 de Mme [D] [C]

La société l'Once d'or II sollicite le rejet des conclusions n° 6 et des pièces n° 27 et n° 28 de Mme [C] en soutenant que la signification des conclusions de Mme [C], intervenue le 24 février 2025 en milieu d'après-midi pour une clôture prévue le lendemain à 9h30, est tardive et contrevient au principe du contradictoire.

Toutefois, à la lecture des conclusions n° 5 et n° 6 de Mme [C], il apparaît que les parties ont disposé d'un temps suffisant pour prendre connaissance des dernières conclusions et pièces de cette dernière et d'y répondre avant l'ordonnance de clôture.

Par conséquent, le moyen d'irrecevabilité des conclusions et pièces sera écarté comme non fondé.

Sur la régularité du contrat

Pour condamner la société l'Once d'or II en restitution des sommes versées, le premier juge a considéré qu'aucun contrat de vente n'a été conclu entre les parties. Il a estimé que seul un accord sur le prix est intervenu et non sur la chose de sorte que l'accord intervenu entre les parties constituait seulement une invitation à entrer en pourparlers faute de contenir les éléments essentiels du contrat de vente.

Au soutien de son appel, la société l'Once d'or II fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, elle n'a pas manqué à son obligation d'information précontractuelle. En effet, elle soutient avoir transmis les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien à savoir, le poids et la qualité de l'or, outre les informations relatives au prix des produits ainsi qu'au délai de livraison. En revanche, pour ce qui concerne les informations relatives à la numérotation des lingots, au certificat d'authenticité ainsi que le nom du fondeur, elle fait valoir que celles-ci ne peuvent être transmises que postérieurement à la validation de la commande.

La société l'Once d'or II considère que les premiers juges ont considéré à tort que la vente n'était pas valablement formée entre les parties en ne retenant qu'un accord sur le prix, que le tribunal a fait une mauvaise lecture des pièces du dossier et qu'il a ajouté des conditions supplémentaires à l'article L 221-5 du code de la consommation, sans vérifier si les informations qui avaient été communiquées par elle correspondaient aux exigences du texte.

Elle affirme que M. et Mme [C] disposaient de toutes les informations nécessaires pour conclure un contrat de vente avec elle, en particulier le grammage en or des lingotins achetés, qu elle a fourni les caractéristiques essentielles des objets vendus (poids et qualité de l'or), qu' elle a fourni une offre ferme et précise aux époux [C], qui a d'ailleurs été acceptée par eux du fait du paiement intervenu le 17 avril 2020 et de l'envoi d'un mail explicite le 21 avril 2020.

De son côté, Mme [D] [C] soutient que la société l'Once d'or II a manqué à son obligation d information précontractuelle en ce qu'elle ne l'a pas informée des caractéristiques essentielles des lingots notamment en ce qui concerne la pureté de l'or, la numérotation des lingots ou encore la présence de certificat, conformément à l'article L.111-1 du code de la consommation.

Mme [C] invoque un manquement à l'obligation d'information précontractuelle prévue par les articles L 111-1, L 221-5 et L 221-11 du code de la consommation dès lors qu'elle n'a pas été informée sur les caractéristiques essentielles du bien (pureté de l'or, numérotation des lingotins, présence de certificat, nom du fondeur, impossibilité de se rétracter), qui doit être sanctionné par l'engagement de la responsabilité civile du vendeur sur le fondement des articles 1112-1 alinéa 6 et 1240 du code civil, ainsi que par l'annulation du contrat dès lors que le manquement à l'obligation d information caractérise une réticence dolosive.

Elle soutient également qu'aucun contrat de vente n'a été formé. Elle conteste l'existence d'un accord sur le prix et la chose, soulignant que l'offre formulée par la société l'Once d'or II n'était pas suffisamment précise en ce qu'elle ne permettait pas d'identifier précisément les lingots.

Selon elle, la simple mention d'un lingot d'or de 500 g n'est pas assez précise, que la SASU l'Once d'Or II ne peut utilement prétendre que la numérotation des lingotins, les certificats d'authenticité et le nom du fondeur ne peuvent être communiqués qu'après validation de la commande, qu'aucun élément ne permettait l'identification des caractéristiques des lingotins et leur pureté.

Elle souligne qu'elle avait explicitement conditionné son consentement à la réception de ces informations, lors de chaque échange téléphonique avec la SASU l'Once d'Or II, et par écrit dans son mail du 21 avril 2020 à 23 h et que faute d'avoir obtenu l'intégralité des informations sollicitées, elle n'a accepté aucune offre.

A titre subsidiaire, elle sollicite que soit prononcée la nullité du contrat de vente sur le fondement du dol ou de l'erreur.

L'obligation précontractuelle de renseignement ou d'information peut relever du droit commun des contrats ou du droit de la consommation.

Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Le même texte précise que le manquement à cette obligation d'information peut être sanctionné par l'annulation pour erreur sur les qualités essentielles ou pour dol ou engager la responsabilité de celui qui a omis l'information ou trompé son cocontractant.

Dans les ventes de biens ou les fournitures de services conclus entre consommateurs et professionnels, l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que : avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives notamment aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, au prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Selon l'article L 221-11 du code de la consommation, lorsque le contrat est conclu à distance, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l'article L 221-5 ou les met à disposition par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée.

Aux termes de L. 221-5 du même code, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste;

4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'État.

D'une manière plus générale, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi selon l'article 1104 du code civil.

Il résulte de la combinaison des articles L 111-1 du code de la consommation, qui n'assortit pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne néanmoins l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le contrat portant sur l'achat de lingots d'or a été conclu à distance.

Faute de tout document contractuel ou pré-contractuel, tout le débat se concentre sur les échanges de courriels entre les parties, qui montrent que M. et Mme [C] ont donné leur accord pour procéder à l'achat de quatre lingots d'or ramenés ensuite à deux lingots d'or (mail du 21 avril 2020) de 500 grammes au prix de 27 350 euros, qu'un virement de 57 400 euros a été réalisé par les époux [C] le 20 avril 2020 via le Crédit Agricole et par courriel du 22 avril 2020, la SASU l'Once d'Or II a accepté la vente de deux lingots d'or et le remboursement du surplus soit la somme de 2 700 euros.

Ces éléments suffisent à démontrer qu'il y a bien eu un accord sur la chose et le prix, la remise des fonds en totalité manifestant incontestablement que les parties s étaient accordées sur ces deux éléments.

Mme [C] ne saurait utilement invoquer un courriel de la SASU L'Once d'Or II du 22 avril 2020 qui indiquait notamment : 'si vous rachetez les 2 lingots d or de 500 grs précédemment commandés, on devra refixer les prix à la baisse ou à la hausse le jour de la commande, les cours étant très volatiles en ce moment' pour soutenir qu il n'y avait aucun accord sur le prix dès lors que les deux lingots d'or visés dans ce mail correspondaient à ceux qu'elle ne voulait plus acheter.

Pour autant, la question est de savoir si l'obligation précontractuelle de renseignement ou d'information a été remplie.

Hormis les échanges de courriels, le seul autre document produit par la SASU l'Once d'or II, est la copie d'une facture pro forma émise le 17 avril 2020 qui se borne à mentionner que la vente porte sur quatre «lingots de 500 grammes» au prix unitaire de 27 350 euros.

Or, la facture pro format est censée porter à la connaissance du partenaire éventuel les éléments du contrat projeté et doit contenir notamment des indications précises sur les marchandises, le délai de livraison, le prix (etc.).

Il apparaît à la lecture de cette facture pro format et des échanges de courriels susvisés, que les caractéristiques essentielles des lingots d'or n'ont jamais été portées à la connaissance des acheteurs, alors qu'il est acquis que les informations relatives à la pureté de l'or vendu, à la numérotation des lingotins, à la présence de certificat et au nom du fondeur constituent des informations portant sur les caractéristiques essentielles des lingots.

Il est, en effet, incontestable que l'achat d'or nécessite une vigilance accrue et le vendeur doit pouvoir fournir des informations détaillées sur la provenance et la qualité de son or, les produits devant être numérotés et accompagnés de certificats attestant notamment de leur pureté et de leur origine, le poids exact, le pourcentage en or pur, le nom du fabricant.

La société l'Once d'Or II le reconnaît elle-même dans ses écritures puisqu'elle indique qu'en France, la revente d'or est particulièrement encadrée.

S'il est établi que la désignation des lingots d'or comportait le poids unitaire, soit 500 grammes, aucune des pièces produites par les parties ne permet de vérifier que cette désignation précisait les éléments susvisés, et notamment la pureté exprimée en millièmes. La SASU l'Once d'or II n'en justifie nullement et elle ne saurait, pour pallier cette carence, utilement prétendre que les lingots neufs vendus en France sont toujours d'une pureté de 999,9 %, ce que les époux [C] n'ignoraient pas.

Dans son courriel du 15 avril 2020, la SASU l'Once d'Or II mentionne uniquement qu'elle avait notamment en stock des lingots de 500 grammes (27 000 euros). Dans un autre courriel du 17 avril 2020, il est fait état de 4 lingots d'or de 500 grammes au prix unitaire de 27 350 euros. Dans les échanges postérieurs, avant la rétractation de Mme [C], il est toujours mentionné des lingots de 500 grammes sans aucune autre précision.

La facture pro forma éditée susvisée mentionne uniquement 4 lingots de 500 grs au prix unitaire de 27 350 euros.

Mme [C], dans un courriel du 21 avril 2020, a demandé à M. [M] (société l'Once d'Or) de lui communiquer, avant la remise des lingots, les informations d'identification et d'authentification de ces lingots qu'elle demandait à voir placer sous scellés, ce qui démontre que ces informations avaient déjà été demandées au vendeur, celle-ci lui ayant par ailleurs fait part des réserves qu'avait émises sa banque sur l'investissement qu'elle projetait de faire.

Dans un courriel d'annulation du 23 avril 2020 à 19 h 36 (dont l'horaire a été constaté par commissaire de justice), Mme [C] a également fait part, outre d'une difficulté avec sa banque, de ses interrogations sur les conditions de transaction (contractualisation bulletins d'essais...) - qu'elle n'avait manifestement pas eues.

Enfin, l'envoi d une photographie représentant les 4 lingots d or avec leur certificat, par courriel du 23 avril 2020 à 23 h, soit après la rétractation de Mme [C], ne permet pas de considérer que toutes les informations ont bien été données en temps utile. Il convient d'ailleurs de relever que la SASU l'Once d'Or II indique dans ce courriel : 'ci joint la photo de 4 lingots x de 500 g sous plastique avec leur certificat retirés des scellés et les factures comme demandées, que je viens de récupérer chez votre livreur', ce qui démontre qu'elle était bien en possession des certificats demandés antérieurement par Mme [C], qu elle aurait pu les lui communiquer, ne serait-ce que par copies, avant la livraison. Elle ne peut donc utilement prétendre qu'elle ne pouvait communiquer certaines informations telles que la numérotation des lingots, le certificat d'authenticité de chaque lingot, le nom du fondeur, avant la validation de la commande, étant au surplus souligné qu'elle avait elle-même indiqué qu'elle avait en stock divers lingots d'or avec livraison immédiate. Si tel était le cas, l'acheteur ne pourrait jamais vérifier l'authenticité de l'or qu il achète avant la conclusion du contrat, alors qu'il s'agit pourtant d'un élément essentiel du contrat envisagé.

Ces éléments démontrent que la société l'Once d'Or II n'a pas transmis en temps utile à M. et Mme [C] toutes les informations utiles relatives notamment à la pureté de l'or vendu.

Or, l'article L 111-1 exige des informations suffisamment complètes avant que le consommateur ne soit lié.

La SASU l'Once d'Or II se contente d'indiquer que les lingots ou lingotins neufs vendus en France sont toujours d'une pureté de 999,9 %, ce que les époux [C] n'ignoraient pas.

Cette affirmation ne permet pas au consommateur d'évaluer le degré de fiabilité et de qualité des lingots vendus.

Comme le relève Mme [C], il lui était impossible d'évaluer la qualité des marchandises achetées, cette possibilité d'évaluation devant être comprise dans les caractéristiques essentielles des produits vendus.

Au surplus, la SASU l'Once d'Or II ne justifie pas avoir communiqué aux époux [C], de manière lisible et compréhensible, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas du droit de rétractation, lorsque celui-ci ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation.

Il ressort de ces éléments que le vendeur n'a pas satisfait aux obligations d'information précontractuelles prévues par l'article L 111-1 du code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés (notamment l'absence d'information sur la qualité et la pureté de l'or), ni l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas du droit de rétractation ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation, lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, conformément aux dispositions de l'article L 221-5 5° du code de la consommation, n'ont été mentionnées dans les échanges entre les parties, ce dont il résulte que le consentement de Mme [C] sur des éléments essentiels du contrat a été nécessairement vicié pour procéder d'une erreur, celle-ci n ayant pu s'engager de façon éclairée.

Dès lors, et pour ces seuls motifs, le contrat de vente encourt la nullité sur le fondement des articles L 111-1 du code de la consommation et 112-1 du code civil, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens et arguments soulevés par les parties.

Au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SASU l'Once d'Or II à payer à Mme [D] [C] la somme de 57 400 euros (somme correspondant à celle qu'elle avait versée à ladite société), par substitution de motifs.

Il n y a pas lieu d'examiner les moyens subsidiaires soulevés par Mme [C].

Sur la demande de dommages et intérêts

Le tribunal a admis l'existence d'un préjudice moral pour Mme [C] considérant qu'un professionnel qui manque à ses devoirs que la loi prévoit pour protéger le consommateur cause nécessairement à celui-ci un préjudice moral, trahissant sa foi contractuelle pourtant placée en un professionnel.

Il convient néanmoins de relever qu'à l'époque des faits, M. [C] et Mme [C] ont accepté rapidement la commande de lingots d'or, malgré son montant élevé, qui manquait manifestement de fiabilité et ils s'en sont aperçus après la conclusion du contrat. Ils ont ainsi participé, dans une certaine mesure, à la création de la situation préjudiciable, outre le fait que Mme [C] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice à raison de ce manquement.

La réalité du préjudice n'étant pas établie, Mme [D] [C] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Partie succombante en première instance, la SASU l'Once d'Or II a été à juste titre condamnée par le jugement attaqué aux dépens exposés devant le tribunal judiciaire ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 4 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n est pas inéquitable de condamner la société l'Once d'Or II à payer à Mme [D] [C] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

La société l'Once d'Or II sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Rejette le moyen d irrecevabilité des conclusions n° 6 de Mme [C] et des pièces n° 27 et 28;

Confirme le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Vannes en ce qu'il a condamné la SASU l'Once d Or II à payer à [D] [C] la somme de 57 400 euros outre les intérêts au taux légal et celle de 4 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Infirme le jugement susvisé en ce qu il a condamné la SASU l'Once d'Or II à payer à [D] [C] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

Déboute madame [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne la société l'Once d'Or II à payer à Mme [D] [C] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel;

Condamne la société l'Once d'Or II aux dépens de la procédure d'appel ;

Rejette les autres demandes.

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