CA Riom, 1re ch., 13 mai 2025, n° 23/00945
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Center Bois (SARL)
Défendeur :
Center Bois (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Valleix
Conseillers :
M. Acquarone, Mme Bedos
Avocats :
Me Genevois, Me Dos Santos
EXPOSÉ DU LITIGE :
Dans le cadre d'un projet général de rénovation et d'extension de leur maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 2] (Puy-de-Dôme), M. [U] [K] et Mme [Z] [J] épouse [K] ont confié à la SARL CENTER BOIS les lots n° 4 Menuiseries extérieurs aluminium et n°6 Menuiseries intérieures. Ces travaux ont donné lieu à des facturations à hauteur de 8.074,37 ' le 9 mars 2016, de 1.230,93 ' le 30 mai 2016, de 1.626,78 ' le 30 juin 2016, de 19.448,58 ' le 31 octobre 2016 et de 4.332,96 ' le 31 octobre 2016, avec un solde restant à payer de 2.707,17 ' sans que ce chantier ne soit mené à son terme.
Faisant état d'un certain nombre de prestations non terminées, de réglages non effectués, de malfaçons, de non-conformités et de désordres de construction, les époux [K] ont assigné le 20 novembre 2019 la société CENTER BOIS devant le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 21 janvier 2020, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Mme [X] [G], architecte expert près la cour d'appel de Riom. Après avoir rempli sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport le 8 juillet 2021.
En lecture du rapport de judiciaire, les époux [K] ont assigné le 12 octobre 2022 la société CENTER BOIS devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand au visa des articles 1103, 1194 et 1231-1 du Code civil afin d'obtenir réparation de l'ensemble de leurs préjudices dans les conditions suivantes :
* 500,00 ' au titre de la reprise des découpes des seuils ;
* 495,00 ' au titre de la reprise des cache-vis et des cache-serrures ;
* 1.091,75 ' et 78,00 ' au titre de la reprise des vitrages ;
* 4.867,00 ' au titre de la reprise de la porte d'entrée ;
* 3.143,69 ' au titre de la reprise de la porte phonique ;
* 5.000,00 ' à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral ;
* 6.500,00 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
C'est dans ces conditions que le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a, suivant un jugement n° RG-22/03962 rendu de manière réputée contradictoire le 31 mars 2023 :
' condamné la société CENTER BOIS à payer au profit des époux [K] les sommes suivantes :
' 110 ' TTC au titre des finitions des cache-vis et des cache-serrures ;
' 350,00 ' TTC au titre du changement de la porte phonique ;
' 500,00 ' à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;
' condamné la société CENTER BOIS à payer au profit des époux [K] une indemnité de 2.000,00 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' débouté les époux [K] du surplus de leurs demandes ;
' rappelé l'exécution provisoire de droit de la décision ;
' condamné la société CENTER BOIS aux dépens de l'instance, devant comprendre le coût de la mesure d'expertise judiciaire susmentionnée.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 14 juin 2023, le conseil des époux [K] interjeté appel du jugement susmentionné, l'appel portant les montants de réparations qui leur ont été accordées et sur les rejets de leurs autres demandes.
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 15 mars 2024, M. [U] [K] et Mme [Z] [J] épouse [K] ont demandé de :
' au visa des articles 1103, 1194 et 1231-1 du Code civil, des articles 4, 5 et 122 du code de procédure civile et de l'article 2224 du Code civil ;
' les recevoir en leur action et leurs demandes et les dires bien fondés ;
' recevoir leur fin de non-recevoir à l'encontre des demandes reconventionnelles de la société CENTER BOIS, juger ces demandes reconventionnelles irrecevables et débouter cette dernière de son appel incident ;
' infirmer le jugement du 31 mars 2023 du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand sur les montants alloués à hauteur de 110 ' TTC au titre des finitions des cache-vis et des cache-serrures, de 350,00 ' TTC au titre du changement de la porte phonique et de 500,00 ' à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance et sur le rejet du surplus de leurs demandes ;
' condamner en conséquence la société CENTER BOIS à leur payer les sommes suivantes :
* 500,00 ' au titre de la reprise des découpes des seuils ;
* 495,00 ' au titre de la reprise des cache-vis et des cache-serrures ;
* 1.091,75 ' et 78,00 ' au titre de la reprise des vitrages ;
* 4.867,00 ' au titre de la reprise de la porte d'entrée ;
* 3.143,69 ' au titre de la reprise de la porte phonique ;
* 5.000,00 ' à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral ;
' condamner la société CENTER BOIS :
* à leur payer une indemnité de 5.000,00 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant des frais de constat de d'huissier de justice à hauteur de 251,76 '.
' Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 18 décembre 2023, la SARL CENTER BOIS a demandé de :
' juger irrecevable l'appel des époux [K] ;
' confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la charge des dépens ;
' débouter les époux [K] de l'ensemble de leurs demandes ;
' juger recevable son appel incident au sujet de la charge des frais d'expertise judiciaire et de ses demandes reconventionnelles ;
' au visa de l'article 567 du code de procédure civile, de l'article 1137 du Code civil et de l'article 1147 du Code civil [ancien], condamner les époux [K] à lui payer la somme de 39.955,11 ' au titre du manque à gagner subi du fait de la rupture unilatérale et abusive de ce ce contrat d'entreprise ;
' condamner les époux [K] à lui payer une indemnité de 2.500,00 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner les époux [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie 'Motifs de la décision'.
Par ordonnance rendue le 12 décembre 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale du 3 mars 2025 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 13 mai 2025, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le droit contractuel applicable à l'ensemble des situations litigieuses demeure celui qui était en vigueur antérieurement à la date du 1er octobre 2016 d'application de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats ainsi que du régime général et de la preuve des obligations, y compris dans leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public.
Les formules 'Déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés...' ou 'Déclarer recevables et en tout cas bien fondés...' qui figurent dans certains dispositifs de conclusions d'avocat sans que la Cour ne soit saisie de quelconques débats de fin de non-recevoir préalables aux débats de fond sont en conséquence considérées comme de simples clauses de style tout à fait inutiles et directement lues comme relevant uniquement de demandes de rejet ou d'admission au fond.
La société CENTER BOIS ne précise pas dans le corps de ses conclusions en quoi l'appel formé par les époux [K] serait irrecevable. Cette fin de non-recevoir sera en conséquence purement et simplement rejetée.
La société CENTER BOIS demande la confirmation des condamnations pécuniaires de première instance à hauteur de 110 ' TTC au titre des finitions des cache-vis et des cache-serrures et de 350,00 ' TTC au titre du changement de la porte phonique, ne contestant dès lors pas le principe de sa responsabilité et de son obligation à réparation en ce qui concerne ces deux postes de demande des époux des époux [K]. Ces derniers demandent de leur côté le rehaussement de ses condamnations pécuniaires à la somme de 495,00 ' TTC en ce qui concerne les finitions des cache-vis et des cache-serrures et à celle de 3.143,69 ' TTC en ce qui concerne la reprise de la porte phonique.
En ce qui concerne les cache-vis et cache-serrures, les époux [K] produisent un devis d'entreprise à hauteur de 495,00 ' TTC prévoyant notamment la fourniture et la pose de trois ensembles de poignées moyennant 45,00 ' avec un coût de main-d''uvre d'un montant de 380,00 ' HT, totalement disproportionné pour de simples interventions de pose de cache-vis et cache-serrures. Ils ne rapportent par ailleurs pas la preuve que les cache-vis et cache-serrures ne pourraient être commandés dans le commerce indépendamment de l'achat de nouvellles serrures. Ce préjudice apparaît donc avoir été correctement évalué par le premier juge à hauteur de la somme maximale de 110,00 '.
En ce qui concerne le changement de la porte phonique du salon télévision installée dans la pièce servant de bibliothèque, la société CENTER BOIS reconnaît avoir commis une erreur de pose mais objecte à juste titre que les époux [K] ont validé cette modification lors d'une réunion du 5 novembre 2020. Il ne s'agit donc plus d'une non-conformité contractuelle. Ce préjudice apparaît donc avoir été correctement évalué par le premier juge à hauteur de la somme maximale de 350,00 '.
En ce qui concerne le préjudice allégué au titre de la reprise des découpes des seuils non ajustées dont les époux [K] demandent réparation à hauteur de 500,00 ', il a été justement répondu en première instance qu'il s'agit là d'un désordre purement esthétique sans aucune altération de fonctionnalité, au demeurant masqué par la terrasse en bois posée par les maîtres d'ouvrage selon les objections non contestée de la société CENTER BOIS. À ce sujet, les époux [K] ne peuvent utilement objecter qu'il ne s'agirait que d'une terrasse 'amovible', ce type de construction en extérieur ayant au contraire vocation à demeurer pérenne. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
En ce qui concerne le préjudice allégué au titre de la reprise du vitrage de la fenêtre aluminium à deux vantaux de la chambre d'enfant dont les époux [K] demandent réparation à hauteur de 1.091,75 ' et de 78,00 ', l'expert judiciaire précise qu'il s'agit d'un double-vitrage 4/20/4 avec performance thermique et rappelé qu'en matière de rénovation, le test d'étanchéité à l'air n'est pas obligatoire et que les normes 2012 RT ne s'appliquent pas. Les époux [K] font ici état d'une non-conformité contractuelle en raison du fait que ce serait en réalité un vitrage SP 10/20/4, plus performant que le précédent, qui leur aurait été facturé. Or, la facture n°160605 du 30 juin 2016 dont ils se prévalent à ce sujet et qu'ils versent aux débats (pièce appelant n° 2 / feuillets 4 à 6) ne contient aucune référence de ce type. Le jugement de première instance sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
En ce qui concerne le préjudice allégué au titre de la reprise de la porte d'entrée dont les époux [K] demandent réparation à hauteur de 4.867,00 ', l'expert judiciaire a contradictoirement constaté que la serrure électrique avait été réglée, que la poignée en bâton de maréchal rayée avait été polie et que les évacuations dans le seuil de la porte avaient été faites. Ces constatations expertales ne permettent donc aucunement d'inférer que cette porte d'entrée présenterait des désordres affectant le clos et le couvert de la maison. Les infiltrations d'eau par le seuil de la porte d'entrée dont font état les époux [K] n'ont pas été signalées à l'expert judiciaire alors que celui-ci s'est déplacé à trois reprises sur la maison d'habitation litigieuse le 20 juillet 2020, le 5 novembre 2020 et le 10 mai 2021 dans le cadre de sa mission. Ces dernier n'apportent donc pas la preuve des désordres d'infiltrations d'eau qu'ils invoquent en termes de pénétrations dans la maison et de dégradations de leurs embellissements intérieurs, ne produisant à ce sujet aucune autre pièce à visée justificative. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
Compte tenu des éléments qui précèdent, le préjudice de jouissance souffert par les époux [K] du fait des désordres de construction retenus en première instance et confirmés en cause d'appel apparaît avoir été justement appréciée à hauteur de la somme de 500,00 '. Ce chef de décision de première instance sera en conséquence confirmé.
Le préjudice moral allégué par les époux [K] sera écarté dans la mesure où l'expert judiciaire a constaté que la société CENTER BOIS avait effectué une grande partie des reprises nécessaires au cours des opérations d'expertise, le reste des reprises devenant contentieux après l'introduction de l'instance au fond en lecture du rapport d'expertise judiciaire.
Le jugement de première instance sera confirmé en ses décisions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'imputation des dépens de première instance, la société CENTER BOIS devant effectivement supporter le coût définitif du rapport d'expertise judiciaire dans la mesure où celui-ci a servi de base aux trois condamnations pécuniaires principales précitées à son encontre.
La société CENTER BOIS se prévaut à titre reconventionnel d'une créance de 39.955,11 ' à l'encontre des époux [K], correspondant selon elle au manque à gagner de ce solde de marché interrompu unilatéralement et abusivement du fait de ces derniers. Cette créance est calculée sur la base du montant total des devis acceptés à hauteur de 71.961,56 ', dont à déduire les travaux financés à hauteur de 32.006,45 '. Ce poste de demande est présenté pour la première fois en cause d'appel, étant rappelé que la société CENTER BOIS n'était pas comparante en première instance.
Conformément à ce qu'objectent à ce sujet les époux [K], cette action en recherche de responsabilité civile pour rupture unilatérale et abusive de contrat d'entreprise basée sur l'article 1137 du Code civil en allégation de dol ou à défaut sur l'article 1147 du Code civil [ancien] au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun se heurte à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du Code civil. En effet, la société CENTER BOIS n'avait aucunement besoin du rapport d'expertise judiciaire déposé le 21 juillet 2021 pour présenter une telle demande. Or, le délai de cinq ans prévus à l'article 2224 du Code civil a indéniablement commencé à courir à compter du 31 octobre 2016, date à laquelle le solde de facturation de 2.707,07 ' a été adressé aux époux [K] alors que ce chef de demande n'a été présenté pour la première fois que dans les conclusions d'intimé et d'appel incident du 18 décembre 2023.
Dans ces conditions, cette demande reconventionnelle sera déclarée irrecevable pour cause de prescription quinquennale.
Chacune des parties succombant dans ses prétentions respectives, à titre principal en ce qui concerne les époux [K] et à titre reconventionnel en ce qui concerne la société CENTER BOIS, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre d'entre elles.
Enfin, succombant à l'instance d'appel, les époux [K] en supporteront les entiers dépens, les dépens et frais afférents à la première instance ainsi qu'à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées devant rester à la charge de la société CENTER BOIS dans la mesure où ces dépens et frais se sont avérés en définitive nécessaires pour aboutir au prononcé des condamnations pécuniaires principales de première instance confirmées en cause d'appel. À ce sujet, la demande formée par les époux [K] aux fins d'inclusion dans les dépens d'un coût de constat d'huissier de justice à hauteur de 251,76 ' sera rejetée, ce poste de frais ne pouvant être inclus dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE RECEVABLE l'appel formé le 14 juin 2023 par M. [U] [K] et Mme [Z] [J] épouse [K] à l'encontre du jugement n° RG-22/03962 rendu le 31 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.
CONFIRME ce même jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant.
JUGE IRRECEVABLE pour cause de prescription la demande formée par la SARL CENTER BOIS à l'encontre de M. [U] [K] et Mme [Z] [J] épouse [K] aux fins de paiement de la somme de 39'955,11 ' en allégation de rupture abusive et unilatérale du contrat d'entreprise susmentionné.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE la SARL CENTER BOIS aux entiers dépens de première instance, incluant les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées.
CONDAMNE M. [U] [K] et Mme [Z] [J] épouse [K] aux entiers dépens d'appel.