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Décisions

CA Reims, ch. 1 civ. et com., 13 mai 2025, n° 24/00089

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Z S Chocolatier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dias da Silva

Conseillers :

M. Leclere-Vue, Mme Pilon

Avocats :

Me Mfenjou, Me Billet-Deroi

Reims, du 12 déc. 2023

12 décembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 7 avril 2003, M. [F] [C] a donné à bail commercial à la SARL [Z] [S] chocolatier, un local situé [Adresse 2] à [Localité 6] pour une durée de neuf ans à compter du 1er mai 2003, moyennant un loyer mensuel de 1 000 euros et des charges provisionnelles de 222 euros par mois.

Par acte sous seing privé du 14 mars 2015, le bail a été renouvelé pour une nouvelle durée de neuf ans à compter du 1er mars 2015, moyennant un loyer mensuel de 1 390,60 euros et des charges provisionnelles de 180 euros par mois.

Par lettre recommandée du 10 juillet 2017, la société [Z] [S] chocolatier a mis fin au renouvellement du bail et a donné congé pour le 28 février 2018.

Par lettre recommandée du 2 octobre 2018, M. [C] a mis vainement en demeure la société [Z] [S] chocolatier de lui payer les sommes de 3 858,65 euros au titre d'arriérés de loyers et de 2 070 euros au titre de la taxe foncière due pour l'année 2018.

Par exploit délivré le 22 juin 2021, M. [C] a fait assigner M. [Z] [S] et la société [Z] [S] chocolatier devant le tribunal judiciaire de Reims aux fins de paiement des loyers et charges impayés.

Par jugement contradictoire du 12 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Reims a :

- prononcé la mise hors de cause de M. [Z] [S],

- déclaré prescrites les prétentions relatives au paiement des créances nées antérieurement au 21 juin 2016,

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné M. [C] à payer à M. [Z] [S] et la société [Z] [S] chocolatier la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de plein droit du jugement.

Par déclaration du 18 janvier 2024, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 mars 2025, M. [C] demande à la cour, au visa des articles 2224 du code civil et 6-3 du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014, de :

- infirmer le jugement,

- Statuant à nouveau,

- condamner la société [Z] [S] chocolatier à lui payer la somme de :

* 3 276,39 euros au titre des loyers et charges impayés,

* 1 654 (1999-345) euros au titre de la taxe foncière,

- condamner la société [Z] [S] chocolatier à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [Z] [S] chocolatier et M. [S] en tous les dépens.

Au soutien de l'infirmation du jugement, il estime que l'intimée lui est redevable d'un arriéré de loyers total de 3 276, 39 euros sur la période comprise entre le 4 octobre 2016 et le 4 avril 2018, ainsi que la somme de 1 654 euros au titre de la taxe foncière et de la taxe d'ordures ménagères 2018 due pour l'année entière.

Il ajoute, s'agissant de la taxe foncière, qu'aucune proratisation n'a été convenue et que l'intimée s'est acquittée de l'intégralité de la taxe foncière au titre de l'année 2003 bien que le bail a démarré le 1er mai 2003.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 mars 2025, la société [Z] [S] chocolatier demande à la cour, au visa des articles 2224 et 1190 du code civil et L.145-40-2 du code de commerce, de

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- débouter M. [C] de toutes ses prétentions,

- condamner M. [C] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel sout le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

En défense, elle soutient que l'état de répartition des charges n'est pas communiqué en intégralité et qu'à la lecture des seules pages impaires communiquées, l'appelant lui impute des charges imputables à certains copropriétaires ou au syndic.

Elle ajoute que l'appelant ne justifie ni dans leur principe, ni dans leur quantum, les charges réclamées.

Elle précise que déduction faite du dépôt de garantie de 3 000 euros conservé par l'appelant, et des deux virements de 345 euros et 3 000 euros qu'elle a effectués, elle n'est redevable d'aucune somme au titre des charges.

En ce qui concerne la taxe foncière, elle indique qu'elle doit être proratisée jusqu'à la date de cessation du bail au 28 février 2018, soit à la somme de 345 euros déjà réglée, et que le renouvellement du bail a pour effet de ne plus soumettre les parties au bail d'origine.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025 et l'affaire fixée au 24 mars suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de relever que si l'appelant a conclu à l'infirmation du jugement, il n'a pas remis en cause le chef du dispositif du jugement mettant M. [Z] [S] hors de cause.

En outre, les prétentions de l'appelant sont exclusivement dirigées contre la société [Z] [S] chocolatier.

Ce chef de dispositif ne pourra donc qu'être confirmé.

I. Sur la demande en paiement de M. [C] en exécution du bail commercial

1. Sur le paiement des loyers et charges

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article L.145-40-2 du code de commerce dispose que tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs.

En application de ces dispositions, il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes, d'établir sa créance en démontrant l'existence et le montant de ces charges.

En l'espèce, il résulte des clauses n°4 et 5-2 insérées au bail conclu le 14 mars 2015 que le loyer a été fixé à la somme mensuelle de 1 390,60 euros et les charges provisionnelles à la somme mensuelle de 180 euros (pièce appelante n°1).

Il est par ailleurs constant que le bail a cessé le 28 février 2018.

Dans ses conclusions, M. [C] reproduit deux extraits de tableaux récaptilatifs de l'état de répartition des charges.

Le premier pour la période du 1 octobre 2016 au 30 septembre 2017 porte sur le "lot 042 : Local commercial" pour une somme globale de 2 191,72 euros décomposée comme suit :

- charges communes générales : 1 964,84 euros,

- consommation d'eau froide : 181,72 euros,

- charges batiment U : 33,63 euros,

- location compteurs EF : 11,53 euros.

Le second pour la période du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 porte sur le même lot pour une somme globale de 2 027,57 euros décomposée comme suit :

- charges communes générales : 1 978,87 euros,

- consommation d'eau froide : 6,16 euros,

- charges batiment U : 12,24 euros,

- location compteurs EF : 30,30 euros.

Cette somme globale a été proratisée du 1er octobre 2017 jusqu'au 28 février 2018 à 844,82 euros (cinq mois).

Les deux extraits de tableaux portent les sommes à un total de 3 036,54 euros.

M. [C] produit au débat deux relevés des factures et charges du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 et du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 émis pour les sommes globales respectives de 224 618,02 euros TTC et 236 873,76 euros TTC (pièces n°5 et 6).

Aucun de ces relevés n'impute à la société [Z] [S] chocolatier les charges réclamées à proportion des tantièmes occupés. Ces relevés ne correspondent en rien aux sommes réclamées dans les conclusions de l'appelant.

Pas plus que devant le premier juge, il n'est possible à hauteur d'appel de procéder à la vérification juridictionnelle du bien fondé des charges réclamées à l'intimée.

Il résulte en toute hypothèse du décompte reproduit dans les conclusions de l'appelant, non contesté par l'intimée sur la partie versement, que celle-ci a payé au titre des loyers et charges les sommes de :

- 14 242,23 euros sur la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017,

- 6 329,88 euros sur la priode du 1er octobre 2017 au 28 février 2018,

- 3 000 euros par virement du 4 avril 2018,

soit une somme globale de 23 572,11 euros.

Selon ce même décompte, les loyers et charges provisionnelles dus s'élèvent aux sommes suivantes :

- 16 785,31 euros sur la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017,

- 7 026,65 euros sur la priode du 1er octobre 2017 au 28 février 2018,

soit une somme globale de 23 811,96 euros.

Il en résulte un solde positif au bénéfice la société [Z] [S] chocolatier de 239,85 euros.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le bailleur ne rapportait pas la preuve d'une somme due par le preneur au titre de charges impayées et l'a donc débouté de sa prétention à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2. Sur le paiement de la taxe foncière

En application du 3° de l'article R.145-35, le bailleur peut imputer au locataire la taxe foncière.

Sauf stipulation contraire, la taxe foncière est dans ce cas due pour la période d'occupation des lieux et doit être calculée au prorata temporis.

En l'espèce, les stipulations du bail prévoient que "le preneur supportera la charge financière des dépenses objets de l'inventaire visé ci-dessus (annexe n°5), soit par paiement direct auprès des intervenants pour celles qu'il devra exécuter de son propre chef, soit par remboursement au bailleur pour celles qu'il devra exécuter de son propre chef, soit par remboursement au bailleur pour celles que celui-ci aura engagées et ce, sur présentation de l'état récapitulatif annuel qui lui sera adressé par le bailleur et de tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et recevances imputés au preneur" (pièce appelant n°1).

En l'absence de stipulation expresse contraire, la taxe foncière est due au prorata temporis d'occupation des lieux.

Or, il ressort de l'avis d'impôt 2018 produit par l'appelant que la taxe foncière relative aux locaux objets du bail commercial est de 1 999 euros pour l'année 2018.

Il est constant que l'intimée a occupé les locaux du 1er janvier au 28 février 2018, soit deux mois.

Il s'ensuit que la taxe foncière due par l'intimée pour l'année 2018 est de : (1 999 euros/12) x 2 = 333,16 euros.

Il n'est pas contesté que la société [Z] [S] chocolatier à verser la somme de 345 euros à ce titre.

Compte tenu de ce qui précède, le premier juge a exactement décidé qu'aucune créance au titre de la taxe foncière de l'année 2018 n'était due et a par conséquent débouté M. [C] de sa prétention.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

II. Sur les prétentions accessoires

M. [C], qui succombe, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.

Condamné aux dépens, M. [C] sera condamné à verser à la société [Z] [S] chocolatier la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] sera en outre débouté de cette prétention à ce titre.

Le jugement sera enfin confirmé du chef condamnant M. [C] aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 12 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [C] aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne M. [F] [C] à verser à la SARL [Z] [S] chocolatier la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [F] [C] de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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