Livv
Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 13 mai 2025, n° 23/01637

POITIERS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Orsini, M. Maury

Avocats :

Me Guedo, Me Genty, Me Gohier

TJ Les Sables-d'Olonne, du 16 mai 2023

16 mai 2023

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [E] [J] et M. [L] [C] ont vendu selon acte des 26/27 septembre 2014 une grange rénovée en habitation sise à [Localité 12] à Mme [P] [N] et M. [O] [D].

Soutenant que le bien était affecté de plusieurs désordres, ils ont obtenu en référé l'institution d'une expertise pour laquelle a été commise Mme [X], qui a déposé le 21 juillet 2020 un rapport définitif au vu duquel ils ont fait assigner leurs vendeurs ainsi que deux artisans, [V] [T] et [L] [F], devant le tribunal judiciaire des Sables-d'Olonne, par actes des 20 et 21 janvier 2021, afin d'obtenir réparation de leurs préjudices.

Mme [E] [J] et M. [L] [C] n'ont pas comparu devant le tribunal.

Par jugement contradictoire en date du 16 mai 2023, le tribunal judiciaire des Sables-d'Olonne a :

* condamné in solidum [L] [C] et [E] [J] à payer à [P] [N] et [O] [D] la somme totale de 128.320 euros au titre du désordre relatif aux eaux usées

* débouté [P] [N] et [O] [D] de leur demande principale fondée sur la garantie des vices cachés ainsi que de leur demande subsidiaire fondée sur le dol au titre du plancher chauffant

* déclaré irrecevable la demande des consorts [N]/[D] au titre des frais de dépose du raccordement de la piscine et de l'antenne TV

* débouté les consorts [N]/[D] de leur demande principale en responsabilité contractuelle et de leur demande subsidiaire en responsabilité délictuelle formée contre [V] [T] et [L] [F] au titre du béton ciré

En conséquence :

* débouté les consorts [N]/[D] de leur demande au titre du préjudice de jouissance, formée contre MM. [T] et [F]

* condamné in solidum [E] [J] et [L] [C] à payer à [P] [N] et [O] [D] 2.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance

* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

* condamné in solidum [E] [J] et [L] [C] aux dépens

* condamné in solidum [E] [J] et [L] [C] à payer 4.000 euros à [P] [N] et [O] [D] au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile

* condamné in solidum [P] [N] et [O] [D] à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile

.1.000 euros à [V] [T]

.1.000 euros à [L] [F]

* dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire assortissant de droit la décision.

Le premier juge a notamment retenu que :

- sur la demande des consorts [D]-[N] au titre de la non conformité des réseaux d'eaux usées, il ressort du rapport d'expertise que Madame [J] et Monsieur [C] avaient très vraisemblablement subi des engorgements d'eaux usées et donc avaient connaissance de la non conformité du réseau.

L'expert évalue les travaux de remise en état totale du réseau à 126.708 euros (déménagement et location d'un meublé compris), outre les frais d'investigation et de débouchage. Elle retient également au titre des préjudices les frais d'investigation dans le cadre des opérations d'expertise pour 513 euros et les frais d'interventions pour déboucher le réseau et dépanner la pompe de relevage, pour un total de 1.099 euros (304 euros + 795 euros ).

- les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité des vendeurs-constructeurs sont bien réunies en l'espèce, dès lors que le désordre affecte un ouvrage et qu'il y a impropriété à destination en raison du caractère récurrent des engorgements du réseau.

- sur la demande des consorts [D]-[N] au titre de l'absence de chauffage au sol dans le salon, aucun dommage lié à ce désordre n'a été constaté. Il affecte l'un des éléments d'équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert. La garantie de parfait achèvement n'est pas applicable à ce désordre. Il ne nuit pas à la solidité de l'immeuble et ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination.

En réalité il est allégué une non-conformité contractuelle mais aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que les vendeurs ont fait état d'un plancher chauffant en pièce de vie.

Même à considérer que l'absence de plancher chauffant serait un vice caché, celui-ci ne revêt pas le caractère de gravité requis, dès lors qu'il n'y a pas d'impropriété à destination et que la pièce est dotée d'un appareil de chauffage et la demande principale en paiement sur ce fondement doit être rejetée.

Aucune réticence dolosive n'étant rapportée la demande subsidiaire sur le fondement du dol est également rejetée.

- sur la demande des consorts [D]-[N] au titre des frais de dépose du raccordement de la piscine et de l'antenne TV est irrecevable faute d'un chiffrage suffisant et alors que le fondement juridique des prétentions n'est pas précisé.

- sur l'action des consorts [D]-[N] contre Monsieur [F] et Monsieur [T] au titre des désordres affectant le béton ciré, les causes des fissurations retenues par Madame [X] sont multiples, puisque sont également retenues l'action des eaux de nettoyage et l'existence de supports de nature différents. Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que Monsieur [T], puis Monsieur [F] ont commis des fautes à l'origine de ces fissurations.

Les fissurations constatées par l'expert judiciaire ont un caractère purement esthétique et il n'a pas été observé de désaffleurements, mais seulement un décollement localisé.

Les consorts [D]-[N] doivent être purement et simplement déboutés de leurs demandes en responsabilité contractuelle et subsidiairement délictuelle, dirigées contre ceux-ci.

- sur la demande des consorts [D]-[N] au titre du préjudice de jouissance, il y a lieu de faire droit à leur demande de dommages et intérêts uniquement en ce qu'elle est dirigée contre les consorts [C]-[J] et en la ramenant à de plus justes proportions, soit la somme de 2000 '.

LA COUR

Vu l'appel limité en date du 10/07/2023 interjeté par Mme [E] [J] et M. [L] [C], en ce que le tribunal a rendu la décision suivante :

'Condamne in solidum Monsieur [L] [C] et Madame [E] [J] à payer à Monsieur [O] [D] et Madame [P] [N] la somme totale de 128.320 euros, au titre du désordre relatif au réseau des eaux usées »

« Condamne in solidum Monsieur [L] [C] et Madame [E] [J] à payer à Monsieur [O] [D] et Madame [P] [N] la somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance »

« Condamne in solidum Monsieur [L] [C] et Madame [E] [J] à payer à Monsieur [O] [D] et Madame [P] [N] la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépressibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile »

« Condamne in solidum Monsieur [L] [C] et Madame [E] [J] aux entiers dépens'.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 13/05/2024, Mme [E] [J] et M. [L] [C] ont présenté les demandes suivantes :

'Dire et juger Mme [J] et M [C] recevables et bien fondés en leur appel et dans l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les concluants à payer aux consorts [N] [D] la reprise des réseaux VRD à hauteur de 128 320 euros,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les concluants à payer aux consorts [N] [D] une somme au titre du préjudice de jouissance et une autre au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouter les consorts [D] [N] de toute demande.

Condamner les consorts [N] [D] à la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [E] [J] et M. [L] [C] soutiennent notamment que :

- M [C] et Mme [J] font rénover la grange en 2006 via des entreprises professionnelles, ne se réservant aucun lot.

Leur but était alors d'y résider et d'ouvrir des chambres d'hôtes.

Les travaux vont durer près de 3 ans pour un coût de plus de 150 000 euros (avec plusieurs crédits souscrits à cette fin) .

La déclaration d'achèvement des travaux date du 15 juillet 2009, mais le couple se séparera en avril 2010.

Ils ont très peu vécu ensemble dans cette maison qui n'a finalement jamais été louée en chambres d'hôtes comme il avait été question au départ.

- M [D] et Mme [N] se portent acquéreurs à hauteur de 287 000 euros, après avoir négocié le prix initial de 330 000 euros alors que la maison fait 332 m2, cette acquisition étant donc une très bonne affaire pour les consorts [D] [N].

- sur la question des réseaux eaux usées internes, l'entreprise Passion a bien eu une mission générale sur les réseaux eaux usés et sur le [Adresse 2] et sur le [Adresse 3], l'expert Mme [X] notant que 'L'entreprise PASSION MAÇONNERIE a réalisé plusieurs devis et factures (non datés), dans lesquels sont spécifiés :

aucun poste de VRD pour le bâtiment n°1,

des raccordements VRD pour le bâtiment n°2 (au forfait),

des travaux de VRD généraux, la fermeture des réseaux et le coulage béton pour le bâtiment n°3 (72 ml).

Selon le cadastre ci-après, le chemin d'accès mesure .---e 75 ml.

Nous pouvons donc supposer que le bâtiment n°3 est la maison de Mme [N] et M. [D] et que les travaux de PASSION MAÇONNERIE correspondent aux travaux entre la maison et la voie publique'.

- sur le désordre allégué, rien n'établit que ce problème d'engorgement existait avant la vente ou que les consorts [C] [J] en avait connaissance.

L'expert indique que 'Le désordre ne nuit pas à la solidité de l'immeuble. Il ne rend l'ouvrage impropre à sa destination que pendant les périodes très régulières d'engorgement.

Le désordre est dû à une erreur de construction.'

M. [D] explique que l'engorgement se produit lorsque sa famille utilise le Wc 3 et les acheteurs saisissent la justice quatre ans après leur acquisition.

- les concluants n'ont pas construit cette grange. Ils l'ont faite rénover par des professionnels.

Aucun n'a attiré leur attention sur un défaut de construction d'origine qui devrait être réparer et eux-même ne sont pas des professionnels du bâtiment.

- ni le maçon, ni le plombier n'ont attiré l'attention des maitres de l'ouvrage sur des pentes trop faibles pour un écoulement optimal des eaux usées.

M [K], en charge de la création des sanitaires n'a aucunement alerté qui que ce soit sur un défaut de pente.

L'entreprise Passion Maçonnerie en charge des VRD de l'ensemble immobilier ( [Adresse 2] et [Adresse 3]) a une obligation de résultat sur le bon fonctionnement de ses installations.

Des lors et si tant est que les réclamations des acheteurs soient fondées, seule l'entreprise Passion Maçonnerie, qui est un professionnel, serait responsable de ces désordres.

- sur la responsabilité décennale des vendeurs pris comme constructeurs, les consorts [J] [C] ne sont pas à l'origine de cette rénovation. Ils ne sont pas constructeurs au sens des articles 1792 et suivants du code civil.

- selon l'expert, il n'y a pas d'impossibilité d'utiliser le réseau d'eaux usées puisque celui-ci N'est pas engorgé continuellement engorgé et les propriétaires de l'habitation ne se plaignent que d'engorgements passagers. Il ne peut être retenu un désordre de nature décennale, le curage du réseau d'eaux usées faisant évidemment partie des obligations d'entretien.

- sur la garantie des vices cachés, les consorts [J] [C] n'ont pas habité la maison plus de quelques mois, L'engorgement survient en cas d'utilisation régulière du WC 3 à raison d'une fois par an.

Les opérations d'expertise n'ont pas pu établir avec certitude que Mme [J] ou M [C] en auraient eu connaissance, et les demandes de ce chef seront rejetées.

- sur l'obligation de conformité, le bien qu'ont acheté les consorts [N] [D] est parfaitement conforme avec la désignation du bien vendu dans l'acte notarié.

Rien dans l'acte de vente ne concerne spécifiquement le niveau de performance des réseaux, étant rappelé que les acquéreurs ont pris l'immeuble dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance.

- les consorts [N] [D] ont revendu ce bien, à très bon prix et sans refaire les travaux pour lesquels ils demandent un paiement.

Ils voudront bien produire aux débats les factures relatives aux travaux effectués sur les réseaux intérieurs du bien ainsi que le prix de leur propre transaction.

- subsidiairement, sur les montants sollicités, l'intervention la plus simple est la moins coûteuse consistait à condamner le wc 3,

On ignore pourquoi cette solution n'a jamais été proposée.

La création d'une pente en extérieur résoudrait parfaitement toute difficulté En outre, les calculs effectués dans le cadre des opérations d'expertise comportaient des erreurs :

* le salon atelier est dépourvu de plancher chauffant, il y a donc un poste dépose de plancher chauffant à : 25 ' HT / m2 en trop soit 100 m2, soit 2 500 ' HT

* le bureau n'est pas concerné par des passages de réseaux soit 30 m2 de dépose de chape et plancher chauffant plus reconstruction du tout sont en trop soit : 3o m2 x 47 + 25 + 54 +200' /m2 = 9 780 C HT

* la réalisation de 100 m2 de plancher chauffant n'a pas lieu d'être dans l'atelier soit : 100 x 54 = 5 400 C HT.

- en tout état de cause, il y aura lieu de débouter les consorts [N] [D] de l'intégralité de leurs demandes.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 07/10/2024, M. [O] [D] et Mme [P] [N] ont présenté les demandes suivantes :

'Vu les dispositions des articles 1134 et suivants, 1383, 1641 et suivants et

1792 et suivants du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Dire et juger les Consorts [D]-[N] recevables et bien fondés en l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la responsabilité des consorts [C]-[J] est engagée s'agissant des désordres relatifs aux réseaux d'eaux usées sur le fondement de la garantie décennale et en conséquence, condamné in solidum Monsieur [C] et Madame [J] à payer à Monsieur et Madame [D] la somme de 128.320 Euros, au titre des travaux de remise en état

Le cas échéant, statuant à nouveau juger que la responsabilité des consorts [C]-[J] est engagée s'agissant des désordres relatifs aux réseaux d'eaux usées sur le fondement du vice caché et en conséquence, condamner in solidum Monsieur [C] et Madame [J] à payer à Monsieur et Madame [D] la somme de 128.320 Euros, au titre des travaux de remise en état

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [C] et Madame [J] à payer à Monsieur et Madame [D] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Débouter les consorts [C]-[J] de leurs entières demandes, fins et conclusions.

Condamner in solidum les consorts [J]-[C], à verser à Monsieur et Madame [D] une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel en ce compris le coût de l'expertise judiciaire'.

A l'appui de leurs prétentions, M. [O] [D] et Mme [P] [N] soutiennent notamment que :

- très rapidement après la vente, ils ont découvert, contrairement aux informations qui leur avaient été données, que le séjour (qui fait près de 100 m2) n'était chauffé que par le seul poêle à bois et était exclu du système de chauffage au sol relié à la pompe à chaleur.

Par la suite, courant 2015, ils ont subi des désordres d'évacuation des eaux usées.

- les vendeurs ne pouvaient ignorer ce dysfonctionnement et ces désordres, ce d'autant plus qu'ils ont eux-mêmes réalisé les travaux d'assainissement lors de la réhabilitation du bâtiment en habitation.

- le cabinet EXPERTBAT avait pu relever de nombreuses autres anomalies :

La piscine de la propriété voisine était raccordée à la pompe à chaleur des concluants ;

Le salon-séjour n'était pas raccordé au système de chauffage au sol et n'était donc chauffé que par le seul poêle à bois ;

L'antenne TV de la propriété desservait également la propriété voisine.

- il a été découvert que les vendeurs ont volontairement menti sur les informations transmises lors de la réalisation du diagnostic de performance énergétique.

- enfin, il était observé que le sol en béton ciré, réalisé dans le salon séjour, ne respectait pas le DTU 52.2, puisqu'il n'y a pas de joint de fractionnement. Et de fait, il présente désormais des fissures pouvant être désaffleurantes, ainsi qu'un véritable décollement entre l'entrée et la salle de jeux.

- la responsabilité des vendeurs, Madame [J] et Monsieur [C], est donc nécessairement engagée.

Ils ont été déboutés de leur demande de suspension de l'exécution provisoire.

- sur la non-conformité des réseaux d'eaux usées, les consorts [C] [J] n'ont jamais cru devoir faire état de l'intervention de l'entreprise PASSION MAÇONNERIE ni même procéder à sa mise en cause.

- l'inspection des réseaux par AAS85, préalablement aux opérations d'expertise amiable a révélé: « un défaut d'installation, de légères et fortes contre-pentes, ce qui provoque un encrassement et un bouchage régulier du réseau ».

Sur la base des opérations d'expertise contradictoires des 1er décembre 2017 et 23 mai 2019 et notamment des constatations du sapiteur, ORTEC, l'expert a considéré que « ce désordre est dû à une erreur de construction et à une non-conformité aux règles de l'art du fait de l'entreprise.

- dans la mesure où les travaux ont été réalisés par les consorts [C]-[J], vendeurs-constructeurs et qu'il est patent qu'ils sont non-conformes et ne respectent pas les règles de l'art, leur responsabilité décennale est engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.

- subsidiairement, les vendeurs engagent leur responsabilité au titre des vices cachés puisque les conditions fixées aux articles 1641 et suivants du code civil sont réunies, dès lors qu'ils avaient connaissance du vice.

- l'expert a retenu que 'au vu des investigations, Madame [J] et Monsieur [C] avaient très vraisemblablement subi des engorgements d'eaux usées. Ils avaient donc très vraisemblablement connaissance de la non-conformité du réseau.

- leur qualité de constructeurs-vendeurs exclue toute clause d'exonération au titre de la garantie contractuelle des vices cachés.

- sur le chiffrage des travaux par l'expert, la solution de suppression du WC 3 n'est nullement satisfactoire, alors que trois devis différents ont été communiqués à l'expert judiciaire et qu'un économiste s'est prononcé sur les devis communiqués par les époux [D].

- ni la vente du bien postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, ni la plus-value réalisée ne peuvent suffire à démontrer que la responsabilité des consorts [C]-[J] ne serait pas engagée à l'égard de Monsieur et Madame [D].

Cette plus-value s'explique d'une part par la réalisation de nombreux travaux à compter de l'entrée dans les lieux des concluants et d'autre part par l'évolution évidente du marché immobilier entre la date d'acquisition en 2014 et la date de revente.

Au surplus, la vente est intervenue notamment eu égard au présent litige à un prix inférieur à l'estimation qui avait pu être faite du bien en 2017.

La cour ne pourra donc que confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu que la responsabilité des consorts [C]-[J] était engagée et les a en conséquence condamnés à régler aux concluants la somme de 128.320 euros au titre des travaux de remise en état.

- il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les consorts [C]-[J] à leur verser la somme de 2.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Par ordonnance en date du 12 mars 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de POITIERS a rendu la décision suivante :

'REJETONS l'incident à fin de radiation de l'appel

ENJOIGNONS à Mme [P] [N] et M. [O] [D] de produire l'acte par lequel ils ont eux-mêmes revendu le bien immobilier litigieux, sis [Adresse 2] à [Localité 12]

LAISSONS chaque partie conserver la charge des dépens afférents au présent incident'.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10/10/2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Sur la demande des consorts [D]-[N] au titre de la non-conformité des réseaux d'eaux usées

L'article 1792 du code civil dispose que 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.

L'article 1792-1 précise que 'est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage'.

Comme justement retenu par le tribunal, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le désordre n°1 concerne l'engorgement récurrent du réseau d'évacuation des eaux usées, alors qu'aucun dommage lié à ce désordre n'a été déclaré.

Ce désordre affecte l'un des éléments d'équipement de l'immeuble, faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

L'expert retient que ce désordre ne nuit pas à la solidité de l'immeuble et ne rend l'ouvrage impropre à sa destination que pendant les périodes très régulières d'engorgement.

Il s'en déduit que l'immeuble est donc effectivement impropre à sa destination de façon très régulière, à l'occasion de ces engorgements.

Selon l'expert, ce désordre est 'dû au fait que le réseau présente des flashes importants sur toute la longueur et n'a pas de pente suffisante'. Il est 'dû à une erreur de construction et à une non-conformité aux régles de l'art du fait de l'entreprise'. L'entreprise PASSION MAÇONNERIE semble, au vu des documents reçus avoir réalisé les travaux de VRD entre la maison et le réseau public et pas le réseau intérieur. Il est, pour l'expert judiciaire, 'difficile d'affirmer avec certitude que cette entreprise est concernée par le désordre qui affecte le réseau sous le dallage de la maison'.

Mme [X] considère en outre au vu de ses investigations, que 'Mme [J] et M. [C] avaient très vraisemblablement subi des engorgements d'eaux usées et donc connaissance de la non conformité du réseau'.

Ces analyses argumentées ne sont pas contredites.

Elles sont convaincantes.

En conséquence, la responsabilité de Mme [J] et M. [C] en leur qualité de constructeurs - vendeurs pouvait être retenue dans ces circonstances sur le fondement des dispositions de l'article 1792-1 du code civil.

Toutefois, il ressort de l'acte notarié en date du 4 juillet 2023 que les intimés ont revendu le bien litigieuxà M. [Z] [G] et à Mme [S] [B].

Le droit d'agir en garantie décennale, qui suit l'immeuble en quelques mains qu'il se trouve, est en principe transmis aux acquéreurs nouveaux propriétaires du bien, sauf si le vendeur s'est réservé cette action par une clause stipulée à l'acte de vente et comme telle acceptée par l'acquéreur.

En l'espèce, il ne ressort d'aucune mention portée à l'acte que les consorts [D]-[N] se seraient réservé l'exercice de l'action en garantie décennale en cours à l'encontre des consorts [J]-[C] au moment de la vente.

L'acte, qui est postérieur à la déclaration d'appel, ne fait pas mention du procès en cours.

Mme [J] et M. [C] invoquent expressément dans leurs conclusions d'appelant la perte de la titularité de l'action en garantie par les époux [D] du fait de la vente de leur bien, en faisant aussi valoir que ceux-ci ne prouvent pas non plus à l'appui de leur demande en paiement avoir réalisé avant cette revente les travaux de réfection préconisés par l'expert et dont ils leur réclament le coût.

À ce moyen, les époux [D] se contentent de répondre en termes évasifs que la plus-value s'explique d'une part, par la réalisation de nombreux travaux à compter de leur entrée dans les lieux, et d'autre part par l'évolution haussière évidente des prix de l'immobilier, sans prétendre, ni a fortiori établir, avoir réalisé les travaux préconisés par l'expert judiciaire et dont ils réclament à leurs vendeurs le coût tel qu'évalué par celui-ci.

Ils se bornent à verser sous pièce n°22 l'acte notarié de vente du bien dressé le 4 juillet 2023 dans lequel il est seulement indiqué à l'acte, au titre de la question de l'assainissement :

« un contrôle a été réalisé par le cabinet susnommé et est annexé aux présentes après mention.

Il en résulte ce qui suit :

« conclusion eaux pluviales : indéterminée. Conclusions eaux usées : conforme à l'objet de la mission. Présence d'une pompe de relevage ».

Le vendeur déclare que des travaux de démolition et de reconstruction pour remise en conformité des eaux EU ont été réalisés en 2022. Une copie de la facture est annexée aux présentes après mention.

Le vendeur informe l'acquéreur qu'à sa connaissance, les ouvrages permettant d'amener les eaux usées domestiques de l'immeuble à la partie publique ne présente pas d'anomalie ni aucune difficulté particulière d'utilisation ».

Cette pièce est produite sans ses annexes, et donc sans cette facture de travaux de remise en conformité du réseau d'assainissement des eaux usées.

Les époux [D] ne produisent pas non plus cette facture en tant que telle, alors qu'ils en communiquent pour établir la réalité de travaux expliquant selon eux la plus-value réalisée à la revente du bien, tenant à du terrassement dans la cour, l'achat de lambourdes, la pose d'un portail et la mise en place d'un garage en kit (cf leurs pièces n°23 à 27).

En réponse au moyen adverse, ils ne prétendent pas avoir réalisé les travaux dont ils sollicitent le coût, et l'acte évoque 'des travaux' sans plus de précision.

Ayant vendu le bien sans s'être réservé l'action en garantie décennale contre les constructeurs-vendeurs, et ne prouvant pas avoir réalisé avant cette revente les travaux dont ils réclament le coût, M. [O] [D] et Mme [P] [N] sont en conséquence devenus sans droit à poursuivre, faute de s'être réservé ce droit, la réparation de leur préjudice au titre du coût de réfection des désordres d'évacuation des eaux usées qui affectaient l'immeuble.

Leur demande doit être en conséquence rejetée, par infirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a condamné les consorts [C]-[J] in solidum en application des articles 1792 et suivants du code civil à leur payer la somme totale de 128 320 ', au titre des travaux de reprise.

S'agissant des nuisances supportées par les consorts [D]-[N], le préjudice personnel de jouissance de M. [O] [D] et de Mme [P] [N] est établi, au vu des engorgements qu'ils ont subis pendant plusieurs années, et il a été pertinemment indemnisé à hauteur de la somme de 2000 ', le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les dépens :

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.

Au vu du sens du présent arrêt, chaque partie conservera la charge de ses depéns d'appel, sans indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort, dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné les consorts [C]-[J] in solidum en application des articles 1792 et suivants du code civil à payer aux consorts [D]-[N] la somme totale de 128320', au titre des travaux de reprise.

Statuant à nouveau sur ce point,

CONSTATE que les époux [D]/[N] ont revendu en cours d'instance l'immeuble litigieux sans s'être réservé l'action en garantie décennale contre les constructeurs-vendeurs, et sans prouver avoir réalisé ou fait réaliser avant cette revente les travaux dont ils réclament le coût

REJETTE la demande de M. [O] [D] et Mme [P] [N] tendant à la condamnation de Mme [E] [J] et M. [L] [C] en application des articles 1792 et suivants du code civil au titre des travaux de reprise de l'assainissement.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel

REJETTE les demandes fondées surl'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site