CA Versailles, ch. civ. 1-6, 7 mai 2025, n° 24/02163
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Caractere (SCI)
Défendeur :
Liesse Auto Ecole (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pages
Conseillers :
Mme Michon, Mme Nerot
Avocats :
Me To, Me Lambert, Me Baudoin
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte sous seing privé du 24 octobre 2016, la SCI Caractère a donné à bail commercial au dirigeant de la SASU Liesse Auto-Ecole en cours de constitution, dont l'activité porte sur la formation à la conduite et deux-roues, stage de récupération de points, un local commercial à usage de bureaux d'auto-école situé [Adresse 2] à Saint-Ouen-l'Aumône (95).
Lors de la prise d'effet de ce bail, ces locaux qui ne disposaient pas d'une indépendance quant à la fourniture d'électricité, nécessitaient des travaux, de sorte que les parties sont convenues, selon une 'clause particulière' manuscrite de ce contrat que:
'Le locataire s'engage à réaliser tous les travaux nécessaires à l'exploitation de son activité. Le bailleur s'engage à faire la demande du consuel électrique après que le locataire ait effectué tous les travaux d'électricité à sa charge. En cas de refus du consuel, le locataire s'engage à effectuer les travaux aux normes selon demande du consuel en vue de son obtention'.
Par une mention également manuscrite figurant en fin du contrat de bail, elles convenaient en outre que 'dans l'attente des travaux, le locataire versera à la société BSN une indemnité pour le courant électrique de 60 euros mensuels'.
La bailleresse qui se prévaut de la parfaite exécution de ses propres obligations, s'agissant de l'installation d'un compteur électrique Linky prêt à fonctionner, expose qu'en revanche la locataire a manqué à celles qui lui incombaient, s'agissant du paiement de l'indemnité forfaitaire concernant la fourniture d'électricité, de la justification d'une police d'assurance et de l'exécution de travaux en méconnaissance des termes du bail. Si bien qu'elle lui a fait délivrer, le 24 mars 2021, un commandement de payer la somme de 3.330,24 euros au titre des charges d'électricité contractuelles et de justifier d'une police d'assurance contre les risques locatifs, lequel visait la clause résolutoire contractuelle.
Par acte du 22 avril 2021, la société Liesse Auto-Ecole a assigné la bailleresse en contestation de la validité de ce commandement, demandant en outre au tribunal saisi qu'il soit fait injonction à la bailleresse de justifier du raccordement conforme au local du compteur électrique.
Par jugement contradictoire rendu le 29 janvier 2024 le tribunal judiciaire de Pontoise, rappelant que sa décision est assortie de l'exécution provisoire, a :
prononcé la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par la SCI Caractère à l'égard de la société Liesse Auto-Ecole en date du 24 mars 2021,
fait injonction à la SCI Caractère d'avoir à justifier auprès de son preneur du raccordement conforme du local loué à la société Liesse Auto-Ecole au compteur électrique,
condamné la société Liesse Auto-Ecole à verser à la SCI Caractère la somme de1.519,77 euros au titre des loyers restant dus, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2022,
débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné la SCI Caractère à verser à la société Liesse Auto-Ecole la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens de la présente procédure.
Par dernières conclusions (n°2) notifiées le 11 février 2025, la société civile immobilière Caractère, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 05 avril 2024, demande à la cour, au visa du bail commercial et des articles L145-41 et suivants du code de commerce, 1103 et 1353 du code civil :
de déclarer recevable et bien fondé l'appel de la SCI Caractère,
d'infirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions et en conséquence, statuant à nouveau :
de déclarer irrecevables et infondées (sic) les demandes de la société Liesse Auto-Ecole,
à titre principal
de débouter la société Liesse Auto-Ecole de l'ensemble de ses demandes,
à titre reconventionnel
de condamner la société Liesse Auto-Ecole au paiement de la somme de 6.060 euros à titre d'arriérés de charges d'électricité arrêtés au 11 février 2025 avec intérêts de droit à compter du commandement du 24 mars 2021 sur la somme de 3.180 euros,
de condamner la société Liesse Auto-Ecole au paiement de la somme de 5.052,04 euros à titre d'arriérés de loyers et de charges selon décompte arrêté au 30 juin 2024 avec intérêts au taux légal à compter de la décision à venir,
par ailleurs
de constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail commercial pour défaut de paiement des charges et défaut de justificatif des assurances, causes visées au commandement de payer en date du 24 mars 2021,
de constater la résiliation du bail commercial au 12 avril 2021,
de constater que la société Liesse Auto-Ecole occupe sans droit ni titre les locaux objets du bail commercial, depuis cette date,
subsidiairement
de prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial en date du 12 avril 2021,
en conséquence
d'ordonner l'expulsion de la société Liesse Auto-Ecole, de ses biens et de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
de condamner la société Liesse Auto-Ecole à payer à compter de la résiliation du bail une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, jusqu'à complète libération des lieux,
de condamner la société Liesse Auto-Ecole à verser à la SCI Caractère les charges et les taxes dues, 'sus' de l'indemnité d'occupation, pour les locaux objets du bail commercial,
d'autoriser la SCI Caractère à saisir et à faire séquestrer dans tel garde-meubles qu'il lui plaira aux frais, risques et périls du défendeur, les biens meubles et objets mobiliers trouvés dans les locaux objets du bail commercial,
d'autoriser la SCI Caractère à procéder à toutes saisies, ventes des meubles, immeuble, véhicules appartenant au défendeur jusqu'au paiement intégral de la dette,
d'ordonner que la vente du mobilier et du matériel se trouvant dans les lieux sera effectuée conformément aux dispositions des articles R 221-30 à R 221-40 du code 'de procédure civile d'exécution',
d'ordonner que l'ensemble des frais de l'exécution forcée de la décision à intervenir seront à la charge de la société Liesse Auto-Ecole,
en toute hypothèse
de condamner la société Liesse Auto-Ecole aux entiers dépens, 'majoré' des frais de commandement de payer du 24 mars 2021, de saisie, vente et d'expulsion,
d'assortir toutes les condamnations à intervenir de l'intérêt au taux légal à compter de chaque date d'exigibilité des sommes dues, avec anatocisme,
de condamner la société Liesse Auto-Ecole à payer à la SCI Caractère la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (première instance'tribunal judiciaire),
de condamner la société Liesse Auto-Ecole à payer à la SCI Caractère la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel.
Par dernières conclusions (n°1) notifiées le 03 octobre 2024, la société par actions simplifiée unipersonnelle Liesse Auto-Ecole, visant les articles L 145-41 du code de commerce et 1104 du code civil, prie la cour :
de confirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions,
de débouter la société Caractère de l'ensemble de ses demandes,
de condamner la SCI Caractère à verser la somme de 3.000 euros à la société Liesse Auto-Ecole au titre des frais irrépétibles (ainsi qu') aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire
Il convient de rappeler que pour faire droit à la demande de la preneuse, le tribunal, déduisant que la somme en principal de 3.180 euros globalement réclamée dans le commandement correspondait à 53 mois d' 'indemnités pour le courant électrique', a considéré, au terme de son appréciation des faits de l'espèce, que sont visées des charges d'électricité, sans décompte et sans aucune mise en demeure préalable, sans référence aux dates des impayés, et sans la justification que ces impayés étaient dus, que cet acte revêt en conséquence une imprécision entachant sa validité, que la bailleresse n'a jamais sollicité le paiement de ces sommes ni la révision du bail, et qu'elle est demeurée depuis sa signature imprécise sur le montant des provisions sur charges, ceci pour conclure que, dans ces conditions et sans qu'il ne soit besoin de statuer sur la bonne ou mauvaise foi de la bailleresse, il y avait lieu de prononcer la nullité du commandement.
Se prévalant de sa validité, l'appelante soutient que le commandement satisfaisait aux conditions de l'article L 145-41 du code de commerce, qu'il était précis en ce qu'il visait 'un principal au titre des charges pour l'électricité (indemnité pour le courant électrique de 60 euros mensuels due contractuellement)' pour un montant global de 3.180 euros, outre le coût de l'acte, qu'est inopérant le grief de son adversaire tiré d'un défaut de facturation ou de quittances (dont l'objet est de confirmer un paiement), qu'aucune régularisation n'était nécessaire puisque l'indemnité convenue était fixe, que son adversaire n'a procédé à aucun paiement de la somme convenue et qu'il ne peut être soutenu qu'elle s'est durablement abstenue de la réclamer du fait que des demandes en paiement ont été faites depuis la conclusion du bail.
Elle conteste en outre une mise en oeuvre de la clause résolutoire de mauvaise foi, estimant cumulativement que le manque de clarté du bail reproché est sans lien avec cette mise oeuvre; qu'en toute hypothèse la clause relative à l'indemnité litigieuse est parfaitement claire puisqu'elle est due dans l'attente de la finalisation des travaux de la preneuse, quelle qu'en soit la date et sans qu'il puisse être soutenu qu'elle devait l'être à titre temporaire en précisant qu'elle a elle-même accompli ses propres obligations tandis que la preneuse n'a pas procédé aux travaux lui permettant d'acquérir son indépendance énergétique et ne peut se prévaloir de sa propre turpitude; que la preneuse reconnaît qu'elles sont convenues de cette indemnité, que la commune intention des parties a été que le versement soit fait entre les mains d'une société BSN, s'agissant d'une locataire de la SCI Caractère d'un fonds attenant à celui de la société Liesse Auto-Ecole (la SCI Caractère et la société BSN ayant même gérante) et que l'intimée ne justifie pas de son paiement ; que cette dernière se borne à affirmer péremptoirement que le montant de cette indemnité est exorbitant ; que le tribunal ne pouvait lui reprocher d'avoir attendu 4 ans et 5 mois pour réclamer cette somme alors qu'elle a multiplié les démarches auprès de sa locataire et que sa patience ne vaut nullement renonciation ; qu'enfin, la preneuse ne peut lui opposer l'interdiction de revente d'électricité dès lors que la Cour de cassation admet que sa charge peut être répercutée.
Pour finir, elle estime que le grief adverse relatif au défaut de conformité du bail quant à la répartition des charges ou la référence à l'indice du coût de la construction est dépourvu de lien avec le présent litige et soutient que les difficultés de communication alléguées ne sont que prétendues.
Approuvant la motivation du tribunal l'intimée rétorque que ce commandement de payer est imprécis quant aux échéances et dates d'impayés concernant des sommes jamais réclamées.
S'y ajoute, à son sens, une mise en oeuvre de mauvaise foi qui le prive d'effet puisqu'il est ici question de charges alors que l'article 6 du bail ne prévoit pas le paiement de provisions ; que s'il a été convenu d'un versement forfaitaire conditionné au raccordement électrique qui incombe à la bailleresse, celui-ci devait être exécuté, dans un environnement contractuel limpide dès lors que le mécanisme d'acquisition de la clause résolutoire a des conséquences 'gravissimes' ; qu'il devait être ici opéré entre les mains d'une société BSN qui lui est inconnue ; que cette somme ne lui a été réclamée qu'à compter de février 2020, qu'elle est excessive en regard de l'exercice de son activité, qu'elle n'avait vocation à s'appliquer que durant un temps limité, que l'intervention de la bailleresse était indispensable puisqu'à la suite des travaux qu'elle a elle-même effectivement réalisés, le raccordement nécessitait le percement de murs et un passage par des parties communes de l'immeuble (évoquant une malheureuse tentative de raccordement par un prestataire incompétent de la bailleresse qui s'est soldée par le percement d'une canalisation et un dégât des eaux) ;
qu'enfin, aucune facture ne lui est adressée et que la revente d'électricité est prohibée.
Elle entend , de plus, souligner que ce bail, bien que conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi dite Pinel du 18 juin 2014 ne lui est pas conforme, notamment quant à la répartition explicite des charges et quant à la référence à l'indice du coût de la construction et qu'il conviendrait de mettre le contrat en conformité par voie d'avenant ; qu'en outre, identifiant quatre interlocuteurs successifs différents (pièces n° 7 à 10) la gestion du bien est teintée d''amateurisme', ce qui nuit à la relation contractuelle.
Ceci étant exposé, aux termes de l'article 17 du contrat de bail intitulé 'clause résolutoire' 'Il est expressément convenu qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou qu'à défaut de remboursement à leur échéance exacte de toutes sommes accessoires audit loyer notamment provisions, frais, taxes, impositions, charges ou en cas d'inexécution de l'une quelconque des clauses et conditions du présent bail celui-ci sera résilié de plein droit un mois après un commandement de payer ou d'exécuter demeuré infructueux, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice (...)'.
Le commandement visant la clause résolutoire délivré le 24 mars 2021 évoquait, comme il a été dit, deux manquements, l'un portant sur l'inexécution d'une clause du bail, l'autre sur un défaut de paiement.
Sur la justification d'une police d'assurance
L'appelante rappelle que le commandement demandait à la locataire de justifier 'd'une assurance contre les risques locatifs et, notamment, de justifier que vous disposez de garanties pour entreposer des véhicules voitures et motos dans les locaux' en visant l'article 13 du contrat selon lequel :
'le preneur devra assurer et maintenir assuré, auprès d'une compagnie d'assurance notoirement solvable, les biens loués, les aménagements, les objets mobiliers, matériels et marchandises contre l'incendie, les risques locatifs, les risques professionnels, le recours des voisins et des tiers, les dégâts des eaux, la recherche de fuites, les explosions, les bris de glace, tous dommages matériels et immatériels et généralement tous les autres risques.
Le preneur devra maintenir et renouveler ces assurances pendant toute la durée du bail, acquitter régulièrement les primes et cotisations et justifier du tout à toute réquisition du bailleur et au moins annuellement'.
Elle relate qu'elle a pu constater le stockage de véhicules dans les locaux loués et se borne à dire, sans plus de développements sur ce manquement (même dans son argumentation subsidiaire au soutien de sa demande de résiliation du bail), que le commandement était parfaitement clair.
Ce faisant, outre le fait qu'elle n'évoque aucune 'réquisition' antérieure au commandement de payer, elle laisse sans réponse l'affirmation de son adversaire qui soutient qu'il est bien assuré et en administre la preuve en produisant aux débats une attestation d'assurance de la société ACM Iard SA (pièce n° 12).
Etant, de plus, relevé qu'à l'examen de la synthèse de l'argumentation des parties par le tribunal et de sa motivation, ce manquement ne paraît pas avoir été débattu en première instance, ne saurait prospérer dans ces conditions la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire fondée sur cette contravention aux clauses du bail.
Sur l' 'indemnité pour le courant électrique'
Il est acquis que préalablement à la mise en oeuvre d'un commandement de payer visant la clause résolutoire, il appartient au bailleur de démontrer qu'a été violée une obligation expressément prévue au contrat.
De plus, est nul un tel commandement délivré à un locataire dont les imprécisions ne lui permettent pas de vérifier la réalité et l'étendue de sa dette afin de pouvoir prendre la mesure de ce qui lui est demandé et d'y satisfaire dans le délai imparti, s'agissant du délai d'un mois en application de l'article L 145-41 du code commerce, d'ordre public.
Enfin, ne peut produire effet un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail que s'il est délivré de bonne foi, conformément à l'exigence posée à l'article 1104 du code civil.
Au cas particulier et sur le premier de ces points, l' 'indemnité' convenue expressis verbis par les parties peut se définir (selon le dictionnaire du droit privé de [I] [L]) comme étant une 'compensation financière destinée à réparer un dommage' et dans le commandement litigieux, la bailleresse qualifie sa demande en principal de 'charge'.
Outre le fait que le bail en cause ne répond pas aux exigences de ventilation des charges introduite par le dispositif dit Pinel qui requiert notamment leur régularisation annuelle et la mise à disposition de leurs justificatifs au preneur à bail, sauf à conclure que la créance n'est pas établie comme a pu en juger la Cour de cassation (Cass civ 3ème, 17 septembre 2020, pourvoi n° 19-14168, publié au bulletin), l'intimée fait justement valoir que le paiement provisionnel de charges n'est pas entré dans le champ contractuel, l'article 6 y afférent stipulant :
'Le preneur versera, à chaque terme du loyer, en sus du loyer, une provision de ' euros . Il sera procédé à une régularisation en fin d'exercice et la provision sera réclamée chaque année en fonction des dépenses engagées. En outre, il réglera à chaque terme, en sus du loyer, ' euros de la contribution annuelle sur les revenus locatifs, l'intégralité de la contribution annuelle sur les revenus locatifs ou la TVA ou d'assujettissement de plein droit'.
Par suite, il ne peut être prétendu à la violation d'une obligation expressément prévue au contrat mais tout au plus d'un accord sur le versement provisionnel d'une 'indemnité de 60' mensuels' figurant au bas du contrat
De plus, sur le deuxième de ces points, si le commandement impartissait un délai d'un mois pour satisfaire à la demande de paiement faite par la société Caractère, l'obscurité de son destinataire contractuel, à savoir la société BSN (tiers au contrat, non attraite en la cause et dont il n'est pas établi ni même prétendu qu'elle ait reçu mandat), ne peut qu'être retenue.
Il en va de même du caractère potestatif de cette clause puisque la dispense de paiement de cette somme 60 euros par mois reposait sur l'obligation par la bailleresse de procéder au raccordement litigieux qui dépendait de sa seule volonté.
Sur cette obligation de raccordement, il peut incidemment être énoncé que la Cour de cassation a pu juger qu'elle incombait au bailleur en l'absence de stipulation expresse du bail la mettant à la charge du preneur (Cass civ 3ème, 11 octobre 2018, pourvoi n° 18-553, inédit).
Enfin, s'agissant du dernier de ces points, il est constant qu'il est attendu de tout contractant qu'il agisse avec loyauté, comme cela résulte des dispositions de l'article 1104 du code civil, et que force est de considérer que les conditions de délivrance du commandement après une longue période de passivité ne permettent pas de juger que la bailleresse a satisfait à cette exigence, de sorte que peut être retenu un comportement de mauvaise foi venant paralyser le jeu de la clause résolutoire.
Il s'évince de tout ce qui précède que la société Caractère ne peut se prévaloir de la validité du commandement auquel la preneuse a justement fait opposition et que doit être confirmé le jugement qui en décide ainsi.
Sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail
Visant les articles 1217, 1244 et 1741 du code civil relatifs à la sanction du défaut d'exécution d'un engagement, à sa nécessaire gravité et aux motifs de résolution d'un contrat de bail, la SCI Caractère se prévaut de multiples manquements, à savoir le défaut de règlement de l'indemnité au titre des charges d'électricité (au montant de 6.060 euros selon actualisation au 11 février 2025), l'absence de justification des contrats d'assurance et le défaut de paiement des loyers (au montant de 5.052,04 euros suivant un décompte arrêté au 30 juin 2024 produit en pièce n° 15).
Mais, s'agissant des deux premiers de ces manquements, ils ne sauraient être retenus eu égard à la motivation qui précède et à laquelle la cour se réfère.
Concernant le défaut de paiement des loyers, la bailleresse n'apporte pas de réponse à la preneuse qui ne le contestait pas mais objectait, dans ses uniques conclusions du 03 octobre 2024, que, désireuse de poursuivre la relation contractuelle à la faveur de la conclusion d'un avenant régularisant les termes du bail, elle ne s'opposait pas à leur paiement dans les plus brefs délais tout en soulignant (sans opposer une fin de non-recevoir) que cette demande de résolution est formulée pour la première fois en cause d'appel et qu'elle n'a été précédée d'aucune mise en demeure, ceci pour conclure que ce manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution du bail.
Il apparaît qu'est requise, en application des articles 1224 et 1226 du code civil et en matière de baux commerciaux, une mise en demeure préalable sauf lorsque des circonstances particulières la rendent vaine, comme cela ressort de la doctrine de la Cour de cassation (Cass com 18 octobre 2023, pourvoi n° 20-21579, publié au bulletin // Cass civ 3ème, 25 janvier 2024, pourvoi n° 22-16583, inédit) et que tel n'est pas le cas en l'espèce, étant de plus relevé que, dans ses conclusions en réponse du 11 février 2025, la bailleresse n'actualise pas sa demande comme elle le fait pour ce qui concerne les charges d'électricité, et ne produit pas de mise en demeure à laquelle les quatre mois écoulés depuis ces conclusions adverses lui laissaient le loisir de procéder.
Dans ces circonstances factuelles, la SCI Caractère ne peut se prévaloir d'inexécutions suffisamment graves, au sens de l'article 1224 du code civil pour justifier la résolution judiciaire du bail.
Elle sera en conséquence déboutée de cette autre demande de résiliation judiciaire du bail comme en toutes celles qui lui sont subséquentes.
Sur le surplus des demandes au fond
Sur l'injonction de procéder aux travaux de raccordement
Tandis que l'intimée poursuit la confirmation du jugement qui a enjoint à la bailleresse d'y procéder, sans toutefois assortir son injonction de mesures coercitives, en considérant que ces travaux étaient à la charge de la bailleresse, cette dernière, sans formuler cette demande dans son dispositif sollicite néanmoins l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et consacre des développements à cette demande.
Il convient de considérer que le tribunal, rappelant l'obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur et portant une appréciation sur les éléments qui lui étaient fournis, a justement jugé comme il l'a fait.
A cet égard, si la preneuse fait état, comme en première instance, d'une tentative d'exécution défectueuse ayant causé un dégât des eaux, un courriel du 27 février 2020 (pièce n° 3 de l'intimée) permet d'en attester.
Il y a lieu d'ajouter que cette obligation s'impose par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, que le bien loué doit pouvoir être exploité par le preneur conformément à la destination envisagée dans le bail (la preneuse exposant liminairement sans être contredite qu'elle a demandé que les travaux lui permettant une indépendance énergétique soient réalisés avant la signature du bail mais que cela lui a été refusé) et qu'en outre, cette injonction est conforme à la doctrine sus-évoquée de la Cour de cassation relative à la charge de l'obligation de raccordement.
Ainsi, il n'y a pas à lieu à infirmation du jugement en cette disposition.
Sur les demandes reconventionnelles en paiement
Si la bailleresse poursuit le paiement de la somme 6.060 euros au titre d'un arriéré de charges d'électricité et que la preneuse ne conteste pas un défaut de paiement à ce titre, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas justifié du quantum de la créance ainsi réclamée, comme il est dit ci-avant, de sorte qu'elle est, en l'état, irrecevable en cette demande.
Pour ce qui est de la demande de condamnation au paiement de la somme de 5.052,04 euros outre intérêts à compter de la décision à intervenir au titre de la taxe foncière et des loyers, elle ressort d'un décompte arrêté au 30 juin 2024 (pièce n° 15).
La bailleresse ajoute à sa production de pièces de première instance les avis de taxes foncières pour les années 2020 et 2021 (pièces n° 16 et 17), lesquelles, aux termes de l'article 12 du bail, doivent être remboursées par la preneuse.
De l'examen des deux avis seuls produits, il ressort toutefois que la preneuse est redevable de la somme totale de 1.363,05 euros (soit : 669,66 + 693,39 euros) et non point de la somme totale de 2.394,60 euros (838,55 + 862,66+ 693,39 euros) comptabilisée à ce titre dans ledit décompte. De sorte que doit être déduite de la créance réclamée leur différence, soit la somme de 1.031,55 euros.
S'agissant des loyers régulièrement mais imparfaitement réglés, comme sur les impayés afférents aux taxes foncières la preneuse ne consacre pas de développements à leur contestation pas plus qu'elle ne justifie de leur acquittement, offrant même d'y procéder.
Si bien qu'au vu de ces éléments, il sera fait droit à cette demande en paiement à ces deux derniers titres, ceci à hauteur de la somme de 4.020,49 euros (soit : 5.052,04 - 1.031,55 euros) par actualisation du quantum de la condamnation prononcée par les premiers juges.
Sur les autres demandes
L'équité commande de condamner la SCI Caractère qui succombe en l'essentiel de ses réclamations à verser à l'intimée une somme complémentaire de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutée de ce dernier chef, l'appelante supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement entrepris, sauf à actualiser le montant de la créance locative, et statuant à nouveau en y ajoutant ;
Déboute la société civile immobilière Caractère de sa demande subsidiaire en résiliation judiciaire du bail et en l'ensemble de ses demandes subséquentes ;
Déclare la SCI Caractère irrecevable en sa demande en paiement de charges au titre des consommations électriques de la société par actions simplifiée unipersonnelle Liesse Auto-Ecole;
Condamne la société Liesse Auto-Ecole à verser à la SCI Caractère la somme de 4.020,49 euros au titre sa créance locative arrêtée au 30 juin 2024 outre intérêts au taux égal à compter de la signification du présent arrêt ;
Condamne la SCI Caractère à verser à la société Liesse Auto-Ecole SASU la somme complémentaire de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.