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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 13 mai 2025, n° 24/06386

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06386

13 mai 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AG

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 MAI 2025

N° RG 24/06386 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WY5P

AFFAIRE :

S.A.S. WELKIN & MERAKI [5] TRINITY

C/

STE [O]- PECOUT

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 9

N° RG : 2024P01111

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Asma MZE

Me Franck LAFON

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT

S.A.S. WELKIN & MERAKI [5] TRINITY à capital variable, agissant en la personne de son Président, la société SDE WELKIN & MERAKI OPERATIONS BV sise [Adresse 4] Belgique

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474639

Plaidant : Me Fabrice PATRIZIO de la SELEURL BAYA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0436 -

****************

INTIMES

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Société [O]-PECOU société de mandataires judiciaires prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

mission conduite par Maître [M] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de la Société WELKIN & MERAKI [5] TRINITY

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20240275

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2025, Monsieur Ronan GUERLOT, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 28 janvier 2025 a été transmis le 31 janvier 2025 au greffe par la voie électronique.

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 septembre 2024, la SASUV Welkin & Meraki [5] Trinity (la société Welkin & Meraki) a déclaré la cessation de ses paiements au greffe du tribunal de commerce de Nanterre et a demandé son placement en liquidation judiciaire.

Le 19 septembre 2024, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Welkin & Meraki ;

- désigné la SELARL [O]-Pécou, mission conduite par M. [O], liquidateur judiciaire;

- fixé provisoirement au 31 juillet 2023 la date de cessation des paiements compte tenu du non-paiement de la dette du bailleur.

Le 3 octobre 2024, la société Welkin & Meraki a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a fixé provisoirement au 31 juillet 2023 la date de cessation des paiements.

Par dernières conclusions du 6 décembre 2024, elle demande à la cour d'infirmer le jugement du 19 septembre 2024 de ce chef ;

Et, statuant à nouveau,

- juger que la date de son état de cessation des paiements est le 22 juillet 2024, date à laquelle le bailleur a pratiqué des saisies conservatoires sur ses comptes bancaires et fixer la date de cessation des paiements au 22 juillet 2024 ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions du 5 février 2025, la société [O]-Pécou s'en rapporte à justice.

Le 28 janvier 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour infirme le jugement en ce qu'il fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 31 juillet 2023.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 février 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la date de cessation des paiements

L'appelante fait valoir que le tribunal s'est fondé à tort sur l'existence d'arriérés de loyers au cours de l'année 2023 pour arrêter de manière aléatoire la date provisoire de cessation des paiements au 31 juillet 2023. Elle soutient qu'entre juillet 2023 et juillet 2024, elle disposait d'un actif disponible suffisant pour faire face à son passif exigible ; que les échéances locatives impayées de 2023 ont fait l'objet d'un moratoire en application d'un protocole d'accord de sorte qu'aucun loyer et aucune charge ne sont restés impayés au second semestre 2023 ; qu'au 31 juillet 2023, elle disposait d'une trésorerie suffisante même en l'absence de moratoire pour régler l'intégralité ses loyers échus.

Elle soutient qu'elle n'est devenue en cessation des paiements qu'à partir du 22 juillet 2024 consécutivement aux saisies pratiquées par son bailleur sur ses comptes après que l'échéance de loyer du 1er juillet 2024 est restée impayée.

Le liquidateur indique s'en rapporter à justice.

Le ministère public est d'avis que la cour fixe la date de cessation des paiements au 31 juillet 2024.

Réponse de la cour

L'article L. 631-1 du code de commerce prévoit :

Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Cette condition s'apprécie, s'il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l'article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire.

Le tribunal a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 juillet 2023 « compte tenu du non-paiement de la dette du bailleur. »

S'agissant de son actif disponible, la lecture de ses relevés bancaires de l'appelante montre que, sur la période de juillet 2023 à juillet 2024, ils présentaient un solde créditeur, ce que corrobore le tableau de synthèse des soldes des comptes réalisé par l'appelante (pièce 13).

Ainsi, il ressort des pièces 12 a à 12 f que :

- son compte Belfius présentait un solde créditeur le 31 juillet 2023 (205 551,01 euros), le 31 août 2023 (290 625,74 euros) ;

- son compte Cobase présentait un solde créditeur de de 1 154 euros en juillet 2023, de 1 230 en août 2023, de 666 422,66 euros au 31 octobre 2023, de 417 129,53 euros au 30 novembre 2023, de 63 125,59 euros au 29 décembre 2023, de 174 343,04 euros au 31 janvier 2024, de 166 976,15 euros au 29 février 2023, de 51 798,10 euros au 29 mars 2023, de 64 534,34 euros le 30 avril 2023 ;

- son compte Sumup présentait un compte créditeur de 408,08 euros au 31 août 2023, de 413,83 euros au 30 septembre 2023, de 1,91 euros au 31 octobre 2023, de 549,90 euros au 30 novembre 2023, de 202,04 euros au 31 décembre 2023, de 460,43 euros au 31 janvier 2024, de 195,22 euros au 29 février 2024, de 146,43 euros au 31 mars 2024, de 7,40 euros au 30 avril 2024, qu'un second compte Sumup présentait un solde créditeur de 31 394 euros au 31 août 2023, de 31 391 euros au 30 septembre 2023, de 29 627,56 au 31 octobre 2023,de 25 889,23 euros au 31 décembre 2023, de 22 502,39 euros au 31 janvier 2024, de 12 942,99 euros au 29 février 2024, de 9 711,99 euros au 3 avril 2024, de 5 141,80 euros au 30 avril 2024, de 3 882,46 euros au 31 mai 2024, de 1 549,94 euros au 30 juin 2023, de 341,21 euros au 31 juillet 2024.

- que le compte JP Morgan présentait également un solde créditeur en novembre 2023 (110 852,30 euros), en décembre 2023 (522 846,04 euros), en janvier 2024 (205 229,06 euros), en février 2024 (205 265,71 euros) et en mars 2024 (393 678,51 euros). Il était débiteur en avril 2024 (196 628,59 euros) mais est redevenu créditeur en mai 2024 (383 929,58 euros), en juin 2024 (563 603,76 euros), en juillet 2024 (660 655,43 euros) et en août 2024 (802 853,36 euros).

Le passif exigible de l'appelante est constitué de ses dettes locatives à l'égard de la société civile immobilière Trinity [5]. Un protocole d'accord a été signé le 29 février 2024 dont il ressort qu'à la date du protocole, l'appelante était débitrice de son bailleur de la somme globale de 353 771,70 euros se décomposant en les sommes suivantes :

- 344 261,03 euros au titre de loyers impayés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2023 et après imputation de paiements de l'appelante et de sa société mère ;

- 394,63 euros au titre de frais de sommation de payer ;

- 9 115 ,34 euros au titre d'une indemnité contractuelle de retard.

Il ressort également de ce protocole que les parties ont convenu que le preneur réglerait cette dette au bailleur en trois échéances, la première de 263 771,70 euros exigible au plus tard le 9 février 2024, la deuxième de 45 000 euros exigible au plus tard le 31 mars 2024 et la troisième de 45 000 euros exigible au plus tard le 30 juin 2024.

Il en résulte que l'appelante bénéficiant d'un moratoire de paiement pour les loyers échus en 2023 ne pouvait être en état de cessation des paiements le 31 juillet 2023.

L'appelante justifie s'être acquittée des loyers des 1er trimestre 2024 (pièce 14, versement de 551 924,60 euros) et 2ème trimestre 2024 (pièce 14, versement de 520 197,85 euros).

Elle justifie également le paiement de la deuxième échéance d'arriérés prévue par le protocole (pièce 14, versement de 45 000 euros). En revanche, contrairement aux affirmations de l'appelante, ni l'extrait de relevé de compte JP Morgan versé en pièce 12, ni celui versé en pièce 14 ne mentionnent ' le versement de la première échéance d'arriérés d'un montant de 263 771,70 euros. Toutefois, le liquidateur ne mentionne dans ses conclusions que l'absence de règlement de la troisième et dernière échéance d'arriérés d'un montant de 45 000 euros qui devait être réglée avant le 30 juin 2024.

Il ressort des conclusions concordantes de l'appelante et du liquidateur que les charges locatives du mois d'avril 2024 sont restées impayées à hauteur de 182 645,78 euros tout comme la troisième échéance d'arriéré précitée (45 000 euros) et que les loyers échus au 1er juillet 2024 au titre du troisième trimestre n'ont pas été réglé (512 551,07 euros). Il en résulte que la société appelante n'était pas en état de cessation des paiements en mars 2024, ses dettes locatives étant entièrement payées.

Cependant, il est justifié que la garantie à première demande de la banque Belfius limitée à 247 358 euros a été appelée le 17 juin 2024 par le bailleur pour la somme de 182 958,33 euros et qu'elle s'est imputée sur une partie de la dette (loyers d'avril à juin 2024).

Pour la période d'avril à juin 2024 au cours de laquelle la dette locative s'est à nouveau constituée compte tenu des paiements partiels de l'appelante, cette dernière n'était pas en état de cessation des paiements compte tenu du montant de ses soldes bancaires supérieurs au montant des dettes locatives, comme le souligne à juste titre l'appelante, l'existence d'aucune autre dette n'étant démontrée.

En revanche, il ressort des pièces versées aux débats et des écritures du liquidateur et de l'appelante, qu'à la suite de deux saisies attributions pratiquées par le bailleur en juillet 2024, le solde des comptes bancaires de l'appelante est devenu très inférieur (495 euros) à la dette locative (557 238 euros).

Il n'y a pas d'autre actif disponible.

De là il résulte qu'en juillet 2024, l'appelante ne pouvait plus faire face avec son actif disponible constitué de son solde bancaire au paiement de son passif exigible.

Il convient donc de fixer, par voie d'infirmation, la date de cessation des paiements au 22 juillet 2024.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 31 juillet 2023 ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;

Fixe la date de cessation des paiements de la société Welkin et Mekari [5] Trinity au 22 juillet 2024 ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,

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