CA Montpellier, 2e ch. soc., 7 mai 2025, n° 24/03486
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 07 MAI 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
F N° RG 24/03486 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJRX
Décisions déférées à la Cour :
- Arrêt Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée datée du 29 Mai 2024, enregistrée sous le n° N 23-12.178
- Arrêt Cour d'Appel de NIMES, décision attaquée datée du 13 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 20/01289
- Jugement Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON, chambre 3, décision attaquée datée du 24 Mars 2020, enregistrée sous le n° RG F 18/00292
Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile ;
DEMANDEUR A LA SAISINE :
Monsieur [R] [X]
né le 04 Mars 1973 à [Localité 8] (69)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté sur l'audience par Me Nicolas BESSET, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSES A LA SAISINE
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT en la personne de Maître [T] [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS AVETEC
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non représenté : signification arrêt de cassation le 31/07/2024 - Dénonce et signification conclusion le 03/10/2024 à personne habilitée
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 4]
et venant aux droits de l' UNEDIC DELEGATION AGS C.G.E.A. DE [Localité 9]
Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, sis
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Non représenté : signification arrêt de cassation le 19/07/2024 - Dénonce et signification conclusion le 30/09/2024 à personne habilitée
Ordonnance de Clôture du 25 Fevrier 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 MARS 2025,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier : Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier lors des débats
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [X] a été engagé le 9 février 2015 par la société Avetec Agencements en qualité de conducteur de travaux dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet soumis à la convention collective nationale des cabinets d'architecte.
Le 23 juin 2015, reprochant à son salarié des retards dans son travail ainsi que des absences injustifiés la société Avetec Aménagements a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 juillet 2015.
Le 24 juin 2015, M. [X] a été placé en arrêt de travail.
Il a été licencié pour faute simple par une lettre du 8 juillet 2015.
M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon le 21 août 2015, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale.
Par un jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Avetec Agencements et désigné la Selarl Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 24 mars 2020, ce conseil a constaté la péremption d'instance et mis les dépens à la charge de M. [X].
Par un arrêt du 13 décembre 2022, la cour d'appel de Nîmes a confirmé cette décision, débouté les parties de leurs demandes et condamné M. [X] à verser à la société 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.
Statuant sur le pourvoi formé par M. [X], la Cour de cassation a, par arrêt du 29 mai 2024, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt déféré, et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, aux motifs suivants :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater la péremption d'instance, alors « qu' en matière prud'homale, le point de départ du délai de péremption ne court pas du jour de non-réalisation de l'obligation mise à la charge du demandeur mais uniquement à partir du jour où le conseil de prud'hommes, dans sa formation de jugement, décide après avoir constaté le défaut de diligence, d'ordonner la radiation de l'affaire ; qu'en l'espèce, en faisant courir le délai de péremption non pas à compter de l'ordonnance du 28 juin 2016 prononçant la radiation de l'affaire, mais à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti par le conseil de prud'hommes lors de l'audience de conciliation du 29 septembre 2015 pour conclure, soit le 30 novembre 2015, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
5. Selon ce texte, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
6. Ne constituent pas de telles diligences, les indications relatives à la fixation des délais, données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.
7. Pour déclarer l'instance périmée, l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription conformément aux dispositions susvisées, court à compter de l'expiration du délai qui avait été imparti au salarié pour conclure, soit le 30 novembre 2015. Il ajoute qu'un délai supérieur à deux ans s'est écoulé entre cette date et la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, le 27 juin 2018.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société, alors « que la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions ne peuvent être exercés par le liquidateur ; qu'en le condamnant à payer la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Avetec Agencements placée en liquidation judiciaire par jugement rendu le 23 juin 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon, bien que le liquidateur judiciaire assigné en intervention forcée devant la cour d'appel n'ai pas constitué avocat, de sorte que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande à son encontre, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 649-1 du code de commerce :
10. Selon ce texte, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation par le liquidateur.
11. La cour d'appel a condamné le salarié à payer la somme de 600 euros à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas été saisie d'une telle demande par le liquidateur de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé.'
Le 3 juillet 2024, M. [X] a saisi la cour sur renvoi de cassation.
Il a fait signifier l'arrêt de la Cour de cassation par acte de commissaire de justice, en date des 19 et 31 juillet 2024, à l'AGS et à la société Balincourt, ès qualités.
' Aux termes de ses conclusions remises le 24 septembre 2024, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de fixer la moyenne de ses salaires à 2 500 euros bruts mensuels et de fixer ses créances au passif de la société Avetec Agencements aux sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice :
- 6 807, 56 euros bruts au titre des heures supplémentaires,
- 680, 75 euros bruts au titre de l'incidence congés payés sur heures supplémentaires,
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,
- 264, 80 euros à titre de rappel de frais,
- 25 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 9 900 euros bruts au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence,
M. [X] demande également à la cour d'inscrire les dépens de la procédure au passif de la liquidation judiciaire de la société, de juger la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 9], et d'ordonner à la Selarl Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Avetec Agencements, de lui remettre une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.
' Par actes de commissaire de justice, en date des 30 septembre 2024 et 03 octobre 2024, M. [X] a fait signifier à l' AGS et à la SELARL Etude Balincourt la déclaration de saisine, les conclusions et pièces, lesquels, conformément aux dispositions de l'article 902 du code de procédure civile, leur précisent que, faute pour elles, d'une part, de constituer avocat ou défenseur syndical, dans le délai de 15 jours à compter de celle-ci et, d'autre part, de conclure dans le délai mentionné à l'article 910, elles s'exposent non seulement à ce qu'un arrêt soit rendu contre elles sur les seuls éléments fournis par son adversaire, mais à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.
Les intimés n'ont pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par une ordonnance en date du 25 février 2025.
MOTIVATION :
Sur la péremption :
En application de l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, applicable en l'espèce, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Il est de droit que ne constituent pas de telles diligences, les indications relatives à la fixation des délais, données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.
Par suite, c'est par des motifs erronés que les premiers juges ont retenu que le point de départ du délai de péremption court à compter de l'expiration du délai qui avait été imparti au salarié pour conclure, soit le 30 novembre 2015 et de prononcer la péremption au constat qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé entre cette date et la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, le 27 juin 2018.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la péremption.
Sur les heures supplémentaires :
Au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 6 807, 56 euros bruts de ce chef, l'appelant expose avoir fait part à l'employeur dès le 10 juin 2015 du harcèlement et du stress qu'il imposait à ses équipes pour mener à bien les chantiers en cours, le contraignant à travailler le week-end et certains jours fériés. Il indique s'être plaint auprès de l'inspecteur du travail de la pénibilité de ses conditions de travail par le rythme intenable qui lui était imposé avec des grandes distances à parcourir pour suivre les chantiers sur [Localité 13], [Localité 10], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 12]. Il fait valoir qu'il travaillait en moyenne quotidiennement 2 heures de plus que les horaires prévus à son contrat, qu'il a été amené également à travailler des samedis et des dimanches certains chantiers ayant subis des retards qui ne lui étaient pas imputables.
Le mandataire liquidateur et l'AGS n'ont pas constitué devant la première cour d'appel ; la société a déposé des conclusions à une date où elle était encore in bonis aux termes desquelles elle a notamment réfuté l'accomplissement par le salarié d'heures supplémentaires et conclu au fait que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
À l'appui de sa réclamation, M. [X] qui avait en charge la supervision des chantiers réalisés dans une grande partie de la France ([Localité 10], [Localité 13], [Localité 6], [Localité 12]) verse aux débats les éléments suivants :
- un décompte des 272 heures supplémentaires qu'il indique avoir accomplies, présenté comme suit :
' février : 30 heures supplémentaires journalières, avec l'annotation 'sachant que je faisais 2h au minimum/jour de plus,
' mars : 48 heures supplémentaires journalières + 3 heures samedi 8 mars et +3 heures dimanche 9 mars,
' avril : 42 heures supplémentaires journalières + 3 heures les samedis 11, 18 et 25 avril, soit un total ce mois-ci de 54 heures supplémentaires, et dimanches 12, 19 et 26 avril, soit un total de 60 heures supplémentaires.
' mai : 34 heures supplémentaires journalières + vendredi 8 mai + 8 heures, + jeudi 14 mai +8heures, + les samedis 2, 9, 16 et 30 mai +3 heures, le samedi 23 mai +12 heures (+ retour sur domicile) dimanche 3, 10, 17 et 31 mai +3 heures, dimanche 24 mai +8 heures. Lundi 25 mai 8 heures, soit un total de 78 heures supplémentaires.
' juin : 30 heures supplémentaires.
- un tableau du calcul financier de sa réclamation, aux termes duquel les majorations des heures supplémentaires sont calculées au mois ;
- l'attestation pôle emploi de laquelle il ressort que l'employeur ne lui a versé sur ces 5 mois travaillés aucune heure supplémentaire,
- l'échange de messages du 15 juin 2015, quelques jours avant son arrêt maladie qui se prolongera jusqu'au licenciement, aux termes duquel le salarié réplique à l'employeur qui lui répond ne pas exercer de harcèlement que 'si, il y a du harcèlement et du stress depuis des semaines je travaille sans aucun week-end même le 8 mai j'ai travaillé [...]'.
Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, il n'est pas établi que l'employeur a justifié des heures de travail accomplies par le salarié par tout moyen, telles que des fiches horaires hebdomadaires.
Le tableau de calcul financier de la réclamation versé aux débats est non conforme au droit, le salarié appliquant les majorations de 25 et 50% au mois et non à la semaine, entraînant une sur représentation des heures majorées à 50%. Par ailleurs, il est évoqué l'éloignement de certains chantiers alors même que les temps de déplacement pour se rendre depuis son domicile sur les chantiers ou en revenir ne constituent pas du temps de travail effectif mais doivent donner lieu à contrepartie en repos ou financière dès lors que ces déplacements excèdent le temps normal de trajet.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réclamation du salarié est partiellement justifiée à hauteur de 4 500 euros bruts, outre 450 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Même si l'employeur ne justifie pas des heures effectivement réalisées, la preuve de son intention de se soustraire à ses obligations n'est pas suffisamment rapportée. M. [X] sera débouté de sa demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé.
Sur le remboursement des frais :
Hormis un décompte et la lettre de l'employeur lui demandant le 23 juillet 2015 de préciser au dos de chaque tickets, les noms des personnes invitées et celui du chantier auquel ces notes font référence, M. [X] ne fournit pas d'élément de preuve de frais qu'il aurait exposés dans l'intérêt de l'employeur et que ce dernier ne lui auraient pas remboursés. Cette réclamation sera rejetée.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail :
Au soutien de sa réclamation, M. [X] reproche à l'employeur de ne pas avoir veillé au repos de son salarié alors qu'il avait une parfaite connaissance du travail qui lui était imposé au mépris de tout repos élémentaire, ce qui a entraîné son arrêt de travail et de ne pas lui avoir payé ses heures supplémentaires.
Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail, qui incombe à l'employeur. Alors que la charge de la preuve du respect des temps de repos incombe à l'employeur ce dernier ne fournit aucun élément en ce sens. Le salarié était par ailleurs créancier d'heures supplémentaires, dans un contexte où l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre un dispositif permettant de déterminer les horaires de son salarié.
L'exécution déloyale du contrat de travail sera réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts.
Sur la cause du licenciement :
Convoqué le 23 juin 2015, à un entretien préalable fixé au 3 juillet suivant, et mis à pied à titre conservatoire, M. [X] a été licencié par lettre du 8 juillet 2015, énonçant les motifs suivants :
« Vous ne vous êtes pas présenté le 3 juillet 2015 à l'entretien auquel nous vous avions convoqué.
Vous n'en avez pas demandé le report et vous ne nous avez adressé aucunes explications à votre comportement récent, comportement amplement dépeint dans notre courriel du 22 juin
2015 qui précédait et annonçait votre convocation.
En l'état nous ne pouvons donc que prononcer votre licenciement en raison de graves négligences dans le suivi des dossiers, notamment PIZZA DE NICO à [Localité 6], BIJOU BRIGITTE à [Localité 10] et [Localité 13].
Ces manques de conscience professionnelle, de compétences et d'investissement ont conduit à des retards et des malfaçons considérables, au mécontentement des clients qui ont remis en
cause leurs relations avec la Société, immédiatement ou pour l'avenir.
Vos collègues et moi-même avons dû, malgré notre propre charge de travail, reprendre dans
l'urgence, trop tard et sans disposer des connaissances utiles, des chantiers largement abandonnés dans lesquels les difficultés s'accumulaient.
Or, au lieu de nous aider à remédier à ces situations périlleuses vous avez cessé d'être joignable à compter du 19 juin 2015. Votre préavis de deux semaines débutera à la première présentation de ce courrier. [...] »
En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
S'il ressort des échanges de correspondances et courriels produits par le salarié que des retards ont effectivement été enregistrés sur plusieurs chantiers supervisés par le salarié, il ne résulte d'aucune pièce que cette situation soit imputable à un manquement de M. [X] à ses obligations contractuelles. Par ailleurs, le salarié ne conteste pas qu'il a été difficilement joignable du vendredi 19 au lundi 22 juin, mais il fait observer, sans être contredit sur ces points, que le vendredi 19 juin, le responsable de la société sous-traitante Habitat-Peinture été victime d'un accident vasculaire cérébral sur le chantier de [Localité 13], ce qui a entraîné l'arrêt du chantier ce jour-là, son incapacité à pouvoir travailler le vendredi, son médecin traitant lui prescrivant, à l'issue du week-end qui a suivi, le 22 juin 2015, son placement en arrêt maladie.
Aucun des manquements reprochés au salarié n'étant caractérisé et au bénéfice du doute qui bénéficie au salarié sur le fait qu'il n'a pu être joint le vendredi 19 juin, le licenciement sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du licenciement :
Au jour de la rupture, M. [X] âgé de 42 ans bénéficiait d'une ancienneté de 5 mois au sein de la société Avetec. Il percevait un salaire mensuel brut de 2 500 euros.
M. [X] justifie s'être inscrit à Pôle-emploi. Il ne communique aucun autre élément sur l'évolution de sa situation professionnelle.
Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge du salarié au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 7 500 euros.
Sur la contrepartie pécuniaire de la cause de non concurrence :
Le contrat de travail stipulait une clause de non concurrence aux termes de laquelle en contrepartie de cette obligation l'employeur s'engageait à verser au salarié pendant une durée d'un an 33 % du salaire brut mensuel lequel s'établissait à 2500 euros, sauf faculté pour l'employeur de dispenser le salarié de cette obligation de non-concurrence à charge de l'en prévenir dans les 15 jours suivant la notification de la rupture du contrat.
En l'espèce le salarié soutient sans être démenti sur ce point que l'employeur ne lui a pas notifié la dispense de cette obligation dans le délai requis par le contrat de travail de sorte qu'il est bien fondé à solliciter la contrepartie financière du soit la somme de 9900 euros bruts, laquelle sera fixée au passif de l'entreprise.
Sur les demandes accessoires :
Il sera ordonné au représentant de la société liquidée de délivrer au salarié les documents de fin de contrat.
En revanche, la demande d'assortir cette injonction d'une astreinte n'étant pas nécessaire à en garantir l'exécution, elle sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau sur le tout,
Dit n'y avoir lieu à péremption de l'instance et déclare l'action de M. [X] recevable,
Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Fixe ainsi que suit les créances de M. [X] au passif de la société Avetec :
- 4 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre 450 euros au titre des congés payés afférents,
- 3 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 7 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 9 900 euros bruts au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence,
Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Déboute M. [X] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de rappel de frais,
Ordonne à la Selarl Balincourt, ès qualités, de remettre à M. [X] les documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.
Rejette la demande d'astreinte.
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision, sous réserve des dispositions des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, en vertu desquelles le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 07 MAI 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
F N° RG 24/03486 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJRX
Décisions déférées à la Cour :
- Arrêt Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée datée du 29 Mai 2024, enregistrée sous le n° N 23-12.178
- Arrêt Cour d'Appel de NIMES, décision attaquée datée du 13 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 20/01289
- Jugement Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON, chambre 3, décision attaquée datée du 24 Mars 2020, enregistrée sous le n° RG F 18/00292
Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile ;
DEMANDEUR A LA SAISINE :
Monsieur [R] [X]
né le 04 Mars 1973 à [Localité 8] (69)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté sur l'audience par Me Nicolas BESSET, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSES A LA SAISINE
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT en la personne de Maître [T] [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS AVETEC
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non représenté : signification arrêt de cassation le 31/07/2024 - Dénonce et signification conclusion le 03/10/2024 à personne habilitée
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 4]
et venant aux droits de l' UNEDIC DELEGATION AGS C.G.E.A. DE [Localité 9]
Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, sis
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Non représenté : signification arrêt de cassation le 19/07/2024 - Dénonce et signification conclusion le 30/09/2024 à personne habilitée
Ordonnance de Clôture du 25 Fevrier 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 MARS 2025,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier : Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier lors des débats
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [X] a été engagé le 9 février 2015 par la société Avetec Agencements en qualité de conducteur de travaux dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet soumis à la convention collective nationale des cabinets d'architecte.
Le 23 juin 2015, reprochant à son salarié des retards dans son travail ainsi que des absences injustifiés la société Avetec Aménagements a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 juillet 2015.
Le 24 juin 2015, M. [X] a été placé en arrêt de travail.
Il a été licencié pour faute simple par une lettre du 8 juillet 2015.
M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon le 21 août 2015, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale.
Par un jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Avetec Agencements et désigné la Selarl Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 24 mars 2020, ce conseil a constaté la péremption d'instance et mis les dépens à la charge de M. [X].
Par un arrêt du 13 décembre 2022, la cour d'appel de Nîmes a confirmé cette décision, débouté les parties de leurs demandes et condamné M. [X] à verser à la société 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.
Statuant sur le pourvoi formé par M. [X], la Cour de cassation a, par arrêt du 29 mai 2024, cassé en toutes ses dispositions l'arrêt déféré, et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, aux motifs suivants :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater la péremption d'instance, alors « qu' en matière prud'homale, le point de départ du délai de péremption ne court pas du jour de non-réalisation de l'obligation mise à la charge du demandeur mais uniquement à partir du jour où le conseil de prud'hommes, dans sa formation de jugement, décide après avoir constaté le défaut de diligence, d'ordonner la radiation de l'affaire ; qu'en l'espèce, en faisant courir le délai de péremption non pas à compter de l'ordonnance du 28 juin 2016 prononçant la radiation de l'affaire, mais à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti par le conseil de prud'hommes lors de l'audience de conciliation du 29 septembre 2015 pour conclure, soit le 30 novembre 2015, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
5. Selon ce texte, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
6. Ne constituent pas de telles diligences, les indications relatives à la fixation des délais, données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.
7. Pour déclarer l'instance périmée, l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription conformément aux dispositions susvisées, court à compter de l'expiration du délai qui avait été imparti au salarié pour conclure, soit le 30 novembre 2015. Il ajoute qu'un délai supérieur à deux ans s'est écoulé entre cette date et la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, le 27 juin 2018.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société, alors « que la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions ne peuvent être exercés par le liquidateur ; qu'en le condamnant à payer la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS Avetec Agencements placée en liquidation judiciaire par jugement rendu le 23 juin 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon, bien que le liquidateur judiciaire assigné en intervention forcée devant la cour d'appel n'ai pas constitué avocat, de sorte que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande à son encontre, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 649-1 du code de commerce :
10. Selon ce texte, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation par le liquidateur.
11. La cour d'appel a condamné le salarié à payer la somme de 600 euros à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas été saisie d'une telle demande par le liquidateur de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé.'
Le 3 juillet 2024, M. [X] a saisi la cour sur renvoi de cassation.
Il a fait signifier l'arrêt de la Cour de cassation par acte de commissaire de justice, en date des 19 et 31 juillet 2024, à l'AGS et à la société Balincourt, ès qualités.
' Aux termes de ses conclusions remises le 24 septembre 2024, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de fixer la moyenne de ses salaires à 2 500 euros bruts mensuels et de fixer ses créances au passif de la société Avetec Agencements aux sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice :
- 6 807, 56 euros bruts au titre des heures supplémentaires,
- 680, 75 euros bruts au titre de l'incidence congés payés sur heures supplémentaires,
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,
- 264, 80 euros à titre de rappel de frais,
- 25 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 9 900 euros bruts au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence,
M. [X] demande également à la cour d'inscrire les dépens de la procédure au passif de la liquidation judiciaire de la société, de juger la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 9], et d'ordonner à la Selarl Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Avetec Agencements, de lui remettre une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.
' Par actes de commissaire de justice, en date des 30 septembre 2024 et 03 octobre 2024, M. [X] a fait signifier à l' AGS et à la SELARL Etude Balincourt la déclaration de saisine, les conclusions et pièces, lesquels, conformément aux dispositions de l'article 902 du code de procédure civile, leur précisent que, faute pour elles, d'une part, de constituer avocat ou défenseur syndical, dans le délai de 15 jours à compter de celle-ci et, d'autre part, de conclure dans le délai mentionné à l'article 910, elles s'exposent non seulement à ce qu'un arrêt soit rendu contre elles sur les seuls éléments fournis par son adversaire, mais à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.
Les intimés n'ont pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par une ordonnance en date du 25 février 2025.
MOTIVATION :
Sur la péremption :
En application de l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, applicable en l'espèce, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Il est de droit que ne constituent pas de telles diligences, les indications relatives à la fixation des délais, données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.
Par suite, c'est par des motifs erronés que les premiers juges ont retenu que le point de départ du délai de péremption court à compter de l'expiration du délai qui avait été imparti au salarié pour conclure, soit le 30 novembre 2015 et de prononcer la péremption au constat qu'un délai supérieur à deux ans s'était écoulé entre cette date et la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, le 27 juin 2018.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la péremption.
Sur les heures supplémentaires :
Au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 6 807, 56 euros bruts de ce chef, l'appelant expose avoir fait part à l'employeur dès le 10 juin 2015 du harcèlement et du stress qu'il imposait à ses équipes pour mener à bien les chantiers en cours, le contraignant à travailler le week-end et certains jours fériés. Il indique s'être plaint auprès de l'inspecteur du travail de la pénibilité de ses conditions de travail par le rythme intenable qui lui était imposé avec des grandes distances à parcourir pour suivre les chantiers sur [Localité 13], [Localité 10], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 12]. Il fait valoir qu'il travaillait en moyenne quotidiennement 2 heures de plus que les horaires prévus à son contrat, qu'il a été amené également à travailler des samedis et des dimanches certains chantiers ayant subis des retards qui ne lui étaient pas imputables.
Le mandataire liquidateur et l'AGS n'ont pas constitué devant la première cour d'appel ; la société a déposé des conclusions à une date où elle était encore in bonis aux termes desquelles elle a notamment réfuté l'accomplissement par le salarié d'heures supplémentaires et conclu au fait que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
À l'appui de sa réclamation, M. [X] qui avait en charge la supervision des chantiers réalisés dans une grande partie de la France ([Localité 10], [Localité 13], [Localité 6], [Localité 12]) verse aux débats les éléments suivants :
- un décompte des 272 heures supplémentaires qu'il indique avoir accomplies, présenté comme suit :
' février : 30 heures supplémentaires journalières, avec l'annotation 'sachant que je faisais 2h au minimum/jour de plus,
' mars : 48 heures supplémentaires journalières + 3 heures samedi 8 mars et +3 heures dimanche 9 mars,
' avril : 42 heures supplémentaires journalières + 3 heures les samedis 11, 18 et 25 avril, soit un total ce mois-ci de 54 heures supplémentaires, et dimanches 12, 19 et 26 avril, soit un total de 60 heures supplémentaires.
' mai : 34 heures supplémentaires journalières + vendredi 8 mai + 8 heures, + jeudi 14 mai +8heures, + les samedis 2, 9, 16 et 30 mai +3 heures, le samedi 23 mai +12 heures (+ retour sur domicile) dimanche 3, 10, 17 et 31 mai +3 heures, dimanche 24 mai +8 heures. Lundi 25 mai 8 heures, soit un total de 78 heures supplémentaires.
' juin : 30 heures supplémentaires.
- un tableau du calcul financier de sa réclamation, aux termes duquel les majorations des heures supplémentaires sont calculées au mois ;
- l'attestation pôle emploi de laquelle il ressort que l'employeur ne lui a versé sur ces 5 mois travaillés aucune heure supplémentaire,
- l'échange de messages du 15 juin 2015, quelques jours avant son arrêt maladie qui se prolongera jusqu'au licenciement, aux termes duquel le salarié réplique à l'employeur qui lui répond ne pas exercer de harcèlement que 'si, il y a du harcèlement et du stress depuis des semaines je travaille sans aucun week-end même le 8 mai j'ai travaillé [...]'.
Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, il n'est pas établi que l'employeur a justifié des heures de travail accomplies par le salarié par tout moyen, telles que des fiches horaires hebdomadaires.
Le tableau de calcul financier de la réclamation versé aux débats est non conforme au droit, le salarié appliquant les majorations de 25 et 50% au mois et non à la semaine, entraînant une sur représentation des heures majorées à 50%. Par ailleurs, il est évoqué l'éloignement de certains chantiers alors même que les temps de déplacement pour se rendre depuis son domicile sur les chantiers ou en revenir ne constituent pas du temps de travail effectif mais doivent donner lieu à contrepartie en repos ou financière dès lors que ces déplacements excèdent le temps normal de trajet.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réclamation du salarié est partiellement justifiée à hauteur de 4 500 euros bruts, outre 450 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Même si l'employeur ne justifie pas des heures effectivement réalisées, la preuve de son intention de se soustraire à ses obligations n'est pas suffisamment rapportée. M. [X] sera débouté de sa demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé.
Sur le remboursement des frais :
Hormis un décompte et la lettre de l'employeur lui demandant le 23 juillet 2015 de préciser au dos de chaque tickets, les noms des personnes invitées et celui du chantier auquel ces notes font référence, M. [X] ne fournit pas d'élément de preuve de frais qu'il aurait exposés dans l'intérêt de l'employeur et que ce dernier ne lui auraient pas remboursés. Cette réclamation sera rejetée.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail :
Au soutien de sa réclamation, M. [X] reproche à l'employeur de ne pas avoir veillé au repos de son salarié alors qu'il avait une parfaite connaissance du travail qui lui était imposé au mépris de tout repos élémentaire, ce qui a entraîné son arrêt de travail et de ne pas lui avoir payé ses heures supplémentaires.
Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail, qui incombe à l'employeur. Alors que la charge de la preuve du respect des temps de repos incombe à l'employeur ce dernier ne fournit aucun élément en ce sens. Le salarié était par ailleurs créancier d'heures supplémentaires, dans un contexte où l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre un dispositif permettant de déterminer les horaires de son salarié.
L'exécution déloyale du contrat de travail sera réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts.
Sur la cause du licenciement :
Convoqué le 23 juin 2015, à un entretien préalable fixé au 3 juillet suivant, et mis à pied à titre conservatoire, M. [X] a été licencié par lettre du 8 juillet 2015, énonçant les motifs suivants :
« Vous ne vous êtes pas présenté le 3 juillet 2015 à l'entretien auquel nous vous avions convoqué.
Vous n'en avez pas demandé le report et vous ne nous avez adressé aucunes explications à votre comportement récent, comportement amplement dépeint dans notre courriel du 22 juin
2015 qui précédait et annonçait votre convocation.
En l'état nous ne pouvons donc que prononcer votre licenciement en raison de graves négligences dans le suivi des dossiers, notamment PIZZA DE NICO à [Localité 6], BIJOU BRIGITTE à [Localité 10] et [Localité 13].
Ces manques de conscience professionnelle, de compétences et d'investissement ont conduit à des retards et des malfaçons considérables, au mécontentement des clients qui ont remis en
cause leurs relations avec la Société, immédiatement ou pour l'avenir.
Vos collègues et moi-même avons dû, malgré notre propre charge de travail, reprendre dans
l'urgence, trop tard et sans disposer des connaissances utiles, des chantiers largement abandonnés dans lesquels les difficultés s'accumulaient.
Or, au lieu de nous aider à remédier à ces situations périlleuses vous avez cessé d'être joignable à compter du 19 juin 2015. Votre préavis de deux semaines débutera à la première présentation de ce courrier. [...] »
En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
S'il ressort des échanges de correspondances et courriels produits par le salarié que des retards ont effectivement été enregistrés sur plusieurs chantiers supervisés par le salarié, il ne résulte d'aucune pièce que cette situation soit imputable à un manquement de M. [X] à ses obligations contractuelles. Par ailleurs, le salarié ne conteste pas qu'il a été difficilement joignable du vendredi 19 au lundi 22 juin, mais il fait observer, sans être contredit sur ces points, que le vendredi 19 juin, le responsable de la société sous-traitante Habitat-Peinture été victime d'un accident vasculaire cérébral sur le chantier de [Localité 13], ce qui a entraîné l'arrêt du chantier ce jour-là, son incapacité à pouvoir travailler le vendredi, son médecin traitant lui prescrivant, à l'issue du week-end qui a suivi, le 22 juin 2015, son placement en arrêt maladie.
Aucun des manquements reprochés au salarié n'étant caractérisé et au bénéfice du doute qui bénéficie au salarié sur le fait qu'il n'a pu être joint le vendredi 19 juin, le licenciement sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du licenciement :
Au jour de la rupture, M. [X] âgé de 42 ans bénéficiait d'une ancienneté de 5 mois au sein de la société Avetec. Il percevait un salaire mensuel brut de 2 500 euros.
M. [X] justifie s'être inscrit à Pôle-emploi. Il ne communique aucun autre élément sur l'évolution de sa situation professionnelle.
Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge du salarié au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 7 500 euros.
Sur la contrepartie pécuniaire de la cause de non concurrence :
Le contrat de travail stipulait une clause de non concurrence aux termes de laquelle en contrepartie de cette obligation l'employeur s'engageait à verser au salarié pendant une durée d'un an 33 % du salaire brut mensuel lequel s'établissait à 2500 euros, sauf faculté pour l'employeur de dispenser le salarié de cette obligation de non-concurrence à charge de l'en prévenir dans les 15 jours suivant la notification de la rupture du contrat.
En l'espèce le salarié soutient sans être démenti sur ce point que l'employeur ne lui a pas notifié la dispense de cette obligation dans le délai requis par le contrat de travail de sorte qu'il est bien fondé à solliciter la contrepartie financière du soit la somme de 9900 euros bruts, laquelle sera fixée au passif de l'entreprise.
Sur les demandes accessoires :
Il sera ordonné au représentant de la société liquidée de délivrer au salarié les documents de fin de contrat.
En revanche, la demande d'assortir cette injonction d'une astreinte n'étant pas nécessaire à en garantir l'exécution, elle sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau sur le tout,
Dit n'y avoir lieu à péremption de l'instance et déclare l'action de M. [X] recevable,
Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Fixe ainsi que suit les créances de M. [X] au passif de la société Avetec :
- 4 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre 450 euros au titre des congés payés afférents,
- 3 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 7 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 9 900 euros bruts au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence,
Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Déboute M. [X] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de rappel de frais,
Ordonne à la Selarl Balincourt, ès qualités, de remettre à M. [X] les documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.
Rejette la demande d'astreinte.
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision, sous réserve des dispositions des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, en vertu desquelles le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT