Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 7 mai 2025, n° 23/12877

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Hachette Filipacchi Presse (SA)

Défendeur :

Hachette Filipacchi Presse (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barutel

Conseillers :

Mme Bohee, Mme Chokron

Avocats :

Me Lefort, Me Zajdela, Me Canlorbe

Institut nat. propr. indus., du 29 juin …

29 juin 2023

***

Vu la décision rendue le 29 juin 2023 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui rejette l'opposition de la société Hachette Filipacchi Presse, titulaire des marques semi-figuratives de l'Union européenne ELLE n°018402081 et n°018059739, à la demande d'enregistrement déposée le 13 mai 2022 par l'Etablissement public CCI France portant sur le signe verbal CCI ELLES.

Vu le recours à l'encontre de cette décision remis au greffe de la cour le 18 juillet 2023 par la société Hachette Filipacchi Presse (SA) et les dernières conclusions (n°3) au soutien de ce recours notifiées par voie électronique le 6 janvier 2025 aux fins de voir la cour :

dire et juger :

A titre principal, qu'il existe un risque de confusion entre la demande de marque française contestée CCI ELLES pour l'ensemble des services désignés en classes 35 et 41 et les marques antérieures de l'Union européenne ELLE n°018402081 et n°018059739,

A titre subsidiaire, que la demande de marque contestée CCI ELLES porte atteinte à la marque antérieure renommée de l'Union européenne ELLE n°018402081,

En conséquence,

annuler la décision objet du recours,

statuer à nouveau et rejeter la demande de marque française CCI ELLES pour l'ensemble des services désignés en classes 35 et 41,

condamner la CCI France à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction.

Vu les dernières conclusions (n°2) de l'Etablissement public CCI France (Etablissement public administratif de l'Etat), défendeur au recours, notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024, demandant à la cour de :

confirmer la décision attaquée,

rejeter le recours de la société Hachette Filipacchi Presse,

la débouter de l'ensemble de ses demandes,

la condamner à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI remises au greffe le 16 juillet 2024 qui demande le rejet des pièces 13 et 32 de la société requérante, estime que la décision attaquée n'encourt aucune critique et conclut au rejet du recours.

Le ministère public ayant été avisé de la date de l'audience.

Les conseils des parties et le représentant du directeur général de l'INPI ayant été entendus en leurs observations orales reprenant leurs écritures susvisées sauf à préciser que le représentant du directeur général de l'INPI a indiqué retirer sa demande de rejet des pièces 13 et 32 de la société requérante ce dont le greffier d'audience a pris note préalablement à l'ouverture des débats.

SUR CE, LA COUR,

Il importe de rappeler à titre liminaire que le recours à l'encontre d'une décision du directeur général de l'INPI statuant sur l'opposition à l'enregistrement d'une marque n'est pas un recours en réformation mais un recours en annulation dépourvu d'effet dévolutif. En conséquence, la cour d'appel compétente pour en connaître ne peut que rejeter le recours ou annuler la décision objet du recours. Elle ne peut 'confirmer' cette décision ainsi que le demande le défendeur au recours, ni davantage, ainsi que le demande la société requérante, se substituer au directeur général de l'INPI en 'statuant à nouveau' que ce soit pour faire droit à l'opposition et refuser la demande d'enregistrement de la marque ou, à l'inverse, pour enregistrer la marque visée par l'opposition.

La demande d'enregistrement déposée par l'Etablissement public CCI France (la CCI France) porte sur le signe verbal CCI ELLES destiné à distinguer les services suivants dans les classes 35 et 41 :

' Publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); services d'abonnement à des journaux (pour des tiers); services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers; conseils en organisation et direction des affaires; comptabilité; services de photocopie; services de bureaux de placement; portage salarial; service de gestion informatisée de fichiers; optimisation du trafic pour des sites internet; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité; publicité en ligne sur un réseau informatique; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication; publication de textes publicitaires; location d'espaces publicitaires; diffusion d'annonces publicitaires; conseils en communication (publicité); relations publiques; conseils en communication (relations publiques); audits d'entreprises (analyses commerciales); services d'intermédiation commerciale ; Éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à disposition d'informations en matière de divertissement; mise à disposition d'informations en matière d'éducation; recyclage professionnel; mise à disposition d'installations de loisirs; publication de livres; prêt de livres; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande; production de films cinématographiques; location de décors de spectacles; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques; organisation et conduite de conférences; organisation et conduite de congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique; services de jeux d'argent; publication électronique de livres et de périodiques en ligne' .

La société Hachette Filipacchi Presse a formé opposition à la demande d'enregistrement de cette marque, et ce pour tous les services visés dans le libellé de cette demande, en invoquant ses marques antérieures suivantes :

La marque semi-figurative de l'Union européenne déposée le 18 février 2021 et enregistrée sous le n°018402081, pour désigner des produits et services notamment en classe 16,35 et 41;

La marque semi-figurative de l'Union européenne déposée 2 mai 2019 et enregistrée sous le n° 018059739, pour désigner des produits et services notamment en classe 38.

Elle a fait valoir au fondement de son opposition l'existence d'un risque de confusion avec les deux marques précitées, outre, une atteinte à la renommée de la marque n°018402081 pour les produits et services suivants: 'périodiques; organisation de conférences, forums, congrès et colloque'.

Sur le risque de confusion avec les marques opposées

Il importe de rappeler que le risque de confusion doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce en particulier du degré de similitude entre les signes et du degré de similitude des produits ou services désignés par ces signes.

Cette appréciation globale doit être fondée, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en présence, sur l'impression d'ensemble produites par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments dominants et distinctifs. Il est à cet égard précisé que le risque de confusion comprend le risque d'association, c'est -à-dire le risque que le public pertinent perçoive les signes en présence comme des déclinaisons de marques servant à désigner différentes gammes de services provenant d'une même entreprise ou d'entreprises économiquement liées.

Elle implique, en outre, une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte ; ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement.

Enfin, le risque de confusion doit être considéré comme plus élevé lorsque la marque antérieure dispose d'un caractère distinctif renforcé, soit intrinsèquement, soit de par la notoriété dont elle jouit auprès du public concerné.

En l'espèce, concernant la comparaison des services en cause, le directeur général de l'INPI a retenu, conformément à ce que soutenait la société opposante, que les services visés dans la demande d'enregistrement contestée sont identiques et similaires aux produits et services couverts par les marques antérieures invoquées.

La décision est critiquée sur ce point par l'établissement public CCI France qui considère que les services suivants visés par le dépôt de la marque contestée, 'Mise à disposition d'informations en matière de divertissement ; mise à disposition d'informations en matière d'éducation ; Recyclage professionnel ; Portage salarial ; Mise à disposition d'installations de loisirs ; Services de photographies ; Audits d'entreprises (analyses commerciales) ; Services d'intermédiation commerciale ; Optimisation du trafic pour des sites internet ; Services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers', ne peuvent être tenus pour identiques ou similaires aux services couverts par les marques antérieures, soit 'Services destinés à la récréation du public (divertissement) ; Services d'enseignement et de formation, d'éducation et de divertissement en général sur tout support et notamment tout support électronique (numérique ou analogique) quel qu'en soit le mode de consultation et de transmission ; activités culturelles et sportives ; Information et conseils en matière de recrutement ; assistance aux personnes à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel pour favoriser leur reclassement ou leur promotion professionnelle; entretiens de définition d'un parcours de formation, évaluation des compétences de l'individu sur son poste de travail et entretiens de recherche d'offres d'emploi; assistance aux employeurs pour l'embauche et le reclassement de leurs salariés, à savoir recueil des offres d'emploi déposées par les entreprises et aide à la définition du besoin et à la rédaction de l'offre d'emploi, reclassement, bureaux de placement, placement des demandeurs; Services d'enseignement et de formation, d'éducation et de divertissement en général sur tout support et notamment tout support électronique (numérique ou analogique) quel qu'en soit le mode de consultation et de transmission ; activités culturelles et sportives; services destinés à la récréation du public (divertissement); Services de reporters, reportages photographiques; Gestion des affaires commerciales ; administration commerciale et notamment par le biais d'Internet ; travaux de bureau ; Aide à la direction des affaires, conseils en organisation et direction des affaires, services de conseils et d'informations commerciales en rapport avec la vente et la promotion de produits et services divers à savoir dans les domaines de la mode (articles et accessoires de mode, stylisme, défilés), de la beauté, de l'hygiène; Publicité télévisée ; publicité radiophonique ; publicité en ligne sur un réseau informatique; Télécommunications.'

Sur ce, la cour considère que c'est par une juste appréciation en droit et en fait que le directeur de l'INPI a retenu que l'ensemble de ces services étaient similaires aux services visés par les marques opposées, tels que détaillés dans la décision dont recours, l'établissement public CCI France n'invoquant à hauteur d'appel aucun argument de nature à remettre en cause cette analyse.

Concernant la comparaison des signes, c'est à tort, selon la société Hachette Filipacchi Presse, que le directeur général de l'INPI a considéré qu'ils étaient exclusifs de toute similitude. Elle estime, à l'inverse, que les signes sont très ressemblants à raison de la reprise dans la demande d'enregistrement de l'élément ELLE qui est constitutif des marques antérieures et confère à ces marques un caractère distinctif intrinsèque très élevé au regard des produits et services visés. Elle ajoute que cet élément représente, au sein du signe contesté, le seul élément distinctif car l'élément CCI est purement descriptif en ce qu'il désigne de manière usuelle et notoire en France les chambres de commerce et d'industrie et qu'il est destiné, en l'espèce, à couvrir des services habituellement rendus par ces établissements. L'élément CCI sera donc perçu, selon elle, comme un simple indicateur de l'origine économique des services et l'attention du public se portera sur l'élément ELLES, d'autant plus dominant qu'il est connu d'un large public dans sa version au singulier, ELLE, constitutive des marques antérieures.

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, le risque étant d'autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.

La jurisprudence européenne a, par ailleurs, précisé que dans le cadre de l'examen de l'existence d'un risque de confusion, l'appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d'une marque verbale et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, ce qui n'exclut pas que l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque verbale puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

Ainsi, si deux marques ont en commun un composant, il faut rechercher si ce composant est susceptible de dominer à lui seul l'image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l'impression d'ensemble produite par celle-ci, ou s'il occupe une place distinctive autonome, sans pour autant être dominante.

Ce n'est donc que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant, la Cour de justice ajoutant, que " le fait qu'un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu'il soit dominant, de même que le fait qu'un élément ne soit pas dominant n'implique nullement qu'il soit négligeable ".

Il convient donc de comparer les signes en litige avant de procéder à l'appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.

Les signes en présence ont en commun le terme ELLE qui est cependant retranscrit au pluriel au sein du signe contesté.

Visuellement, les marques revendiquées sont composées d'un terme unique court ELLE comprenant quatre lettres majuscules de même taille écrites dans une police stylisée particulière noire avec empattement, alors que le signe contesté, formé de deux parties avec la présence de l'élément CCI, placé en position d'attaque, et totalisant huit lettres, donne à voir une structure et une longueur différentes.

Sur le plan phonétique, l'expression CCI ELLES s'énonce sur un rythme en quatre temps, scindé en deux temps bien distincts car un temps d'arrêt est nécessaire entre l'élément CCI qui se termine par la voyelle I et l'élément ELLES qui commence par la voyelle E. En outre les sonorités d'attaque ELLE d'une part, et CCI d'autre part, sont très différentes, fluide pour la première, saccadée pour la seconde.

Sur le plan conceptuel, les marques antérieures utilisent le pronom personnel féminin ELLE au singulier, soit un terme du langage courant communément utilisé pour désigner le genre féminin et renvoie à la femme et la féminité. En revanche, le sigle CCI, qui sera, en effet, compris par le public français, ainsi que le soutient la société requérante, comme l'acronyme désignant une chambre de commerce et d'industrie à savoir l'établissement public chargé d'accompagner, dans son ressort géographique, les entreprises industrielles et commerciales et de défendre leurs intérêts, sera perçu, de par son association avec le pronom personnel pluriel féminin ELLES, comme désignant une chambre de commerce et d'industrie à destination des femmes entrepreneuses, l'élément final ELLES se fondant ainsi dans une expression à la signification propre.

Dès lors, ainsi que l'a retenu à juste titre le directeur général de l'INPI, les marques en cause renvoient, certes, au genre féminin, mais seront appréhendées de manière différente par le consommateur moyen normalement informé et avisé dans la mesure où le signe ELLE renvoie à une représentation générale et abstraite de la femme, tandis que l'élément ELLES au sein du signe contesté CCI ELLES évoque un public féminin bien spécifique et bien concret constitué des destinataires des services couverts par ce signe.

Il résulte de cette comparaison que ces signes, pris dans leur ensemble, malgré la présence du terme ELLES, présentent des différences tant sur les plans visuels que phonétiques et intellectuels.

Au surplus, la prise en compte des caractères distinctifs et dominants confirme la différence entre les signes.

En effet, au sein du signe contesté CCI ELLES, l'élément ELLES apparaît faiblement distinctif en ce qu'il se réfère au public auquel sont destinés les services désignés. En revanche, l'élément CCI placé en position d'attaque, même s'il est compris comme faisant référence à une chambre de commerce et d'industrie et comme désignant une origine commerciale, est intrinsèquement distinctif au regard des services visés dont il ne constitue pas la désignation usuelle.

Ainsi, dès lors qu'il ne reprend pas à l'identique le signe ELLE mais utilise le pronom personnel pluriel ELLES qu'il associe, en outre, à l'élément CCI, le signe contesté se voit conférer un sens propre et distinct. Le consommateur moyen ne sera pas enclin à le percevoir comme faisant référence aux marques antérieures ni n'établira un lien avec ces marques et ce même si le signe ELLE est connu pour désigner un magazine.

En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, l'élément verbal ELLES ne présente pas une position distinctive autonome au sein du signe contesté, les marques antérieures ELLE n'étant pas reprises à l'identique, et l'association du signe ELLES au sigle CCI constituant un ensemble conceptuellement différent, la dénomination ELLES n'étant ainsi pas envisagée comme une référence à la marque de la requérante pour désigner un magazine mais étant perçue comme évocatrice d'un public féminin.

De plus, la grande connaissance de la marque antérieure ELLE pour désigner un magazine ne peut justifier une protection étendue dès lors que cette notoriété est sans lien avec les services invoqués à l'appui de l'opposition.

Enfin, si l'INPI ou certaines juridictions, dans le cadre d'autres contentieux, ont pu retenir l'existence de similitudes entre certains signes reprenant des séquences verbales en partie commune, ces décisions ne sauraient être transposables, dès lors que chaque litige diffère au regard tant de la comparaison des signes que des produits et services visés, à la lumière de tous les facteurs pertinents et propres à chaque cas d'espèce.

Il résulte, en conséquence, de la comparaison globale des signes en présence, qui implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, au vu de l'ensemble des critères pertinents au cas d'espèce, tenant compte de l'impression d'ensemble produite par les signes, de leurs éléments distinctifs et dominants et, nonobstant l'identité ou la similarité des services visés, qu'il n'existe pas de risque de confusion ou d'association ente le signe contesté et les marques antérieures ELLE, rien n'incitant le consommateur moyen, normalement attentif et avisé à les rattacher à une origine commune ou à appréhender le signe second comme une déclinaison des marques antérieures.

La décision attaquée n'est donc pas critiquable en ce qu'elle a écarté le risque de confusion ou d'association.

Sur l'atteinte à la renommée de la marque antérieure ELLE n°018402081

L'article L.712-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :

'Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d'enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle à l'encontre d'une demande d'enregistrement en cas d'atteinte à l'un des droits antérieurs suivants ayant effet en France (') :

2° Une marque antérieure jouissant d'une renommée en application du 2° du I de l'article L. 711-3.'

L'article L 711-3 précité du code de la propriété intellectuelle dispose que:

'Ne peut être valablement enregistrée (') une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment (') :

2° Une marque antérieure enregistrée ou une demande de marque sous réserve de son enregistrement ultérieur, jouissant d'une renommée en France ou, dans le cas d'une marque de l'Union européenne, d'une renommée dans l'Union, lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, que les produits ou les services qu'elle désigne soient ou non identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ou demandée et lorsque l'usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou qu'il leur porterait préjudice.'

Selon la jurisprudence de la CJUE, l'atteinte à une marque de renommée suppose que trois conditions cumulatives soient réunies :

l'existence d'une renommée de la marque antérieure invoquée en France ou dans le cas d'une marque de l'Union européenne dans l'Union Européenne,

l'identité ou la similitude des marques en conflit,

la démonstration d'une atteinte à la renommée, c'est-à-dire un usage sans juste motif de la marque contestée qui tire ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte ou porterait préjudice.

Sur la renommée de la marque ELLE

Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une fraction du public pertinent concerné par les produits ou services qu'elle désigne et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits ou services désignés, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées. Sont notamment pris en compte l'ancienneté de la marque, la part de marché occupée par la marque, l'intensité de son exploitation, son succès commercial, l'étendue géographique de son usage et l'importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l'existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat, ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice.

En la cause, le directeur général de l'INPI a retenu que les pièces produites par la société opposante établissent l'exploitation intense et étendue depuis de nombreuses années de la marque antérieure ELLE :

pour les produits suivants de la classe 16: " magazines dans les domaines de la mode, la beauté, le textile, la décoration, la gastronomie, la culture, l'art de vivre, le bien-être, l'insertion socioprofessionnelle des femmes, l'accompagnement et la défense des femmes dans la société",

et pour les services de la classe 35 : " publicité notamment par le moyen de publirédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente au détail, en gros, en ligne, et par correspondance et/ou la location de supports publicitaires et d'espaces publicitaires (écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques) pour la promotion de produits et services divers dans les domaines de la mode (articles et accessoires de mode, stylisme, défilés), de la beauté et de l'hygiène ; Publicité notamment par le moyen de publirédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente au détail, en gros, en ligne, et par correspondance et/ou la location de supports publicitaires et d'espaces publicitaires (écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques) pour la promotion de produits et services divers dans les domaines du bien-être (cosmétiques, savons, produits de parfumerie, produits hygiéniques)".

La cour constate à cet égard que la renommée de la marque ELLE 081 n'est pas contestée s'agissant des magazines pour lesquels elle est exploitée depuis 1945 en France, puis à compter des années 80 dans de nombreux pays européens qui disposent de leur propre édition du magazine ELLE, magazines diffusés à plus de 330.000 exemplaires en France de 2015 à 2020, outre une large diffusion via internet en France et dans le monde, revendiquant 20 millions de lecteurs en 2019, et de nombreux abonnés sur les réseaux sociaux, outre que plusieurs décisions de justice ont reconnu sa renommée pour les produits de la classe 16.

L'établissement public CCI France estime que c'est à tort que l'INPI a retenu que la marque ELLE était également renommée pour les services de publicité, soutenant que les pièces versées ne permettent pas de l'établir, outre que par un arrêt du 18 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a prononcé la déchéance partielle pour défaut d'usage sérieux d'une marque semi-figurative ELLE pour les services liés à une activité de promotion commerciale - services de recommandation, de parrainage, de sponsoring et d'opérations de co-branding, analyse avalisée par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juin 2024.

Sur ce, il convient d'examiner au cas présent si la société Hachette démontre que sa marque est renommée pour les services de la classe 35 ci-dessus listés. A cet égard, les nombreuses pièces versées par la requérante (31-1 à 31-10) témoignent de la place importante occupée par les publicités et les articles publirédactionnels présents dans les magazines ELLE mettant en avant les produits et services de société tierces, notamment de grandes marques du monde du luxe et de la mode, ce qui, combiné à la diffusion très importante du magazine en France et dans le territoire de l'Union Européenne, outre sa très forte présence sur internet ou les réseaux sociaux attestent de sa connaissance par une fraction du public pertinent concerné par ces services, nonobstant une décision de justice rendue dans un contentieux distinct ne portant ni sur la même marque ni sur les mêmes services et relevant d'une problématique juridique distincte.

La décision du directeur de l'INPI n'encourt donc pas de critiques sur ce point.

Le directeur de l'INPI a également considéré que la renommée de la marque antérieure n'est pas établie pour les services suivants : "organisation et conduite de séminaires, stages et cours, de conférences, forums, congrès et colloques dans les domaines de l'insertion socio- professionnelle des femmes, l'accompagnement et la défense des femmes dans la société". La société requérante critique sa décision sur ce point.

Pour justifier de la renommée de la marque invoquée la société Hachette Filipacchi Presse a produit les documents suivants:

- Annexe 3 devant l'INPI (pièce n° 3 / DTMV 8.2 devant la cour d'appel) :

Couverture du premier numéro du magazine ELLE en France datée du 21novembre 1945 ;

- Annexes 4 à 8 devant l'INPI (pièces n°4 à 7 / DTMV 28.1 à 28.4 devant la cour d'appel) :

- Pages indiquant la popularité de ELLE sur les réseaux sociaux : page Facebook Elle comportant les indications suivantes « 1 599 572 personnes aiment ça ' 1 594 521 personnes suivent ce lieu » ;

Extrait du compte Instagram ELLE comportant l'indication suivante « 382 000 abonnés » ;

Extrait du compte Twitter ELLE comportant l'indication suivante « 510 000 abonnés » ; Extrait du compte YouTube ELLE comportant les indications suivantes « 361 000 abonnés » et « 52 006 026 vues ' actif depuis le 22 mai 2007 » ;

- Annexe 9 devant l'INPI (pièces n°9/DTMV 14 devant la cour d'appel):

Capture écran ACPM.fr (Alliance pour les chiffres de la Presse et des Médias) relative aux résultats de diffusion de la marque ELLE en France, faisant état :

Pour 2019, d'un nombre de « diffusion France payée » de 330 153 exemplaires et de 344 117 pour la « diffusion totale » ;

Pour 2018, d'un nombre de « diffusion France payée » de 332 522 exemplaires et de 348 315 pour la « diffusion totale » ;

Pour 2017, d'un nombre de « diffusion France payée » de 329 932 exemplaires et de 346 690 pour la « diffusion totale » ;

Pour 2016, d'un nombre de « diffusion France payée » de 333 141 exemplaires et de 351 121 pour la « diffusion totale » ;

Pour 2015, d'un nombre de « diffusion France payée » de 330 715 exemplaires et de 349 034 pour la « diffusion totale » ;

- Annexes 10 à 13 devant l'INPI (pièces n°10 à 13 / DTMV devant la cour d'appel):

Document Lagardère intitulé « ELLE MEDIAPACKS France » comportant notamment l'indication du nombre de lecteurs de l'édition imprimée du magazine à l'année, du nombre de visiteurs de la version digitale, du nombre total de lecteurs en version digitale et imprimée ainsi qu'un tableau comportant le calendrier des différents événements organisés sous les noms « ELLE Active Conference [Localité 7] », « ELLE Active Forum [Localité 8] » entre autres ;

Annexes 14 à 19 devant l'INPI (pièces n°14 à 19 / DTMV 8.2 devant la cour d'appel) :

Pages de couverture du magazine ELLE du 2 janvier 2015 au 10 avril 2020 (au total 276 pages de couverture) ;

- Annexe 20 devant l'INPI (pièces n°20 / DTMV 29 devant la cour d'appel) :

Copie d'une page du magazine annonçant que la marque ELLE a été élue « meilleure marque de magazine de l'année » en 2013 ;

Annexe 33 devant l'INPI (pièces n°33 / DTMV 9 devant la cour d'appel) :

Extrait d'un livre intitulé « ELLE était une fois de 1945 à nos jours » paru aux Editions du Chêne à l'occasion des 70 ans du magazine ;

Annexes 35 à 37 devant l'INPI (pièces n°35 et 36/ DTMV 11 et 12 devant la cour d'appel) :

- Document de Presstalis faisant état de tableaux de résultats d'exportations de l'édition française, anglaise et allemande du magazine ELLE entre 2015 et 2019 ;

Annexes n°38, 39, 40, 41, 42, 43 devant l'INPI (pièces n°38 à 43 et 50 / DTMV 15 à 18 et 20 devant la cour d'appel) :

- Documents intitulés « Média Packs » 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 du magazine ELLE portant sur les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et comportant notamment l'indication du nombre de copies du magazine ELLE vendues par mois et du nombre de lecteurs par mois dans les différents pays européens (Danemark, Pays-Bas, Espagne, République Tchèque, Grèce, Pologne, Royaume-Uni, Croatie, Suède, Allemagne, Belgique, Portugal, Slovénie, Hongrie, Finlande, Bulgarie, Roumanie, Italie - (assorti de l'indication des sources sur lesquelles les chiffres reposent);

Annexes 51 bis à 60 devant l'INPI (pièces n°51 bis à 60 / DTMV 31.1 à 31.10 devant la cour d'appel) :

- Publicités, articles et shootings photos publicitaires des éditions du 7 mai 2021, 6 novembre 2020, 3 juillet 2020, 3 avril 2020 et 6 décembre 2019 dont la société opposante et requérante souligne que ces publicités représentent entre 49% et 61% des pages du magazine.

La cour constate que les pièces susvisées ne concernent pas des services d'« organisation et conduite de séminaires, stages et cours, de conférences, forums, congrès et colloques dans les domaines de l'insertion socio- professionnelle des femmes, l'accompagnement et la défense des femmes dans la société » et le directeur général de l'INPI a justement conclu, au terme de leur examen, qu'elles n'établissent pas la renommée de la marque ELLE pour les services précités.

Quant à la pièce DTMV 32, produite dans la procédure d'opposition en annexe 28 bis et dont la recevabilité n'est désormais plus contestée, si elle justifie, ainsi que le soutient la société requérante, notamment de l'organisation d'un partenariat entre ELLE et le CLUB SENAT en 2007, d'un forum intitulé Les Etats généraux de la femme en 2009 et 2010, des forums ELLE Active à compter de 2012, des journées ELLE Zen en 2017 et ELLE Campus en 2020, et ainsi de l'exploitation de la marque pour les services considérés et d'un succès rencontré par certains de ces évènements dont il n'est au demeurant pas démontré qu'ils sont organisés par la société et qui ne sont pas relayés, sauf rares exceptions, par d'autres canaux, elle ne permet nullement de démontrer la renommée de la marque ELLE pour les services d'' organisation et conduite de séminaires, stages et cours, de conférences, forums, congrès et colloques dans les domaines de l'insertion socio- professionnelle des femmes, l'accompagnement et la défense des femmes dans la société', qui ne peut être compensée par la large diffusion du magazine ELLE, le nombre de lecteurs ou de lectrices ou d'abonnés sur ses réseaux sociaux et la promotion réalisée dans ce magazine pour les événements précédemment évoqués. En outre, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 janvier 2021 auquel se réfère la société Hachette qui avait reconnu la renommée de la marque pour ces services a été réformé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 novembre 2022 dans une décision devenue irrévocable, suite à la décision rendue par la Cour de cassation le 5 juin 2024.

La société Hachette ne démontre donc pas que la marque invoquée est connue, pour les services précités, d'une partie significative du public concerné par ces services en classe 41.

En conséquence, la décision objet du recours n'est pas critiquable en ce qu'elle a écarté la renommée de la marque pour de tels services et seule sera retenue, ainsi qu'il l'a été à bon droit par le directeur général de l'INPI, la renommée de la marque ELLE n° 081 pour les produits et services suivants : 'magazines dans les domaines de la mode, la beauté, le textile, la décoration, la gastronomie, la culture, l'art de vivre, le bien-être, l'insertion socioprofessionnelle des femmes, l'accompagnement et la défense des femmes dans la société; publicité notamment par le moyen de publirédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente au détail, en gros, en ligne, et par correspondance et/ou la location de supports publicitaires et d'espaces publicitaires (écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques) pour la promotion de produits et services divers dans les domaines de la mode (articles et accessoires de mode, stylisme, défilés), de la beauté et de l'hygiène ; Publicité notamment par le moyen de publirédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente au détail, en gros, en ligne, et par correspondance et/ou la location de supports publicitaires et d'espaces publicitaires (écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques) pour la promotion de produits et services divers dans les domaines du bien-être (cosmétiques, savons, produits de parfumerie, produits hygiéniques)", renommée d'une certaine intensité mais dont il n'est pas allégué ni démontré qu'elle s'étend au-delà du public concerné par ces produits ou services.

C'est donc au regard de la renommée de la marque antérieure pour ces seuls produits et services, que doit être appréciée l'atteinte portée à cette dernière.

Sur l'atteinte à la renommée de la marque ELLE

Pour déterminer si l'utilisation de la marque contestée risque de porter préjudice au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure, ou d'en tirer un profit indu, il convient d'analyser si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, un lien ou une association entre les signes sera établi dans l'esprit du public concerné.

Les facteurs pertinents pour apprécier l'existence de ce lien sont notamment le degré de similitude entre les signes, la nature des produits et des services (y compris le degré de proximité ou de dissemblance entre ces produits et services), le public concerné, l'intensité de la renommée de la marque antérieure (afin de déterminer si celle-ci s'étend au-delà du public visé par cette marque), le degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l'usage de la marque antérieure et éventuellement l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public.

Sur la comparaison des signes, il résulte des motifs précédemment retenus pour écarter le risque de confusion, que les signes en présence ELLE et CCI ELLES sont différents et n'ont qu'une faible similitude, en dehors de la séquence commune ELLE.

La procédure d'opposition fondée sur l'atteinte à la renommée est dirigée à l'encontre d'une partie des services de la demande d'enregistrement contesté à savoir les services de "Publicité; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); services d'abonnement à des journaux (pour des tiers); services d'abonnement à des services de télécommunications pour des tiers; conseils en organisation et direction des affaires; comptabilité; services de photocopie; services de bureaux de placement; portage salarial; service de gestion informatisée de fichiers; optimisation du trafic pour des sites internet; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité; publicité en ligne sur un réseau informatique; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication; publication de textes publicitaires; location d'espaces publicitaires; diffusion d'annonces publicitaires; conseils en communication (publicité); relations publiques; conseils en communication (relations publiques); audits d'entreprises (analyses commerciales); services d'intermédiation commerciale ; Éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à disposition d'informations en matière de divertissement; mise à disposition d'informations en matière d'éducation; recyclage professionnel; mise à disposition d'installations de loisirs; publication de livres; prêt de livres; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande; production de films cinématographiques; location de décors de spectacles; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques; organisation et conduite de conférences; organisation et conduite de congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique; services de jeux d'argent; publication électronique de livres et de périodiques en ligne".

Il a déjà été vu que la marque antérieure jouit d'une renommée pour certains des produits et services invoqués, soit les 'magazines dans les domaines de la mode, la beauté, le textile, la décoration, la gastronomie, la culture, l'art de vivre, le bien-être, l'insertion socioprofessionnelle des femmes, l'accompagnement et la défense des femmes dans la société; publicité notamment par le moyen de publirédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente au détail, en gros, en ligne, et par correspondance et/ou la location de supports publicitaires et d'espaces publicitaires (écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques) pour la promotion de produits et services divers dans les domaines de la mode (articles et accessoires de mode, stylisme, défilés), de la beauté et de l'hygiène ; Publicité notamment par le moyen de publirédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente au détail, en gros, en ligne, et par correspondance et/ou la location de supports publicitaires et d'espaces publicitaires (écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques) pour la promotion de produits et services divers dans les domaines du bien-être (cosmétiques, savons, produits de parfumerie, produits hygiéniques)" et que ces produits et services présentent un degré de proximité certains avec les services visés par la demande d'enregistrement contestée.

Si la marque antérieure ELLE présente un caractère distinctif intrinsèque faible en tant que pronom personnel féminin singulier qui désigne le genre féminin, sa renommée du fait de son usage intensif de longue date pour les produits et services précités, lui confère une distinctivité accrue.

Cependant, le directeur général de l'INPI a retenu à juste raison que la renommée de la marque antérieure conjuguée à l'identité ou la proximité des produits et services en cause ne suffisent pas, au regard de la différence entre les impressions d'ensemble produites par les signes en conflit, à conduire le public concerné à établir un lien ou une association entre ces signes.

En effet, le signe CCI ELLES n'est pas susceptible d'évoquer dans l'esprit de ce public la marque antérieure ELLE toujours présentée au singulier. Ainsi qu'il résulte des motifs précédemment développés dans l'analyse du risque de confusion, l'élément ELLES sera appréhendé comme une indication de la destination des services proposés sous ce signe à un public féminin, en lien avec l'élément d'attaque fort CCI, soit l'évocation directe du réseau des chambres de commerce et d'industrie et non pas comme une référence à la marque antérieure.

En conséquence, à défaut d'un tel lien dans l'esprit du public concerné, l'usage du signe contesté n'est pas susceptible de tirer indument profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou de lui porter préjudice,

Au surplus, la société Hachette ne démontre nullement que l'usage de la marque contestée tirerait indûment profit de la marque ELLE, ne précisant pas en quoi le rapprochement des signes en cause serait de nature à profiter à l'établissement public CCI France par le transfert de la marque précitée ou de ses valeurs vers les services désignés par le signe contesté, l'existence de cette atteinte devant être appréciée dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée (CJCE 27 novembre 2008 aff C-252/07 Intel Corp).

En outre, comme le rappelle justement CCI France, établissement public placé sous la tutelle de l'Etat, fédérateur et animateur du réseau des Chambres de commerce et d'industrie fondé en 1964 et seul établissement représentant notamment auprès de l'Etat et de l'Union européenne les intérêts nationaux de l'industrie, du commerce et des services, le code du commerce édicte un certain nombre de missions et de responsabilités qui lui incombent aux articles L.710-1 et suivants du code du commerce, parmi lesquels celle de veiller " à l'égalité entre les femmes et les hommes et encourager l'entreprenariat féminin". Ainsi, le dépôt de cette marque par CCI France ne constitue nullement un usage sans juste motif de la marque ELLE tirant indûment profit de son caractère distinctif et de sa renommée lui portant préjudice, mais ne fait que répondre aux missions que lui a confiées le législateur et affirmer ainsi l'identité de cet établissement public dans la fidélité de ses missions.

Il s'ensuit que les conditions d'une atteinte à la renommée de la marque ELLE n°081 ne sont pas, en la cause, réunies, et la décision attaquée n'est pas critiquable en ce qu'elle a écarté le grief comme mal fondé.

Il suit des motifs qui précèdent que le recours en annulation de la décision du directeur général de l'INPI doit être rejeté.

L'équité commande de condamner la société Hachette Filipacchi Presse à payer à l'établissement public CCI France une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et de la débouter de sa demande formée à ce même titre.

Les procédures ouvertes devant la cour d'appel sur recours contre les décisions du directeur général de l'INPI statuant sur une opposition à la demande d'enregistrement d'une marque ne donnent pas lieu à condamnation aux dépens. La demande de ce chef est sans objet.

PAR CES MOTIFS,

Rejette le recours de la société Hachette Filipacchi Presse,

Condamne la société Hachette Filipacchi Presse à payer à l'établissement public CCI France une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande formée à ce même titre,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens,

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site