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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 13 mai 2025, n° 23/07609

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Forez Automobiles (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Lemoine, Mme Lecharny

Avocats :

Me Colomb, Me Rossi

TJ Lyon, ch. 9 cab. 09 G, du 19 sept. 20…

19 septembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 28 mai 2019, M. [C] [J] (l'acquéreur) a acquis auprès de la société Forez automobiles (la société) un véhicule automobile de marque Mazda affichant 156 689 km au compteur, pour un prix de 8 990 euros.

Faisant état de la nécessité d'avaries de fonctionnement du moteur, l'acquéreur a obtenu en référé l'organisation d'une expertise judiciaire. L'expert a déposé son rapport le 19 mai 2021.

Le 16 février 2022, l'acquéreur a assigné la société devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins, principalement, de la voir condamner à lui payer la somme de 11 380,73 euros au titre de la remise en état du véhicule.

Par jugement du 19 septembre 2023, le tribunal a :

- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société,

- condamné la société à verser à l'acquéreur la somme de 8 990 euros en application de l'article L 217-10 du code de la consommation,

- condamné la société à payer à l'acquéreur la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- débouté l'acquéreur du surplus de ses demandes,

- condamné la société aux entiers dépens de l'instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire,

- condamné la société à verser à l'acquéreur la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le présent jugement restera assorti de l'exécution provisoire, qui est de droit.

Par déclaration du 5 octobre 2023, l'acquéreur a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2025, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société à réparer son entier préjudice,

- réformer la décision entreprise s'agissant du quantum,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la société à lui régler les sommes suivantes :

- 16 167,08 euros au titre de la remise en état du véhicule (sous réserves de travaux, contrôle final et essai du véhicule),

- 47 754,20 euros au titre des préjudices liés à l'immobilisation du véhicule, frais de gardiennage, préjudice de jouissance et assurance,

- condamner la société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2024, la société demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- la condamne à verser à l'acquéreur la somme de 8 990 euros en application de l'article L 217-10 du code de la consommation,

- la condamne à payer à l'acquéreur la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- la condamne aux entiers dépens de l'instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire,

Et statuant à nouveau,

- juger l'indemnisation des travaux de réparation à effectuer sur le véhicule litigieux, sans excéder le montant de 2 851,45 euros conformément aux préconisations du constructeur Mazda selon devis Mazda du 26 juillet 2019,

- rejeter la demande au titre du préjudice de jouissance comme étant injustifiée,

- juger que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et qu'au vu du contexte, les frais d'expertise seront pris en charge par moitié entre elle et l'acquéreur,

Pour le surplus,

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute l'acquéreur du surplus de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

- condamner l'acquéreur à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aucune partie ne sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société, ce chef de dispositif est irrévocable.

1. Sur la garantie légales de conformité

1.1. Sur la responsabilité de la société

L'acquéreur fait valoir que :

- il ressort du rapport d'expertise qu'au jour de la vente, le véhicule était entaché d'une usure ou déficience irréversible de son moteur ;

- la société n'a pas vendu un bien conforme à sa destination ; elle doit répondre des vices affectant le véhicule, le rendant impropre à sa destination, conformément aux dispositions des articles L. 217-4 du code de la consommation et 1103 et suivants et 1231 et suivants du code civil.

La société réplique que :

- le rapport d'expertise judiciaire est contestable sur plusieurs points ;

- il n'était pas possible pour elle de connaître le désordre sans procéder à des investigations approfondies auxquelles il n'y a pas lieu de procéder en temps normal avant la vente d'un véhicule d'occasion.

Réponse de la cour

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que le premier juge, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 217-4 et L. 217-7 du code de la consommation, a retenu qu'il résulte des rapports d'expertises amiable et judiciaire la preuve que les avaries dont est affecté le véhicule le rendent impropre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, qu'elles sont apparues dans un délai de six mois à compter de la délivrance du véhicule et qu'en l'absence de preuve contraire apportée par la société, les défauts constatés sont présumés avoir existé au moment de la délivrance, de sorte que l'acquéreur est bien fondé à invoquer la garantie de conformité de l'article L. 217-4 du code de la consommation.

Pour confirmer le jugement sur ce point, la cour ajoute que le seul fait que le désordre ne soit décelable qu'en déposant le moteur ne permet pas au vendeur professionnel de faire échec à la garantie légale de conformité prévue aux dispositions précitées.

1.2. Sur les demandes indemnitaires

L'acquéreur fait valoir que :

- il n'avait pas d'autre choix que de faire réparer son véhicule compte tenu de l'augmentation du prix des véhicules d'occasion ;

- il produit un devis de réparation actualisé qui s'élève à 16'167,08 euros ; le coût de la réparation du véhicule n'est pas excessif par rapport à la situation ;

- il n'avait pas d'autre choix que de confier le gardiennage de son véhicule à un garage ;

- il a été contraint de faire l'acquisition d'un autre véhicule et a subi un préjudice de jouissance pendant 1707 jours, de la date de l'immobilisation du véhicule au jour de l'ordonnance de clôture.

La société réplique que :

- les réparations préconisées par l'expert ne sont pas conformes aux consignes de la notice constructeur et le garage Mazda de [Localité 5] a établi un devis pour une somme de 2 851,45 euros TTC ;

- l'acquéreur a contribué à son dommage en parcourant près de 9 000 km alors qu'il avait connaissance des désordres affectant le véhicule et des mesures à mettre en 'uvre pour y remédier ;

- dans le cadre de l'action estimatoire, l'acheteur peut prétendre au remboursement d'une partie d'un prix et non à l'intégralité de celui-ci, même s'il s'avère que les coûts de remise en état de la chose sont supérieurs au prix de vente ;

- l'acquéreur ne rapporte pas la preuve qu'il a réglé les frais de gardiennage et n'explique pas pourquoi il n'a pas récupéré son véhicule alors que l'expert l'a invité à le faire lors de l'expertise du 29 mars 2021 ;

- elle ne saurait être tenue au paiement de dommages-intérêts dans la mesure où, malgré sa qualité professionnelle, elle ne pouvait avoir connaissance du désordre sans procéder à des investigations approfondies ;

- l'acquéreur ne justifie pas des sommes qu'il réclame au titre du préjudice de jouissance.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 217-9 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable à la date de la vente, en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.

Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.

Et selon l'article L. 217-10 du même code, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.

La même faculté lui est ouverte :

1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 217-9 ne peut être mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ;

2° Ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche.

La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

Enfin, l'article L. 217-11 dispose que l'application des dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur.

Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.

Ainsi qu'il a été énoncé plus avant, le seul fait que le désordre ne soit décelable qu'en déposant le moteur ne permet pas au vendeur professionnel de faire échec à la garantie légale de conformité prévue aux dispositions précitées.

En l'espèce, l'acquéreur ne sollicite ni la réparation du véhicule par le vendeur ni son remplacement, en application du premier de ces textes.

Il ne demande pas non plus à rendre le bien et se faire restituer le prix, ou à garder le bien et se faire rendre une partie du prix, en application du deuxième de ces textes.

Sa demande en paiement de la somme de 16'167,08 euros au titre de la remise en état du véhicule s'analyse donc en une demande de dommages-intérêts sur le fondement du troisième de ces textes.

Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'acquéreur n'a pas fait procéder à la réparation de son véhicule, son préjudice n'excède pas le montant du prix d'achat du véhicule exposé à perte.

En conséquence, il ne peut être fait droit à sa demande en paiement de la somme de 16'167,08 euros.

En revanche, l'expert judiciaire ayant retenu que la remise en fonctionnement du véhicule justifiait le remplacement pur et simple du moteur, il n'y a pas lieu de limiter le montant des dommages-intérêts à la somme de 2 851,45 euros, selon devis du garage Mazda de [Localité 5], lequel ne porte que sur le remplacement du turbo et d'un arbre à came, travaux insuffisants pour permettre la remise en fonctionnement du véhicule.

Il n'y a pas lieu non plus de retenir une contribution de l'acquéreur à son dommage, alors que l'expert judiciaire conclut que les altérations des arbres à came et du moteur sont antérieures à l'achat du véhicule et qu'il n'y a pas de raison technique de retenir une aggravation de dommage, le moteur étant déjà à remplacer avant l'achat par l'acquéreur.

Au vu de ce qui précède, le préjudice subi par l'acquéreur s'élève au montant du prix d'achat exposé à perte et la société est condamnée à lui verser la somme de 8 990 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 217-11 du code de la consommation.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il condamne la société à payer à l'acquéreur cette somme en application de l'article L. 217-10 du code de la consommation.

S'agissant des frais de gardiennage, l'acquéreur verse aux débats la copie d'une facture pro forma de la société Vulcain Lyon Elite Motors du 1er juillet 2020 qui démontre qu'il a dû s'acquitter de frais de gardiennage du véhicule d'un montant de 1 725 euros pour la période du 22 juin 2020 au 24 septembre 2020.

Au vu de ce justificatif, l'acquéreur est fondé à solliciter le paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts.

En revanche, pour la période postérieure, il se contente de produire, en pièce n° 23, une estimation de frais de parking établie par la société Vulcain Lyon Elite Motors, et non une facture, et ne justifie ni du maintien du véhicule sous le gardiennage de cette dernière ni des raisons pour lesquelles il n'aurait pas repris possession de son véhicule après la clôture des opérations d'expertise judiciaire.

Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de condamner la société à payer à l'acquéreur la somme de 1 725 euros à titre de dommages-intérêts pour frais de gardiennage.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a évalué le préjudice de jouissance de l'acquéreur à la somme de 3 000 euros, en retenant que son véhicule a dû être immobilisé le temps des expertises amiable et judiciaire et qu'il est certain que lorsqu'il l'a acquis, il entendait pouvoir l'utiliser.

En revanche, si l'acquéreur fait état d'un préjudice de jouissance de 1707 jours, du 13 mai 2020 au 16 janvier 2025, il ne justifie pas de la réalité de celui-ci après le 5 juin 2020, date à laquelle il a procédé à l'acquisition d'un nouveau véhicule d'occasion.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a évalué ce poste préjudice à la somme de 3 000 euros.

Enfin, contrairement à ce qu'a retenu le jugement, l'acquéreur est fondé à solliciter le remboursement des cotisations annuelles d'assurance dont il a dû s'acquitter malgré l'immobilisation de son véhicule, soit la somme de 284,85 euros pour la période du 13 mai 2020 au jour du prononcé du présent arrêt.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Récapitulatif

Au vu de ce qui précède, la cour, par infirmation partielle du jugement déféré, condamne la société à verser à l'acquéreur, outre la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, celle de 8990 + 1725 + 284,85 = 10'999,85 euros à titre de dommages-intérêts.

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

La société, partie perdante au principal, est condamnée aux dépens d'appel et à payer à l'acquéreur la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû engager en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il :

condamne la société Forez automobiles à payer à M. [C] [J] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

condamne la société Forez automobiles aux entiers dépens d'instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire,

condamne la société Forez automobiles à verser à M. [C] [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Forez automobiles à payer à M. [C] [J] la somme de 10'999,85 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la société Forez automobiles à payer à M. [C] [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Forez automobiles aux dépens d'appel.

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