CA Poitiers, 1re ch., 13 mai 2025, n° 24/02754
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mic Insurance Company (Sté), Abeille IARD & Santé (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
M. Orsini, M. Maury
Avocats :
Me Musereau, Me Le Lain, Me Froidefond
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par contrat en date du 17 août 2017 puis par contrat en date du 8 décembre suivant, [N] [E] et [S] [V] ont confié à la société Agecomi, exerçant sous l'enseigne Habitat Plus, la construction, avec fourniture de plans, d'une maison individuelle à [Localité 8] (Vendée).
La Société [Adresse 11] (Sfmi) est postérieurement venue aux droits de la société Agecomi.
Le procès-verbal de réception avec réserves est en date du 20 décembre 2019.
Les désordres affectant la construction ont été constatés le 25 janvier 2021.
Par ordonnance du 18 mai 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a, sur la demande des maîtres de l'ouvrage, ordonné une mesure confiée à [O] [B]. Le rapport d'expertise est en date du 28 février 2022.
Par acte des 8, 9 et 20 septembre 2022, [N] [E] et [S] [V] ont assigné devant le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon la société Sfmi, la société Mic Insurance Company prise en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Agecomi, la société Abeille Iard & Santé (anciennement Aviva Assurances) prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage et la Compagnie européenne de garanties et cautions (Cegc) en sa qualité de caution. Ils ont demandé l'indemnisation de leurs préjudices.
La société Sfmi a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. [N] [E] et [S] [V] ont mis en cause la selarl [U] prise en la personne de Maître [H] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire. Celui-ci n'a pas constitué avocat.
Sur incident, la société Mic Insurance Company a demandé :
- de déclarer l'action des maîtres de l'ouvrage irrecevable pour défaut de qualité à défendre ;
- d'ordonner au liquidateur judiciaire du constructeur de produire les attestations d'assurance de responsabilité décennale pour les années 2018, 2019 et 2021.
La société Abeille Iard & Santé a de même soulevé l'irrecevabilité de l'action, prescrite selon elle en l'absence de déclaration de sinistre dans le délai de deux années à compter de la connaissance de sinistre.
[N] [E] et [S] [V] ont conclu au rejet de l'incident. Ils ont en outre demandé d'ordonner sous astreinte la production des attestations d'assurance précitées par le liquidateur judiciaire de la société Sfmi.
Par ordonnance du 24 septembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a statué en ces termes :
'DECLARE irrecevables les demandes de Monsieur [N] [E] et Madame [S] [V] à l'égard des sociétés MIC INSURANCE COMPANY et ABEILLE IARD & SANTE ;
ENJOINT à la SELARL [U] agissant par Maître [H] [U] en qualité de liquidateur de la S.A.S. SFMI de produire les attestations d'assurance responsabilité décennale et civile de la S.A.S. SFMI pour les années 2018, 2019 et 2021 dans un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision ;
REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [N] [E] et Madame [S] [V] aux dépens du présent incident ainsi qu'aux dépens relatifs aux sociétés MIC INSURANCE COMPANY et ABEILLE IARD &SANTE ;
RENVOIE l'affaire à la mise en état du 19 décembre 2024 à 9h40 avec avis de conclure à Maître ATIAS, avocat constitué des demandeurs,
RAPPELLE que les conclusions doivent être signifiées par RPVA au plus tard le mardi précédant l'audience de mise en état à 14h'.
Il a considéré que :
- [N] [E] et [S] [V] ne justifiaient pas :
- de la qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Mic Insurance Company ;
- d'une déclaration effectuée auprès de l'assureur dommages ouvrage dans les deux ans de la connaissance du sinistre ;
- la demande de communication des attestations d'assurance était fondée.
Par déclaration reçue au greffe le 15 novembre 2024, [N] [E] et [S] [V] ont interjeté appel de cette ordonnance, n'intimant que les sociétés Mic Insurance Company et Abeille Iard & Santé.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2025, ils ont demandé de :
'Vu l'annexe II de l'article A243-1 du Code des assurances,
Vu l'article L. 124-5 du Code des assurances, R112-1 ; L 114-1 du code des assurances,
Vu l'assignation du 20 septembre 2022,
Vu l'ordonnance du 24 septembre 2024,
Vu les pièces versées aux débats,
Infirmer l'ordonnance rendue le 24 septembre 2024 par le Juge de la Mise en état du Tribunal Judiciaire de LA ROCHE SUR YON en ce qu'elle a :
- Déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [N] [E] et de Madame [S] [V] à l'égard des sociétés MIC INSURANCE COMPANY et ABEILLE IARD ET SANTE ;
- Condamné Monsieur [N] [E] et Madame [S] [V] aux dépens du présent incident ainsi qu'aux dépens relatifs aux sociétés MIC INSURANCE COMPANY et ABEILLE IARD ET SANTE
Déclarer recevables les demandes des Consorts [E] [V] à l'égard des sociétés SA MIC Insurance Company et SA ABEILLE IARD,
CONDAMNER solidairement les sociétés SA MIC Insurance Compagny et SA ABEILLE IARD & SANTE à verser 3.000 ' aux Consorts [E] [V] au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER solidairement les sociétés SA MIC Insurance Compagny et SA ABEILLE IARD & SANTE aux dépens de la présente instance.
Dire que les consorts [E] [V] rapportent la preuve de l'existence d'un contrat de responsabilité civile décennale liant la société MIC INSURANCE.
Débouter la société MIC Insurance de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Dire que l'action à l'égard de la société ABEILLE IARD venant aux droits d'AVIVA est parfaitement recevable.
Dire que le maître de l'ouvrage a bien adressé une déclaration de sinistre conforme aux dispositions légales, par lettre recommandée, à l'assureur dommages ouvrage, en date du 22.02.2021.
Dire et juger que la prescription biennale et la prescription de droit commun ne sont pas opposables au maître de l'ouvrage.
Par conséquent, dire et juger que l'action du maître de l'ouvrage à l'égard de la société ABEILLE IARD, assureur dommage ouvrage venant aux droits de la société AVIVA est imprescriptible, comme non soumise à la prescription biennale et à la prescription de droit commun.
Débouter la société ABEILLE IARD venant aux droits d'AVIVA de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner solidairement les sociétés SA MIC Insurance Compagny et SA ABEILLE IARD & SANTE à verser 3.000 ' aux Consorts [E] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner solidairement les sociétés SA MIC Insurance Compagny et SA ABEILLE IARD & SANTE aux dépens de la présente instance'.
Ils ont conclu à la recevabilité de l'action exercée à l'encontre de la société Mic Insurance Company aux motifs que :
- le contrat de construction avait mentionné la société Mic comme assureur de responsabilité civile et décennale du constructeur, ainsi que comme garant de remboursement de l'acompte et de livraison ;
- l'attestation de garantie avait été établie à l'en-tête de la société Mic et signé de la société Sfs Europe, représentante en France de l'assureur, la société Millenium Insurance (Gibraltar) ;
- le procès-verbal de constat dressé sur la requête de l'assureur, indiquant que le contrat souscrit par le constructeur n'avait pas été retrouvé dans les fichiers informatiques de la société, était sans force probante.
Ils ont de même soutenu la recevabilité de leur action à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé aux motifs que :
- la mise en demeure adressée à cet assureur à l'adresse mentionnée sur l'attestation d'assurance, avait été reçue le 25 février 2021 ;
- cette déclaration de sinistre comportait les indications nécessaires ;
- l'assureur ne justifiait pas que le contrat rappelait les conditions de la prescription biennale, permettant à l'assureur de s'en prévaloir.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2025, la société Mic Insurance Company a demandé de :
'Vu'les'articles'122'et'suivants'et'les'articles'788'et'789'du'Code'de'procédure'civile,
Vu'l'article'A243-1'annexe'II'et'l'article'L.'124-5'du'Code'des'assurances,
[...]
CONFIRMER l'ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON dans tout son dispositif,
En conséquence,
DECLARER irrecevable l'action formée par monsieur [N] [K] et madame [S] [V] à l'encontre de la société MIC INSURANCE COMPANY ;
DEBOUTER monsieur [N] [K] et madame [S] [V] et toutes autres parties de leurs prétentions et demandes dirigées à l'encontre de la société MIC INSURANCE COMPANY ;
CONDAMNER monsieur [N] [K] et madame [S] [V] à payer la somme de 3.000 ' à la société MIC INSURANCE COMPANY ;
CONDAMNER monsieur [N] [K] et madame [S] [V] aux entiers dépens'.
Elle a soutenu que :
- les appelants ne justifiaient pas qu'elle avait été l'assureur de la société Agecomi, aucune attestation d'assurance pour l'année 2018 n'ayant été produite;
- le numéro de police mentionné sur le contrat de construction ne correspondait à aucun contrat d'assurance ;
- la société Agecomi n'avait pas souscrit auprès d'elle d'assurance de responsabilité décennale ;
- la société Sfmi assignée en référé expertise n'avait pas produit d'attestation pour l'année 2021, date de la réclamation ;
- la mention sur le contrat de construction n'était pas la preuve du contrat ;
- l'attestation de garantie de remboursement d'acompte ne correspondait pas au contrat de construction (date du contrat, prix, délai d'exécution).
Elle a rappelé que la charge de la preuve pesait sur les appelants.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 janvier 2025, la société Abeille Vie & Santé a demandé de :
'Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile,
Vu l'annexe II de l'article A 243- 1 du Code des assurances,
Vu l'article L 114-1 du Code des Assurances,
[...]
CONFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de LA ROCHE SUR YON en date du 24 septembre 2024, en toutes ses dispositions.
Par conséquent,
DECLARER irrecevable l'action des consorts [E] [V] notamment pour prescription au visa de l'article L 114-1 du Code des Assurances, relevant au demeurant que la SA ABEILLE IARD et SANTE n'est pas l'assureur de la société AGECOMI selon la formulation de l'assignation qui lui a été délivrée et qu'au surplus l'assureur dommages ouvrage n'a pas été assigné selon exploit délivré à ABEILLE le 9 septembre 2022, outre le fait même qu'aucune déclaration de sinistre dommages ouvrage préalable à toute procédure n'a été formalisée.
CONDAMNER les consorts [E] [V] in solidum à payer à la SA ABEILLE IARD et SANTE venant aux droits de la SA AVIVA ASSURANCES la somme de 3.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens'.
Elle a exposé que l'assignation avait mentionné en page 2 que la société Aviva Assurances était recherchée 'en qualité d'assureur de la société AGECOMI (actuellement SFMI)' et indiqué dans son dispositif qu'elle devait être condamnée en qualité d'assureur 'dommage ouvrages'.
Elle a soutenu que l'action des appelants était irrecevable, en l'absence selon elle de :
- déclaration de sinistre dommages-ouvrage adressée par courrier recommandé avec accusé de réception à l'adresse mentionnée dans l'attestation d'assurance ;
- de numéro de recommandé mentionné sur le courrier qui aurait été adressé, corroborant l'accusé de réception produit ;
- courrier satisfaisant aux prescriptions de l'annexe II de l'article A 243-1 du code des assurances ;
- déclaration dans les 2 années du sinistre.
Elle a ajouté que les appelants n'avaient pas indiqué à l'expert judiciaire avoir effectué les déclarations de sinistre des 15 janvier et 22 février 2021.
L'ordonnance de clôture est du 20 février 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION A l'ÉGARD DE L'ASSUREUR DOMMAGES-OUVRAGE
L'article L 242-1 du code de la construction et de l'habitation dispose notamment que :
'Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
[...]
L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.
Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours'.
1 - sur une déclaration de sinistre
L'annexe II de l'article A 243-1 du code de la construction et de l'habitation dispose que :
'2° En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l'assuré est tenu d'en faire la déclaration à l'assureur.
La déclaration de sinistre est réputée constituée dès qu'elle comporte au moins les renseignements suivants :
- le numéro du contrat d'assurance et, le cas échéant, celui de l'avenant ;
- le nom du propriétaire de la construction endommagée ;
- l'adresse de la construction endommagée ;
- la date de réception ou, à défaut, la date de la première occupation des locaux;
- la date d'apparition des dommages ainsi que leur description et localisation;
- si la déclaration survient pendant la période de parfait achèvement au sens de l'article 1792-6 du code civil, la copie de la mise en demeure effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement.
A compter de la réception de la déclaration de sinistre, l'assureur dispose d'un délai de dix jours pour signifier à l'assuré que la déclaration n'est pas réputée constituée et réclamer les renseignements manquants susvisés. Les délais visés à l'article L. 242-1 du présent code commencent à courir du jour où la déclaration de sinistre réputée constituée est reçue par l'assureur'.
Ces dispositions sont d'ordre public.
La déclaration de sinistre est un préalable nécessaire à toute action à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage, sous peine d'irrecevabilité.
L'attestation de garantie-dommages ouvrage en date du 5 mai 2018 établie par la société Vespieren/Capra pour le compte de la société Aviva rappelle ces dispositions.
L'adresse de la société Vespieren/Capra ne figure pas sur cette attestation.
L'adresse de l'assureur mentionnée en en-tête et dans le corps de l'attestation est la suivante : 'AVIVA Assurances - [Adresse 2]'.
Le conseil des appelants a adressé deux courriers rédigés en termes identiques à la société Aviva, en date des 15 janvier et 22 février 2021.
L'adresse de cette société figurant sur ces envois est la suivante :
'SA AVIVA ASSURANCES
[Adresse 7]
[Localité 10].
Cette adresse n'est pas celle figurant sur l'attestation d'assurance, ni celle mentionnée par l'huissier de justice sur l'annexe de l'assignation délivrée à la société : 'SA ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée SA AVIVA ASSURANCES ...dont le siège social [Adresse 2], rencontrée [Adresse 5].
Cette adresse de [Localité 9] est celle figurant sur les conclusions de l'assureur, reprises par les appelants dans les leurs.
Les courriers adressés à la société Aviva sont rédigés en ces termes :
'Affaire : [E] - [V] / SFMI
[...]
Vos Réf.: N°77582134/2018/0184/4939
[...]
Je m'adresse à vous en ma qualité de conseil de Monsieur [N] [E] et Madame [S] [V] pour lesquels le constructeur SFMI (anciennement AGECOMI) a souscrit une garantie dommage ouvrage auprès de vos services dans le cadre de la construction de leur maison d'habitation sise [Adresse 1] (références ci-dessus).
Un procès-verbal de réception avec réserves a été établi en date du 20 décembre 2019.
Depuis, non seulement les réserves n'ont pas été levées mais en plus, de nouveaux désordres sont apparus.
La société SFMI en a été dûment informée mais conteste les doléances, bloquant ainsi la situation.
A ce titre, je vous prie de trouver ci-joint copie des échanges.
Je vous remercie de bien vouloir intervenir rapidement auprès de votre assurée afin d'avancer utilement.
Mes clients envisagent de leur côté de solliciter une expertise judiciaire.
[...]
PJ :2'.
Le premier courrier en date du 15 janvier 2021 ne mentionne pas avoir été adressé en recommandé. Il n'est pas établi qu'il a été distribué.
Le second courrier en date du 22 février 2021 comporte la mention : 'LRAR'. Ont été produits la preuve d'envoi du courrier, du 23 février 2023, et l'accusé de réception, en date du 25 février 2021, comportant le cachet du : 'Service Courrier (13)'.
Ce second courrier a été reçu par la société Aviva.
Il ne mentionne toutefois pas constituer une déclaration de sinistre, n'en comporte pas le terme, ne précise pas la date d'apparition des dommages, leur localisation et n'en fait pas la description.
Les pièces jointes qui ne sont pas annexées aux copies produites des courriers ne sont pas identifiées.
Le courrier en date du 22 février 2021 ne peut pour ces motifs pas valoir déclaration de sinistre au sens des dispositions précitées.
L'assignation délivrée à la société Aviva Assurances (Abeille Iard & Santé) ne constitue pas une déclaration de sinistre.
2 - sur la prescription
L'article L 114-1 du code des assurances dispose notamment que :
'Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d'un contrat d'assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l'article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là'.
Le procès-verbal de constat des désordres imputés au constructeur est du 25 janvier 2021.
Le rapport d'expertise judiciaire est en date du 28 février 2022. Ce rapport, établi au contradictoire du seul constructeur, décrit les désordres réservés et ceux postérieurement constatés. Il a notamment attiré l'attention sur les risques (sécurité des personnes, infiltrations) liés aux désordres affectant la toiture.
L'assureur dommages-ouvrage a soulevé l'irrecevabilité de l'action par conclusions notifiées le 21 novembre 2023.
Dès lors que la mise en oeuvre de l'assurance dommages-ouvrage ne nécessite pas la recherche de responsabilité, le délai dont disposaient les appelants pour déclarer le sinistre a couru à compter de la date du procès-verbal de constat.
Au 21 novembre 2023, le délai de l'article L 114-1 précité était expiré.
Il en serait de même si le délai avait couru à compter de la date de dépôt du rapport d'expertise dès lors qu'aucune déclaration de sinistre n'a postérieurement été régularisée dans le délai biennal précité.
Les appelants ont, par courrier recommandé en date du 18 février 2025 posté le même jour, effectué une déclaration de sinistre.
Ce courrier a été adressé à :
'VESPIEREN
Département Maisons Individuelles
[Adresse 3]
[Localité 10]'.
Ce courrier, qui n'a pas été adressé à l'assureur, qui a été adressé à une adresse autre que celle mentionnée à l'attestation d'assurance, est postérieur à l'expiration du délai précité.
L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action des appelants à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage.
B - SUR SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION A l'ÉGARD DE L'ASSUREUR DE RESPONSABILITÉ DÉCENNALE
L'article 122 du code de procédure civile dispose que : 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
L'article 31 du code de procédure civile dispose que : 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé' et l'article 32 du même code que : 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.
Le premier contrat de construction en date du 17 août 2017 ne mentionne pas d'assureur de responsabilité décennale du constructeur.
Le second contrat de construction en date du 8 décembre 2017 comporte les mentions suivantes à l'article 7 - assurances et garanties :
Assurances
Nom de la compagnie et N° de Police
Responsabilité Civile
Professionnelle
Millenium
1612RYCMI MIL 00043
Responsabilité Civile Décennale
Tous risques chantiers
Assurances
Nom de la compagnie et N° de Police
Garantie de remboursement de l'acompte
Millenium
1612C CMI MIL 00043
Garantie de livraison (article L.231-6 du C.C.H.)
Le nom de l'assureur et les numéros des contrats ont été renseignés manuscritement.
Aucune attestation d'assurance n'a été annexée au contrat.
Les appelants ont produit une attestation en date du 23 novembre 2017 établie à en-tête de la société Mic Insurance et pour le compte de celle-ci par la société SFS Europe. Cette 'attestation de garantie de remboursement d'acompte' mentionne les appelants, l'emplacement du bien à construire et un contrat conclu entre la société Millenium Insurance (Gibraltar) et la société Agecomi, n° 1612C.CMI-MIL-00043".
Ce numéro de contrat est celui mentionné au contrat de construction.
La société Mic Insurance Company admet en page 7 de ses conclusions qu'elle était antérieurement dénommée Millenium Insurance Company.
Cette indication est une présomption de conclusion du contrat d'assurance de responsabilité décennale.
L'article 138 du code de procédure civile dispose que : 'Si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce' et l'article 788 du même code que : 'Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces'.
La présomption d'assurance précédemment caractérisée fonde l'injonction faite par le juge de la mise en état au liquidateur judiciaire de la société Sfmi de produire les attestations d'assurance de responsabilité civile et décennale pour les années 2018, 2019 et 2021. L'infirmation de l'ordonnance de ce chef n'a pas été sollicitée.
Il n'est pas soutenu que ces attestations ont été produites.
Il sera, dans l'attente de la production de ces attestations, sursis à statuer sur la recevabilité de l'action des appelants à l'encontre de l'assureur de responsabilité décennale.
SUR LES DÉPENS
Il sera en conséquence sursis à statuer sur le sort des dépens :
- de l'action exercée à l'encontre de la société Mic Insurance Company ;
- de l'instance au fond à l'encontre de cette société.
Elle sera confirmée s'agissant des dépens de l'incident et de l'instance au fond à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé.
La charge des dépens d'appel sera réservée.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions. L'ordonnance sera confirmée sur ce point.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit à la demande présentée sur ce fondement par la société Abeille Iard & Santé.
Il sera pour les motifs qui précèdent statué sur le surplus des demandes présentées devant la cour sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance du 24 septembre 2024 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon sauf en ce qu'elle :
- déclare irrecevables les demandes de [N] [E] et [S] [V] à l'égard de la société Mic Insurance Company ;
- condamne [N] [E] et [S] [V] aux dépens de l'incident et aux dépens de l'action exercée à l'encontre de la société Mic Insurance Company ;
SURSOIT à statuer jusqu'à production par la selarl [U] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sfmi, sur :
- la recevabilité de l'action exercée à l'encontre de la société Mic Insurance Company par [N] [E] et [S] [V] ;
- le sort des dépens de l'incident et de l'instance au fond, s'agissant de l'action exercée à l'encontre de la société Mic Insurance Company ;
- le sort des dépens d'appel ;
RENVOIE l'affaire et les parties à la mise en état ;
RESERVE les dépens d'appel.