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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 9 mai 2025, n° 19/05714

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Hexaom (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sainati

Conseillers :

M. Carlier, Mme Wattraint

Avocats :

Me Laurent, Me Vernhet, Me Bosc-Bertou, Me Alauzet

TGI Narbonne, du 21 mars 2019, n° 16/015…

21 mars 2019

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat du 28 août 2010, Madame [I] [U] épouse [O] et Monsieur [Y] [O] (les époux [O]) ont conclu avec la société Maisons France Confort, désormais nommée Hexaom, un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) à réaliser sur un terrain sis à [Localité 6] au prix de 115 255 euros dont 13 755 euros restaient à la charge du maître d'ouvrage.

Un permis de construire avait été obtenu en vue de cette construction le 20 avril 2009.

Suivant un protocole d'accord du 6 septembre 2011, les parties ont convenu qu'en compensation du changement de l'adaptation du sol entraînant la suppression d'un rang de bloc dans le vide sanitaire, la société Maisons France Confort s'engageait à réaliser les raccordements EDF, PTT, EU, le décaissement et l'aménagement des terres sur la parcelle, la pause d'un drain le long de la façade de la villa, couler les dalles de la terrasse et du garage, réaliser l'accès au garage par un aménagement du terrain et réaliser les enduits sur l'intégralité de la villa.

Le 3 mars 2012, le procès-verbal de réception a été signé par les parties avec réserves. Les époux [O] ont ultérieurement dressé des procès-verbaux de levée de réserves les 29 mars, 5 et 12 juillet 2012.

Se plaignant de défauts portant notamment sur l'altimétrie et l'accessibilité au garage, les époux [O] ont sollicité par actes des 28 avril et 15 mai 2014 une mesure d'expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée le 10 juin 2014 et Monsieur [F] a été désigné pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport le 31 décembre 2015.

C'est dans ce contexte que les époux [O] ont, par acte d'huissier de justice, du 2 novembre 2016, fait assigner la société Maisons France Confort (MFC) en réparation des préjudices résultant des désordres constatés par l'expert.

Par jugement du 21 mars 2019, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

- Dit que les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ne sont pas applicables aux rapports des parties, s'agissant de malfaçons, défauts de conformités aux règles de l'art et manquements aux obligations contractuelles ;

- Constaté qu'ont été régularisés entre les parties un protocole d'accord visant les défauts de construction et des procès-verbaux de réception ;

- Déclaré irrecevables les demandes visant les problèmes qui affectent l'ouvrage et qui concernent l'accès au garage et l'exécution du protocole d'accord du 6 septembre 2011 ;

- Déclarent recevables sur le fondement de la responsabilité contractuelle les demandes relatives à la dimension du garage, au sas des toilettes et la mise en place du drain ;

- Condamné la société MFC à payer aux époux [O] la somme de 14 800 euros au titre des travaux de reprise et de la moins-value de l'immeuble ;

- Condamné les époux [O] à payer à la société MFC la somme de 5 087,85 euros au titre du solde du marché ;

- Ordonné la compensation entre les dettes et créances respectives à hauteur de la plus faible ;

- Déboutée les époux [O] du surplus de leurs demandes;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni à exécution provisoire ;

- Fait masse des dépens comprenant les frais de référé et d'expertise et dit qu'ils seront supportés par moitié entre les parties.

Par déclaration reçue par le greffe le 9 août 2019, les époux [O] ont interjeté appel de ce jugement.

Par leurs dernières conclusions notifiées avant l'ordonnance de clôture, le 27 avril 2020, les époux [O] demandent à la cour d'appel de :

- Constater que le protocole d'accord ne purge pas les problèmes visés par l'expert, notamment l'implantation de la maison et les problèmes altimétriques ;

- Ordonner la démolition/reconstruction de la maison, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

A défaut, si mieux n'aime la cour :

- Condamner l'intimée à payer la contre-valeur de la maison, soit la somme de 101 500 euros ;

- Condamner l'intimée à payer la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ;

Subsidiairement :

- Condamner l'intimée à payer

o Pour le garage rendu impropre à sa destination, une somme de 20 000 euros ;

o Pour les erreurs d'implantation et les désordres à caractère décennal, la somme de 40 045,15 euros TTC ;

o 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

o 2 500 euros TTC pour les travaux de réparation d'une fuite dans le garage et l'aménagement d'un sas ;

- Condamner l'intimée à payer aux concluants la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 17 janvier 2025, la société Hexaom anciennement dénommée Maisons France Confort, demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o Noté que le protocole d'accord visant les défauts de construction a été régularisé entre les parties ainsi que des procès-verbaux de réception ;

o Déclaré irrecevables les demandes visant les problèmes affectant l'ouvrage en ce qui concerne l'accès au garage et l'exécution du protocole d'accord du 6 septembre 2011 ;

o Condamné les époux [O] à payer à la concluante la somme de 5 087,85 euros au titre du solde du marché ;

o Reconnu le principe de la compensation ;

o Déboute les époux [O] de leurs demandes de condamnation à hauteur de 79 201 euros au titre des travaux de reprise, 20 000 euros en réparation du préjudice moral ainsi que 5 000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la concluante au paiement de la somme de 14 800 euros aux appelants ainsi qu'à la prise en charge par moitié des dépens ;

A titre préliminaire :

- Prononcer l'irrecevabilité pour être nouvelles des demandes de démolition/reconstruction de la maison sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et de la condamnation à la somme de 101 500 euros formées à l'encontre de la concluante ou à tout le moins en débouter les appelants ;

- Prononcer l'irrecevabilité pour être nouvelle la demande formée tant à titre principal que subsidiaire de condamnation de la concluante au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre d'un préjudice de jouissance jusqu'alors nullement évoqué ou à tout le moins en débouter les appelants ;

Sur le fond :

- Prononcer l'irrecevabilité de l'intégralité des prétentions des appelants ;

Subsidiairement :

- Débouter pour être mal fondés les appelants de l'intégralité de leurs prétentions ;

En tout état de cause :

- Les débouter de leur demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- Condamner solidairement les époux [O] à verser à la société Hexaom la somme de 5 087,85 au titre du solde du chantier.

La clôture a été prononcée le 28 janvier 2025 par une ordonnance du même jour.

Par conclusions du 3 février 2025, les époux [O] demandent à la cour d'appel, outre les demandes préalablement formulées dans leurs conclusions du 27 avril 2024, de :

- Rabattre la clôture et accueillir leurs écritures ;

Au titre de leurs demandes subsidiaires :

- Condamner la société intimée, pour les erreurs d'implantation et les désordres à caractère décennal, à la somme de 40 045,15 euros TTC avec indexation à l'indice BT01 du jour du rapport au jour du paiement.

L'ordonnance de clôture était révoquée et la clôture de l'instruction en date du 18 février 2025.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et à la décision déférée.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes des époux [O]

a) la démolition reconstruction

Il sera rappelé que par arrêt du 18 janvier 2023 la Cour de Cassation en posant le principe de proportionnalité souligne que le juge reste souverain pour décider d'allouer une indemnité au lieu de prescrire la démolition/reconstruction, encore faut il que cette prétention ait été faite dans le temps de la procédure.

Or il s'avère que les époux [O] dans leur assignation de première instance et au cours de celle-ci ont sollicité une somme indemnitaire de 79 201 euros mais à aucun moment la démolition/ reconstruction et aucun élément nouveau n'est intervenu depuis lors : le rapport d'expertise et le protocole d'accord entre les parties ayant été amplement débattus.

Dès lors de cette demande doit être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile qui dispose : " Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait " et sera donc déclarée irrecevable.

b) la demande de 101 500 euros, contre-valeur du prix de la maison

Les époux [O] sollicitaient la somme de 74 115,13 euros (après compensation) en première instance en réparation des désordres et préjudices subis et non le prix en contre valeur de la maison qu'ils évaluent à 101 500 euros, dès lors cette demande se rattachant à l'examen de proportionnalité sollicitée au titre de la démolition/reconstruction doit être considérée comme nouvelle, et déclarée irrecevable.

Sur la responsabilité du constructeur

Le tribunal a :

- écarté l'application de la garantie décennale aux motifs que l'ouvrage n'est pas affecté de désordres apparus postérieurement à la réception mais a retenu l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun, les désordres consistant en des malfaçons, non-conformités, inachèvement et non-respect aux règles de l'art ;

- déclaré recevables les seules demandes relatives aux problèmes non visés par le protocole ou non-apparent lors de la réception aux motifs que les désordres antérieurs au protocole visés par celui-ci ont fait l'objet de compensation ou de travaux de réception ayant purgé les défauts et interdits toute action en responsabilité ;

- retenu la responsabilité de la société MFC à hauteur de 10 000 euros quant aux dimensions du garage aux motifs qu'elle a manqué à son obligation de conseil car elle n'a pas conçu un garage apte à sa destination. La responsabilité est partagée avec Monsieur [O], constructeur du garage, qui n'a pas procédé aux vérifications nécessaires ;

- Retenu la responsabilité de MFC quant à l'absence de sas qui constitue une non-conformité au plan contractuel et qui n'a pas été réservé lors de la réception. Il s'agit d'un défaut de conformité aux règles de l'art pour un préjudice de 1 000 euros ;

- Retenu la responsabilité de MFC au titre du droit d'évacuation qui avait été mis à la charge du constructeur dans le protocole d'accord. Ce désordre serait non apparent lors de la réception. Le drain insuffisamment long était enterré et le défaut n'est apparu que lors des pluies pour un préjudice de 3 800 euros TTC (coût de reprise) ;

- Ecarté la responsabilité de MFC au titre des plaques de plâtres non conforme, le désordre étant apparent lors de la réception.

Il sera retenu que dans leurs dernières conclusions les époux [O] sollicitent sur le fondement de l'article 1792 du code civil ou à titre contractuel à l'encontre du CMI:

- 20 000 euros au titre du garage rendu impropre à sa destination

- 40 045,15 euros TTC au titre des erreurs d'implantation et les désordres à caractère décennal soit l'évaluation de la moins value de la maison pour 24 333 euros et reprises et aménagements divers 20 800 euros moins une somme de 5 087,85 euros restant due.

- 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Ce sont donc sur ces prétentions en partie évaluées par l'expert judiciaire qu'il sera statué.

La société Hexaom sollicite l'infirmation du jugement qui l'a condamné à 14 800 euros et estime sur le fond, qu'elle ne peut être déclarée responsable du défaut d'altimétrie dont les inconvénients étaient connus au stade de sa conception ;

Par ailleurs celui qui construit un ouvrage et accepte le support en prend la responsabilité, donc Monsieur [O] a construit le garage en connaissance de ses défauts de conception. Elle ne peut être déclarée responsable au titre de son obligation de conseil car elle n'est pas réalisatrice du garage ;

L'absence de sas était un désordre visible à la réception; par ailleurs le sas n'était pas prévu au contrat.

Les époux [O] estiment que le protocole du 6 septembre 2011 n'a pas réglé le problème d'implantation altimétrique et l'accessibilité au garage et le défaut d'altimétrie n'était pas visible à la réception.

a) sur la demande de 20 000 euros au titre du garage rendu impropre à sa destination

Le procès verbal de réception est en date du 3 mars 2012 et mentionne un certain nombre de réserves qui ont été levées par quitus le 22 mars 2012 mais ne concernent pas l'impropriété du garage à sa destination.

Il s'avère que suite au protocole d'accord du 6 septembre 2011, la société Maisons Confort acceptait de couler les dalles de la terrasse et du garage proprement dit et à réaliser l'accès au garage par aménagement du terrain alors même que le contrat initial laissait à la charge de M. [O].

Il ressort que l'expert constate que les propriétaires ne peuvent y loger un véhicule particulier de taille courante, le véhicule rentré ne laisse aucun moyen de circulation dans la pièce, le portail basculant frôle l'arrière du véhicule une fois rentré, il est impossible d'ouvrir le coffre arrière du véhicule une fois le portail fermé.

L'expert retient un défaut de conception puisque c'est la société Maisons Confort qui a réalisé le plan puis ensuite les fondations et la dalle, M. [O] n'ayant exécuté que la mise en place des murs selon les plans qui lui ont été fourni par le constructeur CMI.

Dès lors sur le plan contractuel, il convient de condamner la société Maisons Confort pour non conformité de cette construction qui ne correspond pas à sa destination et à son usage.

La somme de 20 000 euros sera retenue à ce titre.

b) Sur la somme de 40 045,15 euros TTC

- 24 333 euros TTC. Il s'agit de la somme retenue par l'expert pour l'évaluation de la moins value de la maison pour le désordre relatif au défaut d'implantation de la maison et défaut d'altimétrie. L'expert a dû effectuer un relevé topographique pour s'assurer de l'existence de ce désordre, il n'était donc pas apparent au moment de la réception et s'est révélé dans toute son ampleur lors de l'usage et engage la responsabilité du constructeur sur le fondement de l'article 1792 du code civil (construction mal implantée et altimétrie trop haute par rapport à l'accès unique et la topographie du terrain équivalant à un défaut de conception.) L'expert mentionne qu'aucune solution technique ne semble envisageable quant à la pente du garage et à la construction elle-même.

Le montant de ce préjudice retenu par l'expert sera adopté soit 24 333 euros TTC à titre d'indemnité.

- 20 800 euros. Cette somme évaluée par l'expert correspond aux désordres qui doivent faire l'objet de reprises et aménagements divers. Ces désordres correspondent certes au protocole d'accord mais celui-ci a été exécuté en dehors de toutes règles de l'art et constitue autant de désordres qui engagent la responsabilité contractuelle du constructeur CMI soit :

° 12 000 euros pour la reprise des travaux pour l'aménagement du terrain

° 2 500 euros pour l'aménagement des terres pour permettre la libération des grilles de ventilation du vide sanitaire et un talus en pieds des murs de clôture selon besoin.

° 3 800 euros pour la reprise du drain d'évacuation mal exécuté.

° 1 500 euros TTC pour la reprise des regards EU/Vannes

° 1 000 euros pour le reprise des plafonds extérieurs en plâtre

Total : 24 333 euros + 20 800 euros auxquels seront déduit la somme de 5 087,85 euros non réglée et non contestée par les époux [O] soit 40 045,15 euros TTC.

Il sera noté que le sas ne faisait pas l'objet d'une disposition contractuelle et la fuite dans le garage n'a pas été constatée par l'expert.

c) sur le préjudice de jouissance

La situation créée par la construction d'une maison mal implantée produit un préjudice d'usage qui s'est aggravé au quotidien par la non exécution dans les règles de l'art par la société Maisons Confort du protocole intervenu entre les parties ce qui conduit l'expert à caractériser un accès piétons et automobiles très difficile ( page 19) ( rampe brute et cabossée en terre et pierre).

Une somme de 5 000 euros sera satisfactoire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Hexaom venant aux droits de la société Maisons Confort, succombante à titre principal, sera condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 21 mars 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les prétentions et demandes des époux [O] au titre de la démolition/ reconstruction et du prix de la maison ;

Condamne la SA Hexaom, venant aux droits de la société Maisons France Confort, à payer aux époux [O] les sommes suivantes:

- 20 000 euros au titre de sa responsabilité contractuelle pour le garage rendu impropre à sa destination

- 24 333 euros TTC au titre de sa responsabilité décennale pour défaut d'implantation et altimétrie de la maison .

- 20 800 euros TTC au titre de sa responsabilité contractuelle pour désordres et aménagement divers

- 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Disons que la créance de 5 087,85 euros au profit de la SA Hexaom venant aux droits de la société Maisons France Confort sera déduite de ces sommes dues.

Condamne la SA Hexaom, venant aux droits de la société Maisons France Confort, à payer aux époux [O] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA Hexaom, venant aux droits de la société Maisons France Confort, aux entiers dépens.

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