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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 14 mai 2025, n° 23/02188

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/02188

14 mai 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MAI 2025

N° RG 23/02188 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VYXP

AFFAIRE :

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS

C/

S.A.S. STI FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 02

N°: 2022F00755

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Asma MZE

TAE VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MAI DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS représentée par Maître [F] [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL AZ EQUIPEMENTS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentants : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL FOURNIER LA TOURAILLE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de Versailles

APPELANTE

****************

S.A.S. STI FRANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

RCS Paris n° 393 011 499

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentants : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 et Me Alexandra MARCEAU substituant à l'audience Me Isabel SIMOES de la SELARL LEXEO CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de Pau

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

Exposé du litige

La société STI France (ci-après STI) est spécialisée dans les traitements et finitions de surfaces ainsi que dans les contrôles non destructifs de composants aéronautiques.

La société AZ Equipements est spécialisée notamment dans l'étude, la conception et la réalisation de chaînes de traitement.

La société STI a souhaité investir dans une nouvelle installation de traitement de zinc-nickel dans le domaine de l'aéronautique et le 7 août 2017, elle a accepté la proposition de la société AZ Equipements portant sur la fourniture clé en main d'une « chaîne automatique à l'attache de zinc-nickel » au prix de 760.000 euros HT. La fourniture du matériel livré était assortie d'une garantie de 3 ans à compter du début de la mise en service de l'installation.

Par jugement du 25 octobre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société AZ Equipements ; la société ML conseils, prise en la personne de Me [F] [U], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Le 11 décembre 2018, l'installation a été réceptionnée et un procès-verbal de réception technique définitive a été signé.

Le 19 décembre 2018, la société AZ Equipements a adressé à la société STI une facture d'un montant de 83.600 euros HT, soit 100.320 euros TTC, au titre du solde dû.

Par jugement du 20 décembre 2018, la procédure de redressement judiciaire de la société AZ Equipements a été convertie en liquidation judiciaire, la société ML conseils étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Un protocole d'accord transactionnel a été établi et signé par la société STI, selon lequel elle renonçait à bénéficier de la garantie triennale moyennant une diminution du prix de la prestation de 50.000 euros. Ce protocole d'accord, non daté, n'a pas été signé par le représentant de la société AZ Equipements.

Par courrier recommandé du 20 mai 2019, la société ML conseils ès qualités a mis en demeure la société STI de procéder au règlement de la somme de 100.320 euros restée impayée.

Par courrier du 22 mai 2019, la société STI lui a adressé un devis pour des travaux de reprise d'un montant de 104.790 euros HT.

Par courrier recommandé du 24 janvier 2022, le conseil de la société ML conseils ès qualités a mis en demeure la société STI de régler la facture litigieuse.

Par courrier du 21 février 2022, le conseil de la société STI s'est opposé au paiement réclamé au motif que la chaîne n'a pas été livrée en état de fonctionnement.

Par acte du 22 septembre 2022, la société ML conseils ès qualités a assigné en paiement la société STI devant le tribunal de commerce de Versailles.

La société STI a soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Versailles.

Par jugement du 29 mars 2023, le tribunal s'est déclaré compétent, a condamné la société STI à payer la somme de 40.320 euros TTC à la société ML conseils ès qualités, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022 et l'a déboutée de sa demande de compensation ; il a condamné la société STI à payer à la société ML conseils ès qualités la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 4 avril 2023, la société ML conseils ès qualités a interjeté appel du seul chef du jugement condamnant la société STI à lui payer la somme de 40.320 euros, outre intérêts au taux légal.

Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 janvier 2024, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société STI à lui payer la somme de 40.320 euros TTC ;

statuant à nouveau,

- juger que toute demande de condamnation formulée à son encontre est irrecevable au visa des articles L.622-7 et L.622-21 et suivants du code de commerce ;

- débouter la société STI de toutes ses demandes et notamment de son appel incident ;

- condamner la société STI à lui payer la somme de 100.320 euros, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022, date de la mise en demeure ;

très subsidiairement, si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a compensé la somme de 60.000 euros TTC sur le solde dû,

- juger que la somme qui aurait été acceptée entre les parties s'élève à la somme de 50.000 euros tout compris ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une compensation à hauteur de 60.000 euros TTC ;

en tout état de cause,

- condamner la société STI à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct.

Par dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 décembre 2023, la société STI demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes et en son appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 40.320 euros TTC, outre intérêts au taux légal, et celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de compensation.

statuant à nouveau,

- à titre principal, débouter la société ML conseils ès qualités de sa demande de condamnation au paiement du solde de la facture n°8715 d'un montant de 100.320 euros avec intérêt au taux légal à compter du 24 janvier 2022 ;

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la facture présentée par la société ML conseils devait être considérée comme étant due, confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 40.320 euros TTC à la société ML conseils ès qualités, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022, et en conséquence, limiter le montant de la facture due à la somme de 40.320 euros TTC ;

- à titre infiniment subsidiaire, fixer le montant de la facture due à la somme de 50.320 euros TTC ;

en tout état de cause,

- débouter la société ML conseils ès qualités de toutes ses demandes ;

- condamner la société ML conseils ès qualités à lui verser la somme de 96.950 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- condamner la société ML conseils ès qualités à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 novembre 2024.

SUR CE,

Sur la demande en paiement de la société ML conseils ès qualités

La société ML conseils ès qualités sollicite la condamnation de la société STI à lui payer la facture n°8715 d'un montant de 100.320 euros HT correspondant au solde dû au titre de l'installation. Elle fait valoir que la société AZ Equipements a livré et installé la machine et le matériel, objet du litige ; que la machine a été réceptionnée le 11 décembre 2018, sans aucune autre mention de difficulté ou de manquement que le défaut de fourniture du dossier technique de maintenance et de la notice d'instruction ; que les difficultés invoquées par la société STI sont antérieures à la réception du matériel et ont été résolues lors de la réception ; que le devis transmis par la société STI le 22 mai 2019 portait sur une modification du matériel et que les travaux objet de ce devis ne peuvent être rattachés à la commande du 7 août 2017 ; qu'en outre, la société STI n'apporte pas la preuve que ces travaux ont réellement été effectués ; que la société STI, consciente de la bonne exécution du marché, n'a déclaré aucune créance au passif de la liquidation judiciaire.

Elle relève que le protocole d'accord a été signé par la société STI mais pas par la société AZ Equipements, qui était alors en redressement judiciaire, ce qui nécessitait l'accord des organes de la procédure collective, outre celui du juge commissaire ; qu'il n'existe aucune intention commune des parties ni aucun accord du liquidateur sur une diminution de la somme due ; que la société STI ne lui a fait part d'aucune difficulté sur la machine et que dans le cadre de cette procédure, elle ne communique aucune pièce justifiant que durant les trois années de la garantie, le matériel aurait connu des difficultés engageant ladite garantie.

La société ML conseils soutient que la compensation opérée par le tribunal pour la somme de 60.000 euros était impossible. Elle fait valoir que la compensation n'était pas sollicitée par la société STI en première instance ; que le protocole d'accord n'a pas été signé ; que les règles de la compensation prévues par les articles 1347-1 et suivants du code civil ne sont pas réunies, la créance invoquée par la société STI étant contestée dans son existence et dans son montant ; que les règles de la procédure collective n'ont pas été respectées ; que la société STI a mis en avant une difficulté liée à la garantie, née d'un contrat antérieur à l'ouverture de la procédure, qui nécessitait qu'elle déclare sa créance au passif, ce qu'elle n'a pas fait ; que si la créance est dite postérieure, le défaut de déclaration au passif rend tout autant impossible la compensation.

La société STI invoque l'exception d'inexécution prévue par l'article 1217 du code civil. Elle prétend qu'au regard des manquements de la société AZ Equipements à son obligation de délivrance conforme et à son engagement de garantie, la facture n°8715 n'est pas due. Elle fait valoir que la chaîne livrée présentait de nombreuses avaries empêchant son fonctionnement normal et sécurisé et que plusieurs installations, contractuellement prévues, n'ont jamais été réalisées par la société AZ Equipements ; que suite à une réunion du 28 mars 2019 avec le cabinet ML conseils ès qualités, il a été convenu de chiffrer les travaux de reprise de la chaîne, qui l'ont été à la somme de 104.790 euros HT, ainsi que celui-ci en a été informé ; que les travaux de reprise n'ont jamais été effectués ou pris en garantie par la société AZ Equipements de sorte que la facture litigieuse n'a aucune contrepartie.

S'il devait être considéré que la facture réclamée est due, la société STI demande d'en fixer le montant à 40.320 euros TTC, à titre subsidiaire, ou à 50.320 euros TTC, à titre infiniment subsidiaire, en expliquant que les parties ont convenu de déduire une somme de 60.000 euros, ou a minima de 50.000 euros, correspondant à l'absence de garantie triennale sur le matériel installé suite à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société AZ Equipements.

Elle considère que le montant de la facture doit être compensé avec les sommes qu'elle a exposées pour faire réaliser les travaux permettant à la chaîne de fonctionner. Elle fait valoir, au visa des articles 1347 et suivants du code civil et L.622-7 du code de commerce, que les litiges sur la prestation de la société AZ Equipements sont concomitants et connexes aux factures émises par cette dernière ; que les conditions de la compensation légale étaient réunies avant l'ouverture de la procédure collective de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer de créance suite au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société AZ Equipements intervenu le 25 octobre 2018.

Sur ce,

Selon l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L'article 1217 du même code dispose que :

« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

Il appartient à celui qui invoque l'exception d'inexécution, en alléguant que son cocontractant n'a rempli que partiellement son obligation, d'établir cette inexécution.

En l'espèce, la société ML conseils ès qualités réclame le paiement d'une facture n°8715 de 100.320 euros TTC émise par la société AZ Equipements le 19 décembre 2018 et visant un devis n°17-5091-05 du 7 août 2017.

La société STI s'oppose au règlement de cette facture en invoquant la mauvaise exécution du contrat par la société AZ Equipements. Il lui revient d'en rapporter la preuve.

- sur l'obligation de délivrance

La société STI fait état d'un nombre important d'avaries empêchant le fonctionnement normal et sécurisé de la chaîne livrée par la société AZ Equipements et notamment :

- fuite au niveau de la cuve de dissolution signalée le 16 février 2018 ;

- nécessité de serrer les raccords à chaque utilisation ;

- fuite au niveau des vannes d'alimentation d'eau déminéralisée signalée le 16 mars 2018.

Elle produit :

- son courriel du 16 février 2018 par lequel elle signale à la société AZ Equipements une fuite au niveau de la cuve de dissolution de la chaîne de zinc-nickel, en lui indiquant que les opérateurs de la société STI ont dû resserrer les raccords sur les vannes, qui n'étaient pas suffisamment serrés, ce qui a causé la fuite ;

- son courriel du 16 mars 2018 par lequel elle informe la société AZ Equipements d'un incident survenu le 13 mars 2018 sur la chaîne de zinc-nickel, qui a entraîné l'élimination de 1.000 litres de déchets de zinc-nickel car deux vannes d'alimentation d'eau déminéralisée étaient ouvertes en même temps sur la ligne ;

- son courriel du 23 mars 2018 par lequel elle adresse à la société AZ Equipements, « comme convenu », un échéancier de règlement des différents jalons de la chaîne de zinc-nickel suite aux difficultés rencontrées.

Les difficultés évoquées dans ces courriels sont antérieures à la réception définitive de l'installation le 11 décembre 2018 et la société STI ne communique aucune pièce démontrant qu'elles ont persisté et qu'elles n'ont pas été résolues avant le 11 décembre 2018.

Surtout, un procès-verbal de réception technique définitive a été établi le 11 décembre 2018 et signé par un représentant de la société STI « à l'issue des vérifications et essais client ainsi qu'à l'ensemble des levées des réserves dans les conditions et délais fixés par les parties dans le procès-verbal de réception provisoire », comme mentionné sur ledit procès-verbal.

Ce procès-verbal mentionne seulement :

- deux réserves portant sur la fourniture du dossier technique de maintenance défini dans le cahier des charges des ouvrages exécutés (DOE) et de la notice d'instructions ;

- une difficulté d'ergonomie tenant à une posture de travail contraignante et une absence de crochet pour attacher la barre accueillant les pièces à traiter ;

- une mise en cause du respect de la garantie de 3 ans avec renvoi au « document de transaction pour accord sur la garantie ».

Il n'est pas fait état dans ce procès-verbal de fuites ni de problèmes d'ouverture de vannes ni d'aucune autre difficulté technique.

La société ML conseils ès qualités verse aux débats un courriel que lui a adressé le 21 janvier 2019 la société AZ Equipements pour l'informer que le dossier technique DOE et la notice d'utilisation de l'installation ont bien été transmis à la société STI. Ce point n'est pas contesté.

Il résulte de tout ce qui précède que la société STI manque à établir l'existence d'avaries empêchant le fonctionnement normal et sécurisé de la chaîne au moment de sa réception définitive le 11 décembre 2018.

La société STI invoque par ailleurs des installations contractuellement prévues, qui n'auraient jamais été réalisées par la société AZ Equipements, à savoir :

- installation des pompes doseuses au niveau de la cuve de dissolution,

- caillebotis pour accès des opérateurs à la cuve de dissolution,

- capot du séchoir,

- installation du système de refroidissement,

- connexion de la cuve tampon des eaux de rinçage du zinc-nickel à la cuve B03,

- réglage des débits d'aspiration sur l'ensemble de la chaine de zinc-nickel,

- système d'accroche de la poutre en cuivre.

Elle produit un courriel qu'elle a adressé le 19 mars 2018 à la société AZ Equipements et dans lequel elle invoque ces différents points.

Mais la proposition commerciale du 7 août 2017 ne mentionne expressément aucun de ces équipements, les « passerelles et caillebotis » figurant même en options, non comprises dans le montant de 760.000 euros HT de la prestation.

En outre, certains de ces éléments (caillebotis, raccordement de la cuve eau de rinçage à la cuve de stockage B03, etc) ont bien fait l'objet le 22 novembre 2018 d'un nouveau devis de la société AZ Equipements puis le 10 décembre 2018 d'un bon de commande de la société STI et enfin le 14 décembre 2018 d'une facture portant sur des « travaux supplémentaires réalisés lors de l'installation ». Mais il n'est pas soutenu que cette facture, d'un montant de 25.992 euros TTC, n'a pas été réglée par la société STI.

Il s'ensuit que la société STI manque à démontrer le défaut de réalisation d'installations commandées.

S'il est fait état d'une réunion téléphonique le 28 mars 2019 au cours de laquelle le cabinet ML conseils ès qualités et la société STI se seraient rapprochés et auraient convenu de faire chiffrer les travaux de reprise de la chaîne, la société STI n'en rapporte pas la preuve et surtout, elle ne démontre pas l'accord du cabinet ML conseils sur la nécessité de procéder à des travaux de reprise et encore moins sur le montant des travaux envisagés suivant devis établi le 16 mai 2019 par la société CMI Industry. Bien au contraire, par un courrier adressé le 8 janvier 2020 à la société STI, la société ML conseils ès qualités a contesté tant l'existence de travaux de reprise que l'évaluation des reprises envisagées à hauteur de 104.790 euros HT, en se prévalant du procès-verbal de réception technique définitive établi le 11 décembre 2018 et des seules réserves qui y étaient mentionnées.

La société STI échoue ainsi à démontrer un manquement de la société AZ Equipements à son obligation de délivrance conforme. Il ne sera donc pas fait droit à sa demande principale tendant à dire que le solde de la facture n'est pas dû.

- sur l'engagement de garantie

Selon la proposition commerciale faite par la société AZ Equipements le 7 août 2017, la fourniture du matériel livré était assortie d'une garantie de 3 ans à compter du début de la mise en service de l'installation.

Le protocole d'accord transactionnel versé aux débats expose notamment en préambule que :

« Par jugement en date du 25 octobre 2018, une mesure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société AZ Equipements.

De fait, la société AZ Equipements ne sera certainement pas en mesure d'assurer la garantie triennale proposée à STI France sur le matériel fourni. »

L'article 1 du protocole relatif aux concessions réciproques des parties prévoit que :

« La société STI France renonce à bénéficier de la garantie triennale sur le matériel fourni par la société AZ Equipements.

En contrepartie, la société AZ Equipements accepte de ramener le prix de sa prestation à la somme de 710.000 euros tout inclus. »

Ce protocole a été signé par la société STI France à une date qui n'est pas précisée.

Il n'a pas été signé par la société AZ Equipements.

S'il résulte des échanges de courriers entre les avocats des parties que des discussions ont pu avoir lieu, durant la période d'observation, entre l'administrateur judiciaire de la société AZ Equipements et la société STI, la preuve d'un accord n'est pas rapportée. Bien au contraire, il ressort de la lettre adressée par la société ML conseils ès qualités le 8 janvier 2020 à la société STI l'absence d'accord sur la réduction de 50.000 euros du prix de la prestation.

Le tribunal ne pouvait donc considérer, comme il l'a fait, que « la commune intention des parties est de chiffrer la garantie à 50.000 euros HT ou 60.000 euros TTC ».

La société STI ne justifie pas non plus avoir sollicité la mise en jeu de la garantie avant le 11 décembre 2021, date d'expiration de la période de 3 ans.

Il s'ensuit que les demandes subsidiaires de la société STI tendant à voir réduit de 60.000 euros ou 50.000 euros le solde de la facture doivent également être écartées.

Il résulte de tout ce qui précède que la société STI doit être condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à régler à la société ML conseils ès qualités la somme de 100.320 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022, date de la mise en demeure.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société STI

La société STI sollicite en cause d'appel la condamnation de la société ML conseils ès qualités au paiement de la somme de 96.950 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant de la mauvaise exécution de sa prestation par la société AZ Equipements et de son placement en liquidation judiciaire qui l'a privée du bénéfice de la garantie triennale, laquelle constituait un élément essentiel du contrat sans lequel elle n'aurait pas contracté.

Elle fait valoir qu'elle a subi une perte d'exploitation due à l'impossibilité d'exploiter la ligne de zinc-nickel ; qu'elle n'a pu réaliser la première pièce sur cette ligne qu'au mois de juillet 2019, après qu'une partie des travaux de reprise nécessaires a été effectuée ; qu'elle n'a cependant pu produire qu'en mode dégradé. Elle évalue sa perte d'exploitation moyenne entre le 20 mars 2019, date de sa qualification par le client Safran, et le 19 juillet 2019, date de la première livraison, à la somme de 96.950 euros.

Elle ajoute, au soutien de cette demande, que son image auprès de ses clients s'est trouvée dégradée dans un secteur de forte concurrence et que le risque de perte de qualification et de relations commerciales menace la pérennité de l'entreprise.

La société ML conseils s'oppose à la demande de dommages et intérêts de la société STI dès lors qu'elle est formulée pour la première fois en appel et qu'elle est irrecevable en application des règles de la procédure collective. Elle fait valoir, sur le fondement des articles L.622-7 et L.622-21 du code de commerce, que les prétendus dommages et intérêts sont nés du contrat signé entre les parties, soit avant la procédure collective, qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune déclaration au passif et que la forclusion est désormais encourue ; que si cette demande de dommages-intérêts devait être considérée comme une créance postérieure, elle ne remplit pas les conditions de l'article L.622-17 du code de commerce. Elle ajoute qu'elle n'est pas démontrée dans son existence.

Sur ce,

En vertu des articles L.622-7 et L.622-21 du code de commerce, applicables au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire en vertu respectivement des articles L.631-14 et L.641-3, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture et toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L.622-17 et ce même jugement interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Une créance indemnitaire résultant de l'inexécution d'un contrat conclu et exécuté avant le jugement d'ouverture de la procédure collective est elle-même antérieure audit jugement de sorte que celui qui s'en prévaut ne peut rechercher la condamnation en paiement du débiteur sous procédure mais peut seulement en obtenir la fixation au passif de son débiteur après en avoir fait la déclaration entre les mains du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire.

Il s'ensuit que la société STI, qui invoque la mauvaise exécution de sa prestation par la société AZ Equipements accomplie avant l'ouverture du redressement judiciaire, le 25 octobre 2018, convertie en liquidation judiciaire le 20 décembre 2018, à l'appui de sa demande de condamnation en dommages et intérêts formée pour la première fois en cause d'appel par conclusions du 14 septembre 2023, demande de surcroît formée à l'encontre du liquidateur judiciaire, n'est pas recevable en sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la société STI supportera les dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Lafon. Elle sera en outre condamnée à verser à la société ML conseils ès qualités une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles que celle-ci a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société STI France à payer à la société ML conseils ès qualités la somme de 40.320 euros TTC ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la société STI France à payer à la société ML conseils ès qualités la somme de 100.320 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2022 ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts de la société STI France ;

Condamne la société STI France aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Franck Lafon ;

Condamne la société STI France à payer à la société ML conseils ès qualités la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société STI France de sa demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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