Cass. com., 14 mai 2025, n° 24-10.835
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (Sté)
Défendeur :
In & Fi Crédits (SAS), R2E Finances (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mollard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat :
SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2023), la société R2E finances, qui exerce une activité de courtier en opérations de banque et en services de paiement et est franchisée du réseau exploité par la société IN & FI crédits, a conclu avec la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la CRCAML), établissement de crédit, une « convention d'apport d'affaires ».
2. Par lettre du 30 octobre 2019, la CRCAML a dénoncé cette convention avec un préavis d'un mois.
3. Reprochant à la CRCAML le caractère brutal de la rupture, les sociétés R2E finances et IN & FI crédits l'ont assignée en réparation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La CRCAML fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société R2E finances la somme de 6 436 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies et d'ordonner la publication d'un extrait de l'arrêt, alors « que seule engage la responsabilité de son auteur la rupture brutale d'une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ; qu'une relation commerciale établie n'est caractérisée que lorsque chacune des parties peut légitimement escompter le maintien d'un flux d'affaires stable et significatif avec son partenaire ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société R2E finances a conclu le 24 avril 2013 une convention d'apporteur d'affaire avec la CRCAML, renouvelée le 19 mai 2016, qui "avait pour objet de permettre à la première d'être 'apporteur d'affaires' et se distingue de la conclusion proprement dite des contrats entre les clients démarchés par le courtier et la banque" ; que la cour d'appel a considéré qu' "il ne peut se déduire ni de l'absence de mandat entre la Banque et l'Apporteur, ni de la circonstance que ce dernier, en sa qualité de courtier, démarche d'autres banques dans le cadre de la recherche de la meilleure offre de prêt pour son client pour lequel il agit en vertu d'un mandat, l'absence de relations commerciales établies entre la Banque et l'Apporteur au sens de l'article L 442-1, II, du code de commerce", et que le chiffre d'affaires réalisée auprès de la banque par la société R2E finances ayant été stable pendant la durée de leur collaboration, celle-ci devait être qualifiée de relation commerciale établie ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait de ses constatations que les rapports entre les parties revêtaient un caractère précaire et aléatoire, la banque ne s'engageant pas à émettre d'offres de crédit que lui présenterait le courtier, sans donner mandat à ce dernier ni lui accorder une quelconque exclusivité, et le courtier, mandaté, conformément à la réglementation applicable aux courtiers en opérations de banque et en services de paiement par son seul client, tenu de présenter les offres de crédit à d'autres établissements bancaires, la CRCAML ne lui versant une commission qu'en cas de souscription par un client d'un contrat de crédit avec elle, ce dont il résultait que les rapports entre les parties ne relevaient pas d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce et l'article R. 519-4, I, 1°, du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt retient que la relation commerciale qui s'est nouée entre la société R2E finances et la CRCAML avait pour objet de permettre à la première d'être « apporteur d'affaires » et se distingue de la conclusion des contrats entre les clients démarchés par le courtier et la banque, de sorte que ni l'absence de mandat entre la CRCAML et la société R2E finances ni la circonstance que cette dernière, en sa qualité de courtier, démarche d'autres banques dans le cadre de la recherche de la meilleure offre de prêt pour son client pour lequel elle agit en vertu d'un mandat, ne permettent de déduire qu'aucune relation commerciale n'aurait été établie entre ces sociétés, au sens de l'article L 442-1, II, du code de commerce.
6. Il ajoute que la relation commerciale entre la société R2E finances et la CRCAML, telle que formalisée par le contrat d'apport d'affaires, qui s'est poursuivie du 24 avril 2013 au 30 octobre 2019, présente un caractère stable et continu, ainsi qu'il résulte du chiffre d'affaires réalisé par la première avec la seconde au cours de cette période, de sorte que la société R2E finances pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec la CRCAML.
7. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a à juste titre distingué la relation d'affaires nouée entre la CRCAML et la société 2RE finances, dont elle a relevé la stabilité et la continuité du chiffre d'affaires qu'elle générait, des contacts que la première avait avec les clients présentés par la seconde et qui aboutissaient ou non à la conclusion d'un contrat de crédit, a pu déduire que les relations commerciales entre la CRCAML et la société 2RE finances étaient établies, au sens de l'article L. 442-1, II, du code de commerce.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et