Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 9 mai 2025, n° 24/17311

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Marche (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Lagemi

Conseillers :

Gaffinel, Birolleau

Avocats :

Ingold, Amiel, Ittah, Vignolle Uldaric

TJ [Localité 16], du 7 août 2024, n° 24/…

7 août 2024

*****

Par acte des 24 juillet et 4 septembre 2013, MM. [W] [B], [C] [B] et Mmes [U] [B], [M] [B] épouse [N] et [Z] [B] ont renouvelé le bail commercial consenti à la société Marché portant sur un local (lot n°102), dépendant d'un immeuble situé à [Localité 21], [Adresse 19] et [Adresse 5], dans le marché 'L'Usine', afin d'y exercer une activité de 'négoce de gros et restauration d'articles de brocante, tableaux dorure', moyennant un loyer annuel en principal de 5.583,96 euros, révisable et majoré d'une provision pour charges.

Par acte du 2 janvier 2014, modifié par avenant du 15 janvier 2014, MM. [W] [B], [C] [B] et Mmes [U] [B], [M] [B] épouse [N] et [Z] [B] ont donné à bail à la société Marché un deuxième local à usage commercial (lot n°105) dépendant du même immeuble, afin d'y exercer une activité de 'dépôt d'articles de brocante et de décoration réservés exclusivement aux professionnels et tout public interdit', moyennant un loyer annuel de 7.500 euros payable mensuellement, révisé et majoré d'une provision pour charges de 875 euros par mois.

La sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur ayant émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation du marché 'L'Usine', dès le 30 avril 1996, le préfet de la Seine-[Localité 20] a, par arrêté du 1er février 2021, décidé de fermer au public l'établissement, en raison de la persistance des nombreux manquements aux règles de sécurité.

Par lettre du 11 février 2021 adressée à l'ensemble des locataires de 'L'Usine', le mandataire des bailleurs indiquait à ces derniers 'cette décision préfectorale vous impose à compter du 15 février 2021 et jusqu'à nouvel ordre de ne plus recevoir du public, cour incluse. Vous pouvez bien entendu continuer de jouir de vos stands, de vous rendre sur site, de charger et décharger à votre guise'.

Par lettre du 29 avril 2021, le conseil de la société Marché a informé les bailleurs de l'arrêt du paiement des loyers à compter du 1er mai 2021 motivé par la fermeture administrative à tout tiers y compris les clients, le trouble de jouissance et la perte d'exploitation en résultant. Les loyers ne sont plus payés depuis cette date, la fermeture administrative n'ayant toujours pas été levée.

Par acte du 27 février 2023, Mmes [X] [G] épouse [B], [I] [B] épouse [P], [U] [B], [M] [B] épouse [N] et [Z] [B] et M. [C] [B] (ci-après les consorts [B]) ont délivré à la société Marché un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le local n°105, objet du bail du 2 janvier 2014.

La société Marché a fait déterminer, non contradictoirement, le calcul des indemnités d'éviction et pour perte d'exploitation par Mme [T], qui a établi un rapport le 20 octobre 2023.

Parallèlement, les consorts [B] ont délivré à la société Marché, pour le lot 102, deux commandements de payer en date des 26 septembre et 13 octobre 2023 pour, respectivement, les sommes en principal, de 24.414,16 euros et 28.670,32 euros et, pour le lot 105, deux commandements de payer en date des 11 et 13 octobre 2023 pour la somme en principal de 56.579,60 euros, chacun de ces actes visant la clause résolutoire stipulée dans les baux.

Par acte du 14 décembre 2023, les consorts [B] ont assigné la société Marché devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins, notamment, de constatation de l'acquisition des clauses résolutoires, expulsion de la défenderesse et condamnation de cette dernière au paiement, par provision, des arriérés locatifs et des indemnités d'occupation.

Par ordonnance du 7 août 2024, le premier juge a :

déclaré l'action recevable ;

dit n'y avoir lieu à référé ;

rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné 'l'indivision' [B] à supporter la charge des dépens.

Par déclaration du 11 octobre 2024, les consorts [B] ont relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 10 mars 2025, les consorts [B] demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont ils ont relevé appel ;

Statuant à nouveau,

constater l'acquisition des deux clauses résolutoires stipulées dans les baux les liant à la société Marché ;

ordonner l'expulsion sans délai de la société Marché et de tous occupants de son chef des locaux loués aux termes des deux baux susvisés, avec au besoin l'assistance de la force publique et/ou d'un serrurier ;

condamner, par provision, la société Marché à leur verser la somme totale de 171.961,85 euros (soit la somme des deux montants dus et arrêtés au mois de mars 2025 inclus de 129.753,99 euros pour le stand 1003 et 42.207,86 euros pour le stand 1006) correspondant donc aux loyers et charges arrêtés au mois de mars 2025 inclus ;

ordonner la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux loués ;

fixer l'indemnité d'occupation provisionnelle qui leur sera due jusqu'à la libération effective des lieux loués, à la somme annuelle de 47.360,00 euros, soit 3.946,66 euros par mois, outre charges et taxes ;

juger en tant que de besoin que les deux dépôts de garantie, toujours en application des termes de la clause résolutoire, leur resteront acquis à titre indemnitaire ;

En tout état de cause,

débouter la société Marché de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société Marché à leur verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Marché en tous les dépens, lesquels comprendront le coût des deux commandements de payer signifiés les 26 septembre et 13 octobre 2023 d'une part, et les 11 et 13 octobre 2023 d'autre part ;

valider en tant que de besoin les deux saisies conservatoires pratiquées par la société LPF & associés, commissaires de justice, le 8 décembre 2023 sur le compte bancaire ouvert par la société Marché auprès du Crédit agricole Normandie-Seine et juger dès lors que les sommes ainsi bloquées pourront leur être attribuées conformément aux dispositions légales et dans les délais légaux.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 mars 2025, la société Marché demande à la cour de :

A titre principal,

la recevoir en ses demandes ;

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

en conséquence, rejeter les demandes des consorts [B] eu égard aux contestations sérieuses ;

A titre subsidiaire,

fixer le montant des loyers dus à la somme maximale de :

- 13.872,29 euros pour le lot 102, d'avril 2021 à décembre 2024,

- 26.583,31 euros pour le lot 105, d'avril 2021 à décembre 2024,

fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de :

- 321,18 euros par mois pour le lot 102,

- 615,77 euros par mois pour le lot 105,

juger que les charges ne sont pas dues, le bailleur ne justifiant pas de sa créance ;

infirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé pour l'octroi d'une somme provisionnelle de 150.000 euros correspondant à 43% des pertes d'exploitation chiffrées par Mme [T], expert près la cour d'appel de Paris ;

Statuant à nouveau,

condamner 'l'indivision' [B] à lui régler une somme provisionnelle de 150.000 euros correspondant à 43 % des pertes d'exploitation ;

ordonner la compensation des sommes dues par chaque partie ;

En tout état de cause,

juger qu'il n'y a pas lieu à expulsion ;

juger qu'il n'y a pas lieu à séquestration des meubles et objets garnissant les lieux loués ;

invalider les deux saisies conservatoires pratiquées par la société LPF & associés, commissaires de justice, le 8 décembre 2023 sur son compte bancaire ouvert auprès du Crédit agricole Normandie-Seine ;

condamner 'l'indivision' [B] à lui verser une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 19 mars 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'acquisition des clauses résolutoires et leurs conséquences

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835, alinéa 1, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

Au cas présent, il est constant que les causes des commandements de payer délivrés à la société Marché les 26 septembre, 11 et 13 octobre 2023 n'ont pas été acquittées dans le délai d'un mois imparti par ces actes, la société Marché n'ayant plus réglé les loyers et charges à compter des mois d'avril et mai 2021 ainsi qu'il résulte des relevés de compte produits arrêtés au 12 mars 2024 et n'ayant procédé depuis à aucun paiement.

Pour s'opposer aux effets des commandements de payer visant la clause résolutoire, la société Marché invoque le manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance justifiant, selon elle, le non-respect de son obligation de paiement des loyers. Elle soutient que la fermeture administrative ordonnée par arrêté préfectoral du 1er février 2021 a pour origine la négligence fautive des bailleurs, qui avaient connaissance, depuis 1996, des risques de fermeture de l'établissement et, donc, avant la conclusion des baux, et qui ne lui en ont pas fait part lors de celle-ci ni même au cours de leur exécution. Elle fait encore valoir que les bailleurs n'ont toujours pas remédié aux non-conformités relevées par l'autorité administrative, qu'ils ne justifient pas avoir effectué les travaux préconisés par l'administration. Elle indique que la fermeture prononcée l'empêche de poursuivre une activité commerciale normale puisque l'accès du site est interdit au public, en ce compris les clients professionnels avec lesquels elle travaille et qu'elle subit une importante perte financière, précisant que Mme [T] a évalué, certes de manière non contradictoire, mais en tenant compte de tous les éléments comptables transmis pour les exercices 2017 à 2023, la perte de chiffre d'affaires en lien avec cette fermeture, à la somme de 652.978 euros et la perte d'exploitation à la somme de 344.119 euros.

Les consorts [B] soutiennent que la fermeture administrative du marché 'L'Usine' n'a eu en réalité aucune incidence sur l'activité de la société Marché dès lors que celle-ci ne l'a jamais cessée en dépit de l'arrêté du 1er février 2021. Ils considèrent que l'exception d'inexécution ne peut leur être opposée puisque les locaux n'ont pas été rendus impropres à leur usage et qu'ils ont continué à être exploités, qu'en tout état de cause, la société locataire n'a entrepris aucune démarche afin d'être autorisée à suspendre le paiement des loyers et était informée des difficultés rencontrées lorsqu'elle a signé son premier bail en 1998 et lors de ses renouvellements, précisant qu'il existait une association de brocanteurs qui, dès 1998, a accepté et décidé de prendre en charge les travaux de réfection de la toiture et l'édification d'un mur coupe-feu.

Les consorts [B] versent aux débats des procès-verbaux de constat qui démontrent que plusieurs stands sont ouverts dont celui de la société Marché (procès-verbal du 10 décembre 2021), que dans les couloirs entre les stands, il a été relevé la présence de plusieurs personnes/clients venus récupérer de la marchandise et de véhicules stationnés devant les stands ainsi que des 'va et vient de livraisons et enlèvements de marchandises' (procès-verbal du 4 février 2022), que les locaux de la société Marché sont ouverts et achalandés, que des clients sont présents et ont pu retirer des meubles (procès-verbal du 21 mars 2024).

La société Marché ne conteste pas avoir eu accès à ses locaux et les avoir tenus ouverts, la cour relevant d'ailleurs que par lettre du 11 février 2021, le représentant des bailleurs rappelait à l'ensemble des locataires dont la société intimée, l'obligation de ne plus recevoir du public mais la faculté pour chacun d'eux de 'continuer à jouir de (leurs) stands, de (se) rendre sur site et de charger et décharger à (leur) guise'.

Il doit être rappelé que l'activité autorisée par les baux consentis à la société Marché est une activité de dépôt d'articles de brocante mais aussi de négoce auprès de clients professionnels, dont la présence, en application de l'arrêté préfectoral du 1er février 2021, a été interdite.

Les trois procès-verbaux susvisés, établis ponctuellement, ne permettent pas de démontrer, avec l'évidence requise en référé, que la société Marché a pu poursuivre, postérieurement à cet arrêté, une activité commerciale normale dans les conditions prévues dans les baux, celle-ci expliquant avoir dû s'adapter aux nouvelles contraintes de non-réception de la clientèle et avoir continué une exploitation partielle dès lors que l'ouverture des stands était possible tout comme le retrait de meubles par des professionnels. Elle précise que les personnes présentes lors du constat du commissaire de justice étaient des déménageurs venus retirer des objets mis en location et produit pour en justifier un devis et une facture du 21 mars 2024 portant sur une location de meubles, enlevés ce jour et devant être livrés à [Localité 18].

Il ressort de l'arrêté préfectoral du 1er février 2021 qu'à la suite de visites de la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur, les 30 avril 1996 et 21 décembre 2016, celle-ci avait émis des avis défavorables à l'exploitation du site ; que de nombreux manquements aux règles de sécurité, constatés le 21 décembre 2016, persistaient encore le 2 juin 2020 ; que l'analyse du risque réalisé par cette sous-commission a démontré le caractère dangereux pour les usagers de l'établissement au regard de la sécurité incendie ; qu'il a été considéré que l'établissement sera encore pour plusieurs années particulièrement dangereux pour les personnes le fréquentant ; qu'il a été retenu que les services de secours rencontreraient de grandes difficultés pour éteindre tout feu qui prendrait de l'ampleur, que le fort potentiel calorifique, l'absence de recoupement et l'absence de sprinkleur font qu'un incendie généralisé est très probable en cas de départ de feu et que le débit des points d'eau d'incendie est insuffisant pour un tel établissement et qu'au regard de la configuration des lieux, la probabilité d'éclosion d'un incendie est très fort.

Il apparaît de ces éléments, qui ont justifié la fermeture de l'établissement au public, que les locaux donnés à bail ne pouvaient plus répondre, dans leur intégralité, à l'usage pour lequel ils avaient été loués et ce sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la société locataire avait été ou non informée de l'état des lieux avant la conclusion du premier bail.

Les bailleurs avaient nécessairement conscience des conséquences négatives de cette fermeture administrative sur l'activité de leurs locataires, puisqu'ils leur ont proposé, par mail de leur mandataire du 5 août 2021, une réduction du loyer de 20 %, (réduction qu'ils contestent dans leurs écritures pour la société Marché), devant être appliquée dès le mois d'octobre 2021 et jusqu'à huit mois après la réouverture des stands, étant en tout état de cause observé que le pourcentage retenu n'apparaît pas avoir été discuté avec les preneurs et acceptés par eux.

A l'égard de la société Marché, il est relevé que lorsque celle-ci a fait part de son refus de s'acquitter des loyers à compter du mois de mai 2021, suivant lettre de son conseil du 29 avril 2021, il lui a été répondu, par lettre du 28 juin suivant, par le conseil des bailleurs qu'un point allait être fait avec l'administrateur de biens de 'l'indivision' [B] et qu'il ne manquerait pas de revenir vers elle.

Par lettre du 28 septembre 2022, adressé à cet administrateur de bien, la société Marché a réitéré son refus de paiement et a mis en demeure les bailleurs d'effectuer les travaux permettant de faire cesser la fermeture administrative de l'immeuble.

Or, il n'est pas justifié avant la délivrance des commandements de payer en septembre et octobre 2023, d'une quelconque action des bailleurs à l'égard de la société Marché et il doit être noté que par acte du 27 février 2023, soit plusieurs mois avant lesdits commandements visant les clauses résolutoires, les consorts [B] ont fait délivrer à la société Marché un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, ce qui tend à démontrer qu'en dépit d'une absence de paiement des loyers depuis près de deux ans, ces derniers n'entendaient pas se prévaloir d'un comportement fautif de leur locataire.

Ainsi, tenant compte des causes de fermeture de l'établissement dont dépendent les locaux loués, de la nature des activités autorisées par les baux nécessairement affectées par cette fermeture administrative, non encore levée à ce jour, et des conditions de mise en oeuvre des clauses résolutoires permettant d'établir que les consorts [B] n'ont pas agi de bonne foi lors de la délivrance des commandements de payer, leurs demandes tendant à la constatation de la résiliation des baux et à ce qu'il soit statué sur les conséquences de cette résiliation, se heurtent à des contestations sérieuses.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur les demandes de provisions

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il est constant, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, que la société Marché ne s'est plus acquittée des loyers et charges à la suite de la fermeture administrative de l'établissement et qu'elle continue d'exploiter partiellement les locaux donnés à bail.

Les consorts [B] ont versé aux débats plusieurs décomptes, les derniers débutant le 1er août 2023 et prenant fin au 10 mars 2025 portant sur les sommes de 129.753,99 euros et de 42.207,86 euros, qui seraient dues, à cette dernière date, pour chacun des lots donnés à bail, terme de mars 2025 inclus. Il figure sur ces derniers décomptes, à la date du 9 avril 2024, un arriéré de loyer dû au 1er juillet 2023, d'un montant de 46.627,56 pour l'un des baux et de 22.792,72 euros pour l'autre bail, la cour relevant toutefois que ces sommes ne correspondent pas aux soldes qui figuraient sur les décomptes arrêtés au 12 mars 2024.

Il est encore relevé qu'après avoir appliqué une remise de 20 % sur le montant du loyer à compter du mois d'octobre 2021 et jusqu'au mois d'avril 2023 ainsi qu'il résulte de l'extrait de compte produit pour la période du 1er janvier 2021 au 1er avril 2023, les consorts [B] ont renoncé à cette remise dans les derniers décomptes et, notamment, ceux joints aux commandements de payer.

Dans leurs conclusions, les appelants contestent en effet devoir une telle remise en estimant que les locaux de la société Marché n'ont pas été fermés. Par ailleurs, l'intimée entend obtenir réparation du préjudice financier qu'elle indique avoir subi du fait de la fermeture administrative du site et soutient être créancière des bailleurs à ce titre.

S'il est acquis que les locaux sont restés ouverts depuis la fermeture administrative, il est également établi avec l'évidence requise en référé que ceux-ci n'ont pu être exploités conformément aux conditions du bail de sorte qu'il existe une contestation sérieuse sur le montant de la créance revendiquée par les consorts [B], la juridiction des référés n'ayant pas le pouvoir de déterminer, au regard des éléments qui précèdent, le montant non sérieusement contestable de l'obligation de la société locataire.

Dans ces conditions, et sans qu'il soit utile de statuer sur les autres moyens soulevés par la société Marché tenant à l'absence de justification de l'ensemble des charges réclamées et sur l'indexation des loyers, il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre des loyers et charges, le premier juge ayant exactement considéré qu'au regard des litiges opposant les parties, le débat devait dans son ensemble être porté devant le juge du fond.

Sur les saisies conservatoires pratiquées le 8 décembre 2023

Les consorts [B] sollicitent que les deux saisies conservatoires qu'ils ont fait pratiquer le 8 décembre 2023 soient validées tandis que la société Marché demande qu'elles soient annulées.

Mais, ainsi que l'a retenu le premier juge, il n'appartient pas à la juridiction des référés de statuer sur la validité de ces saisies.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été justement appréciés par le premier juge.

Les consorts [B] supporteront les dépens d'appel.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne Mmes [X] [G] épouse [B], [I] [B] épouse [P], [U] [B], [M] [B] épouse [N] et [Z] [B] et M. [C] [B] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site