CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 mai 2025, n° 21/17641
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Scop (SA), Noe Schaltechnik Georg Meyer Keller Gmbh+ Co (Sté), Noe France (SARL)
Défendeur :
Noe Schaltechnik Georg Meyer Keller GmbH+ Co (Sté), Noe France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent
Avocats :
Me Hatet-Sauval, Me Coppinger, Me Thuaudet, SCP Coblence Avocats, SELAS Citadel Avocats
EXPOSE DU LITIGE
La société Noe Schaltechnik Georg Meyer Keller Gmbh & Co (ci-après la société Noe Schaltechnik), société de droit allemand, et sa filiale la société Noe France (ci-après la société Noe) conçoivent, fabriquent et louent du matériel de chantier.
La société Coopérative de location attribution et de production d'HLM de la région de [Localité 7] - CLARM -, (ci-après la société Clarm) a pour activité la construction et la vente de programmes immobiliers.
La société Groupe Elite exerçait une activité de gros 'uvre en maçonnerie. Sa liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 28 avril 2020.
La société Clarm, qui assurait la maîtrise d'ouvrage d'une opération de construction immobilière, « l'Albatros », à [Localité 8] (93), a confié à la société Groupe Elite les travaux des lots n°1 « terrassement/GO » et n°4 « revêtement des façades ».
Suivant devis accepté du 17 mai 2018, la société Groupe Elite a conclu avec la société Noe un contrat de location de matériel de chantier.
Un « protocole de paiement par le maître d'ouvrage d'un fournisseur pour le compte du titulaire d'un marché de fourniture et de pose » faisant référence au devis a été conclu le 23 mai 2018 entre les sociétés Clarm, Groupe Elite et Noe Schaltechnik.
Par courrier recommandé du 22 mars 2019, la société Clarm a, par l'intermédiaire de son maître d'ouvrage délégué, résilié les marchés de travaux conclus avec la société Groupe Elite au motif de manquements graves et répétés à ses obligations contractuelles.
Par courrier du 13 juin 2019, la société Noe a mis en demeure la société Clarm de lui payer la somme de 23 231,99 euros correspondant à 7 factures impayées par la société Groupe Elite :
- facture n°815390 de la société Noe Schaltechnik du 19 octobre 2018 concernant la location de matériel de chantier entre le 27 octobre 2018 et le 25 novembre 2018 pour un montant de 5 719,68 euros TTC ;
- facture n°816626 de la société Noe Schaltechnik du 6 décembre 2018 concernant un « transport de retour » en date des 5 décembre 2018 et 6 décembre 2018 pour un montant de 1 118,88 euros TTC ;
- facture n°816744 de la société Noe Schaltechnik du 12 décembre 2018 concernant du matériel « rentré » et de la location d'accessoires restés sur le chantier entre le 26 décembre 2018 et le 24 janvier 2019 pour un montant de 309,24 euros TTC ;
- facture n°910120 de la société Noe Schaltechnik du 18 janvier 2019 concernant la location d'accessoires restés sur le chantier entre le 25 janvier 2019 et le 23 février 2019 pour un montant de 309,24 euros TTC ;
- facture n°910779 de la société Noe Schaltechnik du 20 février 2019 concernant la location d'accessoires restés sur le chantier entre le 24 février 2019 et le 25 mars 2019 pour un montant de 309,24 euros TTC ;
- facture n°911300 de la société Noe Schaltechnik du 20 mars 2019 concernant la location d'accessoires restés sur le chantier entre le 26 mars 2019 et le 24 avril 2019 pour un montant de 309,24 euros TTC ;
- facture n°950868 de la société Noe Schaltechnik du 13 juin 2019 concernant du matériel manquant pour un montant de 15 156,47 euros TTC.
En l'absence de règlement, la société Noe Schaltechnik a, par acte du 28 septembre 2020, assigné en paiement la société Clarm devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 14 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 8 075,52 euros toutes taxes comprises au titre des factures correspondant aux loyers impayés ;
- Débouté la société Noe Schaltechnik de sa demande en paiement de la somme de 15 156,47 euros toutes taxes comprises au titre des factures correspondant au matériel manquant ;
- Débouté la société Clarm de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros pour procédure abusive ;
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- Condamné la société Clarm aux dépens.
Par déclaration du 7 octobre 2021, la société Clarm a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 8 075,52 euros toutes taxes comprises au titre des factures correspondant aux loyers impayés ;
- Débouté la société Clarm de ses demandes à l'encontre de la société Noe Schaltechnik tant au titre de dommages intérêts à hauteur de 5 000 euros qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens ;
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration du 19 novembre 2021, la société Noe Schaltechnik et la société Noe ont également interjeté appel du jugement en ce qu'il a débouté la société Noe Schaltechnik de sa demande de condamnation de la société Clarm au paiement de la somme de 15 156,47 euros TTC au titre des factures correspondant au matériel manquant.
Selon ordonnance rendue le 26 janvier 2023, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances d'appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2024, la société Clarm demande, au visa des articles 1103 et suivants, 1792 et suivants du code civil, et de l'article 32-1 du code de procédure civile, de :
- Déclarer les sociétés Noe Schaltechnik et Noe irrecevables et mal fondées en leur appel à l'encontre du jugement ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Noe Schaltechnik de sa demande de condamnation dirigée contre la société Clarm à hauteur de 15 156, 47 euros TTC ;
- Déclarer la société Clarm recevable et bien fondée en son appel tant principal qu'incident à l'encontre du jugement ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
* Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 8 075, 52 euros TTC au titre des factures correspondantes aux loyers impayés ;
- Débouté la société Clarm de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros pour procédure abusive ;
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau :
- Débouter la société Noe Schaltechnik de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Clarm ;
- Débouter la société Noe Schaltechnik de sa demande de condamnation de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
- Condamner in solidum la société Noe Schaltechnik et la société Noe à verser la somme de 5 000 euros à la société Clarm au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner in solidum la société Noe et la société Noe France à payer à la société Clarm la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2025, les sociétés Noe Schaltechnik et Noe demandent, au visa des articles 1336, 1338, 1103 et 1104, 1188 et 1199 du code civil, de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 8 075,52 euros TTC au titre des factures correspondant aux loyers impayés ;
- Débouté la société Clarm de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros pour procédure abusive ;
- Condamné la société Clarm à payer à la société Noe la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Clarm aux dépens ;
- Dire que les sociétés Noe et Noe France recevables et bien fondées en leur appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 24 juin 2021 ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Noe Schaltechnik de sa demande de condamnation de la société Clarm au paiement de la somme de 15 156,47 euros TTC au titre de la facture correspondant au matériel manquant, et plus généralement de tous chefs portant grief aux sociétés Noe Schaltechnik et Noe ;
Et statuant à nouveau :
- Débouter la société Clarm de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens à l'encontre des sociétés Noe Schaltechnik et Noe ;
- Condamner la société Clarm à régler aux sociétés Noe Schaltechnik et Noe la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Clarm à supporter les entiers dépens de l'instance ;
- Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2025.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la qualification de l'acte du 23 mai 2018 et le paiement des factures émises par la société Noe Schaltechnik
La société Clarm soutient que :
- En l'absence d'un ordre de paiement des factures émis par la société Groupe Elite, les sociétés Noe Schaltechnik et Noe ne peuvent se prévaloir d'aucune créance vis-à-vis de la société Clarm. Les sociétés Noe Schaltechnik et Noe ne démontrent pas l'existence d'un ordre de paiement spécifique et exprès de l'entreprise délégante (la société Groupe Elite) pour chacune des factures de fourniture, alors que le protocole de paiement du 23 mai 2018 le stipule expressément. Ce formalisme substantiel conditionne la mise en 'uvre de l'obligation de paiement mise à la charge de la société Clarm.
- A la date du 13 juin 2019, aucune facture n'était opposable à la société Clarm, qui avait résilié le marché avec la société Groupe Elite et n'était plus redevable d'aucune somme à l'égard de cette dernière. Les sociétés Noe Schaltechnik et Noe auraient dû agir directement à l'encontre de la société Groupe Elite, ce qu'elles ne justifient pas avoir entrepris. Elles n'établissent donc pas le caractère certain de leurs créances.
- Elle n'est pas tenue par les dispositions du contrat de fourniture passé entre la société Noe Schaltechnik et Groupe Elite et elle ne s'est pas portée garante des sommes dont la société Groupe Elite serait redevable au titre du matériel non restitué.
- Les conditions particulières dont se prévalent les sociétés Noe Schaltechnik et Noé ne sont ni signées, ni paraphées : elles ne sont opposables ni à la société Groupe Elite, ni à elle-même.
- Elle a rempli son obligation de moyen de préservation des sommes dues au titre du contrat, c'est-à-dire, au seul montant des sommes prévues au marché : elle ne peut être tenue de régler plus qu'elle ne doit à la société Groupe Elite.
Les sociétés Noe Schaltechnik et Noe soutiennent que :
- Aux termes du protocole de paiement tripartite du 23 mai 2018, la société Clarm a pris l'engagement de régler directement à la société Noe Schaltechnik les sommes dues par la société Groupe Elite. Elle a « entériné » la commande passée par la société Groupe Elite en ce compris les loyers mensuels pendant toute la durée de la location. Aucune réserve n'a été faite par la suite par la société Groupe Elite tant sur la livraison que sur l'état du matériel mis à sa disposition.
- L'absence d'envoi d'un ordre de déblocage des fonds est sans incidence, puisque le montant des sommes dues était connu de la société Clarm dès la signature du protocole. L'ordre de déblocage des fonds ne constitue pas une condition préalable au paiement, ni un élément constitutif de la délégation.
- Le mécanisme de délégation de paiement n'entraîne pas la novation des obligations de la société Groupe Elite : la société Clarm est tenue au paiement de l'ensemble de la dette.
- La société Clarm a une obligation de « préservation » des sommes nonobstant la résiliation unilatérale du marché avec la société Groupe Elite le 22 mars 2019, résiliation dont elle n'a pas informé la société Noe Schaltechnik alors qu'elle en avait l'obligation.
- La facture au titre du matériel non restitué est opposable à la société Clarm. Les conditions particulières de locations sont annexées au devis signé par la société Groupe Elite, lui-même annexé au protocole de paiement du 23 mai 2018. Celles-ci prévoient que le matériel non retourné ou hors d'usage sera facturé selon le tarif en vigueur à la date de l'échéance non réglé.
- Les manquements de la société Clarm ont rendu impossible la récupération du matériel loué à la société Groupe Elite. Elle a pris l'initiative de résilier la partie du chantier confié à la société Groupe Elite sans l'en avertir, manquant à son devoir d'information.
***
L'article 1336 du code civil dispose que la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d'une autre, le délégué, qu'elle s'oblige envers une troisième, le délégataire, qui l'accepte comme débiteur.
Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire, aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire.
Il convient de déterminer si, aux termes de la convention tripartite du 23 mai 2018, les parties ont entendu prévoir une délégation de paiement du maître d'ouvrage, la société Clarm, au profit du fournisseur, la société Noe Schaltechnik, ou si elles sont convenues qu'il s'agissait d'un simple paiement pour compte sans création de lien contractuel.
En l'espèce, la convention du 23 mai 2018 qui s'intitule « protocole de paiement par le maître de l'ouvrage d'un fournisseur pour le compte du titulaire d'un marché de fourniture et de pose », stipule :
« Article 1 : L'entreprise a passé une commande de location auprès du fournisseur pour un montant de 8.498,47 euros HT soit 10.198,16 euros TTC le premier mois, puis 4.766,40 euros HT soit 5.719,68 euros TTC les mois suivants, puis un transport retour en fin de location de 932,40 euros HT soit 1.118,88 euros TTC, selon devis annexé validé par l'entreprise.
Article 2 : Le maître d'ouvrage entérine la commande passée par l'entreprise à la société Noe Schaltechnik via sa filiale Noe France.
Article 3 : transmission des documents ' paiement
Dans la limite de l'article 1 ci-dessus, l'entreprise donne ordre irrévocable au maître d'ouvrage de payer à l'échéance, soit 60 jours après la livraison, pour son compte, le fournisseur pour un montant total HT de 8.498,47 euros majoré de la TVA en vigueur au moment de la livraison, pour le premier mois et pour les montants correspondants aux mois suivant article 1 et devis annexé.
Le paiement se fera par virement sur le compte Iban du fournisseur (')
Il autorise en conséquence le maître d'ouvrage à déduire du montant de ses situations les sommes qu'il aura réglées au fournisseur pour le compte de l'entreprise.
Les factures relatives à cette fourniture seront établies par le fournisseur au nom de l'entreprise.
L'entreprise, sauf en cas de réserves explicites portées sur le bon de livraison et non levées au jour de l'établissement de la situation, devra transmettre au maître d'ouvrage, dans la première situation de travaux suivant la livraison de produits, l'ordre de déblocage des fonds pour cette fourniture.
Dans les conditions de non-réserve stipulées à l'alinéa précédent, les factures constitueront des créances liquides et exigibles opposables au maître d'ouvrage.
Si l'entreprise n'a pas transmis l'ordre de paiement dans les 30 jours suivant la livraison, le fournisseur est autorisé à adresser les factures directement au maître de l'ouvrage pour en obtenir le paiement.
Les montants réglés par le maître d'ouvrage au fournisseur s'imputeront sur les paiements dus par le maître d'ouvrage à l'entreprise, dans le cadre de son marché. (')
Article 4 : La présente convention s'analyse comme un simple protocole de paiement. Elle ne crée aucun lien contractuel entre le maitre d'ouvrage et le fournisseur autre que l'engagement de préserver* les fonds au seul bénéfice du fournisseur et de payer le fournisseur à hauteur du montant des loyers facturés en euros TTC, factures libellées au nom de l'entreprise.
(*) Aucune retenues, pénalités ou déductions d'aucune sorte, prévues ou non au marché principal ou au contrat de sous-traitance ne pourra affecter le montant restant dû au fournisseur par le maître d'ouvrage même en cas d'annulation du dit marché en cours de chantier. (')
Article 7 : « La présente convention n'apporte pas novation dans les relations établies entre l'entreprise et le fournisseur telles qu'elles résultent de la commande de fourniture de menuiseries référencée à l'article 1.
L'entreprise garde la responsabilité du règlement intégral des fournitures au fournisseur. ».
Aux termes du contrat, il a été convenu et accepté par les trois signataires que les matériaux nécessaires à la réalisation du marché de travaux seraient loués auprès de la société Noe, avec ordre irrévocable donné par la société Groupe Elite à la société Clarm de régler à la société Noe Schaltechnik les factures correspondant aux loyers mensuels, à hauteur de 10 198,16 euros TTC le premier mois, puis de 5 719,68 euros TTC les mois suivants, outre le coût du transport fixé à la somme de 1 118,88 euros TTC.
Cet acte crée un lien contractuel entre la société Clarm et la société Noe Schaltechnik.
Ce protocole établit toutefois une délégation de paiement imparfaite, dans la mesure où l'article 4 exclut tout rapport contractuel entre le fournisseur et le maître de l'ouvrage et l'article 7 prévoit expressément que, nonobstant l'ordre de paiement irrévocable donné par la société Groupe Elite, cette dernière ne sera pas déchargée de ses obligations à l'égard du fournisseur, la société Noe Schaltechnik.
Il n'en demeure pas moins que la société Clarm est débitrice d'une obligation de paiement à l'égard du fournisseur délégataire, seule l'étendue de cette obligation à paiement pouvant être affectée par le non-respect des conditions posées par l'article 3 du protocole.
La lecture combinée des articles 1, 2 et 3 du protocole crée une obligation de paiement de la société Clarm à l'égard du fournisseur la société Noe Schaltechnik, le délai de règlement étant fixé conventionnellement à 60 jours après la livraison, sur présentation d'une facture et d'un ordre de déblocage des fonds par l'entreprise attributaire du marché.
Le fournisseur est cependant en droit, conformément à l'alinéa 7 de l'article 3, d'adresser directement ses factures au maître de l'ouvrage si l'entreprise n'a pas transmis l'ordre de paiement dans les 30 jours suivant la livraison.
La société Noe Schaltechnik n'a adressé ses factures que le 13 juin 2019, soit après la notification par la société Clarm de la résiliation du marché conclu avec la société Groupe Elite, intervenue le 22 mars 2019.
Toutefois la société Clarm reste tenue en cette hypothèse d'une obligation de paiement, la convention stipulant en son article 4 qu'aucune « retenue, pénalités ou déduction d'aucune sorte » ne peut affecter le montant restant dû au fournisseur, « même en cas d'annulation du marché en cours de chantier ». L'article 3 ajoute que dans les conditions de non réserve (portées sur le bon de livraison et non levées), « les factures constitueront des créances liquides et exigibles opposables à l'entreprise et au maître d'ouvrage ».
La société Clarm a ainsi expressément renoncé s'agissant de son obligation de paiement des factures de la société Noe Schaltechnik à toute exception d'exécution de la part de la société Groupe Elite.
Enfin, l'absence de mise en cause du représentant de la société Groupe Elite est sans incidence sur l'obligation de paiement de la société Clarm. En effet, la société Noe Schaltechnik, disposant de deux débiteurs en vertu de la délégation de paiement imparfaite, pouvait s'adresser à son choix pour obtenir règlement de ses factures soit à la société Clarm dans les conditions définies au protocole (30 jours fin de mois après la livraison), soit à la société Groupe Elite.
L'objet de la convention tripartite se limitant à assurer le paiement des loyers de la « commande de location » résultant du devis signé par la société Groupe Elite le 17 mai 2018 et l'obligation de paiement de la société Clarm ne peut s'étendre à d'autres créances. Les conditions particulières de location sur lesquelles s'appuie la société Noe Schaltechnik pour facturer à hauteur de 15 156,47 euros le matériel non retourné en fin de location, qui ne sont pas signées ni paraphées par la société Groupe Elite, ne sont donc pas opposables à la société Clarm.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a condamné la société Clarm à payer à la société Noe Schaltechnik la somme de 8 075,52 euros au titre des factures n°815390, n°816626, n°816744, n° 910120, n°910779 et 911300, correspondant aux loyers échus jusqu'au 24 avril 2019, et a débouté les sociétés Noe Schaltechnik et Noe de leur demande en paiement de la facture n°950868 d'un montant de 15 153,47 euros, correspondant à la valeur du matériel manquant.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Clarm au titre de la résistance abusive
La société Clarm soutient que les sociétés Noe Schaltechnik et Noe ont engagé des procédures vouées à l'échec entraînant des frais anormaux pour elle.
Les sociétés Noe Schaltechnik et Noe soutiennent qu'il ne peut leur être reproché leurs choix procéduraux.
Au regard de la solution du litige, la faute des sociétés Noe Schaltechnik et Noe n'est pas caractérisée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Clarm de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé quant à ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties succombant partiellement, les dépens d'appel seront partagés par moitié.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette mes demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié d'une part par la société Coopérative de location attribution et de production d'HLM de la région de [Localité 7] - CLARM ' et d'autre part par les sociétés Noe Schaltechnik Georg Meyer Keller Gmbh & Co et Noe France.