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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 9 mai 2025, n° 24/00548

BOURGES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Smabtp (Sté)

Défendeur :

Smabtp (Sté), Mma Iard Assurances Mutuelles (Sté), Mma Iard (Sté), Mutuelle De (Sté), Abeille Iard & Sante (Sté), Esteves (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clement

Président :

M. Perinetti

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

SELARL Agin-Prepoignot, SCP Blanchecotte-Boirin, Me Boitard, SCP Avocats Business Conseils, SCP Sorel, SCP Gerigny

TJ Nevers, du 2 mai 2024

2 mai 2024

EXPOSÉ

Le 2 octobre 2007, M. et Mme [I] ont conclu avec la société CTVL un contrat de construction de maison individuelle.

L'ouvrage a été réceptionné sans réserve le 31 juillet 2009.

La société CTLV était assurée au titre de sa responsabilité civile et professionnelle auprès de la société Aviva, devenue Abeille IARD & santé.

Un contrat d'assurance dommage ouvrage a également été souscrit auprès de cette compagnie.

Constatant dans le courant des années 2010 à 2012 l'apparition de fissures sur le carrelage du sol de la maison et sur le crépi extérieur, M. et Mme [I] ont déclaré le sinistre à l'assureur dommmage ouvrage qui a refusé sa garantie par lettre recommandée avec avis de réception du 30 septembre 2010 au motif que les désordres ne relevaient pas des articles 1792 et 1792-2 du code civil.

La société CTLV a été placée en liquidation judiciaire.

Se fondant sur une attestation du 9 janvier 2007 établie par la SMABTP pour le compte de la société CTVL pour les chantiers ouverts entre le 01/01/2007 et le 31/12/2007, M. et Mme [I] ont assigné en référé la SMABTP par acte du 5 avril 2017.

La SMABTP a assigné en déclaration d'ordonnance commune la société Aviva, la société Mutuelle de [Localité 9], assureur de la société AY ayant réalisé le lot carrelage, la société Estèves pour le lot enduits extérieurs et son assureur MMA IARD, anciennement Covea Risk.

L'expert judiciaire désigné par ordonnance du 2 mai 2017 a déposé son rapport le 29 mai 2018.

Par actes des 31 juin 2019 et 29 février 2020, M. et Mme [I] ont fait assigner la SMABTP et la société Aviva Assurances sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Par actes d'huissier en date des 6, 9 et 10 mars 2020, la SMABTP a appelé en garantie la société Mutuelle de [Localité 9] en tant qu'assureur de la société AY, la société Estèves et son assureur les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

Par jugement du 16 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nevers a :

- ordonné la réouverture des débats,

- enjoint à la société Aviva assurances de produire le contrat (clauses générales et clauses particulières) souscrit auprès d'elle par la société CTVL sous le numéro de police 73858797, ainsi que tout autre contrat souscrit par cette société et en cours pour les années 2007 à 2009,

- enjoint à la société SMABTP de produire le contrat souscrit auprès d'elle par la société CTVL sous le numéro de police 016 971 M 989 000 ainsi que tout autre contrat souscrit par cette société en cours pour les années 2007 à 2009,

- invité les parties à conclure sur le fondement de la responsabilité de la société CTVL et, notamment, sur sa responsabilité contractuelle et sur la garantie responsabilité professionnelle souscrite par cette société auprès de la SMABTP et Aviva assurances.

Par jugement du 2 mai 2024, le tribunal judiciaire de Nevers a :

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées contre la société Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Assurance,

- condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 494 180,26 ', franchise contractuelle déduite, en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société CTVL,

- débouté la SMABTP de ses demandes d'appels en garantie formées contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la société Mutuelle de [Localité 9],

- condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 4 000 ' au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés, et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de 2 000 ' au même titre,

- condamné la SMABTP aux dépens de l'instance.

Par jugement du 10 juin 2024, le tribunal a rectifié cette décision en ce que la condamnation mise à la charge de la concluante est d'un montant de 49 418.26 ', et non de 494 180.26 '.

Le tribunal a écarté la responsabilité décennale de la société CTLV, a retenu sa responsabilité contractuelle au titre des désordres affectant le carrelage et la garantie de la SMABTP en qualité d'assureur responsabilité professionnelle de la société CTLV et a rejeté les appels en garantie de la SMABTP à l'encontre des autres assureurs.

Suivant déclaration du 14 juin 2024, la SMABTP a relevé appel de cette décision rectifiée, en l'ensemble de ses chefs.

Dans ses conclusions récapitulatives n° 2, la SMABTP qui conteste être l'assureur responsabilité civile et professionnelle de la société CTLV, demande à la cour de :

- Infirmer la décision en date du 2 mai 2024 rectifiée en ce qu'elle a :

> condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 494 180,26 ', franchise contractuelle déduite, en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société CTVL,

> débouté la SMABTP de ses demandes d'appels en garantie formées contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la société Mutuelle de [Localité 9],

> condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 4 000 ' au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés, et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de 2 000 ' au même titre,

> condamné la SMABTP aux dépens de l'instance,

> autorisé Me Boitard et Me Guenot, avocats à [Localité 8], à recouvrer directement auprès de la SMABTP les dépens dont ils auraient fait l'avance sans recevoir de provision suffisante,

statuant à nouveau,

- prononcer la mise hors de cause de la SMABTP,

- rejeter toute demande formée à l'encontre de la SMABTP,

- juger les époux [I] mal fondés en leur appel incident,

en conséquence,

- les débouter de leurs demandes formées à ce titre,

- rejeter l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la SMABTP,

- condamner solidairement les époux [I] à payer à la SMABTP la somme de 2 500 ' au titre des frais irrépétibles,

- condamner les mêmes aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile

Dans leurs dernières conclusions du 8 novembre 2024, M. et Mme [I] présentent les demandes suivantes :

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 49 180,26 euros, franchise contractuelle déduite, en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société CTVL,

- le confirmer en ce qu'il a condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- dire et juger que la responsabilité de la société CTVL est de nature décennale,

- condamner in solidum la SMABTP et la société Aviva assurances à payer à M. et Mme [I] la somme de 92 885,84 ' en réparation de leurs préjudices,

- condamner in solidum la SMABTP et la société Aviva assurances à payer à M. et Mme [I] la somme de 6 000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la SMABTP et la société Aviva assurances aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire.

*****

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives signifiées le 27 février 2025, la SA MMA IARD et la SA MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :

à titre principal,

- juger que la SMABTP a interjeté appel du jugement rendu le 2 mai 2024, qui a fait l'objet d'une rectification par jugement du 10 juin 2024, à l'encontre également des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles,

- juger que par conclusions d'appel n° 1 signifiées le 13 septembre 2024, la SMABTP n'a pas critiqué le jugement du 2 mai 2024 et celui du 10 juin 2024 sur le fait que cette décision l'a déboutée de sa demande d'appel en garantie formée à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, tout en demandant, devant la cour, dans le dispositif de ses écritures, l'infirmation du jugement sur ce point,

- juger que la SMABTP ne sollicite devant la cour que sa mise hors de cause,

- juger que l'appel formé contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles est abusif,

- condamner en conséquence la SMABTP à payer à la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles la somme de 5 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner en conséquence la SMABTP à payer à la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles la somme de 5 000 ' à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

à titre subsidiaire,

- débouter l'ensemble des parties de toutes demandes formées à l'encontre des Sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles,

- confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,

à titre infiniment subsidiaire,

- limiter les condamnations qui pourraient être prononcées contre la société MMA et la société MMA IARD à la part de responsabilité de la société Estèves dans le dommage subi par les époux [I],

- limiter les condamnations qui pourraient être prononcées contre la société MMA et la société MMA IARD conformément au contrat d'assurance (franchise de 10 % avec un minimum de 626 ' et un maximum de 2597 '),

en tout état de cause,

- condamner la société SMABTP à payer la somme de 5 000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

*****

Par dernières conclusions signifiées le 10 février 2025, la société Mutuelle de [Localité 9] assurances demande à la cour de :

- débouter la SMABTP de son appel à l'encontre de la Mutuelle de [Localité 9] en ce qu'elle ne critique pas dans ses conclusions devant la cour, les dispositions du jugement qui l'ont déboutée de son appel en garantie contre la concluante, et qui ne sollicite que sa mise hors de cause,

- confirmer le jugement dont appel qui a débouté la SMABTP de sa demande d'appel en garantie à l'encontre de la Mutuelle de [Localité 9] assurances,

- condamner la SMABTP à payer à la Mutuelle de [Localité 9] assurances la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 5 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Abeille IARD & Santé de sa demande de condamnation in solidum,

- confirmer le jugement des 2 mai et 10 juin 2024 en ce qu'il a jugé que la Mutuelle de [Localité 9] assurances justifie que seule la garantie décennale a été souscrite auprès d'elle et ne couvrait la responsabilité du sous-traitant que pour les désordres de nature décennale qui n'ont pas été retenus, la Mutuelle de [Localité 9] n'étant pas de ce fait tenue à garantie,

- débouter en conséquence la société Abeille IARD & Santé de sa demande de condamnation de la Mutuelle de [Localité 9] assurances devant la cour, in solidum avec la société Estèves et la MMA, de toute condamnation en principal, frais intérêts et dommages et intérêts qui pourrait être prononcée à son encontre,

- condamner la SMABTP aux entiers dépens d'instance et d'appel.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions n° 2 signifiées le 10 février 2025, la société Abeille IARD & santé présente les demandes suivantes :

- confirmer le jugement du 2/5/2024 rendu par le tribunal judiciaire de Nevers,

- condamner les époux [I] à verser à Abeille IARD & santé la somme de 4 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- condamner in solidum les Mutuelles de [Localité 9] assurances, assureur de la société AY, la société Estèves et les MMA, assureur de la société Estèves, à garantir Abeille IARD & santé, anciennement dénommée Aviva assurances, assureur DO et assureur RCD, de toutes les condamnations en principal, frais intérêts, dommages intérêts qui pourraient être prononcées contre elle,

en tout état de cause,

- condamner les époux [I] à régler à Abeille IARD & santé la somme de 4 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens avec faculté pour la SCP Sorel de bénéficier des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

*****

Dans ses conclusions signifiées le 17 février 2025, la SAS Estèves demande à la cour de :

- constater que le tribunal judiciaire de Nevers ne prononce aucune condamnation et qu'aucune des parties à l'instance ne formule de demande à l'encontre de la société Estèves,

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Nevers,

- débouter la société Abeille IARD & santé de sa demande de recours en garantie à l'encontre de la société Estèves,

- condamner in solidum la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) et la société Abeille IARD & santé à payer à la société Estèves, en couverture de ses frais de représentation en justice, la somme de 3 500 euros,

- condamner in solidum la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) et la société Abeille IARD & santé aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée, le tout avec droit de recouvrement direct au profit de Me Margaux Boulanger, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est expressément fait référence aux conclusions des parties pour le développement de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.

MOTIFS

Sur la nature des désordres

Le constructeur d'une maison individuelle est tenu des obligations qui pèsent sur les constructeurs de bâtiments en application des articles 1792 et suivants du code civil.

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existants, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Cependant, ne constituent pas des éléments d'équipement, les éléments qui ne sont pas destinés à fonctionner.

Sur les désordres affectant le carrelage

Il ressort en l'espèce du rapport d'expertise que l'expert a constaté des fissures généralisées du carrelage sur l'ensemble de la surface, nécessitant une reprise complète du carrelage, de la chape et de la nappe de chauffage.

L'expert a précisé qu'il n'y avait pas de travaux d'urgence à réaliser et n'a pas considéré que les désordres affectant le carrelage rendaient l'ouvrage impropre à sa destination, bien que nécessitant une reprise généralisée.

C'est donc de manière exacte que le premier juge a écarté l'application de l'article 1792 du code civil et la responsabilité décennale du constructeur.

M. et Mme [I] soulèvent l'application de l'article 1792-2 du code civil aux termes duquel 'la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert. Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.'

Ils font valoir que l'enlèvement du carrelage suppose en l'espèce la démolition de la chape et donc la détérioration du support.

Cependant, d'une part, un carrelage n'est pas un élément d'équipement dans la mesure où il n'est pas destiné à fonctionner et d'autre part, un carrelage ne peut être considéré comme faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert, ces catégories d'ouvrages, strictement limités par le texte précité étant sans lien avec le carrelage lui-même, de sorte que l'application de l'article 1792-2 du code civil doit également être écartée.

Sur les désordres affectant l'enduit

En application de l'article 1792 du code civil, un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu'il a une fonction d'étanchéité (3e civ., 4 avril 2013, n° 11-25.198), ne constitue pas un élément d'équipement, même s'il a une fonction d'imperméabilisation, dès lors qu'il n'est pas destiné à fonctionner (3e civ., 13 février 2020, n° 19-10.249).

Concernant les enduits, l'expert indique : 'Nous n'avons pas constaté de désordres sur les enduits en dehors de quelques micro-fissures et décollement[s] très ponctuel[s] dans les angles de certaines porte[s]-fenêtres et fenêtres. Nous préconisons une reprise ponctuelle mais qui ne sera pas très esthétique car très visible et que nous laissons à l'appréciation de M. et Mme [I]'.

Il en résulte que les désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage ni, ne constituant pas un élément d'équipement, ne le rendent impropre à sa destination.

Dès lors, le premier juge a de même exactement écarté l'application de l'article 1792 du code civil.

Sur l'application de la responsabilité contractuelle

Lorsqu'un désordre de construction ou un défaut de conformité est découvert postérieurement à la réception des travaux, il relève de la responsabilité contractuelle de droit commun s'il entre dans la catégorie des dommages intermédiaires ou s'il ne relève pas de la garantie de bon fonctionnement ou de la garantie décennale.

Cette responsabilité suppose la preuve d'une faute du constructeur, laquelle procède d'une inexécution ou exécution défectueuse du contrat de louage d'ouvrage. La cour de cassation ne subordonne pas la responsabilité à la démonstration d'un fait personnel du constructeur, lequel ne peut se prévaloir du fait d'un sous-traitant au titre d'une cause étrangère lui permettant de s'exonérer de sa responsabilité.

Dès lors, le constructeur ou l'entrepreneur principal est responsable à l'égard du maître de l'ouvrage des fautes de ses sous-traitants à l'origine des désordres (3e civ., 12 juin 2013, n° 11-12.283).

En l'espèce, l'expert a indiqué que 'la chape et la pose du carrelage n'ont pas été réalisées conformément aux règles de l'art par la nature des produits, leur mise en oeuvre et la procédure de séchage et de mise en chauffe responsabilisant directement la constructeur CTVL et le carreleur AY Sarl'. Il a relevé une mauvaise exécution de la part du carreleur et un défaut de suivi et de surveillance de la part du constructeur.

La faute de la société AY, sous-traitant de la société CTVL, est donc établie et engage la responsabilité contractuelle de cette dernière, le jugement étant confirmé par cet ajout de motif.

Concernant les enduits, une mauvaise exécution n'est pas relevée par l'expert. A défaut de démontrer la faute de la société ayant réalisé les enduits, la responsabilité contractuelle du constructeur CTVL ne peut être engagée.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a exclu la responsabilité de la société CTLV pour ce désordre et partant la garantie de l'assureur.

Sur la garantie de la société Abeille IARD & santé quant aux désordres affectant le carrelage

Il est rappelé que les assurances obligatoires en matière de contrat de construction de maison individuelle ne couvrent que la responsabilité décennale et non la responsabilité contractuelle pour les désordres relevant des dommages intermédiaires, laquelle est seule en cause en l'espèce. Il convient donc de rechercher si la société CTVL a souscrit une assurance facultative pour ces désordres.

En l'espèce, s'il ressort de l'attestation de garantie dommages ouvrage (pièce 30 des époux [I]) et des écritures de la société Aviva assurances que celle-ci était l'assureur dommage ouvrage et décennal de la société CTVL, il ne résulte pas du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Aviva assurances devenue Abeille IARD & santé qu'une assurance responsabilité civile contractuelle pour dommages intermédiaires ait été souscrite.

La société Abeille IARD & santé doit donc être mise hors de cause, ce en quoi le jugement sera confirmé, celui-ci ayant au surplus considéré par application de l'article 1792-4-3 du code civil l'action comme prescrite comme ayant été intentée le 29 février 2020, soit plus de 10 ans après la réception, la procédure de référé n'ayant pas interrompu la prescription à l'égard de la société Aviva assurances, non assignée par M. et Mme [I] mais appelée à la cause par la SMABTP.

Sur la garantie de la SMABTP

La SMABTP fait valoir que le contrat d'assurance souscrit par la société CTVL auprès de la société Aviva assurances prévoit que l'ensemble des garanties sont accordées exclusivement par ouvrage déclaré et ce, à compter de la date d'envoi par le souscripteur de la déclaration d'ouverture de chantier accompagnée du règlement de prime correspondant.

Elle soutient que le contrat concernant M. et Mme [I] a bien été déclaré par la société CTVL auprès de la société Aviva assurances et non auprès d'elle, que la société Aviva assurances a reconnu être l'assureur dommages ouvrages et l'assureur responsabilité décennale et professionnelle de la société CTVL, que la SMABTP n'a délivré aucun certificat d'assurance pour le chantier des époux [I], chantier qui ne lui a pas été déclaré.

Il ressort en effet des pièces du dossier que la société CTVL a déclaré le chantier de M. et Mme [I] auprès de la compagnie Aviva assurances devenue Abeille IARD & santé, et non auprès de la SMABTP.

Les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès de la SMABTP en page 3 stipule : 'avec l'ensemble des garanties, les garanties dommages-ouvrage seront délivrées par chantier sous réserve que les justificatifs suivants soient adressés à l'assureur'.

L'attestation d'assurance établie par la SMABTP le 9 janvier 2007, attestant que le contrat n° 016971 M 9809.02 couvre les chantiers ouverts entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2007 est donc insuffisante en l'absence d'une déclaration pour le chantier de M. et Mme [I].

La garantie de la SMABTP ne peut donc être recherchée.

De manière surabondante, la SMABTP soutient que la convention B, sur la base de laquelle le premier juge a dit qu'elle était tenue à garantie, ne s'applique qu'aux dommages causés aux tiers et non à l'ouvrage.

En effet, la convention B relative à la garantie 'responsabilité professionnelle' renvoie à l'article 4 (page 18) et s'agissant de la responsabilité 'travaux', stipule une garantie 'en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers'.

Il ressort de ces dispositions que le contrat, s'il trouvait à s'appliquer, ce qui a été écarté, ne couvre pas la responsabilité contractuelle du souscripteur au titre des dommages intermédiaires, seule responsabilité retenue par la décision attaquée et par le présent arrêt.

Il s'en suit que la SMABTP doit donc être mise hors de cause, le jugement étant infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société Mutuelle de [Localité 9] assurances à l'encontre de la SMABTP pour appel abusif

Le tribunal judiciaire de Nevers a dit que le contrat d'assurance auprès de la société Mutuelle de Poitiers assurances avait été souscrit selon cette dernière le 5 mai 2009, soit après réception des travaux qu'elle ne pouvait donc couvrir et qu'en outre le contrat ne garantissait que la responsabilité décennale, responsabilité non retenue, et a débouté la SMABTP de son appel en garantie.

La société Mutuelle de [Localité 9] assurances soutient que la SMABTP n'a pas conclu en appel contre elle, que le jugement doit être confirmé en ses dispositions écartant sa garantie et que l'appel de la SMABTP est donc abusif.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, "la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'. Il résulte de l'article 910-4 du même code que les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées à l'article 908, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

En l'espèce, il résulte des conclusions signifiées par la SMABTP que si elle sollicite dans son dispositif l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses appels en garantie formées contre les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la société Mutuelle de [Localité 9] assurances, elle ne sollicite plus la garantie de ces sociétés, même à titre subsidiaire, de sorte que la cour n'est pas saisie d'une telle demande.

Il s'en suit que l'appel dirigé contre les parties à l'encontre desquelles il n'est plus formulé de demandes doit être considéré comme abusif, peu important qu'une autre partie ait quant à elle présenté des demandes contre elles.

Il convient donc de condamner la SMABTP à payer à la société Mutuelle de [Localité 9] assurances une somme de 2 000 ' à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

La société Mutuelle de [Localité 9] assurances ayant dû exposer des frais de procédure alors qu'elle a été intimée abusivement, il est équitable de mettre à la charge de la SMABTP une somme de 1 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à l'encontre de la SMABTP pour appel abusif

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelle sollicitent une somme de 5000 ' à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, pour les mêmes moyens qu'exposés par la société Mutuelle de [Localité 9] assurances.

Il est également constaté que le dispositif des premières conclusions de la SMABTP ne comporte pas de demande d'appel en garantie à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

L'appel de la SMABTP à leur encontre est de même abusif et la SMABTP sera condamnée à leur verser la somme de 2 000 ' à titre de dommages et intérêts.

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ayant dû exposer des frais de procédure alors qu'elles ont été intimées abusivement, il est équitable de mettre à la charge de la SMABTP une somme de 1 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Sur la demande de la société Estèves au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ainsi que le soutient la société Estèves, elle n'a pas été condamnée en première instance et la société SMABTP ne présente pas de demande contre elle en appel.

Seule la société Abeille IARD & santé demande subsidiairement sa garantie.

Il est équitable de faire supporter par la société SMABTP une somme de 2 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Estèves.

Sur les dépens

L'appel de la SMABTP étant bien fondé et M. et Mme [I] succombant en leurs demandes, ils suporteront les dépens de l'instance.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la SMABTP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de M. et Mme [I] et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

Aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SMABTP.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du 2 mai 2024 rectifié en ce qu'il a :

- condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 49.418, 26 ' franchise contractuelle déduite en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société CTVL,

- condamné la SMABTP à payer aux époux [I] la somme de 4 000 ' au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés, et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de 2 000 ' au même titre,

- condamné la SMABTP aux dépens de l'instance,

- autorisé Me Boitard et Me Guenot avocats à [Localité 8] à recouvrer directement auprès de la SMABTP les dépens dont ils auraient fait l'avance sans recevoir de provision suffisante,

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. et Mme [I] de leurs demandes à l'encontre de la SMABTP ;

Met hors de cause la SMABTP ;

Condamne la SMABTP à payer à la société Mutuelle de [Localité 9] assurances une somme de 2 000 ' à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et une somme de 1 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SMABTP à payer à la société MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles une somme de 2 000 ' à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et une somme de 1 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SMABTP à payer à la société Estèves une somme de 2 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [I] aux dépens de première instance et d'appel.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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