CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 12 mai 2025, n° 24/02494
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Societe d'exploitation des etablissements (SARL)
Défendeur :
Groupement forestier de la compagnie des Landes, Forestière de la Caisse des dépôts et consignation (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Simon-Rossenthal
Vice-président :
M. Blanc
Conseiller :
Mme Lorans
Avocats :
Me Grappotte-Benetreau, Me Pedaille, Me Guyonnet, Me d'Antin
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société d'exploitation des établissements [U] (la société [U]), qui exerce une activité d'exploitation dans le domaine forestier, a conclu le 5 juillet 2010 avec la Société Forestière de la caisse des dépôts et consignations (Société Forestière de la CDC), qui gère des espaces forestiers pour le compte de plusieurs propriétaires dont le Groupement forestier de la compagnie des Landes (la compagnie des Landes), un contrat pour le nettoyage de parcelles de pins, suite à la tempête Klaus du début de l'année 2009. Ce contrat se serait substitué au contrat conclu le 12 mars 2010.
Ce contrat a été résilié le 5 novembre 2010 par la compagnie des Landes pour faute de la société [U].
Reprochant à la Société Forestière de la CDC ainsi qu'à la compagnie des Landes une rupture brutale de leur relation commerciale, la société [U] les a assignées, par actes d'huissier des 7 et 19 novembre 2013, en réparation de ses préjudices devant le tribunal de commerce de paris.
Par jugement du 24 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
« Déboute la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] de ses demandes en dommages et intérêts ;
Condamne la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] à verser au GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES et à la SA SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 500 euros à chacune d'entre elles au titre de l'article 700 du CPPC déboutant pour le surplus ;
Déboute le GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES et la SA SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS de leurs demandes autres ou complémentaires ;
Condamne la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA. »
Par déclaration du 26 mars 2015, la société [U] a interjeté appel de ce jugement.
Le 4 octobre 2018, la société [U] a été placée en redressement judiciaire, la SCP [N] [O] étant désignée mandataire judiciaire.
Par arrêt du 2 mars 2020, la cour d'appel de paris a statué comme suit :
« REÇOIT en son intervention la SCP [N] [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan du redressement judiciaire de la société d'exploitation des établissements [U] ;
CONFIRME le jugement déféré ;
CONDAMNE la société d'exploitation des établissements [U] à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 3 500 euros à la société forestière de la caisse des dépôts et consignations et 5 000 euros au groupement forestier de la compagnie des Landes ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE la société d'exploitation des établissements [U] aux dépens. »
Par jugement du 7 juillet 2022, la société [U] a été mise en liquidation judiciaire, la SCP [N] [O], représentée par Maître [N] [O], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
A la suite du pourvoi formé par la société [U], par arrêt du 16 février 2022, la Cour de cassation, a statué comme suit :
« CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elle se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Forestière de la caisse des dépôts et consignations et le Groupement forestier de la compagnie des Landes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Forestière de la caisse des dépens et consignations et le Groupement forestier de la compagnie des Landes et les condamne à payer à la Société d'exploitation des établissements [U] la somme globale de 3000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé. »
Par déclaration du 23 janvier 2024, la société [U] et la SCP [N] [O], représentée par Maître [N] [O], en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, ont saisi la cour d'appel de Paris.
Par dernières conclusions remises au greffe le 13 février 2025, la société [U], représentée par son liquidateur judiciaire la SCP [N] [O], demande à la cour :
« Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 février 2022,
Vus les articles 1134 et 1147 du Code Civil,
Vu l'article L442-6-I-5° du Code de Commerce,
* Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 24 février 2015, Et statuant à nouveau,
* Constater que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES et la SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ont rompu brutalement la relation commerciale établie avec la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] en résiliant le contrat du 5 juillet 2010, et en diminuant par la suite de manière singulière les prestations demandées jusqu'à ne plus rien demander du tout,
* En conséquence, condamner solidairement le GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES et la SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à payer à la SCP [N] [O] représentée par Maître [N] [O] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] la somme de 2 379 101,60 ' à titre de dommages et intérêts,
* Débouter le GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES et la SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS de toutes demandes contraires comme injustes et mal fondées,
* Condamner le GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES et la SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS chacune à payer à la SCP [N] [O] représentée par Maître [N] [O] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] la somme de 9 000 ' au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l'article 699 du CPC. »
La société [U], représentée par son liquidateur judiciaire, fait notamment valoir que :
- le 5 novembre 2010, la compagnie des Landes a rompu de manière abusive le contrat du 5 juillet 2010, lequel ne fixait aucun calendrier général d'exécution, alors que le chantier avait pour l'essentiel été exécuté, qu'elle ne lui avait pas précisé les parcelles non conformes ni fait part de son intention de résilier ce contrat, ce qui démontre sa mauvaise foi et constitue une rupture brutale des relations commerciales établies ;
- une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie et il n'est pas nécessaire que la victime de la rupture apporte la preuve d'un engagement en termes de volumes et de chiffres d'affaires pour que cette rupture puisse donner lieu à réparation ;
- en l'espèce, les parties étaient liées par un volant d'affaires depuis 2006, leur relation commerciale devant même s'apprécier au regard d'une durée de 25 ans dès lors qu'elle a repris le fonds du précédent exploitant [L] à la demande de la compagnie des Landes ;
- alors qu'une rupture sans préavis ne peut se justifier qu'en raison du comportement du cocontractant, lorsque l'inexécution reprochée présente un certain caractère de gravité, ou en cas de force majeure, les contrats des 8 et 12 mars 2010 n'ont jamais été mis en 'uvre sans qu'aucune explication ne lui ait été donnée, celui du 5 juillet 2010, qui devait prendre fin en 2012, a été rompu brutalement pour un manquement mineur le 5 novembre 2010 et il ne lui a plus été proposé que de menus travaux puisque le contrat du 8 décembre 2010 et les suivants ont donné lieu à un chiffre d'affaire en très forte diminution puis inexistant, le contrat signé en janvier 2013 n'ayant été suivi d'aucune commande ; il s'agissait d'un artifice pour la dissuader de demander réparation, le principal but étant d'arriver à résilier le contrat du 5 juillet 2010 ;
- la tempête Klaus désormais invoquée comme constituant un cas de force majeure n'en est pas un, comme le montrent les comptes de résultats de la compagnie des Landes, puisqu'en 2011 et 2012 les sommes correspondantes à ses achats de matière et charges externes étaient bien supérieures à la somme exposée en 2008, avant cette tempête qui est un prétexte ; de plus, la compagnie des Landes lui avait donné l'assurance de faire de nouveau appel à elle mais elle a préféré faire appel à d'autres sociétés et ses explications se contredisent ;
- une rupture partielle peut également engager la responsabilité de son auteur ;
- elle subit un préjudice découlant de la brutalité de la rupture, évalué en considération de la marge brute.
Par dernières conclusions remises au greffe le 27 février 2025, la compagnie des Landes et la Société forestière de la CDC demandent à la cour de :
« Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Débouter la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] et la SCP [N] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de ladite société, de toutes leurs demandes particulièrement mal fondées et non justifiées, tant en fait qu'en droit.
Condamner la SCP [N] [O] représentée par Maître [N] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U] à payer, tant à la S.A. SOCIETE FORESTIERE DE LA CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS (SFCDC), qu'au GROUPEMENT FORESTIER DE LA COMPAGNIE DES LANDES, une somme de 15.000 euros pour chacune d'elle en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la SCP [N] [O] représentée par Maître [N] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS [U], aux entiers dépens. »
La compagnie des Landes et la Société Forestière de la CDC font notamment valoir que :
- loin d'être délibérée ni voulue, la baisse du chiffre d'affaires réalisé entre les parties à compter de 2010 a directement pour origine la tempête Klaus de 2009, assimilable à un cas de force majeure, qui a modifié en profondeur l'économie de la forêt ;
- l'article L 442-6, 1, 5° du code de commerce n'impose pas à une partie de maintenir, au bénéfice de son partenaire, un niveau d'activité qui ne correspond plus à ses besoins et les intimées ne se pas sont engagées à maintenir un flux d'affaires déterminé ; elles ont mobilisé des sommes importantes pour nettoyer et reboiser les forêts ;
- la société [U] ne pouvant effectuer elle-même la prestation de nettoyage, a fait appel à des sous-traitants, certains incompétents et n'a pas pu s'adapter à la situation post-tempête et se reconvertir après une année 2010 l'ayant placée dans une abondance de travail dans sa spécialité ;
- la faute du contractant justifie la rupture des relations et le contrat du 5 juillet 2010 a été résilié après une mise en demeure et un courrier non suivi d'effet, la mauvaise exécution du chantier exposant la compagnie des Landes à ne pas pouvoir percevoir les subventions européennes, la société [U] a repris les malfaçons postérieurement de son propre chef et n'a contesté cette résiliation que trois ans après en ayant alors reporté la responsabilité sur ses sous-traitants ;
- aucune rupture contractuelle ni a fortiori de rupture brutale n'a eu lieu ;
- subsidiairement, les indemnités sollicitées, outre qu'elles sont excessives, sont dénuées de justifications et de lien de causalité avec la prétendue rupture partielle reprochée.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans ses versions successivement applicables :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
[...]
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. ['] Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure [']. »
En l'espèce, concernant tout d'abord l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties et le point de départ de celle-ci, bien que la société [U], tout en se référant à des factures à compter de l'année 2006, ne verse aux débats que des factures et des contrats postérieurs, à compter respectivement des années 2009 et 2010, il n'est pas contesté que cette société a effectué des prestations régulières, notamment d'abattage et de débardage, pour la compagnie des Landes, propriétaire d'espaces forestiers administrés par la Société Forestière de la CDC depuis l'année 2006, facturées selon elle à hauteur de 59 443,18 euros en 2006, 260 671,47 euros en 2007, 470 019,97 euros en 2008, 1 060 630,77 euros en 2009, 1 056 898,20 euros en 2010, 213 544,94 en 2011 et 51 024,12 euros en 2012 comme indiqué sur sa pièce 16 et réglées selon cette compagnie à hauteur respectivement de 50 204 euros, 267 853 euros, 449 833 euros, 1 056 311 euros, 1 056 898 euros, 276 042 euros et 51 024 euros pour ces années ainsi qu'il ressort de sa pièce 1.
Par ailleurs, il résulte de l'acte de cession de fonds de commerce sous condition suspensive du 11 juin 2007, des attestations de MM. [V] [E], [K] [M] et [L] des 14, 23 et 24 octobre 2012 et du rapport d'expertise de la société [L], que la société [U] a repris au cours de l'année 2007 le fonds de commerce de la société [L] et trois de ses employés, cet acte indiquant que ce fonds comprenait sa clientèle et notamment le contrat conclu avec la compagnie des Landes que l'acquéreur poursuivrait, et que ce dernier ferait son affaire personnelle et prendrait à son compte les commandes et marchés par le vendeur avec cette compagnie. Toutefois, cet acte n'est signé que par ces parties, ce contrat, dont la nature et la date ne sont pas indiquées, n'est pas produit et les témoins se limitent à attester avoir travaillé exclusivement pour le compte de cette compagnie respectivement de 2001 à 2010, de 1979 ou 1982 à 2010 puis à mi-temps par la suite et de 1990 à 2010, la reprise de la société [L] en 2007 n'ayant « rien changé » puisqu'ils y sont affectés exclusivement depuis cette date.
Au vu de ces pièces et bien que la Société Forestière de la CDC n'ait pas contesté, dans sa réponse du 25 janvier 2013, au courrier de la société [U] du 19 novembre 2012 indiquant que c'était la compagnie des Landes qui lui avait demandé de reprendre ce fonds, ces pièces ne permettent pas de le démontrer ni d'établir que les prestations confiées à la société [U] après cette cession s'inscrivaient, de la commune intention des parties, dans la continuité de la relation initialement nouée avec la société [L]. D'ailleurs, la société [U] et ladite compagnie travaillaient déjà ensemble et l'avocat de la société [U] n'a pas fait état de cet élément dans la mise en demeure du 15 mai 2013 par laquelle elle a sollicité une indemnisation pour rupture brutale de la relation. Il s'ensuit que l'existence d'une relation commerciale entre les parties suivie, régulière et donc établie est caractérisée à compter de l'année 2006 et non antérieurement.
S'agissant ensuite de la rupture de cette relation et du caractère brutal ou non de celle-ci, il ressort des pièces versées aux débats, notamment du récapitulatif des prestations effectuées par la société [U] pour la compagnie des Landes depuis 2006 figurant dans ces pièces 1 et 16, que ces prestations consistaient en de l'abattage et du débardage, à l'exception des années 2010 et 2011 où cette société a également réalisé des prestations de nettoyage ou dessouchage rémunérées à hauteur de montants non contestés d'environ 392 710 euros en 2010 et 13 905 euros en 2011 et de l'année 2012 où elle n'a effectué que des prestations de débardage pour un montant non contesté de 51 024 euros.
D'une part, concernant ces prestations de nettoyage et dessouchage, il résulte de la proposition commerciale du 11 février 2010 produite par les intimées que c'est la société [U] qui a proposé à la Société Forestière de la CDC, pour le compte de ses clients, « la prestation de nettoyage à l'hectare, comprenant la destruction des souches par croque souche et un passage landais (rouleaux lourds) au tarif de 650 euros hors taxe par ha, pour une activité concernant une dizaine d'engins pendant l'année 2010 et les deux années suivantes », laquelle serait « conforme aux exigences du cahier des charges de la DDAF » et que c'est suite à cette proposition que des missions de « Nettoyage de parcelles de pins maritimes, sinistrées par la tempête Klaus » comportant des travaux de « destruction des souches, fausses coupes et rémanents grossiers, vidage des fossés croque souche » devant être conforme au cahier des charges de la DRAAF lui ont été confiées à partir du 8 mars 2010, selon contrat de ce jour conclu avec la Société Forestière de la CDC pour le compte de la compagnie des Landes et de ses autres clients à un prix de 550 ou 500 euros HT à l'hectare selon le taux de dégâts et contrat du 12 mars 2010 signé avec cette compagnie pour un prix de 580 HT par hectare, lesquels précisaient que l'activité pourrait s'étaler sur les années 2010, 2011 et 2102 et concerner une dizaine d'engins et qu'ils étaient valables sous réserve d'octroi des aides de l'état pour les nettoyages, le second précisant aussi que M. [U] se réservait la possibilité de faire appel à un sous-traitant. Le contrat du 5 juillet 2010, signé avec ladite compagnie et stipulant qu'il annule et remplace le contrat du 12 mars 2010, s'est substitué à celui-ci et prévoyait que la rémunération serait de 650 euros HT par hectare, que la durée pourrait s'étaler sur les années 2010, 2011 et le premier semestre 2012 pour un à six engins. Il comportait les mêmes mentions relatives à la validité sous réserve d'octroi des subventions, au respect du cahier des charges et à la sous-traitance. En revanche, aucun de ces contrats ne prévoyait d'engagement en termes de volume ou de chiffre d'affaires et les échanges des parties produits n'en font pas apparaître.
La nature des prestations effectuées jusqu'alors, l'acte de cession du fonds de commerce de la société [L] selon lequel il s'agissait d'un « fonds de commerce d'abattage, de débardage, coupe de bois et tous travaux forestiers à l'exception de l'activité de sylviculture (semi, plantation, débroussaillement nettoyage de parcelles, broyage de souche, entretien des forêts, pare feu, DFCI »), l'ajout de la possibilité de recourir à la sous-traitance, le courriel confirmant cette autorisation, la hausse de prix entre ces contrats et les factures relatives aux prestations de nettoyage et à la location d'engins, notamment, confirment que la société [U] n'était pas spécialisée dans le nettoyage et le dessouchage, a fait largement appel à la sous-traitance notamment auprès des sociétés Cuonzo ou Hades Location et a rencontré des difficultés pour réaliser ces prestations justifiant ces adaptations comme le soutiennent les intimées.
En outre, il résulte des pièces produites que des fautes ont bien été commises lors de l'exécution desdites prestations. En effet, par lettre recommandée avec avis de réception du 25 août 2010, la compagnie des Landes a informé la société [U] que le nettoyage des parcelles forestières cadastrées A7, A8 et A9 situées sur la commune de [Localité 12] n'était pas conforme au cahier des charges stipulé dans le contrat du 5 juillet 2010, ajoutant qu' » En l'absence de rectification de votre part au 10 septembre 2010, cette non-conformité entraînera une résiliation de ce dit contrat » Par ailleurs, par courriel du 27 octobre 2010 adressé à son gérant, cette compagnie l'a informée que le contrôle de la DDTM avait relevé la non-conformité de trois parcelles sur cette commune et celle d'[Localité 9] entraînant un blocage du versement des subventions pour elle, même si la majorité des chantiers de ces communes était conforme, et il lui a été demandé une remise en conformité avant le 4 novembre 2010. En l'absence de régularisation dans ce délai, par courrier recommandé avec avis de réception non daté mais envoyé le 5 novembre 2010, présenté le 8 et reçu le 9 novembre 2010, la compagnie des Landes a résilié le contrat du 5 juillet 2010 avec effet au 8 novembre 2010 pour non-conformité des chantiers situés sur la commune de [Localité 12] (section A parcelle [Cadastre 2] et section J parcelle [Cadastre 1]) signalée par mail le 27 octobre 2010 et devant être remis aux normes pour le 4 novembre 2010 ».
Le courrier du 31 août 2010 de la société [U] à son sous-traitant et son courriel du 24 janvier 2012 à la compagnie des Landes indiquent que cette société reconnaissait sa responsabilité pour ces défaillances qu'elle a imputée à ses sous-traitants, comme le confirme l'ordonnance du juge des référés du 4 avril 2012. Ladite société a rapidement repris ces malfaçons ainsi que l'établit notamment l'attestation de fin de travaux du 16 novembre 2010 ayant permis le paiement des subventions et cette compagnie lui a proposé un nouveau contrat portant sur ces missions de nettoyage de parcelles sinistrées par la tempête Klaus dès le 8 novembre 2010, révisé le 8 décembre 2010, prévoyant que l'activité pourrait s'étaler sur les années 2010 et 2001 et concernerait une seule machine.
Or, dès lors que ces prestations de nettoyage et dessouchage confiées dans le cadre d'une mission relativement récente étaient soumises à un cahier des charges et à une évaluation par un service extérieur dont dépendait le versement de subventions, les fautes successives relevées dans un laps de temps court dans ces circonstances du fait du recours à la sous-traitance présentaient une gravité suffisante, même au regard de la durée de la relation commerciale, pour justifier la résiliation unilatérale et immédiate du contrat du 5 juillet 2010 ainsi que la modification substantielle de telles prestations, à savoir notamment pour une seule machine.
D'autre part, s'agissant de la tempête Klaus du mois de janvier 2019, il ressort en particulier du document de source ouverte sur internet, du rapport de synthèse de la Fédération des Industries du bois d'Aquitaine de 2013, de la lettre des entrepreneurs de travaux forestiers de l'automne 2011 et du mémento 2014 qui sont produits par les intimées, qu'il s'agissait d'un événement présentant des éléments d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité constitutifs de la force majeure ayant donné lieu à un état de catastrophe naturelle notamment dans les Landes qui a durablement et en profondeur modifié l'activité forestière provoquant d'abord l'accroissement des besoins en abattage et débardage, puis en nettoyage et dessouchage et enfin en plantation et reboisement, tandis que le volume de bois vert s'effondrait à compter de l'année 2012, le total des prélèvements effectués sur la forêt Aquitaine dans les Landes en 2012 étant en baisse de 45,8% par rapport à 2011. Les rapports de gérance et du commissaire aux comptes de la compagnie des Landes confirment les très importants dégâts qu'elle a subis, soit environ 9 000 hectares touchés dont 5 500 détruits en totalité, pour un volume annuel supérieur à un million de m3, soit plus de six fois le volume habituel d'exploitation annuel, le fait que l'exercice 2011 a été marqué par la poursuite du nettoyage des parcelles exploitées après la tempête Klaus, par la plantation de 880 hectares et la fin de l'exploitation de bois chablis issus de cette tempête et qu'en 2012, la replantation s'est poursuivie et le volume commercialisé de bois vert a été faible. Cela coïncide précisément avec l'augmentation du chiffre d'affaires de la société [U] avec cette compagnie pour les prestations d'abattage et débardage réalisées en 2009 et 2010 par rapport aux années précédentes et à leur baisse conséquente ensuite notamment en 2012 sur la base du contrat conclu le 8 février 2012, en fonction des bons de commande, et le fait que deux témoins n'y ont plus travaillé. Les intimées démontrent d'ailleurs qu'un courriel a été adressé au gérant de la société [U] le 30 août 2012 l'alertant de la diminution du volume de bois vert et lui proposant d'envisager les perspectives d'exploitation pour la fin d'année. Ces circonstances expliquent également les achats de matière et charges externes de la compagnie des Landes y compris en 2012.
Les variations du chiffre d'affaires réalisé entre la société [U] et ladite compagnie apparaissent donc correspondre aux aléas de l'activité forestière dus à cette tempête et à ses suites et non à une rupture partielle de leur relation commerciale, le courrier du 25 janvier 2013 de la Société Forestière de la CDC ne démontrant pas le contraire et de nouveaux contrats ayant d'ailleurs été conclus entre cette dernière et la société [U] pour le compte de ses clients, dont la SMCA, au cours des années 2011 à 2013.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la rupture brutale totale ou partielle de la relation commerciale établie dont fait état la société [U] par les intimées n'est pas démontrée, que ce soit au mois de novembre 2010 ou ultérieurement, de sorte que leur responsabilité à ce titre n'est pas engagée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société [U] de ses demandes de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
En vertu des articles 696 et 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles exposés en première instance.
Par ailleurs, la société [U], représentée par son liquidateur judiciaire la SCP [N] [O], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et en application de cet article 700, déboutée de sa demande et condamnée à verser à la compagnie des Landes et de la Société Forestière de la CDC la somme de 1 500 euros chacune.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société d'exploitation des établissements [U], représentée par son liquidateur judiciaire la SCP [N] [O], représentée par Maître [N] [O], aux dépens d'appel ;
Déboute la société d'exploitation des établissements [U], représentée par son liquidateur judiciaire la SCP [N] [O], représentée par Maître [N] [O], de sa demande et la condamne à payer au Groupement forestier de la compagnie des Landes la somme de 1 500 euros et à la Société Forestière de la caisse des dépôts et consignations la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes.