CA Rennes, 2e ch., 13 mai 2025, n° 24/03009
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N° 175
N° RG 24/03009 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UZS2
(Réf 1ère instance : V21-12.246)
(3)
M. [O] [U]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Hélène LAUDIC-BARON
- Me Hugo CASTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 MAI 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Février 2025, tenue en conseiller rapporteur, sans opposition des parties par Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2025 par mise à disposition au greffe
****
DEMANDEUR SUR RENVOI APRÉS CASSATION :
Monsieur [O] [U]
né le 11 Mars 1957 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
DEFENDERESSE SUR RENVOI APRÉS CASSATION :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sébastien MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
2
EXPOSÉ DU LITIGE
Par un contrat conclu hors établissement le 9 février 2015, M. [U] a commandé auprès de la société Sungold, exerçant sous les dénominations commerciales « Agence française de l'habitat » ou « Institut des nouvelles énergies » la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, moyennant le prix de 24 900 euros TTC, financés par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Sygma Banque.
Les 7 février et 6 mars 2017, soutenant que le bon de commande était irrégulier, que le vendeur n'avait pas exécuté les prestations convenues et que le défaut de raccordement au réseau le privait de la possibilité de revendre l'électricité produite, l'acquéreur a assigné en annulation ou, subsidiairement, en résolution des contrats de vente et de prêt, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts, le vendeur, placé en liquidation judiciaire, et M. [B], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire. La société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma banque, est intervenue à l'instance.
Par jugement du 20 octobre 2017, le tribunal d'instance de Fougères a :
- prononcé la résolution des contrats de vente et de crédit,
- condamné M. [U] à payer à la BNP les sommes de 24 900 ' au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, et de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixé la créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Sungold pour les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire.
M. [U] a relevé appel de cette décision le 6 décembre 2017.
Suivant arrêt du 16 octobre 2020, la cour d'appel de Rennes a, statuant dans les limites du rapport d'instance d'appel opposant M. [U] à la société BNP Paribas Personal Finance, confirmé le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Fougères et y additant, enjoint à la BNP Paribas Personal Finance d'accomplir les démarches nécessaires en vue de la radiation de M. [U] du FICP, et condamné ce dernier à lui payer la somme de 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
M. [U] a formé un pourvoi en cassation.
Suivant arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 900 ' au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, rejette la demande d'indemnisation formée par M. [U] à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
- rejeté la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et l'a condamnée à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration en date du 22 mai 2024, monsieur [U] a saisi la cour d'appel de Rennes après cassation.
En ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- infirmer la décision rendue par le tribunal d'instance de Fougères, le 20 octobre 2017 en ce qu'elle l'a condamné à verser à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque la somme de 24 900 euros avec intérêts au taux légal non majorés à compter du 8 septembre 2017,
- statuant à nouveau,
- constater que l'organisme prêteur a commis une faute en délivrant les fonds sans s'assurer de la mise en place effective de l'installation par la société Sungold, Institut des nouvelles technologies,
- par conséquent,
- dire que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque n'est pas recevable à lui solliciter le paiement de la somme de 24 900 euros,
- par conséquent,
- a débouté de cette demande,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque à lui verser la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article du code de procédure civile.
En ses dernières conclusions du 23 septembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
Vu l'article 1315 du code civil
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu l'article L.311-32 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'offre,
Vu les articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] [U] à lui verser la somme de 24 900 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2017 en restitution du capital prêté et la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté M. [O] [U] du surplus de ses demandes,
- en conséquence,
- condamner M. [O] [U] à lui régler la somme de 24 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2017 en restitution du capital prêté,
- rejeter la demande de M. [O] [U] visant à la priver de sa créance de restitution,
- rejeter la demande de dommages et intérêts formée par M. [O] [U], ainsi que l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - subsidiairement,
- limiter la réparation qu'elle devra eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
- limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [U] d'en justifier,
- à titre infiniment subsidiaire,
- en cas de décharge de l'obligation de l'emprunteur,
- condamner M. [O] [U] à lui payer la somme de 24 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,
- enjoindre à M. [U] de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui au liquidateur judiciaire de la société Sungold dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que le produit de l'autoconsommation et/ ou les revenus perçus au titre de l'exploitation du matériel,
- dire et juger qu'à défaut de restitution, il restera tenu de la restitution du capital prêté,
- Subsidiairement, priver M. [U] de sa créance en restitution des mensualités réglées du fait de sa légèreté blâmable,
- en tout état de cause
- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2025 .
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la créance de restitution de la banque
Il convient de rappeler que la cour ne statue que dans les rapports de l'instance d'appel opposant M. [U] à la BNP, l'appel limité de M. [U] ne remettant pas en cause les dispositions du jugement attaqué ayant prononcé la résolution des contrats de vente et de prêt et la fixation de la créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Sungold pour 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance.
La cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 14 février 2024 qui avait confirmé le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Fougères en ce qu'il avait constaté que le prêteur n'avait pas commis de faute privative de son droit à restitution du capital prêté, a été prononcée au motif que « le certificat de livraison, qui énonçait une alternative et avait été signé le 24 février 2015, date de l'installation des matériels en cause, cependant que le contrat avait été conclu le 9 février, ne permettait pas à la banque, comme il le lui incombait avant de verser les fonds, de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé ».
La cour rappelle que suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties à ce contrat sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.
M. [U] reproche à la banque d'avoir commis une faute dans le déblocage des fonds prêtés, au motif qu'elle ne s'est pas assurée de la complète exécution du contrat principal.
Il soutient qu'en délivrant les fonds au seul vu de l'attestation de fin de travaux, incomplète, la société Sygma Banque ne s'est pas assurée de la bonne exécution du contrat principal, et notamment de la réalisation, d'une part, des démarches administratives (demande et obtention d'une autorisation d'urbanisme et réalisation du consuel), et d'autre part, du raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau ERDF, alors qu'il lui incombait de le faire.
Il affirme que le certificat de livraison était insuffisamment complet et précis, lequel ne faisait mention que de l'installation d'un « kit photovoltaïque » sans plus de détails, pour qu'il puisse en être déduit que sa seule signature valait renoncement aux conditions préalables au financement, lesquelles consistaient en la réalisation de démarches administratives et au raccordement au réseau ERDF de l'installation.
Il estime que la banque a fait preuve de négligence fautive, se contentant de ce bon de livraison équivoque, et de la formule selon laquelle « la prestation de service ci-dessus désignée (installation kit photovoltaïques) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal », ne cherchant pas à se faire communiquer le contrat principal pour connaître le détail des prestations convenues, et voir si celui-ci était conforme aux dispositions protectrices du droit de la consommation, et partant, ne s'assurant pas de la complète et parfaite exécution du contrat principal avant d'avoir libéré les fonds. Ce document ne pouvait selon lui, valoir réception sans réserve puisque l'ensemble des prestations prévues au contrat initial, auquel le bon de livraison se gardait bien de faire référence, n'avait pas été exécuté.
Il en conclut que la faute de la banque, qui consiste en la délivrance des fonds au seul vu de l'attestation de fin de travaux, irrégulière, et sans s'être préalablement assuré de la parfaite exécution du contrat, en ce compris, la réalisation des démarches administratives, et le raccordement au réseau ERDF pour permettre la production d'électricité, devait donc être consacrée.
La banque soutient que la Cour de cassation a statué en commettant une erreur matérielle concernant les faits du dossier, le vendeur ne s'étant pas engagé au terme du bon de commande à « des prestations de mise en service de l'installation », mais uniquement à la réalisation de démarches administratives auprès de la mairie et en vue du raccordement et à la prise en charge financière du coût du raccordement, la réalisation matérielle du raccordement étant en revanche réalisée par un organisme tiers, ERDF. Elle en conclut que c'est en tenant compte de cette erreur matérielle que la cour de renvoi sera amenée à ré-examiner la question de savoir si la banque a commis une faute au vu de l'attestation produite aux débats.
Elle prétend que l'emprunteur doit, au titre des restitutions résultant de la résolution du contrat de crédit, lui restituer le montant du capital applicable, la nullité ou résolution du contrat de prêt faisant suite à la nullité ou résolution du contrat de vente emportant l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées.
Elle invoque l'absence de faute dans la vérification de la réalisation de la prestation financée, la banque n'ayant fait qu'exécuter l'ordre de paiement donné par son mandant, conformément aux règles du mandat.
Elle soutient également qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle n'a versé les fonds qu'au vu d'une attestation de fin de travaux signée par l'emprunteur aux termes de laquelle celui-ci atteste que la prestation a bien été entièrement réalisée conformément aux stipulations du bon de commande. Elle ajoute que la société venderesse ne s'était nullement engagée à réaliser matériellement le raccordement qui ne pouvait être réalisé que postérieurement à l'installation du matériel.
Elle indique également que l'attestation ne formulait pas seulement une alternative, mais aussi une adjonction, l'emprunteur attestant de « la livraison du ou des bien(s) et/ou la fourniture de la prestation de services », de sorte que lorsqu'il s'agit comme en l'espèce, d'un bon de commande comportant à la fois la livraison de biens et la fourniture de prestations de services, l'emprunteur atteste bien à la fois de la livraison des biens et de la réalisation des prestations de services annexes, ce qui est dénué d'ambiguïté, puisque l'emprunteur atteste de la réalisation complète au regard de ce qui est mentionné dans le bon de commande.
A titre subsidiaire, à supposer qu'une faute ait été commise par elle, elle invoque l'absence de préjudice et de lien de causalité au regard de la réalisation de la prestation, l'impossibilité de caractériser le préjudice au regard de la non-obtention par l'acquéreur de la restitution du prix de vente du fait de la procédure collective, ce préjudice résultant de la liquidation judiciaire et non d'une faute de la banque.
Elle souligne que ce préjudice allégué est hypothétique et qu'à le supposer établi, l'impossibilité de restitution doit aussi être examinée côté vendeur, qui ne récupère pas l'installation, que l'emprunteur conserve donc par voie de conséquence, qu'il y aurait donc lieu de tenir compte de la prestation conservée par l'emprunteur comme venant en déduction du préjudice allégué au titre de l'impossibilité de récupérer le prix de vente, le préjudice devant être apprécié globalement en tenant compte des non-restitutions réciproques.
A titre plus subsidiaire, si un préjudice et un lien de causalité devaient être retenus, la banque demande à la cour de limiter sa condamnation en proportion du préjudice effectivement subi en lien de causalité avec la faute opérée, à savoir la part de la prestation qui n'aurait pas été achevée, à charge pour l'acquéreur d'en justifier, tout en prenant également en compte la limitation de responsabilité liée à la signature fautive de l'attestation et demande de versement de fonds prêtés.
Elle considère que si sa faute devait être retenue, il conviendrait de tenir compte de la valeur du matériel posé conservé par l'acquéreur et financé grâce au capital versé par elle, l'acquéreur ne pouvant conserver le matériel posé et en tirer profit sans restituer à la banque la part du capital correspondante. Celui-ci devrait lui restituer la part du capital ayant financé le matériel posé conservé.
Dans la logique de l'opération commerciale unique, l'emprunteur ne saurait être tenu d'un engagement financier qui n'aurait pas pour contrepartie la livraison d'un bien ou l'exécution d'une prestation de service. L'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat, prévoit du reste que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s'enquière de l'exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu'après une telle exécution, sous peine de commettre une faute, et sans pouvoir exciper des règles du mandat comme le fait, en l'espèce, la banque, pour soutenir qu'elle aurait été contrainte de procéder au versement des fonds, dès lors qu'elle en avait reçu l'ordre de son mandant.
L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à libérer les fonds au vu d'une attestation de livraison n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré.
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et il ne saurait être garant de l'exécution du contrat principal.
Au cas d'espèce, aux termes du document signé par la venderesse et M. [U] le 24 mars 2015, il est attesté de la livraison conformément au contrat de vente et la venderesse demande au prêteur de lui verser les fonds au titre du contrat de crédit (24 900 euros).
L'attestation signée par l'emprunteur, datée du 24 février 2015, si elle est de nature à identifier l'opération financée, n'est pourtant pas propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.
En effet, le contrat d'achat du 9 février 2015 portait sur « l'installation solaire photovoltaïque comprenant 12 panneaux photovoltaïques, les démarches administratives (mairie, ERDF, consuel, AOA, etc.) et le raccordement au réseau ERDF à la charge de l'agence française de l'habitation en totalité.
La banque ne saurait utilement prétendre que la Cour de cassation aurait commis une erreur matérielle concernant les faits du dossier, le vendeur ne s'étant pas engagé aux termes du bon de commande, « à des prestations de mise en service de l'installation », mais uniquement à la réalisation de démarches administratives auprès de la mairie et en vue du raccordement et à la prise en charge financière du coût de raccordement, la réalisation matérielle du raccordement étant en revanche réalisée par un organisme tiers, ERDF.
Au vu du contrat d'achat, il est manifeste que la prestation financée comprenait l'installation solaire photovoltaïque ainsi que les démarches administratives auprès de divers organismes et mairie, et le raccordement au réseau ERDF et cette prestation était considérée comme réalisée qu'au raccordement de l'installation au réseau d'électricité quand bien même ce raccordement était effectué par ERDF.
Le « certificat de livraison de bien et/ou de fourniture de services » signé par l'emprunteur le 24 février 2015 mentionnait au paragraphe : désignation précise du bien ou de la prestation de services dont le financement fait en tout ou partie l'objet du contrat de « crédit affecté » : "kit photovoltaïque" sans autre précision. M. [U] attestait par ailleurs reconnaître « sans réserve que la livraison ou des biens et/ou la fourniture de la prestation de services ci-dessus désignée(s) a (ont) été pleinement effectuée(s) conformément au contrat principal de vente que j'ai préalablement conclu avec le vendeur, que cette livraison et/ou fourniture est intervenue le 24 02 2015 » et demandait en conséquence au prêteur « de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat de crédit affecté ».
Il ressort du rapprochement des deux documents que le certificat de livraison signé le 24 février 2015, date de l'installation des matériels en cause alors que le contrat avait été conclu le 9 février 2015, comportait une ambiguïté dès lors qu'il énonçait une alternative (livraison du bien et/ou fourniture de services) et faisait uniquement référence à la livraison d'un « kit photovoltaïque » sans qu'aucune autre précision ne soit apportée sur les démarches administratives et de raccordement, prestations de service pourtant incluses dans le bon de commande.
Ce certificat de livraison était de fait équivoque aux yeux de M. [U] dont la seule signature ne pouvait suffire à valoir réception sans réserve de l'ensemble des prestations prévues au contrat initial, auxquels le bon de livraison ne faisait pas totalement référence. La simple comparaison par la banque du bon de commande et du certificat de livraison lui aurait permis de vérifier que l'ensemble des prestations contractuellement prévues était ou non entièrement achevée.
Or, en l'occurrence, ce certificat de livraison ne permettait pas à la banque, comme il le lui incombait, de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé alors qu'il lui incombait de relever les anomalies apparentes du bon de commande et de l'attestation de fin de travaux avant de se dessaisir du capital prêté.
Au demeurant, M. [U] justifie que ces démarches administratives et de raccordement n'avaient pas été réalisées à la date de la signature du certificat de livraison par les documents qu'il verse aux débats. Celui-ci a notamment fait établir le 25 mars 2015 un constat d'huissier duquel il ressort que le branchement électrique lié aux 12 panneaux photovoltaïques installés n'avait toujours pas été réalisé. Selon une lettre d'ERDF du 3 août 2015, le raccordement au réseau ERDF n'avait pas abouti.
Il résulte de ces éléments qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur au seul vu de ce certificat équivoque et sans procéder à des vérifications complémentaires sur l'exécution complète du contrat principal, la société BNP Paribas Personal Finance, qui ne devait pas ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a accordé son concours, a, contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
Il convient néanmoins de rappeler qu'en cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1, 17 mai 2023, 22-16.429).
Ainsi, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute
Pour être dispensé de la restitution du capital prêté en cas d'annulation ou de résolution du contrat, l'emprunteur doit donc démontrer l'existence d'un préjudice en lien avec la faute commise par le prêteur.
Or, en l'espèce, M. [U] se contente de soutenir que la faute de l'établissement bancaire doit être consacrée et que la cour devra tirer les enseignements de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024 et infirmer le jugement du tribunal d'instance de Fougères en date du 20 octobre 2017 en ce qu'il l'a condamné à payer à la banque la somme de 24 900 euros, augmentée des intérêts au taux légal non majorés à compter du 8 septembre 2017.
Ce faisant, M. [U] n'allègue ni ne caractérise l'existence d'un préjudice en lien avec la faute de la banque.
Dans ces conditions, faute de démontrer un préjudice en lien avec la faute de la banque, M. [U] ne saurait prétendre au rejet de la demande en paiement formée par cette dernière.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de condamner M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [U], partie succombante, sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites du rapport d'instance d'appel opposant M. [U] à la société BNP Paribas Personal Finance ;
Confirme le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Fougères en ce qu'il a condamné M. [U] à payer à la BNP les sommes de 24 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, et de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Condamne M. [O] [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [O] [U] aux dépens de la procédure d'appel ;
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.
ARRÊT N° 175
N° RG 24/03009 - N° Portalis DBVL-V-B7I-UZS2
(Réf 1ère instance : V21-12.246)
(3)
M. [O] [U]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Hélène LAUDIC-BARON
- Me Hugo CASTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 MAI 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Guillaume FRANCOIS, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Février 2025, tenue en conseiller rapporteur, sans opposition des parties par Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2025 par mise à disposition au greffe
****
DEMANDEUR SUR RENVOI APRÉS CASSATION :
Monsieur [O] [U]
né le 11 Mars 1957 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
DEFENDERESSE SUR RENVOI APRÉS CASSATION :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sébastien MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
2
EXPOSÉ DU LITIGE
Par un contrat conclu hors établissement le 9 février 2015, M. [U] a commandé auprès de la société Sungold, exerçant sous les dénominations commerciales « Agence française de l'habitat » ou « Institut des nouvelles énergies » la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, moyennant le prix de 24 900 euros TTC, financés par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Sygma Banque.
Les 7 février et 6 mars 2017, soutenant que le bon de commande était irrégulier, que le vendeur n'avait pas exécuté les prestations convenues et que le défaut de raccordement au réseau le privait de la possibilité de revendre l'électricité produite, l'acquéreur a assigné en annulation ou, subsidiairement, en résolution des contrats de vente et de prêt, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts, le vendeur, placé en liquidation judiciaire, et M. [B], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire. La société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma banque, est intervenue à l'instance.
Par jugement du 20 octobre 2017, le tribunal d'instance de Fougères a :
- prononcé la résolution des contrats de vente et de crédit,
- condamné M. [U] à payer à la BNP les sommes de 24 900 ' au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, et de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixé la créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Sungold pour les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire.
M. [U] a relevé appel de cette décision le 6 décembre 2017.
Suivant arrêt du 16 octobre 2020, la cour d'appel de Rennes a, statuant dans les limites du rapport d'instance d'appel opposant M. [U] à la société BNP Paribas Personal Finance, confirmé le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Fougères et y additant, enjoint à la BNP Paribas Personal Finance d'accomplir les démarches nécessaires en vue de la radiation de M. [U] du FICP, et condamné ce dernier à lui payer la somme de 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
M. [U] a formé un pourvoi en cassation.
Suivant arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 900 ' au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, rejette la demande d'indemnisation formée par M. [U] à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
- rejeté la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et l'a condamnée à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration en date du 22 mai 2024, monsieur [U] a saisi la cour d'appel de Rennes après cassation.
En ses dernières conclusions en date du 26 septembre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- infirmer la décision rendue par le tribunal d'instance de Fougères, le 20 octobre 2017 en ce qu'elle l'a condamné à verser à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque la somme de 24 900 euros avec intérêts au taux légal non majorés à compter du 8 septembre 2017,
- statuant à nouveau,
- constater que l'organisme prêteur a commis une faute en délivrant les fonds sans s'assurer de la mise en place effective de l'installation par la société Sungold, Institut des nouvelles technologies,
- par conséquent,
- dire que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque n'est pas recevable à lui solliciter le paiement de la somme de 24 900 euros,
- par conséquent,
- a débouté de cette demande,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma banque à lui verser la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article du code de procédure civile.
En ses dernières conclusions du 23 septembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
Vu l'article 1315 du code civil
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu l'article L.311-32 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'offre,
Vu les articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] [U] à lui verser la somme de 24 900 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2017 en restitution du capital prêté et la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté M. [O] [U] du surplus de ses demandes,
- en conséquence,
- condamner M. [O] [U] à lui régler la somme de 24 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2017 en restitution du capital prêté,
- rejeter la demande de M. [O] [U] visant à la priver de sa créance de restitution,
- rejeter la demande de dommages et intérêts formée par M. [O] [U], ainsi que l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - subsidiairement,
- limiter la réparation qu'elle devra eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
- limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [U] d'en justifier,
- à titre infiniment subsidiaire,
- en cas de décharge de l'obligation de l'emprunteur,
- condamner M. [O] [U] à lui payer la somme de 24 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,
- enjoindre à M. [U] de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui au liquidateur judiciaire de la société Sungold dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que le produit de l'autoconsommation et/ ou les revenus perçus au titre de l'exploitation du matériel,
- dire et juger qu'à défaut de restitution, il restera tenu de la restitution du capital prêté,
- Subsidiairement, priver M. [U] de sa créance en restitution des mensualités réglées du fait de sa légèreté blâmable,
- en tout état de cause
- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2025 .
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la créance de restitution de la banque
Il convient de rappeler que la cour ne statue que dans les rapports de l'instance d'appel opposant M. [U] à la BNP, l'appel limité de M. [U] ne remettant pas en cause les dispositions du jugement attaqué ayant prononcé la résolution des contrats de vente et de prêt et la fixation de la créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Sungold pour 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance.
La cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 14 février 2024 qui avait confirmé le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Fougères en ce qu'il avait constaté que le prêteur n'avait pas commis de faute privative de son droit à restitution du capital prêté, a été prononcée au motif que « le certificat de livraison, qui énonçait une alternative et avait été signé le 24 février 2015, date de l'installation des matériels en cause, cependant que le contrat avait été conclu le 9 février, ne permettait pas à la banque, comme il le lui incombait avant de verser les fonds, de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé ».
La cour rappelle que suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties à ce contrat sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.
M. [U] reproche à la banque d'avoir commis une faute dans le déblocage des fonds prêtés, au motif qu'elle ne s'est pas assurée de la complète exécution du contrat principal.
Il soutient qu'en délivrant les fonds au seul vu de l'attestation de fin de travaux, incomplète, la société Sygma Banque ne s'est pas assurée de la bonne exécution du contrat principal, et notamment de la réalisation, d'une part, des démarches administratives (demande et obtention d'une autorisation d'urbanisme et réalisation du consuel), et d'autre part, du raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau ERDF, alors qu'il lui incombait de le faire.
Il affirme que le certificat de livraison était insuffisamment complet et précis, lequel ne faisait mention que de l'installation d'un « kit photovoltaïque » sans plus de détails, pour qu'il puisse en être déduit que sa seule signature valait renoncement aux conditions préalables au financement, lesquelles consistaient en la réalisation de démarches administratives et au raccordement au réseau ERDF de l'installation.
Il estime que la banque a fait preuve de négligence fautive, se contentant de ce bon de livraison équivoque, et de la formule selon laquelle « la prestation de service ci-dessus désignée (installation kit photovoltaïques) a été pleinement effectuée conformément au contrat principal », ne cherchant pas à se faire communiquer le contrat principal pour connaître le détail des prestations convenues, et voir si celui-ci était conforme aux dispositions protectrices du droit de la consommation, et partant, ne s'assurant pas de la complète et parfaite exécution du contrat principal avant d'avoir libéré les fonds. Ce document ne pouvait selon lui, valoir réception sans réserve puisque l'ensemble des prestations prévues au contrat initial, auquel le bon de livraison se gardait bien de faire référence, n'avait pas été exécuté.
Il en conclut que la faute de la banque, qui consiste en la délivrance des fonds au seul vu de l'attestation de fin de travaux, irrégulière, et sans s'être préalablement assuré de la parfaite exécution du contrat, en ce compris, la réalisation des démarches administratives, et le raccordement au réseau ERDF pour permettre la production d'électricité, devait donc être consacrée.
La banque soutient que la Cour de cassation a statué en commettant une erreur matérielle concernant les faits du dossier, le vendeur ne s'étant pas engagé au terme du bon de commande à « des prestations de mise en service de l'installation », mais uniquement à la réalisation de démarches administratives auprès de la mairie et en vue du raccordement et à la prise en charge financière du coût du raccordement, la réalisation matérielle du raccordement étant en revanche réalisée par un organisme tiers, ERDF. Elle en conclut que c'est en tenant compte de cette erreur matérielle que la cour de renvoi sera amenée à ré-examiner la question de savoir si la banque a commis une faute au vu de l'attestation produite aux débats.
Elle prétend que l'emprunteur doit, au titre des restitutions résultant de la résolution du contrat de crédit, lui restituer le montant du capital applicable, la nullité ou résolution du contrat de prêt faisant suite à la nullité ou résolution du contrat de vente emportant l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées.
Elle invoque l'absence de faute dans la vérification de la réalisation de la prestation financée, la banque n'ayant fait qu'exécuter l'ordre de paiement donné par son mandant, conformément aux règles du mandat.
Elle soutient également qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle n'a versé les fonds qu'au vu d'une attestation de fin de travaux signée par l'emprunteur aux termes de laquelle celui-ci atteste que la prestation a bien été entièrement réalisée conformément aux stipulations du bon de commande. Elle ajoute que la société venderesse ne s'était nullement engagée à réaliser matériellement le raccordement qui ne pouvait être réalisé que postérieurement à l'installation du matériel.
Elle indique également que l'attestation ne formulait pas seulement une alternative, mais aussi une adjonction, l'emprunteur attestant de « la livraison du ou des bien(s) et/ou la fourniture de la prestation de services », de sorte que lorsqu'il s'agit comme en l'espèce, d'un bon de commande comportant à la fois la livraison de biens et la fourniture de prestations de services, l'emprunteur atteste bien à la fois de la livraison des biens et de la réalisation des prestations de services annexes, ce qui est dénué d'ambiguïté, puisque l'emprunteur atteste de la réalisation complète au regard de ce qui est mentionné dans le bon de commande.
A titre subsidiaire, à supposer qu'une faute ait été commise par elle, elle invoque l'absence de préjudice et de lien de causalité au regard de la réalisation de la prestation, l'impossibilité de caractériser le préjudice au regard de la non-obtention par l'acquéreur de la restitution du prix de vente du fait de la procédure collective, ce préjudice résultant de la liquidation judiciaire et non d'une faute de la banque.
Elle souligne que ce préjudice allégué est hypothétique et qu'à le supposer établi, l'impossibilité de restitution doit aussi être examinée côté vendeur, qui ne récupère pas l'installation, que l'emprunteur conserve donc par voie de conséquence, qu'il y aurait donc lieu de tenir compte de la prestation conservée par l'emprunteur comme venant en déduction du préjudice allégué au titre de l'impossibilité de récupérer le prix de vente, le préjudice devant être apprécié globalement en tenant compte des non-restitutions réciproques.
A titre plus subsidiaire, si un préjudice et un lien de causalité devaient être retenus, la banque demande à la cour de limiter sa condamnation en proportion du préjudice effectivement subi en lien de causalité avec la faute opérée, à savoir la part de la prestation qui n'aurait pas été achevée, à charge pour l'acquéreur d'en justifier, tout en prenant également en compte la limitation de responsabilité liée à la signature fautive de l'attestation et demande de versement de fonds prêtés.
Elle considère que si sa faute devait être retenue, il conviendrait de tenir compte de la valeur du matériel posé conservé par l'acquéreur et financé grâce au capital versé par elle, l'acquéreur ne pouvant conserver le matériel posé et en tirer profit sans restituer à la banque la part du capital correspondante. Celui-ci devrait lui restituer la part du capital ayant financé le matériel posé conservé.
Dans la logique de l'opération commerciale unique, l'emprunteur ne saurait être tenu d'un engagement financier qui n'aurait pas pour contrepartie la livraison d'un bien ou l'exécution d'une prestation de service. L'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat, prévoit du reste que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s'enquière de l'exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu'après une telle exécution, sous peine de commettre une faute, et sans pouvoir exciper des règles du mandat comme le fait, en l'espèce, la banque, pour soutenir qu'elle aurait été contrainte de procéder au versement des fonds, dès lors qu'elle en avait reçu l'ordre de son mandant.
L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à libérer les fonds au vu d'une attestation de livraison n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré.
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et il ne saurait être garant de l'exécution du contrat principal.
Au cas d'espèce, aux termes du document signé par la venderesse et M. [U] le 24 mars 2015, il est attesté de la livraison conformément au contrat de vente et la venderesse demande au prêteur de lui verser les fonds au titre du contrat de crédit (24 900 euros).
L'attestation signée par l'emprunteur, datée du 24 février 2015, si elle est de nature à identifier l'opération financée, n'est pourtant pas propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.
En effet, le contrat d'achat du 9 février 2015 portait sur « l'installation solaire photovoltaïque comprenant 12 panneaux photovoltaïques, les démarches administratives (mairie, ERDF, consuel, AOA, etc.) et le raccordement au réseau ERDF à la charge de l'agence française de l'habitation en totalité.
La banque ne saurait utilement prétendre que la Cour de cassation aurait commis une erreur matérielle concernant les faits du dossier, le vendeur ne s'étant pas engagé aux termes du bon de commande, « à des prestations de mise en service de l'installation », mais uniquement à la réalisation de démarches administratives auprès de la mairie et en vue du raccordement et à la prise en charge financière du coût de raccordement, la réalisation matérielle du raccordement étant en revanche réalisée par un organisme tiers, ERDF.
Au vu du contrat d'achat, il est manifeste que la prestation financée comprenait l'installation solaire photovoltaïque ainsi que les démarches administratives auprès de divers organismes et mairie, et le raccordement au réseau ERDF et cette prestation était considérée comme réalisée qu'au raccordement de l'installation au réseau d'électricité quand bien même ce raccordement était effectué par ERDF.
Le « certificat de livraison de bien et/ou de fourniture de services » signé par l'emprunteur le 24 février 2015 mentionnait au paragraphe : désignation précise du bien ou de la prestation de services dont le financement fait en tout ou partie l'objet du contrat de « crédit affecté » : "kit photovoltaïque" sans autre précision. M. [U] attestait par ailleurs reconnaître « sans réserve que la livraison ou des biens et/ou la fourniture de la prestation de services ci-dessus désignée(s) a (ont) été pleinement effectuée(s) conformément au contrat principal de vente que j'ai préalablement conclu avec le vendeur, que cette livraison et/ou fourniture est intervenue le 24 02 2015 » et demandait en conséquence au prêteur « de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat de crédit affecté ».
Il ressort du rapprochement des deux documents que le certificat de livraison signé le 24 février 2015, date de l'installation des matériels en cause alors que le contrat avait été conclu le 9 février 2015, comportait une ambiguïté dès lors qu'il énonçait une alternative (livraison du bien et/ou fourniture de services) et faisait uniquement référence à la livraison d'un « kit photovoltaïque » sans qu'aucune autre précision ne soit apportée sur les démarches administratives et de raccordement, prestations de service pourtant incluses dans le bon de commande.
Ce certificat de livraison était de fait équivoque aux yeux de M. [U] dont la seule signature ne pouvait suffire à valoir réception sans réserve de l'ensemble des prestations prévues au contrat initial, auxquels le bon de livraison ne faisait pas totalement référence. La simple comparaison par la banque du bon de commande et du certificat de livraison lui aurait permis de vérifier que l'ensemble des prestations contractuellement prévues était ou non entièrement achevée.
Or, en l'occurrence, ce certificat de livraison ne permettait pas à la banque, comme il le lui incombait, de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé alors qu'il lui incombait de relever les anomalies apparentes du bon de commande et de l'attestation de fin de travaux avant de se dessaisir du capital prêté.
Au demeurant, M. [U] justifie que ces démarches administratives et de raccordement n'avaient pas été réalisées à la date de la signature du certificat de livraison par les documents qu'il verse aux débats. Celui-ci a notamment fait établir le 25 mars 2015 un constat d'huissier duquel il ressort que le branchement électrique lié aux 12 panneaux photovoltaïques installés n'avait toujours pas été réalisé. Selon une lettre d'ERDF du 3 août 2015, le raccordement au réseau ERDF n'avait pas abouti.
Il résulte de ces éléments qu'en versant les fonds entre les mains du vendeur au seul vu de ce certificat équivoque et sans procéder à des vérifications complémentaires sur l'exécution complète du contrat principal, la société BNP Paribas Personal Finance, qui ne devait pas ignorer les énonciations du bon de commande au vu duquel elle a accordé son concours, a, contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
Il convient néanmoins de rappeler qu'en cas de résolution ou d'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l'emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1, 17 mai 2023, 22-16.429).
Ainsi, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute
Pour être dispensé de la restitution du capital prêté en cas d'annulation ou de résolution du contrat, l'emprunteur doit donc démontrer l'existence d'un préjudice en lien avec la faute commise par le prêteur.
Or, en l'espèce, M. [U] se contente de soutenir que la faute de l'établissement bancaire doit être consacrée et que la cour devra tirer les enseignements de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024 et infirmer le jugement du tribunal d'instance de Fougères en date du 20 octobre 2017 en ce qu'il l'a condamné à payer à la banque la somme de 24 900 euros, augmentée des intérêts au taux légal non majorés à compter du 8 septembre 2017.
Ce faisant, M. [U] n'allègue ni ne caractérise l'existence d'un préjudice en lien avec la faute de la banque.
Dans ces conditions, faute de démontrer un préjudice en lien avec la faute de la banque, M. [U] ne saurait prétendre au rejet de la demande en paiement formée par cette dernière.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de condamner M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [U], partie succombante, sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites du rapport d'instance d'appel opposant M. [U] à la société BNP Paribas Personal Finance ;
Confirme le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Fougères en ce qu'il a condamné M. [U] à payer à la BNP les sommes de 24 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, et de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Condamne M. [O] [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [O] [U] aux dépens de la procédure d'appel ;
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.