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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 7 mai 2025, n° 22/03993

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ACJ (SARL), Night Entertainment Group (SARL)

Défendeur :

Societe (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parent

Vice-président :

Mme Le Champion

Conseiller :

Mme Hauet

TJ Rennes, du 12 mars 2018, n° 18/00408

12 mars 2018

5ème Chambre

ARRÊT N°-125

N° RG 22/03993 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S4PN

(Réf 1ère instance : 18/00408)

S.A.R.L. ACJ

S.A.R.L. NIGHT ENTERTAINMENT GROUP

C/

S.A.R.L. SOCIETE [M] ET LE COMTE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 MAI 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Mars 2025

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Mai 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

S.A.R.L. ACJ

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand MERLY de la SELARL CMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.A.R.L. NIGHT ENTERTAINMENT GROUP

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand MERLY de la SELARL CMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. SOCIETE [M] ET LE COMTE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-michel SOURDIN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Par acte sous seing privé en date du 3 avril 2006, intitulé 'convention d'occupation précaire dérogation aux statuts des baux commerciaux', la société BGCL a donné 'à bail à usage commercial ainsi qu'une licence IV de débit de boissons à la société ACJ, représentée par son gérant M. [K] [V] un local commercial situé à [Adresse 6] pour une durée de 23 mois commençant à courir le 3 avril 2006 pour se terminer le 3 mars 2008 'sans possibilité de prorogation'.

La société ACJ, qui a pour nom commercial La Palm, a pour objet 'l'exploitation, par création, achat, prise en location gérance de tout établissement de bar, discothèque ou restaurant' selon ses statuts en date du 2 mai 2006. Elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 17 mai 2006. Son siège social est fixé [Adresse 3] à [Localité 5]. Son capital social est partagé entre M. [R] [G] (à hauteur de 67% des parts sociales) et M. [K] [V], gérant (à hauteur de 33% des parts sociales).

La société BGCL a pour gérant M. [Z] [M].

Par acte sous seing privé en date du 7 mars 2008, intitulé 'convention d'occupation précaire dérogation aux statuts des baux commerciaux', la société BGCL a donné 'à bail commercial ainsi qu'une licence IV de débit de boissons à la société Apophis, représentée par son gérant M. [R] [G], un local commercial à [Localité 5], [Adresse 3] pour une durée de 23 mois commençant à courir le 7 mars 2008 jusqu'au 7 février 2010 'sans possibilité de prorogation'. Le loyer annuel était de 21 120 euros hors taxe pour les locaux et 7 280 euros hors taxe pour la licence IV.

Par acte sous seing privé en date du 1er février 2010, intitulé 'convention d'occupation précaire dérogation aux statuts des baux commerciaux', la société BGCL a donné 'à bail de location gérance ainsi qu'une licence IV de débit de boissons à la société Apophis, représentée par son gérant M. [Y] [T], un local commercial situé à [Localité 5], [Adresse 3] pour une durée de 3 ans commençant à courir le 2 février 2010 jusqu'au 31 janvier 2013 se renouvelant par tacite reconduction. Le loyer annuel était de 29 040 euros hors taxe.

Suivant avenant en date du 20 février 2010 au contrat de location-gérance du 1er février de la même année, la société BGCL a rappelé avoir donné à bail à la société Apophis le fonds de commerce de bar-restauration lui appartenant et qu'elle exploitait précédemment [Adresse 3], que les locaux lui avaient été donnés à bail à usage commercial par la société Hôtelière [M] et Le Comte, propriétaires des murs, suivant bail commercial en la forme authentique du 30 octobre 1997, à effet au 1er novembre 1997 pour se terminer le 31 octobre 2006. Ledit avenant précisait que le contrat de location-gérance remplaçait et annulait le bail précaire qu'elle avait régularisé le 7 mars 2008 et que le contrat de location-gérance prendrait effet à compter du 5 mars 2008 soit à compter de l'exploitation du chef de la société Apophis jusqu'au 4 mars 2011 pour se renouveler ensuite par tacite reconduction.

Suivant acte de fusion du 28 octobre 2014, publié au greffe du tribunal de commerce de Saint-Malo en date du 19 janvier 2015, la société [M] et Le Comte a fusionné et absorbé la société BGCL. La société [M] et Le Compte est propriétaire des immeubles situés [Adresse 3] à [Localité 5].

Suite à cette fusion, la société BGCL a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 19 janvier 2015.

La société [M] et Le Comte est propriétaire de différents murs et fonds de commerce à [Localité 8] et [Localité 5] dont des locaux à usage commercial situé n°[Adresse 3] et [Adresse 3] à [Localité 5]. Elle a pour gérante Mme [N] [E].

La société Night entertainment group dénommée Apophis avant 2008, a été immatriculée le 26 février 2008, au registre du commerce et des sociétés de Saint-Malo. Elle exerce son activité sous le nom commercial La Palm [Localité 5]. Elle est domiciliée au [Adresse 2] à [Localité 5] après avoir été domiciliée au [Adresse 3] à [Localité 5] jusqu'en 2011. Son gérant est M. [Y] [T] lors de la conclusion du contrat de location-gérance. Son capital social est réparti entre M. [R] [G] (13 950 parts sociales), M. [Y] [T], gérant (10 850 parts sociales) et M. [U] [S] (6 200 parts sociales). Elle a pour objet 'l'exploitation par création, achat, prise en location-gérance de tout établissement du secteur discothèque, HCR, café hôtel, restaurant et plus généralement, toute opération industrielle, commerciale et financière, mobilière et immobilière pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social et à tout objet similaire ou connexe, sur le territoire national'.

Par acte du 21 février 2018, les sociétés ACJ et Night entertainment group ont assigné la société [M] et Le Comte devant le tribunal de grande instance de Saint Malo.

Par jugement en date du 13 juin 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Malo a :

- déclaré la société ACJ irrecevable en son action diligentée à l'encontre de la société [M] et [H] (sic),

- déclaré l'action de la société Night entertainment group à l'encontre de la société [M] et [H] tendant à obtenir le constat à son bénéfice d'un bail commercial, d'une part sur le fondement de la nullité de la convention signée le 7 mars 2008, entre la société BGCL et la société Apophis, d'autre part sur le fondement de l'existence d'une fraude au statut des baux commerciaux et au décret du 30 septembre 1953 et enfin sur le fondement de l'existence d'une fraude dans les actes de location-gérance, recevable mais non-fondée,

- dit que l'action en requalification de la convention liant la société Night entertainment group à la société [M] et [H] est irrecevable car prescrite,

En conséquence,

- débouté la société Night entertainment group de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société [M] et [H],

- dit que le statut de la location-gérance régit les rapports entre la société [M] et [H] et la société Night entertainment group,

- reçu la société [M] et [H] en ses demandes reconventionnelles,

- l'a déclarée partiellement bien fondée en ses demandes,

En conséquence,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de location-gérance,

- déclaré acquis au profit de la société [M] et [H], le bénéfice de la clause résolutoire prévue dans le dit contrat,

- dit que la société Night entertainment group ainsi que tout occupant de son chef devra quitter les lieux à compter de la signification de la présente décision,

- dit qu'à défaut elle pourra être expulsée, avec si besoin est l'assistance de la force publique,

- condamné la société Night entertainment group à verser à la société [M] et [H] à titre d'indemnité d'occupation une somme égale au montant du loyer mensuel qu'aurait dû si le bail n'avait pas été résilié, soit la somme mensuelle de 2 904 euros jusqu'à la libération effective des lieux,

- débouté la société [M] et [H] de sa demande de paiement au titre des loyers impayés,

- débouté la société ACJ, la société Night entertainment group et la société [M] et [H] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société ACJ et la société Night entertainment group in solidum aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Le 28 juin 2022, la société Osiris et la société Night entertainment group ont interjeté appel de cette décision enregistré sous le n° RG 22/03993.

La société Osiris n'étant pas concernée par cet appel, la société ACJ et la société Night entertainment group ont régularisé un appel rectificatif le 12 juillet 2022 qui a été enregistré sous le n° RG 22/04447.

Par ordonnance du 8 septembre 2022, le magistrat de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures sous le n° RG 22/03993.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 13 février 2025, la société ACJ et la société Night entertainment group demandent à la cour

de :

- déclarer que la société ACJ et la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis sont recevables et bien fondées en leurs demandes,

- débouter la société [M] et [H] (sic) de toutes ses demandes fins et prétentions,

En conséquence,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 13 juin 2022

sauf en ce qu'il a débouté la société [M] et [H] de ses prétentions.

En conséquence,

A titre principal :

- prononcer la nullité des actes passés par la société BGCL avec la société ACJ le 3 avril 2006 et la société Apophis devenue Night entertainment group le 7 mars 2008,

En conséquence

- constater le bénéfice à la société ACJ à compter du 3 avril 2006 d'un bail commercial soumis aux statuts du décret du 30 septembre 1953,

- ordonner que ce bail commercial sera soumis, hormis en ce qui concerne la durée et l'échéance du bail, aux clauses et conditions du bail dérogatoire initial en ce qui concerne les conditions relativement aux loyers et aux obligations des parties, en conséquence,

- fixer le loyer à la somme de 20 000 euros hors taxe par an depuis le 3 avril

2006 et décerner acte à la société ACJ de ce qu'elle a réglé l'intégralité des

loyers depuis cette date et autoriser les parties à faire les décomptes entre elles sur les bases de ce nouveau loyer et en tant que de besoin,

- condamner la société [M] et [H] venant aux droits de la société BGCL à rembourser les sommes trop perçues par elle au titre des loyers,

- ou à défaut, constater le bénéfice à la société Apophis devenue société Night entertainment group à compter du 7 mars 2008 d'un bail commercial soumis aux statuts du décret du 30 septembre 1953,

- dire que ce bail commercial sera soumis, hormis en ce qui concerne la durée et l'échéance du bail, aux clauses et conditions du bail dérogatoire du 7 mars 2008 en ce qui concerne les conditions relativement aux loyers et aux obligations des parties, en conséquence, fixer le loyer à la somme de 21 120 euros hors taxe par an depuis le 7 mars 2008 et décerner acte à la société Apophis devenue Night entertainment group de ce qu'elle a réglé l'intégralité des loyers depuis cette date et autoriser les parties à faire les décomptes entre elles sur les bases de ce nouveau loyer et en tant que de besoin,

- condamner la société [M] et [H] venant aux droits de la société

BGCL à rembourser les sommes trop perçues par elle au titre des loyers.

A titre subsidiaire,

- constater que la convention d'occupation précaire du 3 avril 2006 au bénéfice de la société ACJ est un bail commercial et ordonner que la société ACJ est titulaire d'un bail commercial en application du statut du décret du 30 septembre 1953 et ce à compter du 3 avril 2006,

- ordonner que le bail commercial sera, hormis en ce qui concerne sa durée et son échéance, un bail commercial aux clauses et conditions de cette convention d'occupation précaire dérogatoire, en ce qui concerne les conditions relativement au loyer et aux obligations des parties, fixer le loyer à la somme de 20 000 euros hors taxe annuel, lequel sera indexé sur l'indice des loyers commerciaux ILS à compter du 3 avril 2006,

A titre subsidiaire,

- constater que la convention d'occupation précaire du 7 mars 2008 est un bail commercial au bénéfice de la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis,

- ordonner que la société Night entertainment group bénéficie de la propriété commerciale et est titulaire d'un bail commercial en application du statut du décret du 30 septembre 1953 et ce à compter du 7 mars 2008,

- ordonner que le bail ainsi reconnu par la juridiction de céans sera, hormis en ce qui concerne la durée et l'échéance, un bail commercial aux clauses et conditions de droit, ainsi qu'aux clauses et conditions de la convention d'occupation précaire en ce qui concerne les conditions relativement aux loyers et aux obligations des parties, en conséquence, fixer le loyer à la somme de 21 120 euros hors taxe annuel à charge de la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis,

A titre encore plus subsidiaire :

- constater que la convention du 3 avril 2006 au bénéfice de la société ACJ est un bail commercial et dire que la société ACJ est titulaire d'un bail commercial en application du statut du décret du 30 septembre 1953 et ce à compter du 4 mars 2008 (premier jour suivant le terme du bail),

- dire que le bail commercial sera, hormis en ce qui concerne sa durée et son échéance, un bail commercial aux clauses et conditions de cette convention d'occupation précaire dérogatoire, en ce qui concerne les conditions relativement au loyer et aux obligations des parties, fixer le loyer à la somme de 20 000 euros hors taxe annuel, lequel sera indexé sur l'indice des loyers commerciaux ILC à compter du 4 mars 2008,

- constater que la convention du 7 mars 2008 est un bail commercial et dire que la société Night entertainment group bénéficie de la propriété commerciale et est titulaire d'un bail commercial en application du statut du décret du 30 septembre 1953 et ce à compter du 8 février 2010 (premier jour suivant le terme du bail),

- dire que le bail sera, hormis en ce qui concerne la durée et l'échéance, un bail commercial aux clauses et conditions de droit, ainsi qu'aux clauses et conditions de la convention d'occupation précaire en ce qui concerne les conditions relativement aux loyers et aux obligations des parties, en conséquence, fixer le loyer à la somme de 21 120 euros hors taxe annuel à charge de la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis lequel sera indexé sur l'indice des loyers commerciaux ILC à compter du 8 février 2010,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que le contrat de location gérance du 1er février 2010 est un bail

commercial, en conséquence, déclarer que la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis bénéficie de la propriété commerciale et est titulaire d'un bail commercial en application du statut du décret du 30 septembre 1953 et ce à compter du 1er févier 2010,

- ordonner que le bail ainsi reconnu par la juridiction de céans hormis en ce qui concerne la durée et l'échéance du bail sera un bail aux clauses de droit commun et dire que le loyer sera à compter du 1er février 2010 fixé à la somme de 29 040 euros hors taxe annuel à charge de la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis lequel sera indexé sur l'indice des loyers commerciaux ILC à compter du 1er février 2010,

- A titre subsidiaire, constater la validité de la location gérance du 1er février 2010 et constater que le locataire gérant n'est pas fautif dans son exécution, débouter le bailleur de toute demande de bénéfice du commandement ou de résiliation,

- A titre infiniment subsidiaire et si la cour d'appel de Rennes devait considérer que le preneur avait manqué à ses obligations, il est sollicité un délai pour permettre à la concluante de respecter ses obligations.

En tout état de cause et en tirant les conséquences de la décision à intervenir

relativement au bail :

- ordonner aux parties qu'elles établissent les comptes entre elles et si besoin

- condamner la société [M] et [H] venant aux droits de la société

BGCL au remboursement des sommes trop perçues par elle au titre des loyers versés par la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis,

- condamner la société [M] et [H] à payer à la société ACJ la somme de 5 000 euros de remboursement de facturation de licence pour la période du 3 avril 2006 au 3 avril 2007, ainsi que la somme de 4 583,33 euros au même titre pour la période de 11 mois à partir du 3 avril 2007 au 3 mars 2008 avec intérêts à taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société [M] et [H] à payer à la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis la somme de 47 520 euros hors taxe correspondant au remboursement de la facturation de licence depuis le 7 mars 2008 au 7 mars 2017 avec intérêts à taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société [M] et [H] à payer à la société Night entertainment group la somme de 440 euros hors taxe par mois jusqu'à exécution de la décision à intervenir,

- condamner la société [M] et [H] au paiement de la somme de 20 000 euros au bénéfice de la société ACJ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [M] [H] au paiement de la somme de 20 000 euros au bénéfice de la société Night entertainment group venant aux droits de la société Apophis au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société [M] et [H] de toutes ses demandes fins et prétentions contraires aux présentes,

- la condamner aux entiers dépens

Par dernières conclusions notifiées le 7 mars 2025, la société [M] et Le Comte demande à la cour de :

- juger que les appelantes sont prescrites en toutes leurs actions en requalification,

- confirmer le jugement rendu le 13 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Malo,

- débouter la société Night entertainment group et la société ACJ de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Y additant

- condamner la société Night entertainment group, au visa des dispositions des articles 566 et 567 du code de procédure civile, à payer à la société [M] et Le Comte, une indemnité équivalente à la redevance de location-gérance en deniers ou quittances, sauf à parfaire au jour de la reprise du fonds de commerce,

- condamner les appelantes aux entiers dépens d'appel et à verser à l'intimée chacune la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la recevabilité des actions de la société ACJ et de la société Night entertainment group (ci-après dénommée NE)

La société ACJ et la société NE sollicitent la réformation du jugement qui a considéré que la société ACJ ne justifiait pas d'un intérêt à agir pour solliciter la nullité de la convention d'occupation précaire du 3 avril 2006 et solliciter sa requalification en bail commercial.

Elles exposent que, même si la société ACJ n'était plus locataire dans les lieux, elle est recevable et légitime à solliciter la nullité précitée dans la mesure où les conventions d'occupation précaire ont été passées dans des circonstances de fraude avérées empêchant que les délais de prescription lui soient opposables.

Elles soutiennent que les deux conventions d'occupation précaire sont nulles en ce que la société BGCL ne disposait pas de la capacité pour signer lesdites conventions. Elles précisent que la société BGCL n'était pas bailleur, propriétaire des murs mais simplement preneur à bail commercial de la société [M] et Le Comte. Elles ajoutent qu'en sa qualité de preneur, la société BGCL ne justifie pas disposer sur son bail d'une autorisation expresse pour consentir à un tel acte qui ne pourrait être qu'une sous-location.

Elles en déduisent que chacune des sociétés doit être reconnue comme titulaire d'un bail commercial, à titre principal la société ACJ première exploitante à compter du 3 mars 2006, et à titre subsidiaire, la société Apophis devenue NE, deuxième exploitante dans ces locaux à compter du 7 mars 2008.

Elles considèrent que la société [M] et Le Comte est devenue, par l'absorption de la société BGCL, bénéficiaire de l'intégralité des droits de cette dernière, y compris en conséquence de l'annulation de la convention, du bail devenu commercial de la société Apophis devenue NE.

Elles font également valoir qu'outre le fait que la société BGCL ne pouvait pas signer pour défaut de qualité, elle s'est engagée sur des actes qualifiés de conventions d'occupation précaire qui avaient pour seul but de contourner le statut des baux commerciaux. Elles exposent qu'aucun élément de la convention du 3 avril 2006 ne permet de caractériser la précarité autorisant la signature d'une telle convention en ce que l'exploitation du fonds s'étant poursuivie sur près de 12 ans sans interruption et que le montant des loyers ne peut être considéré comme modique.

En réponse au bailleur qui prétend que l'action en requalification est prescrite, elles soutiennent que leur action n'a pas pour unique objet la requalification du bail mais également la nullité des actes passés et notamment des conventions d'occupation précaire et de voir constater qu'elles sont bénéficiaires d'un bail commercial. Elles invoquent la jurisprudence de la Cour de cassation (3ème Civ. 1er octobre 2014) selon laquelle n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L.145-5 du code de commerce, la demande qui tend à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du maintien en possession du preneur à l'issue du bail dérogatoire. Elles ajoutent que la jurisprudence retient également le fait que la fraude suspend le délai de prescription.

Elles contestent le fait que la société BGCL pouvait louer son fonds de commerce à la société Apophis le 7 mars 2008 puisqu'elle n'exploitait plus depuis septembre 2005 et a minima depuis le 3 avril 2006, date de la convention d'occupation précaire jusqu'à février 2010. Elles considèrent que le jugement a retenu, à tort, qu'il n'est pas nécessaire que la période d'exploitation précède immédiatement le contrat de location gérance alors que le fonds n'a pas été exploité de septembre 2005 à 2010 par la société BGCL. Elles en déduisent que le caractère frauduleux de l'avenant rétroactif entraîne sa nullité et à tout le moins son inopposabilité et empêche de considérer que la location gérance a pu prendre effet au 5 mars 2008.

Les sociétés ACJ et NE invoquent également l'existence d'un bail commercial en raison de la fraude aux statuts des baux commerciaux au motif que la société BGCL, devenue [M] et Le Comte, ne s'est pas assurée de l'absence de maintien de la société ACJ dans les lieux postérieurement à la fin du contrat fixé au 3 mars 2008. Elles soutiennent que la société ACJ n'a jamais quitté les lieux, qu'elle n'a fait que procéder à une fermeture ponctuelle de ses portes sans déménager son matériel, sans modification des contrats de travail des salariés. Elles disent justifier de la parfaite continuité de l'exploitation dans les locaux et du fait que le bailleur n'a jamais cessé de percevoir des loyers sur l'ensemble de la période continue de 12 mois annuels malgré la prétendue fin de contrat. Elles affirment que les sociétés ACJ et Apophis sont parfaitement similaires et identiques et que la société ACJ s'est maintenue dans les lieux au-delà de la date prévue contractuellement le 3 mars 2008 pour permettre la poursuite de l'exploitation par une nouvelle personne morale, la société Apophis, détenue par le même associé majoritaire M. [G]. Elles ajoutent que la société Apophis s'est maintenue dans les locaux et a poursuivi son exploitation après la fin de contrat prévue au 7 février 2010. A défaut de reconnaître la propriété commerciale sur les bases de la convention d'occupation précaire pour la société ACJ, elles demandent que la société Apophis devenue NE soit déclarée bénéficiaire de la propriété commerciale et titulaire d'un bail commercial à compter du 8 février 2010, premier jour suivant le terme contractuel de la convention d'occupation précaire ou à compter du 1er février 2010, jour de signature du contrat de location-gérance.

Les sociétés ACJ et NE invoquent également la fraude caractérisée dans la réalisation des actes de location-gérance. Elles reprochent à la société BGCL d'avoir donné le fonds en location-gérance alors qu'elle ne l'exploitait pas depuis septembre 2005 et que l'activité était totalement arrêtée depuis cette date. Elles disent produire un procès-verbal d'assemblée de la société BGCL en date du 26 juillet 2006 en attestant. Elles considèrent que l'exploitation du fonds n'a repris que grâce à leur exploitation.

La société [M] et Le Comte invoquent le fait que les appelantes sont prescrites en toutes leurs actions en requalification.

S'agissant de la requalification des conventions d'occupation précaire, elle rappelle qu'un premier bail dérogatoire a été signé le 3 avril 2006 entre la société ACJ et la société BGCL, un second le 3 mars 2008 entre la société NE et la société BGCL et qu'au vu des extraits K-bis de ces deux sociétés, elles sont juridiquement distinctes et gérées par des gérants différents. Elle ajoute que la société NE a accepté de conclure le 1er février 2010, un contrat de location-gérance avec la société BGCL au terme duquel, par avenant du 20 février 2010, les parties ont renoncé se prévaloir de la convention du 7 mars 2008.

Elle fait valoir que si l'action en contestation de l'existence d'un bail commercial, dans l'hypothèse où le bénéficiaire est maintenu dans les lieux à l'échéance de sa durée, est imprescriptible, l'action en requalification d'une succession de baux dérogatoires, est soumise à la prescription biennale de l'article L.145-60 dont le point de départ est fixé au jour de la dernière convention. Elle soutient que la jurisprudence invoquée par les appelantes n'est pas applicable en l'espèce puisqu'aux termes du bail dérogatoire, la société ACJ n'est pas restée en possession puisque la société NE lui a succédé dans les lieux en vertu d'un bail de location-gérance. Elle invoque la jurisprudence selon laquelle le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée. Elle en déduit qu'il s'est passé plus de deux ans entre la conclusion de chaque contrat dont il est sollicité la requalification et la délivrance de l'assignation le 21 février 2018 de sorte que l'action est prescrite.

S'agissant de la requalification du contrat de location-gérance en bail commercial, elle indique que cette demande est soumise à la prescription biennale de l'article L.145-60 du code de commerce et que le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat de location-gérance, et ce même s'il a été précédé d'un bail dérogatoire. Elle considère que le contrat de location-gérance dont la requalification est demandée a été conclu le 1er février 2010 alors que l'assignation a été délivrée le 21 février 2018 de sorte que leur action est prescrite.

En ce qui concerne les demandes de la société ACJ, elle soutient que ses demandes sont non seulement irrecevables mais aussi mal-fondées. Elle rappelle que l'article L.145-1 du code de commerce n'accorde le bénéfice du statut des baux commerciaux qu'au commerçant immatriculé comme tel dans les lieux loués et qui exploite le fonds et que ces conditions doivent exister à la date de la revendication du droit à la propriété. Or elle fait valoir que la société ACJ reconnaît ne pas s'être maintenue dans les lieux après le 3 mars 2008 en se fondant sur un courrier du gérant de la société ACJ du 14 mars 2018 qui écrit à ses salariés que l'exploitation du fonds est reprise par la société Apophis à compter du 5 mars 2008. Elle en déduit que la société ACJ n'était plus occupante ni locataire des locaux commerciaux lors de la délivrance de l'assignation le 21 mars 2018

S'agissant des demandes de la société NE, elle soutient que le statut de la location-gérance s'applique. Elle argue que la société BGCL a exploité personnellement le fonds de commerce du 1er novembre 1997 au 3 avril 2006, date d'entrée dans les lieux de la société ACJ, soit pendant plus de 7 ans années entières et consécutives de sorte qu'elle pouvait parfaitement louer son fonds à la société Apophis le 7 mars 2008. Elle indique que le loueur, personne morale, est seulement tenu d'avoir exploité pendant deux ans le fonds et qu'il n'est pas nécessaire que cette période précède immédiatement le contrat de location-gérance et qu'il convient d'apprécier la validité d'un contrat de location-gérance à la date de signature pour déterminer si le fonds de commerce avait, ou non, une clientèle. Elle ajoute que la cessation temporaire d'activité n'emporte pas la disparition de la clientèle, le propriétaire du fonds ne s'étant pas fait radier au RCS et ayant conservé sa licence IV outre le fait que cette interruption n'a pas affecté l'achalandage, attaché au fonds, en raison de l'activité de bar-restaurant qui a été la même jusqu'à la signature du contrat de location-gérance.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans.

Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.

Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.

L'article L.145-60 du code de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

En l'espèce, il convient de rappeler que :

- il a été signé, par acte sous seing privé en date du 3 avril 2006, un acte intitulé 'convention d'occupation précaire dérogation aux statuts des baux commerciaux' entre la société BGCL et la société ACJ, représentée par son gérant M. [K] [V].

- il a été signé, par acte sous seing privé en date du 7 mars 2008, un acte intitulé 'convention d'occupation précaire dérogation aux statuts des baux commerciaux' entre la société BGCL et la société Apophis, représentée par son gérant M. [R] [G].

- il a été signé un contrat de location-gérance le 1er février 2010 entre la société BGCL et la société Apophis, représentée par son gérant M. [Y] [T] au terme duquel par avenant du 20 février 2010, les parties ont indiqué que 'le contrat de location-gérance remplace et annule le bail précaire régularisé le 7 mars 2008, lequel est nul et non avenu.'

La société [M] et Le Comte démontre, en produisant les extraits Kbis, que la société ACJ et la société NE (anciennement dénommée Apophis) sont des entitées juridiquement distinctes administrées par des gérants différents.

Les appelantes indiquent qu'elles ne sollicitent pas uniquement la requalification du bail mais soulèvent la nullité des actes passés les 3 avril 2006 et 7 mars 2008 et demandent de voir constater qu'elles sont bénéficiaires d'un bail commercial en invoquant la jurisprudence de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 1er octobre 2014.

Il est effectivement constant, au vu de cet arrêt, que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription.

Toutefois, encore faut-il que le preneur se soit maintenu en possession à l'issue du bail dérogatoire.

* S'agissant de l'action de la société ACJ

Il est acquis que la société ACJ n'est pas restée en possession à l'issue du bail dérogatoire qui s'est terminé le 3 mars 2008 puisque c'est la société Apophis qui lui a succédé dans les lieux. S'agissant de deux sociétés distinctes, il ne peut, dès lors, être soutenu que la société ACJ s'est maintenue en possession à l'issue dudit bail de sorte que la jurisprudence invoquée par les appelantes n'est pas applicable en l'espèce et qu'il doit être fait application de la prescription biennale, le délai commençant à courir à compter de la date de la conclusion du contrat soit le 3 mars 2006.

Toutefois, il est également acquis que la prescription biennale ne s'applique pas si le preneur établit l'existence d'une fraude du bailleur à ses droits.

En l'espèce, les appelantes invoquent la jurisprudence selon laquelle la fraude suspend le délai de prescription biennale. Toutefois, elles ne peuvent utilement soutenir que la société BGCL a tenté de frauder le droit au renouvellement de l'exploitant en faisant signer à la société ACJ et Apophis le même contrat. En effet, il a été précédemment démontré que la société ACJ et la société Apophis étaient des sociétés différentes de sorte qu'il ne peut être soutenu que la société ACJ n'a jamais quitté les lieux à la fin fixée contractuellement de la convention d'occupation précaire.

Par ailleurs, les appelantes ne précisent pas en quoi le fait que la société BGCL n'aurait pas été propriétaire des murs lors de la signature de ladite convention constitue une fraude du bailleur aux droits de la société ACJ de nature à suspendre le délai de prescription. Or la fraude suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel à savoir la volonté de détourner la loi, ce que ne caractérise pas les appelantes.

La société ACJ et la société NE ont délivré une assignation le 21 février 2018 soit plus de deux ans après la date de conclusion du contrat, le 3 mars 2006 de sorte que leur action est irrecevable comme prescrite. Le jugement, qui a déclaré la société ACJ irrecevable en son action diligentée contre la société [M] et Le Comte, sera confirmé mais par substitution de motifs.

* S'agissant de la société NE (anciennement Apophis)

Le bail dérogatoire signé entre la société Apophis et la société BGCL s'est terminé le 7 février 2010 puisqu'il a été signé un contrat de location-gérance le 1er février 2010 entre la société BGCL et la société Apophis.

Il est constant que le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.

Les appelantes invoquent une fraude dans la réalisation des actes de location-gérance. Il a été précédemment rappelé que la prescription biennale ne s'applique pas au preneur si celui-ci établit la fraude du bailleur à ses droits.

En l'espèce, les appelantes reprochent à la société BGCL de ne pas avoir exploité le fonds et ne pas pouvoir le donner en location-gérance depuis 2005. Or il résulte de l'acte authentique du 30 octobre 1997 que la société BGCL s'est vue donner à bail à usage de commerce de bar-restaurant le local situé au [Adresse 3] à [Localité 5] à effet du 1er novembre 1997 pour se terminer au 31 octobre 2006, renouvelable par tacite reconduction par la société [M] et Le Comte, propriétaire des murs.

Si conformément aux dispositions de l'ancien article L.144-3 du code de commerce, applicable au litige, la location-gérance impliquait que les personnes physiques ou morales, qui concédaient une location-gérance, devaient avoir exploité pendant deux années au moins, le fonds de l'établissement mis en gérance, il n'est pas nécessaire que cette période précède immédiatement le contrat de location-gérance. Les premiers juges en ont justement déduit que la société BGCL avait qualité pour conclure le contrat de location-gérance avec la société Apophis devenue NE.

De plus, il n'est pas contesté qu'à la date de signature du contrat de location-gérance le 3 février 2010, le fonds disposait d'une clientèle.

De surcroît, il résulte de l'avenant du 20 février 2010 que la société Apophis et la société BGCL ont conclu que 'le contrat de location-gérance remplace et annule le bail précaire régularisé le 7 mars 2008, lequel est nul et non avenu. Par la présente, les parties déclarent que la date de prise d'effet du contrat de location-gérance doit être rectifiée pour prendre effet à compter du 5 mars 2008, du début d'exploitation du chef de la société Apophis jusqu'au 4 mars 2011 et renouvelable par tacite reconduction.' Les premiers juges ont justement relevé que les sociétés ACJ et NE n'avançaient aucun fondement juridique permettant de remettre en cause cette rétroactivité et ont considéré, à bon droit, qu'aucune fraude n'était caractérisée lors de la conclusion du contrat de location-gérance.

Les appelantes échouant à démontrer l'existence d'une fraude. Le délai de prescription biennale n'a pas été suspendu. Dans ces conditions, la cour ne peut constater que l'action diligentée par la société NE (anciennement Apophis) est prescrite en ce que l'assignation a été délivrée le 21 février 2018 soit plus de deux ans après la date du 8 février 2010, premier jour suivant le terme contractuel de la convention d'occupation précaire mais également après le 1er février 2010, jour de signature du contrat de location-gérance. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que l'action de la société NE à l'encontre de la société [M] et Le Comte tendant à obtenir le constat à son bénéfice d'un bail commercial était recevable. En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que l'action en requalification de la convention liant la société NE à la société [M] et Le Comte est irrecevable comme prescrite.

- Sur la demande de résiliation de la location-gérance

Les sociétés ACJ et NE contestent le fait que la société NE a commis le moindre manquement de nature à résilier la location-gérance.

Elles font valoir que le motif visé dans le commandement relatif à la modification des lieux (travaux non autorisés) n'est pas caractérisé. Elles exposent que le mur séparatif, qui avait été ouvert entre le bar et la salle de restaurant entre les deux fonds des [Adresse 6] à [Localité 5], a été fermé et que cela a d'ailleurs été constaté par huissier le 1er août 2018 de sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société NE.

S'agissant du prétendu changement d'activité de bar restaurant en bar discothèque, elles exposent que la société NE exerce une activité de bar, pouvant être ouvert la nuit conformément à l'autorisation préfectorale, mais pas une activité de discothèque. Elles relèvent qu'aucune activité n'est définie dans le contrat de location-gérance et qu'il est seulement évoqué l'existence d'une salle de bar et une licence IV et que l'avenant au contrat de location-gérance n'emporte pas modification de l'objet de la location-gérance mais seulement de sa date d'effet. Elles considèrent que le rapport de l'enquêteur privé ne lui est pas opposable et qu'il n'est pas probant.

En tout état de cause, elles soutiennent que la société NE n'a pas modifié son activité et qu'elle exploite un bar avec autorisation de bar de nuit. Elles affirment que la société BGCL a toujours exploité un bar et non un restaurant et que l'appellation de bar restaurant sur le contrat de location-gérance n'est qu'une appellation générique qui répond à une nomenclature RCS ou INSEE.

S'agissant du prétendu défaut de paiement, elles allèguent que la société NE a réglé le loyer d'octobre 2016, visé au commandement, par virement du 3 novembre 2016 et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réglé la taxe foncière 2017 dans la mesure où la facture de la taxe foncière ne lui avait pas été adressée. Elle dit, d'ailleurs, l'avoir réglée après la réception de la facture.

Les sociétés ACJ et NE considèrent que la bailleresse est mal venue de leur réclamer une somme de 5 808 euros au titre des arriérés de loyers alors que ces sommes ne figurent pas au commandement et ne sont pas justifiées par un décompte sérieux. Elles allèguent qu'il est apporté la démonstration qu'au 11 septembre 2020, les loyers ont été réglés jusqu'en août 2020.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le preneur avait manqué à ses obligations, il est sollicité un délai pour permettre à la société NE de respecter ses obligations.

Elles s'opposent, par ailleurs, à la demande de condamnation du preneur à lui verser la somme de 10 958 euros qui ne repose sur aucun élément chiffré.

La société [M] et Le Comte demande de confirmer le jugement qui a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat location-gérance. Elle expose que la convention de location-gérance mentionne au titre de la destination du bail, que le preneur conserve au fonds loué sa destination et son genre de commerce et que le preneur ne peut faire dans les lieux loués, sans l'autorisation expresse et écrite du bailleur, aucune démolition ni transformation, aucun percement de mur ou de cloison.

Elle fait valoir que la société BGCL, aux droits de laquelle se trouve la bailleresse, s'est vu concéder un bail à usage de bar restaurant et que la société NE a une activité de bar restaurant au vu de son Kbis. Or elle indique avoir appris, par la préfecture d'Ille-et-Vilaine, que la destination du fonds avait été transformée sans son accord et était une source de nuisances et qu'un mur avait été percé sans son autorisation. Elle explique avoir délivré un commandement le 20 juillet 2018 pour faire cesser ces manquements et régler les échéances d'octobre 2016 et la taxe foncière 2017 impayées.

Elle dit avoir fait constater par voie d'huissier et un rapport de surveillance qu'il n'a pas été satisfait au commandement de cesser immédiatement l'activité de bar de nuit discothèque et de reprendre l'activité de bar restaurant. Elle rappelle les déclarations de M. [G] le 20 novembre 2018 lors du procès-verbal de constat qui a reconnu ne pas exploiter le fonds en bar restaurant.

Elle considère qu'il ne peut être soutenu que l'activité de l'établissement serait celle d'un bar débit de boissons qui inclurait l'activité de bar discothèque.

Elle en déduit que le locataire gérant exerce une nouvelle activité sans l'accord du bailleur dans les lieux loués en contravention avec ses obligations résultant du contrat de location-gérance et demande de confirmer le jugement qui a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et de l'expulsion de la locataire-gérante et de tout occupant de son chef.

Elle demande à la cour de condamner la société NE à lui payer une indemnité d'occupation équivalente en son montant à la redevance de location-gérance, contrepartie de la jouissance de son fonds de commerce jusqu'au jour où il lui sera restitué.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Le contrat de location-gérance signé entre la société Apophis devenue NE et la société BGCL prévoit une clause résolutoire en page 8 ainsi rédigée : 'toutes les clauses du présent contrat sont de rigueur, chacune d'elle est condition déterminante du présent contrat sans laquelle les parties n'auraient pas contracté.

A défaut pour le preneur d'exécuter une seule de ces conditions et notamment de payer le loyer aux échéances convenues, le présent contrat de location-gérance sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur et sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre aucune formalité judiciaire un mois après un simple commandement de payer ou d'exécuter resté sans effet, et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause.'

Le contrat de location-gérance prévoit notamment au titre de la destination du bail, que le preneur conserve au fonds loué sa destination et son genre de commerce et que le preneur ne peut faire dans les lieux loués, sans l'autorisation expresse et écrite du bailleur, aucune démolition ni transformation, aucun percement de mur ou de cloison.

Le bailleur a délivré à la société NGE un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail de location-gérance avec sommation d'exécuter le 20 juillet 2018 visant le fait de cesser immédiatement l'activité de bar de nuit discothèque et de reprendre sans délai l'activité initiale du fonds soit l'exploitation du bar restaurant, de remettre les lieux en état notamment en supprimant le passage entre les établissements 6 et [Adresse 4] à [Localité 5] et en payant le loyer d'octobre 2016 et la taxe foncière.

Le bailleur n'invoque plus les arriérés de paiement. En tout état de cause, la société NGE indique avoir régularisé lesdits arriérés, ce qui n'est pas contesté par le bailleur.

Le bailleur n'invoque plus non plus les travaux de transformation à savoir le percement du mur du fonds que la société NGE indique avoir également régularisé.

S'agissant de la destination des lieux, le bailleur fait justement valoir que la société BGCL s'était vu concéder un bail à usage de bar restaurant aux termes du contrat du 30 octobre 1997 et que la société NE a mentionné comme activité principale au Kbis 'bar restaurant' et s'agissant de l'établissement pris en location-gérance une activité de 'bar restaurant' de sorte que la destination du fonds donné en location-gérance est bien une activité de 'bar restaurant'. Le contrat de location-gérance mentionne d'ailleurs que le contrat porte sur un local commercial composé d'une salle de bar et d'une licence IV et dans l'avenant du 20 février 2010, il est rappelé que la société BGCL a donné en location-gérance à la société Apophis devenue NE le fonds de commerce de bar restaurant lui appartenant.

Or il résulte du procès-verbal de constat établi le 20 septembre 2018 qu'aucune table n'est dressée, l'absence de cuisine, l'absence de produits alimentaires, un bar en partie centrale, une table de mixage avec sonorisation et que le gérant M. [G] indique que des planches sont proposées aux clients en plus des boissons, lesdites planches étaient préparées dans l'établissement voisin avec la vaisselle de cet établissement voisin et qu'il n'y a pas de menu.

Ces constatations sont confirmées par le rapport de l'enquêteur privé établi le 3 septembre 2019 notamment sur la présence d'une table de mixage et de l'absence de menu et service au bar mais aussi l'exploitation de l'établissement en discothèque au vu de la présence d'une salle de danse. Ce rapport, dont les appelantes n'indiquent pas qu'il aurait méconnu les principes de légalité, loyauté et proportionnalité, est parfaitement recevable. Il est d'ailleurs corroboré par les attestations de Mme [I], M. [J] et de Mme [F] qui décrivent une piste de danse devant le DJ.

De plus, il résulte de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 11 décembre 2019 que l'établissement a fait l'objet d'une fermeture administrative pour une durée de 7 jours suite aux nombreuses interventions des services de police pour des faits d'ivresse, rixe, tapage dont 4 interventions courant 2019 ayant eu lieu après 3 heures du matin et l'établissement a également fait l'objet d'une suspension de l'agrément bar nocturne.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société NE exerce au moins jusque courant 2019 dans le local une activité de bar de nuit et de discothèque et n'exerce pas l'activité de bar restaurant et qu'elle n'a, dès lors, pas régularisé les termes du commandement dont le délai imparti de sorte que le manquement contractuel est ainsi établi.

Le jugement a considéré à bon droit que le commandement délivré le 20 juillet 2018 étant demeuré infructueux plus d'un mois, il ne pouvait que constater que la clause de résiliation stipulée au contrat de location-gérance se trouvait acquise au profit de la société [M] et Le Comte et a justement fait droit à sa demande d'expulsion. Le jugement sera confirmé.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société NE au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer qui aurait été dû si le contrat n'avait pas été résilié jusqu'à la libération effective des lieux sauf à préciser que l'indemnité est équivalente à la redevance de la location-gérance.

- Sur les autres demandes

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, les sociétés ACJ et NE demandent à la cour de condamner la société [M] et Le Comte à leur rembourser la facturation de licence. Toutefois, la cour constate, comme les premiers juges, que les appelantes ne justifient pas du fondement de leur demande et ne produisent aucune pièce de nature à justifier du caractère supposé indu de ces sommes. Le jugement, qui les a déboutées de cette demande, sera confirmé.

Succombant en leur appel, les sociétés ACJ et NE seront condamnées à verser chacune la somme de 2 500 euros à la société [M] et Le Comte au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Night entertainment group à l'encontre de la société [M] et Le Comte tendant à voir obtenir le constat à son bénéfice d'un bail commercial ;

Statuant à nouveau,

Dit que l'action de la société Night entertainment group à l'encontre de la société [M] et Le Comte tendant à voir obtenir le constat à son bénéfice d'un bail commercial est irrecevable car prescrite ;

Confirme le jugement pour le surplus sauf à préciser que l'action de la société ACJ à l'encontre de la société [M] et Le Comte est irrecevable car prescrite et que la société Night entertainment groupe est condamnée à payer à la société [M] et Le Comte à titre d'indemnité d'occupation une indemnité équivalente à la redevance de la location-gérance ;

Y ajoutant,

Déboute la société ACJ et la société Night entertainment group de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamne la société ACJ et la société Night entertainment group à verser chacune la somme de 2 500 euros à la société [M] et Le Comte au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société ACJ et la société Night entertainment group aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,

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