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Décisions

CA Reims, ch. 1 civ. et com., 13 mai 2025, n° 24/00046

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

P. M.

Défendeur :

GVA By My Car Lyon (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dias da Silva

Conseillers :

M. Leclere-Vue, Mme Pilon

Avocats :

Me Bailleul, Me Colomes, Me Berard

TJ Troyes, du 19 oct. 2023

19 octobre 2023

* * *

Le 5 décembre 2019, Mme [M] [P] a acheté à la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4], un véhicule automobile de marque Porsche Macan portant le numéro de série WP1ZZZ95ZHl.B0276l, immatriculé [Immatriculation 5], pour la somme de 48 885,76 euros.

La vente est intervenue après échange de courriels et signature d'un bon de commande n°15l144/202633 indiquant notamment la présence de jantes Macan Turbo de 19 pouces.

Le prix de vente a été réglé au moyen d'un virement de 2 000 euros et d'un chèque de banque de 46 885,76 euros.

Par courriel du 8 décembre 2019, Mme [P], par l'intermédiaire de son gendre, M. [K] [E], a informé le vendeur d'un bruit de roulement à l'avant du véhicule. Après échange de mails entre les parties, la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] a accepté la prise en charge financière des travaux pour y remédier.

Par facture n° 51043 datée du 17 janvier 2020, adressée à la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4], le centre Porsche de [Localité 7] a mentionné avoir effectué des réparations et indiqué que les 4 pneumatiques et les 4 jantes n'étaient pas homologuées.

À la demande de Mme [P] une expertise amiable non contradictoire du véhicule a été réalisée le 3 février 2021.

Par exploit d'huissier du 22 avril 2021, Mme [P] a fait assigner la SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] aux fins principalement de voir prononcer la résiliation judiciaire de la vente du véhicule pour défaut de conformité.

Par jugement du 19 octobre 2023 le tribunal judiciaire de Troyes a :

- condamné la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] à verser à Mme [P] la somme de 1 350 euros en réparation de la non-conformité des pneus et des jantes du véhicule automobile de marque Porsche Macan,

- condamné la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] à verser à Mme [P] la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamné la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] à verser à Mme [P] la somme de 302,40 euros au titre des frais d'expertise,

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes,

- condamné la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] à verser à Mme [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 12 janvier 2024, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 9 août 2024, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] à lui verser la somme de 1 350 euros en réparation de la non-conformité des pneus et des jantes du véhicule,

- débouté la concluante du surplus de ses demandes suivantes tendant à condamner la société SASU GVABYMYCAR [Localité 4] à lui remettre le carnet d'entretien PORSCHE avec la mention des entretiens effectués sous astreinte et la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du trouble de jouissance engendré par la dangerosité des jantes,

- confirmer le surplus du jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à lui payer la somme de 7 588,80 euros en remplacement des jantes frauduleuses,

- condamner la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à lui remettre le carnet d'entretien Porsche avec la mention des entretiens effectués, cette remise étant sollicitée sous astreinte de la somme de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à lui verser la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- condamner la société GVA BYMYCAR [Localité 4] aux entiers frais et dépens.

Elle fait valoir que le bon de commande mentionne la présence de jantes spécifiques et que le vendeur n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme s'agissant des jantes du véhicule ; que le coût du remplacement des jantes doit être pris en charge par le vendeur.

Elle ajoute que le vendeur ne lui a pas remis le carnet d'entretien et que cela lui cause préjudice puisque, sans ce carnet, elle subira une dépréciation significative du prix.

Elle soutient qu'elle subit un trouble de jouissance ; qu'en raison de la non conformité des jantes, dont le centre Porsche de [Localité 7] a bien confirmé la dangerosité, son véhicule a parcouru, en 4,23 années, 18 211 kilomètres, ce qui représente 357 kilomètres en 51 mois mais que ce nombre de kilomètres est sans commune mesure avec un kilométrage habituel qui est de l'ordre d'environ 12 200 kilomètres par an en moyenne pour une voiture en France et 15 000 kilomètres pour ce type de véhicule.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 10 septembre 2024, la SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [P] les sommes de 1 350 euros en réparation de la conformité des pneus et des jantes du véhicule, de 1 000 euros au titre du préjudice moral, 302,40 euros au titre des frais d'expertise, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [P] s'agissant de la condamnation sous astreinte de la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à lui remettre le carnet d'entretien avec la mention des entretiens effectués et en ce qu'il a rejeté sa demande au titre du trouble de jouissance.

- Statuant à nouveau,

- juger qu'il n'est pas démontré que le véhicule aurait été livré avec des jantes et pneus non-conformes,

- en conséquence, rejeter toute demande de Mme [P],

- à titre subsidiaire,

- juger que Mme [P] ne saurait prétendre à une indemnisation supérieure à 180 euros compte-tenu de l'usage fait des jantes et des pneus fournis et que Mme [P] devra restituer à la société GVA BYMYCAR [Localité 4] les jantes et pneus présents sur le véhicule,

- rejeter toute demande de Mme [P] au titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et pour préjudice moral et au titre des frais d'expertise privée,

- en tout état de cause,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle conteste ne pas avoir respecté son obligation de délivrance ; que l'appelante ne prouve pas que le véhicule lui a été livré avec des jantes non conformes au contrat de vente précisant que le contrôle technique du véhicule ne contient aucune mention relative à un problème de jantes ou de pneu.

Elle ajoute que le véhicule roule parfaitement et son utilisateur continue de l'utiliser normalement de sorte qu'il n'est pas justifié d'un préjudice de jouissance.

Elle fait encore valoir que le contrat de vente ne mentionne pas la délivrance d'un carnet d'entretien du véhicule, l'acheteur ne justifiant pas avoir sollicité la remise d'un tel carnet lors de la vente ; qu'elle a remis un carnet d'entretien avec les factures d'entretien du véhicule au moment de la vente et ne peut être condamnée à remettre ledit carnet à nouveau.

Enfin, elle soutient que l'appelante ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral ayant pu utiliser normalement son véhicule.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mars 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 24 mars suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application des dispositions prévues par les articles 1603 et suivants du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et de garantir la chose qu'il vend. La preuve de la non conformité à la commande de la chose vendue incombe à l'acquéreur.

L'article L217-3 du code de la consommation prévoit que le vendeur délivre un bien conforme au contrat ainsi qu'aux critères énoncés à l'article L 217-5 et il répond des défauts de conformité existant au moment de la délivrance du bien, qui apparaissent dans un délai de 2 ans à compter de celle-ci.

L'article L217-7 de ce code précise que 'Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la délivrance du bien, y compris du bien comportant des éléments numériques, sont, sauf preuve contraire, présumés exister au moment de la délivrance, à moins que cette présomption ne soit incompatible avec la nature du bien ou du défaut invoqué.

Pour les biens d'occasion, ce délai est fixé à douze mois.'

- sur la non-conformité :

Le bon de commande afférent au véhicule litigieux daté du 22 novembre 2019 (pièce 3 de l'appelante) précise, au titre des options du véhicule d'occasion vendu des 'jantes Macan Turbo 19".

L'appelante est donc fondée à soutenir qu'elle a eu la volonté d'acquérir un véhicule avec toutes les options expressément précisées dans le document joint au bon de commande dont notamment des jantes spécifiques homologuées par le constructeur Porsche. Pour combattre la présomption édictée par l'article L 217-7 ci-dessus rappelé l'intimée se contente d'affirmer que Mme [P] ne prouve pas que les roues qui équipaient le véhicule lors de son acquisition n'étaient pas conformes à celles prévues au contrat sans apporter le moindre élément justifiant ses dires, la facture du 29 novembre 2019 n'étant relative qu'à une vidange du véhicule avant sa vente et ne contenant aucun élément permettant d'établir que le véhicule a été vérifié dans son ensemble et qu'il était conforme au bon de commande accepté par Mme [P].

Le vendeur ne peut pas non plus objecter que les roues et les jantes montées sur le véhicule ne présentaient aucune dangerosité, ce critère ne dispensant pas celui-ci de livrer exactement ce qui a été contractuellement convenu.

À l'inverse, l'appelante prouve que le véhicule qui lui a été livré n'était pas conforme audit bon de commande puisqu'un peu plus d'un mois après la vente, soit le 17 janvier 2020, le centre Porsche de [Localité 7] a indiqué que la voiture était dotée de pneumatiques et de jantes non homologuées. Cette constatation est confirmée par l'expertise amiable réalisée le 3 février 2021, de laquelle il ressort que le véhicule est équipé de 4 jantes en 20 pouces au dessin correspondant aux jantes 'design turbo 21 pouces' inscrit au catalogue Porsche mais qu'il s'agit de pneumatiques de marque Michelin. L'expert y précise que 'la monte des pneumatiques est conforme dans ses dimensions mais ne respecte pas l'homologation du constructeur Porsche' et constate 'une incohérence car ce dessin de jante est uniquement livré en 21 pouces'.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont dit que le véhicule livré n'était pas conforme aux stipulations contractuelles.

Mme [P] ne réclame pas la résolution du contrat en raison d'une livraison non conforme mais la condamnation de son vendeur à l'indemniser de son préjudice subi en raison du non respect des obligations contractuelles.

Dès lors qu'ainsi que l'indique l'expert amiable, dont les conclusions sont corroborées par les documents émanant du constructeur Porsche, le dessin de jante présent dans le véhicule litigieux n'est livré qu'en 21 pouces le vendeur doit indemniser Mme [P] du coût du remplacement desdits pneus et jantes d'origine Porsche. Celle-ci chiffre ce coût à la somme de 7 588,80 euros se prévalant d'un devis du garage Centre Porsche de [Localité 7] daté du 18 décembre 2020 (pièce 9).

L'intimée est cependant fondée à lui répondre que, s'agissant d'un véhicule d'occasion dont les roues n'étaient pas neuves, son préjudice ne peut correspondre au remplacement des éléments non conformes d'occasion par des éléments neufs. Au demeurant, l'expert mandaté par Mme [P] a estimé le coût du remplacement des éléments litigieux en tenant compte de la vétusté qu'il a chiffrée à hauteur de la somme totale de 5 568,54 euros TTC.

Dès lors, la société GVA BYMYCAR [Localité 4] doit être condamnée à payer à Mme [P] cette somme en réparation du défaut de conformité constaté, le jugement étant infirmé en ce sens, l'appelante étant quant à elle condamnée à restituer à la société GVA BYMYCAR [Localité 4] les jantes et pneus équipant le véhicule lors de la vente litigieuse.

- sur la délivrance du carnet d'entretien et le coût de l'expertise amiable :

Mme [P] réclame la production du carnet d'entretien du véhicule qui lui a été vendu.

Elle indique cependant disposer d'un carnet intitulé 'Porsche Central Service System'.

L'intimée explique qu'elle a remis à l'acheteuse le justificatif d'entretien du véhicule et indique à juste titre que la concession Porsche à laquelle Mme [P] a confié son véhicule après son achat n'a pas émis de difficulté quant à l'entretien du véhicule.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de remise d'un carnet d'entretien sous astreinte.

Le jugement doit encore être confirmé en ce qu'il a condamné la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à lui rembourser la somme de 302,40 euros correspondant au coût de l'expertise qu'elle été contrainte de diligenter pour établir la non conformité du véhicule qui lui a été vendu par un vendeur professionnel qui refusait de faire droit à sa réclamation.

- sur le préjudice de jouissance :

Mme [P] invoque un préjudice de jouissance expliquant qu'elle a parcouru moins de kilomètres que la moyenne constatée en France pour ce type de véhicule en raison de la dangerosité des jantes.

Force est cependant de constater qu'elle ne prouve pas que les jantes et pneus équipant son véhicule présentaient une dangerosité et ont entraîné une restriction de son utilisation, l'expert mandaté par ses soins n'ayant fait état d'aucune dangerosité au regard de la présence de jantes non homologuées par le constructeur. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

- sur le préjudice moral :

Ainsi que l'indiquent à juste titre les premiers juges, Mme [P] a été contrainte d'accomplir de nombreuses démarches pour obtenir vainement la prise en compte par son vendeur professionnel de la non-conformité de ses équipements malgré les éléments non contestables fournis au soutien de ses démarches. Une telle attitude de la part de son vendeur lui a causé un préjudice moral évalué à 1 000 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

- sur les frais de procédure et les dépens :

La société GVA BYMYCAR [Localité 4], qui succombe principalement, doit supporter les dépens d'appel et ne peut prétendre à une indemnité de procédure, le jugement étant confirmé s'agissant des dépens de première instance et de la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la société GVA BYMYCAR [Localité 4] versera à Mme [P] une indemnité pour la procédure d'appel selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société SASU GVA BYMYCAR [Localité 4] à verser à Mme [P] la somme de 1 350 euros en réparation de la non-conformité des pneus et des jantes du véhicule automobile de marque Porsche Macan ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;

Condamne la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à payer à Mme [P] la somme de 5 568,54 euros en réparation de la non-conformité des pneux et jantes ;

Ordonne à Mme [P] de restituer à la société GVA BYMYCAR [Localité 4] les jantes et pneus présents sur le véhicule lors de son achat ;

Condamne la société GVA BYMYCAR [Localité 4] aux dépens d'appel ;

Condamne la société GVA BYMYCAR [Localité 4] à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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