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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 13 mai 2025, n° 23/01542

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

L, P

Défendeur :

AR Sport (SARL), V

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Orsini, M. Maury

Avocats :

Me Mautret, Me Cantal, Me Pétard, Me Meunier

TJ La Rochelle, du 30 mai 2023

30 mai 2023

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[M] [L] et [H] [P] ont acquis de [N] [V], au prix de 38.000 ', un véhicule Porsche 911 Carrera 4S mis en circulation le 29 septembre 2003, immatriculé [Immatriculation 7]. Le certificat de cession de ce véhicule qui avait parcouru 130.020 kilomètres, est en date du 14 mars 2020.

Sur le trajet de retour, après avoir parcouru 160 kilomètres, le voyant d'alerte du moteur s'est allumé. Le véhicule a été immédiatement immobilisé et remorqué à [Localité 6] au garage A.R. Sport, spécialiste indépendant Porsche.

Les travaux de réparation ont été effectués après la période de confinement liée à la crise sanitaire. La facture de ces travaux est en date du 6 juillet 2020, d'un montant de 5.419,56 '. Elle mentionne 130.180 kilomètres parcourus. Le responsable d'atelier du garage A.R. Sport a informé [M] [L] de la persistance d'un bruit moteur à surveiller.

Le 8 juillet 2020, [M] [L] a repris possession du véhicule. Après avoir parcouru une cinquantaine de kilomètres, une nouvelle panne est survenue. Le véhicule a été remorqué au garage A.R. Sport.

L'assureur de [M] [L] a missionné le cabinet Expad aux fins d'expertise du véhicule. Celui du garage a missionné le cabinet [J] et celui des vendeurs la cabinet Bca.

Par acte du du 8 février 2022, [M] [L] et [H] [P] ont fait assigner [N] [V] et la société A.R. Sport devant le tribunal judiciaire de La Rochelle.

Ils ont demandé, sur le fondement de la garantie des vices cachés due par la venderesse et de la responsabilité contractuelle du garage, de les condamner in solidum au paiement des sommes de :

- 21.720,20 ' correspondant aux frais de remise en état du véhicule ;

- 15.384,21 ' à titre de dommages-intérêts en indemnisation des mensualités du prêt contracté pour l'achat du véhicule et de l'assurance de celui-ci.

Ils ont en outre demandé de condamner [N] [V] à leur payer la somme de 5.419,56 ', montant de la facture en date du 6 juillet 2020 de la société A.R. Sport.

[N] [V] a conclu au rejet de ces demandes en l'absence selon elle de vice du véhicule antérieur à la vente.

La société AR Sport a à titre principal conclu au rejet des demandes formées à son encontre, le préjudice subi par les acquéreurs ayant pour cause un vice antérieur à la vente, ne lui étant pas imputable. Elle a subsidiairement soutenu n'être tenue que de l'aggravation des désordres, pour un montant d'au plus 4.797 '.

Par jugement du 30 mai 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué en ces termes :

'CONDAMNE la société AR SPORT à payer à Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] la somme de 4 794,64 ' (quatre mille sept cent quatre vingt quatorze euros et soixante quatre centimes) à titre de dommages-intérêts ;

REJETTE le surplus des demandes présentées par Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] à l'encontre de la société A.R. SPORT ;

REJETTE les demandes présentées par Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] à l'encontre de Madame [N] [V] ;

CONDAMNE la société A.R. SPORT aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Nathalie Mautret ;

CONDAMNE la société A.R. SPORT à verser à Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] une somme de 2 500 ' (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les demandes présentées par Madame [N] [V] et par la société A.R. SPORT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire'.

Il a considéré que :

- le vice caché antérieur à la vente n'était pas établi ;

- le garage, qui avait manqué à son devoir de conseil en n'informant pas des conséquences du défaut d'intervention sur le moteur, était tenu de l'indemnisation de l'aggravation du dommage en étant résulté.

Par déclaration reçue au greffe le 30 juin 2023, [M] [L] et [H] [P] ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2024, ils ont demandé de :

'Vu les dispositions de l'article 1641 du Code Civil et suivants du Code Civil, vu les dispositions des articles 1217 et suivants du Code Civil.

Déclarer recevable et bien-fondé Monsieur [L] et Madame [P] en son appel de la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE le 30 mai 2023.

Reformer le jugement sus énoncé en ce qu'il a condamné la société AR SPORT à payer à Monsieur [L] et Madame [P] la somme de 4 794,64 ' à titre de dommages et intérêts et rejeté les demandes présentées par Monsieur [L] et Madame [P] tant à l'encontre de la société AR SPORT que de Madame [V].

ET STATUANT A NOUVEAU

Juger que la responsabilité de Madame [N] [V] est engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1141 du Code Civil.

Juger que la SARL AR SPORT n'a pas respecté ses obligations contractuelles et notamment a manqué à son devoir de conseils et d'informations.

Par voie de conséquence, condamner in solidum, Madame [N] [V] et la SARL AR SPORT à une somme de 59 255,51 '. à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais de remise en état du véhicule

Condamner in solidum, Madame [N] [V] et la SARL AR SPORT à une somme de 19829,66 ' en réparation de leur préjudice financier ; somme à parfaire au jour de la décision à intervenir.

Condamner in solidum, Madame [N] [V] et la SARL AR SPORT à une somme de 10 000,00 ' en réparation de leur préjudice moral.

Condamner Madame [N] [V] à la somme de 5 419,56 ' correspondant au coût de la première facture émise.

Condamner in solidum, Madame [N] [V] et la SARL AR SPORT à une somme de 3000,00 ' sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Les condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de Maître Nathalie MAUTRET et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC'.

Ils ont maintenu que :

- les rapports d'expertise établissaient que le véhicule était à la date de la vente affecté d'un vice caché, à l'origine de la panne nécessitant le remplacement du moteur du véhicule ;

- le garage avait manqué à ses obligations contractuelles en n'ayant pas préconisé l'immobilisation du véhicule en raison d'un risque de panne imminent ;

- les intimées devaient paiement du coût des réparations, de l'emprunt et de l'assurance supportés, ainsi que les indemniser du préjudice moral subi.

Ils ont demandé de condamner leur venderesse à les rembourser du coût de la première réparation.

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2024, [N] [V] a demandé de :

'Vu l'article 1641 du Code Civil ;

Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

Vu le jugement du 30 mai 2023 ;

Vu les pièces versées au débat

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

' DECLARER mal fondé l'appel de Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] ;

En conséquence,

' CONFIRMER le jugement du Tribunal de la Rochelle du 30 mai 2023 dans toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

' DEBOUTER en conséquence les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

' CONDAMNER Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] à régler la somme de 3 000 euros à Madame [V] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

' CONDAMNER Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] aux entiers dépens'

Elle a soutenu que le véhicule n'était affecté à la date de la vente d'aucun vice caché aux motifs que :

- la voiture était régulièrement utilisée :

- que le test 'piwi' passé n'avait décelé aucune anomalie ;

- la proximité de la panne avec la vente n'en était pas la preuve ;

- la panne avait été fortuite.

Elle a pour ces motifs conclu au rejet des demandes formées à son encontre.

Elle a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du garage.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2024, la société A.R. Sport a demandé de :

'Vu les explications ci-avant et les pièces produites à l'appui des présentes et la Jurisprudence précitée ;

A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AR SPORT à payer à Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] la somme de 4.794,64 ' à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une somme de 2.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et débouté la société AR SPORT de la demande d'indemnité de 1.500 euros formée à l'encontre de M. [L] et Mme [P] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Et statuant à nouveau,

- JUGER que l'avarie survenue le 08 juillet 2020 sur le véhicule PORSCHE des requérants provient d'un vice caché qui préexistait à la vente et qui engage exclusivement la responsabilité de la venderesse, Madame [N] [V],

- JUGER qu'aucun manquement ne peut être retenu à l'encontre de la société AR SPORT, et en particulier aucun manquement à son devoir de conseil et d'information,

- DEBOUTER par conséquent Monsieur [L] et Madame [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société AR SPORT ;

- CONDAMNER in solidum Monsieur [L] et Madame [P] à verser à la société AR SPORT une indemnité de 3000 euros au titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- LES CONDAMNER aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a été jugé que la responsabilité de la société AR SPORT ne peut l'être qu'en ce qui concerne l'aggravation des désordres en lien avec le manquement allégué à son devoir de conseil et d'information, aggravation dont l'évaluation ne saurait excéder la somme de 4.794,64 ' euros ttc ;

Par conséquent,

- LIMITER à la somme de 4.794,64 ' euros les dommages-et-intérêts que la Société AR SPORT sera condamnée à verser à M. [L] et Mme [P] au titre de leur préjudice matériel,

- REJETER les autres demandes de dommages-et-intérêts formées par les Appelants comme n'étant pas justifiées ;

- DEBOUTER Monsieur [L] et Madame [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires formées à l'encontre de la société AR SPORT,

- STATUER ce que de droit concernant les dépens'.

Elle a soutenu que :

- le véhicule était affecté à la date de la vente d'un vice caché ;

- la panne ne lui était dès lors pas imputable ;

- ayant signalé un bruit persistant du moteur nécessitant sa dépose, elle n'avait pas manqué à son devoir de conseil.

Elle a subsidiairement conclu à la réduction des demandes formées à son encontre, ne pouvant d'une part selon elle être tenue que de l'aggravation du préjudice des appelants, pour le montant de 4.797 ', le coût de l'emprunt souscrit pour acquérir le véhicule et celui de son assurance n'étant d'autre part pas des préjudices indemnisables.

L'ordonnance de clôture est du 14 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR UN VICE CACHÉ

L'article 1641 du code civil dispose que : 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

Il convient de rechercher si le véhicule était affecté, à la date de la vente, d'un vice à l'origine de la casse du moteur.

1 - sur la panne

[W] [O], du cabinet Expad, a indiqué en page 13 de son rapport que :

'Origine des désordres :

Le siège de la soupape d'admission (cylindre n°3) est sorti de son logement. Le siège de soupape s'est rompu après un cisaillement entre la soupape et la culasse. Les morceaux rompus se sont retrouvés dans le cylindre et ont été comprimés/martelés contre la tête de piston, la culasse et le cylindre'.

[D] [Y], du cabinet BCA Service Client Montpellier a en page 5 de son rapport, au paragraphe 'constatations', notamment indiqué que :

'- Le cylindre n°3 est profondément rayé et cassé (fissuration).

- La tête de piston n°3 est endommagée suite à des contacts contre des morceaux de siège de soupapes.

- La culasse est détériorée au niveau de la chambre de combustion du cylindre n°3, suite à des contacts de morceaux de siège de soupapes, comprimé par la tête de piston.

- La soupape d'admission cylindre n°3 (la plus proche du cylindre n°2), est anormalement rentrée dans son logement.

- Nous déposons la soupape, elle est d'aspect normal, la portée de la soupape n'est pas encrassée.

- Nous constatons l'absence de siège dans la culasse'.

[B] [Z], du Groupe [J] et Associés' a indiqué dans son rapport que :

'' Les dommages sont localisés sur la partie gauche du moteur, précisément au niveau du cylindre N°3

' Un siège d'une soupape d'admission s'est désolidarisé de son logement, est tombé dans le cylindre et a provoqué d'importants dommages au piston, au cylindre et à la culasse

' Le moteur est hors d'usage'.

Il a ajouté au paragraphe 'Analyses techniques' que :

'L'avarie est consécutive à la chute du siège d'une soupape d'admission dans son cylindre.

Le siège s'est interposé entre le piston et la culasse ce qui a généré, par martellements successifs, la destruction du moteur (culasse gauche martelée, bloc moteur fissuré et rayé; piston détérioré).

L'absence de traces de battements entre le siège et son logement laisse présager qu'il s'est fissuré / brisé sur un temps assez court.

Les sièges des soupapes sont emmanchés à force en dilatant thermiquement la culasse (ou en rétractant le siège par utilisation d'azote liquide). Leurs ajustements sont donc très serrés et il est rare qu'ils s'échappent de leurs logements'.

2 sur l'antériorité à la vente

Les parties s'accordent sur l'origine de l'avarie.

[W] [O] ne s'est pas prononcé sur l'antériorité à la vente du vice ayant affecté le siège de la soupape. En page 13 de son rapport, il a indiqué que :

'Observations à l'issue de la 2nd réunion contradictoire:

Nous devons nous rapprocher des Ets SAINTONGE RECTIFICATION (Spécialiste Motoriste) en tant que sapiteur pour recueillir sa position technique concernant le logement du siège de soupape. La culasse défectueuse a été déposée aux Ets SAINTONGE RECTIFICATION, ce dernier confirme que la rupture du siège s'est faite rapidement et sans battement dans son logement'.

[D] [Y] a en page 5 de son rapport que :

'Il est à noter qu'au moment de l'achat, M. [L], confirmé par M. [V], le véhicule n'émettait aucun bruit particulier.

Par ailleurs, préalablement à la vente, un test Piwi a été effectué et démontre la bonne utilisation du moteur. M [V] effectuait les vidanges tous les 10 000 km au lieu de 20 000 km préconisé par le constructeur.

[...]

CONCLUSION

L'avarie affectant le véhicule résulte d'une panne fortuite.

En effet, à ce stade, aucun élément factuel de permet de déterminer le moment d'apparition du décollement du siège de soupape'.

[B] [Z] a dans son rapport exposé sur les causes possibles que :

'Les différentes hypothèses sont les suivantes :

' Contraintes thermiques de fonctionnement anormales : Aucune trace d'une telle hypothèse n'a été remarquée. L'étanchéité de la culasse a été vérifiée et elle s'est avérée conforme (un défaut d'étanchéité aurait pu créer une contrainte thermique). Par ailleurs, les contraintes thermiques s'exercent en premier lieu sur les soupapes d'échappement, or c'est une soupape d'admission (son siège) qui est concernée.

' Défaut de l'ajustement d'origine : compte tenu du kilométrage déjà parcouru par le véhicule cette hypothèse est peu probable (elle se serait produite plus tôt et des traces de battements auraient été observées).

' Alignement guide de soupape / siège de soupape : une telle avarie serait consécutive à une intervention antérieure au niveau de ces deux composants. Or aucune trace d'intervention a été remarquée ni mentionnée dans l'historique du véhicule.

' Surrégime du moteur : des surrégimes ont été mémorisés dans le calculateur. Toutefois, ceux-ci ne provoquent pas de contraintes sur les sièges des soupapes. Au contraire, ils provoquent habituellement des contacts entre soupapes et pistons (or aucune trace d'un tel contact n'a été remarquée).

' Fissuration du siège de soupape : il arrive que des sièges soient contaminés chimiquement puis qu'une fissure s'y étende à partir d'un point d'oxydation. Nous privilégions cette hypothèse laquelle permet de rendre possible la chute du siège dans son cylindre. En effet, après s'être propagée dans toute son épaisseur, avoir quelques temps perturbé l'étanchéité de la soupape, la fissure a finalement et subitement dégénéré en rupture'.

Aucun de ces rapports n'établit que la fissuration du siège de la soupape à l'origine de la détérioration du moteur était antérieure à la vente. En effet, au jour de la vente, le moteur du véhicule n'émettait pas de bruit anormal et le test 'piwi' qui avait été réalisé n'avait signalé aucune anomalie. Selon les experts, la rupture du siège de soupape peut être brutale.

Le très faible kilométrage parcouru entre la vente, la première panne puis la seconde n'est pas à lui seul la preuve de l'antériorité du vice.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes dirigées à l'encontre de [N] [V].

B - SUR LES DEMANDES FORMÉES A L'ENCONTRE DE LA SOCIÉTÉ A.R. SPORT

1 - sur les obligations du garagiste

Ce garagiste est tenu à l'égard de ses clients d'une obligation de résultat s'agissant des travaux de réparation confiés et d'un devoir de conseil et de mise en garde s'agissant de l'état du véhicule confié.

Il résulte des rapports d'expertise et il n'est pas contesté que le 14 mars 2020, [M] [L] a :

- constaté un fonctionnement anormal du moteur et l'allumage du voyant d'alerte moteur ;

- arrêté le véhicule ;

- fait transporter le véhicule dans les locaux de la société A.R. Sport ;

- le véhicule a été confié pour réparations à cette société.

La facture de travaux en date du 6 juillet 2020 mentionne en page 3/3 que :

'ESSAIS ROUTIERS

REMARQUE : BIEN QUE LE BILAN FINAL DE L'ANALYSE DU VEHICULE PAR LA LECTURE FAITE PAR LE LOGICIEL PORSCHE NE PRESENTE PLUS DE DEFAUT,

ON REMARQUE LA MEMORISATION D'UN SURREGIME IL Y A SEULEMENT 35 HEURES D'UTILISATION . IL EST A NOTER QU'IL RESTE UNE LEGERE PERTURBATION AU RALENTI QUI NOUS LAISSE SUSPECTER QU'UNE SOUPAPE POURRAIT ETRE NON ETANCHE

CE DEFAUT NE POURRAIT ÊTRE CORRIGÉ QUE PAR UNE OUVERTURE DU MOTEUR NECESSITANT LA DEPOSE DU GROUPE PROPULSEUR'.

Le garage a informé sur la persistance du bruit au niveau du moteur, en a suggéré l'origine et a indiqué que la dépose du groupe motopropulseur était nécessaire.

Il n'a toutefois pas alerté sur les risques liés à un défaut d'étanchéité d'une soupape, d'admission ou d'échappement, éventuellement de détérioration du moteur pouvant en résulter. Il n'a pas recommandé de faire sans délai les vérifications nécessaires sur le bloc motopropulseur, ni déconseillé de circuler.

Il a ainsi manqué à son obligation de conseil et de mise en garde.

2 - sur le préjudice

a - sur le préjudice matériel

1 - sur les travaux de réparation

Le préjudice résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil est une perte de chance de ne pas avoir à supporter le coût de travaux de réparation du véhicule.

Les trois experts ont retenu le coût des travaux tel que figurant sur un devis établi par la société AR Sport, de 21.710,20 ' (montant toutes taxes comprises).

Les appelants ont produit une estimation en date du 14 septembre 2023 (n° 2047894) du Centre Porsche [Localité 8], évaluant le coût des travaux à entreprendre sur le véhicule à 59.255,51 ', montant toutes taxes comprises. Cette évaluation n'a été soumise à aucun des experts précités. La différence entre le montant de ce devis et celui de la société A.R. Sport retenu par les trois experts n'est pas justifiée. Cette évaluation ne peut dès lors pas être retenue.

La société A.R. Sport a évalué à 16.912,56 ' (montant toutes taxes comprises) le coût des travaux liés à ses observations portées sur la facture (montant toutes taxes comprises). Cette évaluation, en date du 23 février 2021, n'a été reprise que par l'expert missionné par l'assureur du garage. Les autres experts n'ont pas émis d'avis sur le montant des travaux, leurs rapports ayant été rédigés antérieurement à cette évaluation. Cette évaluation n'a toutefois pas été contestée.

L'écart entre le coût des travaux de réparation qui auraient été nécessaires et celui des travaux de remplacement du moteur est ainsi de 4.797,64 ' (21.710,20 - 16.912,56).

Les appelants ont perdu une chance de ne pas avoir à supporter ce coût supplémentaire.

Cette perte de chance étant très importante, c'est exactement que le premier juge en a apprécié l'indemnisation à 4 794,64 '.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

2 - sur les autres frais

a - sur le prêt

L'acquisition du véhicule a été financée par un prêt souscrit auprès de la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charentes. Les échéances supportées trouvent leur cause dans la mise à disposition des fonds par l'établissement prêteur. Elles auraient été supportées indépendamment de la panne du véhicule. La société AR Sport n'est dès lors pas tenue d'indemniser de ce chef les appelants.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

b - sur l'assurance

L'obligation d'assurance de l'article L 211-1 du code des assurances concerne un véhicule, même non circulant.

Le véhicule ne circule plus depuis le 8 juillet 2020.

Les appelants ont produit une attestation d'assurance en date du 1er décembre 2022, pour la période courant du 29 avril 2020 au 28 avril 2023. Le contrat d'assurance n'a pas été produit aux débats, ni les avis d'échéance.

Ces cotisations d'assurance liées à la propriété du véhicule auraient en tout état de cause été supportées par les appelants.

Les appelants ne sont dès lors pas fondés à en demander le remboursement, en tout ou partie, à la société AR Sport.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

b - sur le préjudice immatériel

Les appelants demandent devant la cour réparation d'un préjudice moral.

La panne a privé les appelants de la jouissance du véhicule qu'ils venaient d'acquérir. Ce préjudice de jouissance et le préjudice moral dont il est demandé réparation se confondent.

Il s'évalue sur la période considérée, au vu des éléments de l'espèce, à 4.000 '.

Il a pour cause la défaillance d'un siège de soupape, non imputable à la société A.R. Sport, que le manquement de cette dernière n'a toutefois pas permis de prévenir.

La perte de chance pour les appelants de ne pas subir ce préjudice s'apprécie, au vu des éléments de l'espèce, à 50 %.

Les appelants sont pour ces motifs fondés à demander paiement à titre de dommages et intérêts de la somme de 2.000 ' (4.000 x 1/2). Les intérêts de retard sont dus à compter de la date du présent arrêt.

Le jugement sera en conséquence réformé sur ce point.

C - SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe à la société AR Sport. Ils seront recouvrés par Maître Nathalie Mautret conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

D - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par la société A.R. Sport aux appelants et rejeté les autres demandes.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des appelants de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à leur demande formée de ce chef à l'encontre de la société A.R. Sport pour le montant ci-après précisé.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux autres demandes présentées devant la cour sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 30 mai 2023 du tribunal judiciaire de La Rochelle sauf en ce qu'il :

'REJETTE le surplus des demandes présentées par Monsieur [M] [L] et Madame [H] [P] à l'encontre de la société A.R. SPORT' ;

et statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation,

CONDAMNE la société A.R. Sport à payer à titre de dommages et intérêts à [M] [L] et [H] [P] la somme de 2.000 ' en réparation du préjudice immatériel, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

CONDAMNE la société A.R. Sport aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Nathalie Mautret conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société A.R. Sport à payer en cause d'appel à [M] [L] et [H] [P] pris ensemble la somme de 1.200 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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