CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 7 mai 2025, n° 24/05627
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 7 MAI 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/05627 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJEOW
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Mars 2024 - Juge commissaire d'EVRY - RG n° 2022M01053
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. FLATRES [G] prise en la personne de Me [J] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. AT ULTIMUM
[Adresse 1]
[Localité 2]
Immatriculée au RCS de QUIMPER sous le n° 493 102 602
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Assistée par Me François MIGNON, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉES
S.E.L.A.R.L. FIDES prise en la personne de Maître [N] [E], agissant ès qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. LODING
[Adresse 3]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 451 953 392
S.A.S. LODING prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de EVRY sous le n° 420 178 550
Représentée par Me Karim BENT-MOHAMED de la SELEURL KARIM BENT-MOHAMED, avocat au barreau de PARIS, toque : K0006
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère faisant fonction de présidente
Caroline TABOUROT, Conseillère
Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère faisant fonction de présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SAS Loding est une société de commercialisation de chaussures de luxe pour hommes.
Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal de commerce d'Évry a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la SAS Loding et a maintenu la SELARL Fides, prise en la personne de Me [N] [E], en qualité de mandataire judiciaire.
La société At Ultimum, représentée par son liquidateur judiciaire Me [G], a déclaré sa créance au passif de la procédure de la société Loding pour un montant de 346 407,43 euros.
Par arrêt du 15 juin 2022, la cour d'appel de Paris a :
' Fixé le montant des créances de Me [G] ès-qualités aux fins d'admission au passif de la société Loding comme suit :
i. 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de
franchise;
ii. 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance
du fait du manquement de Loding dans son devoir d'information précontractuelle.
' Fixé le montant de la créance de Loding représentée par son administrateur judiciaire aux fins d'admission au passif de la société At Ultimum à la somme de 50 340,73 euros au titre du remboursement d'un prêt signé le 17 avril 2014, pour acquérir des marchandises.
Par courriel en date du 26 septembre 2023, le conseil de Me [G] a sollicité la fixation de la créance de la société At Altimum représentée par son liquidateur pour un montant de 146 833,90 '.
Par ordonnance du 6 mars 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry a :
- Admis la créance de Me [G] ès-qualités pour une somme de 82 580,27 ' à titre chirographaire.
- Dit que la présente décision sera portée sur la liste des créances par le greffe du tribunal conformément à l'article R.624-8 alinéa 1 du code de commerce.
- Dit que la présente décision sera notifiée par LRAR par le greffe du tribunal au créancier et au débiteur et que les organes de la procédure en seront avisés contre récépissé.
- Constater que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit à titre provisoire en application de l'article R.661-1 du code de commerce.
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégies de la procédure collective.
Par déclaration d'appel du 15 mars 2024, enregistrée le 27 mars 2024 Me [G] ès-qualités a interjeté appel de l'ordonnance.
Par conclusions notifiées par RPVA du 13 juin 2024, Me [G] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL At Ultimum demande à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a admis la créance de Me [G] ès-qualités pour une somme de 82 580,07 ' à titre chirographaire,
Statuant à nouveau :
- Admettre la créance chirographaire de la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire au passif de la société Loding pour un montant total de 142 462,90 '.
Y ajoutant
- Condamner solidairement la SAS Loding et la SELARL Fides prise en la personne de Me [N] [E], ès-qualités, à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAS Loding et la SELARL Fides prise en la personne de Me [N] [E], ès-qualités, aux entiers dépens d'instance et d'appel, Me [G] ès-qualités pouvant directement recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 12 septembre 2024, la SAS Loding demande à la cour de :
- Juger que la créance détenue par la société Loding sur Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue par la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire pour un montant de 132 921,00 euros sont certaines et réciproques ;
' Juger que la créance détenue par la société Loding sur Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue par la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire sur la société Loding pour un montant de 132 921,00 euros ont été déclarées aux passifs respectifs des procédures collectives de la société Loding et de la société At Ultimum ;
' Juger que la créance détenue par la société Loding sur la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue par la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire sur la société Loding pour un montant de 132 921,00 euros sont connexes ;
' Constater la réalisation de la compensation entre la créance détenue par la société Loding sur la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire sur la société Loding pour un montant de 132 921,00 euros à due concurrence ;
En conséquence :
' Confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 6 mars 2024 ayant admis la créance chirographaire de la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire au passif de la société Loding pour un montant total de 82 580,27 ' ;
' Rejeter le surplus ;
- Condamner Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum à payer à la société Loding la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 janvier 2024
MOTIFS DE LA DÉCISION
Me [G] ès-qualités de liquidateur de la société At Ultimum considère que le montant de sa créance est de 142 462,90 euros et non de 132 921 euros comme le soutient l'intimée. Il s'appuie d'une part, sur l'arrêt du 15 juin 2022 de la cour d'appel de Paris pour justifier le montant de sa créance qui a condamné l'intimée à 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise auquel s'ajoute 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance, puis 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et 82,44 euros au titre des dépens de première instance (jugement du 28/06/2017). Il affirme ainsi que l'intimée n'a pas comptabilisé la condamnation au titre de l'article 700 et les dépens de première instance. D'autre part, il comptabilise dans sa créance les condamnations mises à la charge de la société Loding par l'arrêt du 9 mai 2023 de la cour d'appel de Paris à savoir 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 459,46 euros au titre des dépens.
Ensuite, il s'oppose à toute compensation car les créances n'auraient pas le même fondement. L'une aurait un fondement délictuel (celle de restitution née de l'annulation du contrat de franchise et celle de dommages et intérêts pour manquement précontractuel) et l'autre un fondement contractuel (remboursement du prêt signé le 17 avril 2024).
La société Loding réplique que l'appelant prétend pouvoir modifier le quantum arrêté par la cour d'appel de Paris, en ajoutant des montants au titre d'un préjudice moral, et au titre de frais alors que dans son arrêt du 15 juin 2022 la cour d'appel de Paris a expressément jugé que Me [G] était débouté de sa demande au titre du préjudice moral et que chacune des parties supporterait les dépens sur renvoi après cassation. Ainsi, le seul montant à retenir pour déterminer l'assiette de la créance à compenser avec le montant dû par Me [G], ès-qualités, à la société Loding est le montant de 132 921,00 ' fixé par la cour d'appel de Paris. Elle ajoute que la même décision a également fixé une créance de la société Loding sur la société At Ultimum d'un montant 50 340,73 ' correspondant à un échéancier de prêt consenti par la société Loding à la société At Ultimum le 17 avril 2014 pour l'achat de marchandises par la société At Ultimum dans le cadre de leur contrat de franchise. Les deux créances invoquées ont été fixées dans leur existence et leur quantum par un même et unique arrêt aujourd'hui définitif.
L'intimée considère qu'il existe des créances réciproques entre chacune des deux sociétés. Ces deux créances résultent d'un même ensemble contractuel lui-même résultant d'une opération globale unique, à savoir, le contrat franchise conclu en date du 18 janvier 2013. Plus précisément, la créance de la société At Ultimum sur la société Loding résulte des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise et des dommages intérêts liés. Et la créance de la société Loding sur la société At Ultimum résulte d'un prêt consenti par la société Loding pour l'achat de marchandises par la société At Ultimum en exécution du même contrat de franchise. L'intimée considère ainsi que les deux créances étant à la fois certaines, réciproques, déclarées aux passifs respectifs de chacune des sociétés, et connexes, une compensation s'est donc opérée dans les conditions de l'article 1347 du Code civil et demande la confirmation de l'ordonnance querellée.
Sur ce,
Sur le quantum de la créance de la société At Ultimun.
La société At Ultimun considère que sa créance est d'un montant de 142 462,90 euros alors que l'intimée soutient qu'elle s'élève à 132 921 euros.
Par arrêt du 15 juin 2022 rendu après un arrêt de la cour de cassation du 12 mai 202, la cour d'appel de Paris a annulé le contrat de franchise signé entre les parties et a fixé la créance de la société At Ultimun.
Aux termes de cet arrêt, la cour d'appel a :
Infirmé le jugement sur le quantum des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de franchise et des dommages et intérêts pour manquement du franchiseur dans son obligation d'information pré-contractuelle, et l'a confirmé pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixé le montant des créances de Me [G] ès-qualités aux fins d'admission au passif de la société Loding comme suit :
- 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise;
- 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance du fait du manquement de la société Loding dans son devoir d'information pré-contractuelle,
Débouté Me [G] ès-qualités de sa demande de préjudice moral,
Y ajoutant,
Fixé le montant de la créance de la société Loding représentée par son administrateur judiciaire aux fins d'admission au passif de la société At Ultimum à la somme de 50 340,74 euros au titre du remboursement du prêt signé le 17 avril 2014,
Débouté la société Loding représentée par son administrateur judiciaire de ses autres demandes reconventionnelles,
Dit que chacune des parties supportera la moitié des dépens sur renvoi après cassation,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans les motifs de sa décision, la cour a précisé 'que le jugement sera confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance'.
Il en résulte que la créance de la société Loding est composée de:
- 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise;
- 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance;
- et des dépens et frais irrépétibles de première instance mis à la charge de la société par jugement du 28 juin 2017 à hauteur de 82,44 euros et de 7 500 euros.
Soit un total de 140 503,44 euros.
L'appelante souhaite ajouter à cette somme les frais irrépétibles et les dépens à hauteur de 1 959,46 euros (1500 euros de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 459,46 euros au titre des dépens) issus d'un arrêt du 9 mai 2023 de la cour d'appel de Paris qui l'a relevé de sa forclusion pour pouvoir déclarer sa créance à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Loding.
Cette procédure a été nécessaire pour que la société At Ultimum fasse valoir sa créance dans le cadre de la procédure collective de Loding et les frais mis à la charge de Loding doivent ainsi s'ajouter à la créance principale de la société At Ultimum.
Aussi, la cour reconnaît par conséquent que la société At Ultimum détient une créance d'un montant de 142 462,90 euros à l'encontre de la société Loding.
Sur la compensation entre les créances des sociétés At Ultimum et Loding
Selon l'article L.622-7, I du code de commerce, seules les créances réciproques entre le créancier et le débiteur en procédure collective sont éligibles à la règle du paiement par compensation des créances connexes.
Les créances réciproques sont considérées comme connexes lorsqu'elles se rattachent à plusieurs conventions qui concourent à la réalisation d'une même opération économique.
En l'espèce, la société At Altimum détient une créance vis-à-vis de la société Loding à hauteur de 142 462,90 euros en raison de l'annulation du contrat de franchise Loding qui avait été contracté entre les parties.
La société Loding détient quant à elle une créance de 50 340,73 ' non contestée correspondant à un échéancier de prêt consenti à la société At Ultimum le 17 avril 2014 pour l'achat de marchandises Loding dans le cadre du contrat de franchise.
Ces créances se rattachent toutes à la même opération économique à savoir la réalisation du contrat de franchise Loding. La société At Ultimum n'aurait en effet pas contracté un prêt auprès de la société Loding pour acquérir des chaussures de la marque Loding si elle n'avait pas eu l'exclusivité en raison de la franchise Loding. Les contrats étaient économiquement liés entre eux par un lien d'interdépendance car sans la signature du contrat de franchise du 18 janvier 2013, la société At Altimum n'aurait jamais contracté le 17 avril 2014 un prêt vis-à-vis de la société Loding pour acquérir des marchandises pour sa boutique sous franchise Loding.
Il en résulte que la compensation peut s'opérer entre ces deux créances, du fait de l'opération économique globale d'où dérivent ces créances réciproques.
La créance de la société At Altimum s'élève, après compensation, à 142 462,90 ' - 50 340,73 ' soit 92 122,17 euros.
L'ordonnance du juge-commissaire sera infirmée en ce qu'elle a retenu, après compensation, la somme de 82 580,27 euros et non de 92 122,17 euros, comme montant de la créance chirographaire de la société At Altimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire au passif de la société Loding.
Sur les frais irrépétibles et les dépens.
Les parties succombant partiellement dans leurs demandes respectives, elles conserveront les frais irrépétibles engagés par elles dans la présente instance et les dépens de l'instance seront partagés.
Par ces motifs,
La cour,
Infirme l'ordonnance du juge-commissaire du 6 mars 2024.
Statuant à nouveau,
Fixe la créance chirographaire de la société At Ultimum à 92 122,17 euros au passif de la société Loding;
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Dit que chacune des parties supportera la moitié des dépens
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 7 MAI 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/05627 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJEOW
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Mars 2024 - Juge commissaire d'EVRY - RG n° 2022M01053
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. FLATRES [G] prise en la personne de Me [J] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. AT ULTIMUM
[Adresse 1]
[Localité 2]
Immatriculée au RCS de QUIMPER sous le n° 493 102 602
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Assistée par Me François MIGNON, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉES
S.E.L.A.R.L. FIDES prise en la personne de Maître [N] [E], agissant ès qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. LODING
[Adresse 3]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 451 953 392
S.A.S. LODING prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de EVRY sous le n° 420 178 550
Représentée par Me Karim BENT-MOHAMED de la SELEURL KARIM BENT-MOHAMED, avocat au barreau de PARIS, toque : K0006
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère faisant fonction de présidente
Caroline TABOUROT, Conseillère
Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère faisant fonction de présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SAS Loding est une société de commercialisation de chaussures de luxe pour hommes.
Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal de commerce d'Évry a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la SAS Loding et a maintenu la SELARL Fides, prise en la personne de Me [N] [E], en qualité de mandataire judiciaire.
La société At Ultimum, représentée par son liquidateur judiciaire Me [G], a déclaré sa créance au passif de la procédure de la société Loding pour un montant de 346 407,43 euros.
Par arrêt du 15 juin 2022, la cour d'appel de Paris a :
' Fixé le montant des créances de Me [G] ès-qualités aux fins d'admission au passif de la société Loding comme suit :
i. 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de
franchise;
ii. 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance
du fait du manquement de Loding dans son devoir d'information précontractuelle.
' Fixé le montant de la créance de Loding représentée par son administrateur judiciaire aux fins d'admission au passif de la société At Ultimum à la somme de 50 340,73 euros au titre du remboursement d'un prêt signé le 17 avril 2014, pour acquérir des marchandises.
Par courriel en date du 26 septembre 2023, le conseil de Me [G] a sollicité la fixation de la créance de la société At Altimum représentée par son liquidateur pour un montant de 146 833,90 '.
Par ordonnance du 6 mars 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry a :
- Admis la créance de Me [G] ès-qualités pour une somme de 82 580,27 ' à titre chirographaire.
- Dit que la présente décision sera portée sur la liste des créances par le greffe du tribunal conformément à l'article R.624-8 alinéa 1 du code de commerce.
- Dit que la présente décision sera notifiée par LRAR par le greffe du tribunal au créancier et au débiteur et que les organes de la procédure en seront avisés contre récépissé.
- Constater que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit à titre provisoire en application de l'article R.661-1 du code de commerce.
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégies de la procédure collective.
Par déclaration d'appel du 15 mars 2024, enregistrée le 27 mars 2024 Me [G] ès-qualités a interjeté appel de l'ordonnance.
Par conclusions notifiées par RPVA du 13 juin 2024, Me [G] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL At Ultimum demande à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a admis la créance de Me [G] ès-qualités pour une somme de 82 580,07 ' à titre chirographaire,
Statuant à nouveau :
- Admettre la créance chirographaire de la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire au passif de la société Loding pour un montant total de 142 462,90 '.
Y ajoutant
- Condamner solidairement la SAS Loding et la SELARL Fides prise en la personne de Me [N] [E], ès-qualités, à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAS Loding et la SELARL Fides prise en la personne de Me [N] [E], ès-qualités, aux entiers dépens d'instance et d'appel, Me [G] ès-qualités pouvant directement recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 12 septembre 2024, la SAS Loding demande à la cour de :
- Juger que la créance détenue par la société Loding sur Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue par la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire pour un montant de 132 921,00 euros sont certaines et réciproques ;
' Juger que la créance détenue par la société Loding sur Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue par la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire sur la société Loding pour un montant de 132 921,00 euros ont été déclarées aux passifs respectifs des procédures collectives de la société Loding et de la société At Ultimum ;
' Juger que la créance détenue par la société Loding sur la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue par la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire sur la société Loding pour un montant de 132 921,00 euros sont connexes ;
' Constater la réalisation de la compensation entre la créance détenue par la société Loding sur la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire pour un montant de 50 340,73 euros et la créance détenue la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire sur la société Loding pour un montant de 132 921,00 euros à due concurrence ;
En conséquence :
' Confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 6 mars 2024 ayant admis la créance chirographaire de la société At Ultimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire au passif de la société Loding pour un montant total de 82 580,27 ' ;
' Rejeter le surplus ;
- Condamner Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum à payer à la société Loding la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société At Ultimum aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 janvier 2024
MOTIFS DE LA DÉCISION
Me [G] ès-qualités de liquidateur de la société At Ultimum considère que le montant de sa créance est de 142 462,90 euros et non de 132 921 euros comme le soutient l'intimée. Il s'appuie d'une part, sur l'arrêt du 15 juin 2022 de la cour d'appel de Paris pour justifier le montant de sa créance qui a condamné l'intimée à 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise auquel s'ajoute 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance, puis 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et 82,44 euros au titre des dépens de première instance (jugement du 28/06/2017). Il affirme ainsi que l'intimée n'a pas comptabilisé la condamnation au titre de l'article 700 et les dépens de première instance. D'autre part, il comptabilise dans sa créance les condamnations mises à la charge de la société Loding par l'arrêt du 9 mai 2023 de la cour d'appel de Paris à savoir 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 459,46 euros au titre des dépens.
Ensuite, il s'oppose à toute compensation car les créances n'auraient pas le même fondement. L'une aurait un fondement délictuel (celle de restitution née de l'annulation du contrat de franchise et celle de dommages et intérêts pour manquement précontractuel) et l'autre un fondement contractuel (remboursement du prêt signé le 17 avril 2024).
La société Loding réplique que l'appelant prétend pouvoir modifier le quantum arrêté par la cour d'appel de Paris, en ajoutant des montants au titre d'un préjudice moral, et au titre de frais alors que dans son arrêt du 15 juin 2022 la cour d'appel de Paris a expressément jugé que Me [G] était débouté de sa demande au titre du préjudice moral et que chacune des parties supporterait les dépens sur renvoi après cassation. Ainsi, le seul montant à retenir pour déterminer l'assiette de la créance à compenser avec le montant dû par Me [G], ès-qualités, à la société Loding est le montant de 132 921,00 ' fixé par la cour d'appel de Paris. Elle ajoute que la même décision a également fixé une créance de la société Loding sur la société At Ultimum d'un montant 50 340,73 ' correspondant à un échéancier de prêt consenti par la société Loding à la société At Ultimum le 17 avril 2014 pour l'achat de marchandises par la société At Ultimum dans le cadre de leur contrat de franchise. Les deux créances invoquées ont été fixées dans leur existence et leur quantum par un même et unique arrêt aujourd'hui définitif.
L'intimée considère qu'il existe des créances réciproques entre chacune des deux sociétés. Ces deux créances résultent d'un même ensemble contractuel lui-même résultant d'une opération globale unique, à savoir, le contrat franchise conclu en date du 18 janvier 2013. Plus précisément, la créance de la société At Ultimum sur la société Loding résulte des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise et des dommages intérêts liés. Et la créance de la société Loding sur la société At Ultimum résulte d'un prêt consenti par la société Loding pour l'achat de marchandises par la société At Ultimum en exécution du même contrat de franchise. L'intimée considère ainsi que les deux créances étant à la fois certaines, réciproques, déclarées aux passifs respectifs de chacune des sociétés, et connexes, une compensation s'est donc opérée dans les conditions de l'article 1347 du Code civil et demande la confirmation de l'ordonnance querellée.
Sur ce,
Sur le quantum de la créance de la société At Ultimun.
La société At Ultimun considère que sa créance est d'un montant de 142 462,90 euros alors que l'intimée soutient qu'elle s'élève à 132 921 euros.
Par arrêt du 15 juin 2022 rendu après un arrêt de la cour de cassation du 12 mai 202, la cour d'appel de Paris a annulé le contrat de franchise signé entre les parties et a fixé la créance de la société At Ultimun.
Aux termes de cet arrêt, la cour d'appel a :
Infirmé le jugement sur le quantum des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de franchise et des dommages et intérêts pour manquement du franchiseur dans son obligation d'information pré-contractuelle, et l'a confirmé pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixé le montant des créances de Me [G] ès-qualités aux fins d'admission au passif de la société Loding comme suit :
- 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise;
- 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance du fait du manquement de la société Loding dans son devoir d'information pré-contractuelle,
Débouté Me [G] ès-qualités de sa demande de préjudice moral,
Y ajoutant,
Fixé le montant de la créance de la société Loding représentée par son administrateur judiciaire aux fins d'admission au passif de la société At Ultimum à la somme de 50 340,74 euros au titre du remboursement du prêt signé le 17 avril 2014,
Débouté la société Loding représentée par son administrateur judiciaire de ses autres demandes reconventionnelles,
Dit que chacune des parties supportera la moitié des dépens sur renvoi après cassation,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans les motifs de sa décision, la cour a précisé 'que le jugement sera confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance'.
Il en résulte que la créance de la société Loding est composée de:
- 32 921 euros au titre des restitutions à la suite de l'annulation du contrat de franchise;
- 100 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de chance;
- et des dépens et frais irrépétibles de première instance mis à la charge de la société par jugement du 28 juin 2017 à hauteur de 82,44 euros et de 7 500 euros.
Soit un total de 140 503,44 euros.
L'appelante souhaite ajouter à cette somme les frais irrépétibles et les dépens à hauteur de 1 959,46 euros (1500 euros de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 459,46 euros au titre des dépens) issus d'un arrêt du 9 mai 2023 de la cour d'appel de Paris qui l'a relevé de sa forclusion pour pouvoir déclarer sa créance à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Loding.
Cette procédure a été nécessaire pour que la société At Ultimum fasse valoir sa créance dans le cadre de la procédure collective de Loding et les frais mis à la charge de Loding doivent ainsi s'ajouter à la créance principale de la société At Ultimum.
Aussi, la cour reconnaît par conséquent que la société At Ultimum détient une créance d'un montant de 142 462,90 euros à l'encontre de la société Loding.
Sur la compensation entre les créances des sociétés At Ultimum et Loding
Selon l'article L.622-7, I du code de commerce, seules les créances réciproques entre le créancier et le débiteur en procédure collective sont éligibles à la règle du paiement par compensation des créances connexes.
Les créances réciproques sont considérées comme connexes lorsqu'elles se rattachent à plusieurs conventions qui concourent à la réalisation d'une même opération économique.
En l'espèce, la société At Altimum détient une créance vis-à-vis de la société Loding à hauteur de 142 462,90 euros en raison de l'annulation du contrat de franchise Loding qui avait été contracté entre les parties.
La société Loding détient quant à elle une créance de 50 340,73 ' non contestée correspondant à un échéancier de prêt consenti à la société At Ultimum le 17 avril 2014 pour l'achat de marchandises Loding dans le cadre du contrat de franchise.
Ces créances se rattachent toutes à la même opération économique à savoir la réalisation du contrat de franchise Loding. La société At Ultimum n'aurait en effet pas contracté un prêt auprès de la société Loding pour acquérir des chaussures de la marque Loding si elle n'avait pas eu l'exclusivité en raison de la franchise Loding. Les contrats étaient économiquement liés entre eux par un lien d'interdépendance car sans la signature du contrat de franchise du 18 janvier 2013, la société At Altimum n'aurait jamais contracté le 17 avril 2014 un prêt vis-à-vis de la société Loding pour acquérir des marchandises pour sa boutique sous franchise Loding.
Il en résulte que la compensation peut s'opérer entre ces deux créances, du fait de l'opération économique globale d'où dérivent ces créances réciproques.
La créance de la société At Altimum s'élève, après compensation, à 142 462,90 ' - 50 340,73 ' soit 92 122,17 euros.
L'ordonnance du juge-commissaire sera infirmée en ce qu'elle a retenu, après compensation, la somme de 82 580,27 euros et non de 92 122,17 euros, comme montant de la créance chirographaire de la société At Altimum représentée par Me [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire au passif de la société Loding.
Sur les frais irrépétibles et les dépens.
Les parties succombant partiellement dans leurs demandes respectives, elles conserveront les frais irrépétibles engagés par elles dans la présente instance et les dépens de l'instance seront partagés.
Par ces motifs,
La cour,
Infirme l'ordonnance du juge-commissaire du 6 mars 2024.
Statuant à nouveau,
Fixe la créance chirographaire de la société At Ultimum à 92 122,17 euros au passif de la société Loding;
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Dit que chacune des parties supportera la moitié des dépens
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE