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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 14 mai 2025, n° 23/02684

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

V H

Défendeur :

SCCV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Robert, Mme Leclercq

Avocats :

Me Durand-Raucher, Me De Cazalet, Me Thevenot, SCP Cabinet Mercie, SELARL Blum-Engelhard-De Cazalet, SELEURL LT Avocat

TJ Toulouse, du 12 mai 2023, n° 20/04314

12 mai 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société civile immobilière de construction-vente (Sccv) [Adresse 5] a fait construire un ensemble immobilier à [Localité 4] (31) et dénommé [Adresse 5].

Suivant acte du 19 avril 2018, M. [V] [H] et Mme [E] ont acquis en l'état futur d'achèvement, un appartement situé au sein de la [Adresse 5], moyennant le prix de 210 530 euros.

L'acte avait prévu une livraison au 30 novembre 2018 mais elle n'a été effective qu'au 14 février 2020.

Se plaignant du retard de livraison et d'un dénivelé important du jardin qui n'aurait pas été contractuellement prévu, M. [V] [H] a sollicité diverses sommes à titre de dommages et intérêts à la Sccv [Adresse 5] .

Les parties ne sont pas parvenues à un accord amiable.

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Par acte d'huissier du 28 octobre 2020, M. [V] [H] a fait assigner la Sccv [Adresse 5] devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins de la faire condamner à lui payer diverses sommes au titre des pénalités de retard de livraison du bien immobilier et de la garantie prévue par l'article 1642-1 du code civil.

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Par jugement du 12 mai 2023, le tribunal de judiciaire de Toulouse, a :

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture du 24 janvier 2023,

- prononcé la clôture au 10 février 2023,

- déclaré irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par la Sccv [Adresse 5] portant sur l'action concernant le vice concernant le jardin,

- condamné la Sccv [Adresse 5] à payer à M. [V] [H] la somme de 14 338,90 euros au titre des pénalités de retard de livraison,

- débouté M. [V] [H] du surplus de ses demandes au titre des pénalités de retard,

- débouté M. [V] [H] de sa demande en paiement au titre du dénivelé du jardin,

- condamné la Sccv [Adresse 5] à payer à M. [V] [H] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sccv [Adresse 5] aux entiers dépens de l'instance,

- débouté M. [V] [H] de sa demande visant à mettre à la charge de la débitrice les 'frais éventuels de l'exécution forcée résultant de l'application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001".

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Par acte du 24 janvier 2023, M. [V] [H] a interjeté appel de l'intégralité des dispositions de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2024, M. [V] [H], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1602 et suivants, 1642-1, 1648 et suivants, 1137 et suivants, ainsi que des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :

concernant le retard de livraison

- constater que le contrat de vente en état futur d'achèvement conclu entre M. [V] [H] et la Sccv [Adresse 5] prévoyait une date maximum de livraison au 30 novembre 2018 du bien immobilier acheté,

- constater que M. [V] [H] a pris possession du bien immobilier le 14 février 2020,

- constater que le contrat de vente en état futur d'achèvement prévoit l'application de pénalité de retard en cas de dépassement de la date limite de livraison,

- «dire et juger» qu'il n'est pas rapporté la preuve de ce que M. [V] [H] aurait refusé de manière non équivoque à se prévaloir des stipulations contractuelles,

- «dire et juger» que la société Sccv [Adresse 5] est défaillante dans l'administration de la preuve des causes légitimes de suspension du délai,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité les pénalités de retard entre le 2 mars 2019 et le 5 août 2019,

statuant à nouveau,

À titre principal

- condamner la Sccv [Adresse 5] au paiement de la somme de 48 418,80 euros au titre des pénalités de retard courant du 30 novembre 2018 au 14 février 2020,

À titre subsidiaire

- condamner la Sccv [Adresse 5] au paiement de la somme de 43 138,90 euros au titre des pénalités de retard courant du 13 janvier 2019 au 14 février 2020,

Concernant le vice affectant le jardin,

- constater que l'annexe numéro trois à l'acte de vente fait état d'un jardin d'environ 57,50 m²,

- constater que cette annexe ne fait pas état d'un dénivelé affectant le jardin accessible par la chambre de l'appartement acheté par M. [V] [H],

- constater que le jardin de M. [V] [H] est affecté d'un important dénivelé et se trouve être recouvert d'une bâche sur une grande partie de sa surface ne permettant d'en jouir en totalité,

- constater que selon constat d'huissier le jardin n'est utilisable que sur une surface de 10,50 m²,

- constater que la société Sccv [Adresse 5] n'a jamais informé M. [V] [H] de la présence d'un tel dénivelé alors qu'elle en avait nécessairement connaissance,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] [H] des ces demandes concernant le dénivelé affectant le jardin,

statuant à nouveau,

À titre principal,

- «dire et juger» que la Sccv [Adresse 5] n'a pas procédé à une délivrance conforme aux stipulations contractuelles du bien acquis,

- condamner la Sccv [Adresse 5] au paiement de la somme de 61 122,50 euros à titre de dommages et intérêts venant en réparation du préjudice subi par M. [V] [H],

À titre subsidiaire,

- «dire et juger» que le bien acheté par M. [V] [H] est atteint de défaut de conformité en application des articles 1642-1 et suivants du code civil,

- condamner la Sccv [Adresse 5] au paiement de la somme de 61 122,50 euros à titre de dommages et intérêts venant en réparation du préjudice subi par M. [V] [H],

À titre infiniment subsidiaire,

- «dire et juger» que la Sccv [Adresse 5], en sa qualité de professionnelle avait nécessairement connaissance de ce que la présence d'un tel dénivelé affectait la valeur du bien acquis par M. [V] [H] ainsi que son usage,

- «dire et juger» que le consentement de M. [V] [H] a été vicié par le comportement de la Sccv [Adresse 5],

- «dire et juger» que la société Sccv [Adresse 5] a commis une réticence dolosive en ne prévenant pas M. [V] [H] de la présence d'un dénivelé affectant son jardin,

- condamner la société Sccv [Adresse 5] au paiement de la somme de 61 122,50 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- débouter la société Sccv [Adresse 5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner la société Sccv [Adresse 5] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre du remboursement des frais irrépétibles engagés par M. [V] [H] dans le cadre de la présente procédure d'appel outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 janvier 2024, la Sccv [Adresse 5], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-5, 1137, 1642-1, 1648 et suivants du code civil, de :

concernant le retard de livraison

- infirmer le jugement rendu le 12 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse, uniquement en ce qu'il a condamné la Sccv [Adresse 5] à payer à M. [V] [H] une somme de 14 338,90 euros au titre des pénalités de retard et une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

À titre principal,

- déclarer mal fondées les demandes formées par M. [V] [H],

- débouter M. [V] [H] de l'ensemble de ses demandes,

À titre subsidiaire,

- juger que M. [V] [H] ne serait fondé à solliciter des pénalités de retard que sur la période allant du 2 mars 2019 au 9 juillet 2019,

- réduire à 1 euros le montant des pénalités de retard éventuellement dues par la Sccv [Adresse 5],

- débouter M. [V] [H] du surplus de ses demandes,

À titre encore plus subsidiaire,

- limiter à la somme de 6 379,06 euros le montant de pénalités de retard susceptibles d'être mis à la charge de la Sccv [Adresse 5] conformément à la proposition formulée le 31 juillet 2019 par son conseil,

concernant le « vice » affectant le jardin et le surplus des demandes de M. [V] [H],

- confirmer le jugement rendu le 12 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse pour le surplus, et dès lors,

- débouter M. [V] [H] de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner M. [V] [H] à payer à la Sccv [Adresse 5] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 janvier 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 11 février 2025 à 14h.

MOTIVATION DE LA DECISION

1. Sur l'absence de mise en demeure préalable, le premier juge a estimé qu'aucune mise en demeure préalable n'était requise pour que le bénéfice des indemnités de retard soit acquis à l'acquéreur. La Sccv soutient qu'aucune mise en demeure ne lui a été adressée de sorte que les pénalités de retard ne sont pas dues.

1.1 Au titre de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. Ces dispositions ne sont pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger.

1.2 En l'espèce le contrat de vente litigieux stipule p. 24 que l'indemnité journalière de retard de livraison « s'imputera de plein droit sur les fractions du prix venant à échéance à la date contractuellement fixée pour l'achèvement des Biens ». Il ressort de la mention « de plein droit » que les parties n'ont pas entendu soumettre le bénéfice des indemnités de retard à une mise en demeure préalable, le moyen tiré de l'absence de mise en demeure sera donc écarté.

2. Sur l'acceptation d'un report de livraison, le premier juge a estimé que M. [H] a expressément consenti à un report de livraison au 2 mars 2019 en raison des conditions climatiques qui lui ont été exposées et qu'il n'est donc pas fondé à solliciter des indemnités de retard pour la période antérieure à cette date.

2.1 M. [H] soutient que la Sccv [Adresse 5] n'est en mesure de justifier d'aucune cause légitime de suspension qui lui aurait été notifiée dans les délais prévus au contrat et qu'il ne ressort pas des échanges entre lui et la Sccv [Adresse 5] qu'il aurait renoncé sans équivoque au bénéfice des pénalités de retard.

2.2 La Sccv fait valoir que M. [H] ayant consenti de façon non équivoque à un report de livraison du bien au 2 mars 2019 et la Sccv [Adresse 5] justifiant par ailleurs de causes légitimes de suspension, M. [H] est mal fondé à solliciter des indemnités de retard pour la période courant du 30 novembre 2018 au 2 mars 2019.

2.3 L'article 1103 du code civil prévoit que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». La renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté de renoncer (Cass. 2e civ., 5 mars 2020, n° 19-10.371).

2.4 En l'espèce le contrat de vente prévoit p. 20 que « le vendeur s'obligera à poursuivre les travaux de telle manière que les ouvrages et éléments définis ci-dessus soient achevés et livrés, au plus tard le 30 Novembre 2018, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison ci-après visés ». Le contrat liste ensuite l'ensemble des causes légitimes de suspension du délai de livraison et poursuit p. 21 « Pour l'appréciation des évènements ci-dessus évoqués, les parties s'en rapporteront à un certificat établi par la personne dûment habilitée assurant la Direction des travaux, accompagné des pièces justificatives. Le VENDEUR informera l'ACQUEREUR de la survenance d'un tel évènement dans les VINGT (20) Jours suivant sa survenance. À défaut, l'évènement ne pourra constituer une cause légitime de suspension de délai pour la mise à disposition des Logements ».

2.5 En l'espèce la Sccv [Adresse 5] a averti M. [H] par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) du 18 juin 2018 que les conditions climatiques rendaient nécessaire un report de la livraison du bien. Le courrier indique « Je vous rappelle que depuis le début du chantier, la station météo la plus proche du chantier a pu relever 61 jours ouvrés d'intempéries ce qui, à un moment stratégique de la construction de votre habitation, à savoir la mise en place des réseaux divers et l'excavation des terres afin de réaliser les fondations et le sous-sol, a retardé la parfaite exécution du chantier. [...] la maitrise d''uvre avance un calendrier annonçant un glissement de date de livraison totale de trois mois, soit deuxième quinzaine du mois de mars 2019 ». Le 15 septembre 2019, par lettre officielle, le conseil de M. [H] indique à la Sccv aux fins de rappeler les faits du litige, « En raison de conditions climatiques défavorables, ladite livraison a été reportée à la date officielle du 02 mars 2019 tel que cela a été précisé par votre cliente, ce que mes clients comprennent parfaitement et ne contestent pas ».

2.6 Il ressort de ce courrier que M. [H] a, dans des termes non équivoques, accepté de tenir compte des conditions météorologiques qui lui ont été présentées par la Sccv [Adresse 5] et de reporter la livraison du bien à la date du 2 mars 2019. En indiquant comprendre parfaitement et ne pas contester la nouvelle date de livraison, il a renoncé aux droits, dont il avait la libre de disposition, tirés des d'indemnités de retard pour la période du 30 novembre 2018 au 2 mars 2019 et ne peut plus opposer à la Sccv [Adresse 5] les stipulations relatives aux conditions dans lesquelles les causes légitimes de suspension auraient dû lui être notifiées pendant cette période. Sa demande tendant à lui voir accorder des indemnités de retard pour la période antérieure au 2 mars 2019 sera rejetée.

3. Sur le refus de prendre livraison du bien, la Sccv [Adresse 5] fait valoir que M. [H] a refusé de prendre livraison de son bien alors que la Sccv était disposée à le livrer « fin juillet/août » 2019 et que M. [H] avait accepté de prendre possession du bien durant cette période. M. [H] fait valoir que les stipulations contractuelles font obstacle à ce que la livraison du bien soit proposée dans la période du 20 juillet au 5 septembre. Il soutient également que le courrier invoqué par l'intimée pour faire valoir qu'il aurait renoncé au bénéfice de ces clauses traduit uniquement une volonté de visiter le bien au 5 août et non pas d'en prendre livraison et enfin que la Sccv [Adresse 5] ne produit pas de courrier l'invitant à prendre livraison dans les délais prévus au contrat.

3.1 En l'espèce, l'acte de vente stipule p. 21 dans sa partie « Constatation de l'achèvement ' Livraison » que « Les livraisons entre le 20 juillet et le 5 septembre ['] sont formellement proscrites. L'exécution de l'obligation d'achever ['] sera constatée ainsi qu'il suit :

A/ Le vendeur invitera l'acquéreur, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception au moins trente jours à l'avance, à constater la réalité de cet achèvement au jour et heure fixées entre eux dans ce même délai de trente jours ». Le contrat prévoit ensuite qu'à l'issue de cette visite l'acquéreur peut soit accepter la livraison sans réserve, soit avec réserve soit la refuser s'il estime l'immeuble inachevé.

3.2 Par courrier du 3 juillet 2019, la Sccv [Adresse 5] a proposé à M. [H] « de fixer au 18 juillet 2019 la date de livraison de votre logement ». En réponse, M. [H] indiquait par courrier électronique du 30 juillet 2019 : « Nous avons été prévenu le 9 juillet par e-mail que les visites seraient possibles à compter du 18 juillet. Nous sommes revenus de vacances le 22 juillet et n'avons donc pas pu nous organiser avant (nous aurions dû être prévenu 1 mois avant la livraison comme indiqué dans l'acte de vente). [']. Je vous propose donc de soustraire à minima 6 680 euros à notre dernier virement actuellement en attente. Un geste commercial supplémentaire serait le bienvenu bien entendu. Pourriez-vous me confirmer cela afin que je valide les billets d'avion et vous confirme par le même temps notre rendez-vous le 5 août 2019 pour la visite de notre appartement s'il vous plait ' ». Par courrier du 31 juillet 2019 la Sccv [Adresse 5] a proposé à M. [H] le paiement de 6 379,06 euros et indiqué que « cette proposition est ferme est définitive » mais n'a donné aucune précision quant à la date de livraison.

3.3 Aussi, il ressort de ces éléments que la Sccv [Adresse 5] était tenue d'inviter M. [H] à visiter le bien achevé trente jours à l'avance, en dehors de la période du 20 juillet au 5 septembre. La Sccv n'ayant procédé à cette invitation que le 3 juillet pour une visite le 18 juillet, elle n'a pas respecté le délai contractuel de 30 jours et ne saurait donc imputer à M. [H] un refus de livraison au 18 juillet 2019. Cependant, M. [H] a consenti à effectuer une « visite » de l'immeuble le 5 août. Le terme « visite » employé par M. [H] doit être entendu comme faisant référence à la procédure de livraison prévue au contrat, laquelle implique bien une visite préalable du bien au terme de laquelle l'acquéreur peut décider de prendre ou non livraison. Ayant de sa propre initiative et sans équivoque proposé cette date, il ne saurait se prévaloir des stipulations relatives à l'interdiction d'une livraison pendant la période estivale.

3.4 Il apparaît toutefois que la Sccv [Adresse 5] n'a pas apporté de réponse à cette invitation et que, dans son courrier en réponse du 31 juillet, elle ne se positionne que sur les demandes indemnitaires formulées par M. [H] et reste silencieuse sur la proposition de visite. Il n'est produit aux débats aucun courrier indiquant que la Sccv aurait soit donné une réponse favorable à la proposition de M. [H] de réaliser la visite le 5 août soit aurait proposé une autre date de visite de sorte qu'aucun refus de livraison ne peut être opposé à M. [H].

4. Sur l'exception d'inexécution, la Sccv [Adresse 5] fait valoir que M. [H] n'ayant pas réglé les 5 % du prix dus à l'achèvement des travaux, ce dernier est mal fondé à solliciter des indemnités au titre du retard de livraison. M. [H] soutient que la Sccv [Adresse 5] ne produit aucune mise en demeure d'effectuer le paiement et n'apporte pas la preuve que c'est bien en raison de cette inexécution que la livraison a été retardée.

4.1 Au titre de l'article 1219 du code civil, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. Celui qui oppose l'exception d'inexécution n'est pas tenu à une mise en demeure préalable (Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-16.903).

4.2 L'article R. 261-14 du code de la construction prévoit qu'en matière de vente en l'état futur d'achèvement « les paiements ou dépôts ne peuvent excéder au total:

35% du prix à l'achèvement des fondations ;

70% à la mise hors d'eau ;

95% à l'achèvement de l'immeuble. »

4.3 L'acte authentique de vente du 19 avril 2018 indique p. 6 que le prix sera payable « de la façon indiquée ci-après :

[']

6 À l'achèvement des travaux ['] 95 %

7 À la remise des clés/livraisons ['] 100 %

La réalisation de chacun des évènements dont dépend l'exigibilité des fractions du prix stipulées payables en fonction de l'échéancier visé ci-dessus sera justifiée ['] pour les échéances de travaux : sur production d'une attestation d'avancement des travaux établie par un homme d'art. »

4.4 Est versé au dossier un courrier du 9 juillet 2019 adressé par la Sccv [Adresse 5] à M. [H] auquel est joint une attestation d'avancement de travaux et invitant M. [H] à régler le solde du marché dans les termes suivants : « Comme prévu à l'acte authentique, nous comptons sur votre diligence pour établir à réception de la présente un virement (Rib ci-joint) de 21 053 ' (Vingt et un mille cinquante-trois euros) soit :

- 10 526,50 ' (dix mille cinq cent vingt-six euros) correspondant à l'appel de fonds 'à l'achèvement des travaux'

- 10 526,50 ' (dix mille cinq cent vingt-six euros) correspondant à l'appel de fonds 'à la remise des clés/livraison'

['] « Le règlement du solde devra impérativement être réglé au plus tard le jour de la remise des clés ».

4.5 Il ressort de ces éléments que, si l'acte authentique de vente prévoyait que l'acquéreur était tenu de payer au jour de l'achèvement de l'immeuble 5 % du prix total soit la somme de 10 526,50 euros, la Sccv [Adresse 5] a, par courrier du 9 juillet 2019, dans des termes explicites, en gras et soulignés, invité M. [H] à solder le marché pour un montant de 21 053 euros « au plus tard le jour de la remise des clés ». Ce faisant elle a renoncé de façon non équivoque au bénéfice de la clause imposant à M. [H] de payer 5% du prix de vente au jour de l'achèvement de l'immeuble et permis à ce dernier de ne verser l'ensemble des sommes qu'au jour de la livraison du bien.

4.6 Il ressort du procès-verbal de livraison et de remise des clés du 14 février 2020 que M. [H] « a versé au 14 février 2020 une somme de 21 053 ' » et qu'il a ainsi respecté les modalités de paiement détaillées dans le courrier du 9 juillet 2019. Aussi la Sccv [Adresse 5] est mal fondée à opposer à M. [H] une exception d'inexécution tirée de l'absence de paiement de la fraction de 5% du prix au moment de l'achèvement dès lors qu'elle a explicitement permis à ce dernier de n'effectuer ce paiement qu'au jour de la livraison.

4.7 La Sccv ne démontrant ni un refus de livraison de la part de M. [H] ni le bienfondé d'une exception d'exécution, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a arrêté les indemnités de retard au 5 août 2019 et celles-ci seront calculées sur la période du 2 mars 2019, date à laquelle M. [H] a consenti à un report de livraison, au 14 février 2020, date de livraison effective du bien.

4.8 Les indemnités de retard ayant couru du 2 mars 2019 au 14 février 2020 soit durant 349 jours, le contrat prévoit des indemnités de retard égales à :

- 2,5/10 000ème du prix de vente par jour de retard du 1er au 30e jour calendaire soit une pénalité journalière de 52,63 ' (210 530 ' x 2,5/10 000) x 30 j = 1 578,63 ' ;

- 3,8/10 000ème du 31ème au 90ème jour de retard soit une pénalité journalière de 80 euros (210.530 ' x 3,8/10 000) x 59 j = 4 720 ' ;

- 5,7/10 000ème au-delà du 90ème jour soit une pénalité journalière de 120 ' (210 530 ' x 5,7/10 000) x 259 j = 31 080 '.

Le montant de l'indemnité due par la Sccv [Adresse 5] à M. [H] sera donc fixé, conformément aux stipulations précitées, à la somme de : 38 378,63 ' (1 578,63 ' + 4 720 ' + 31 080 ').

4.9 Ces pénalités n'apparaissent pas manifestement excessives au regard de l'importance du retard de livraison. La demande formulée par la Sccv [Adresse 5] de les voir minorer sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil sera donc rejetée. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le montant des pénalités dues.

5. Sur le défaut de délivrance conforme soulevé à titre principal par l'acquéreur, le premier juge a estimé que M. [H] n'étant pas propriétaire du jardin, il ne peut souffrir d'aucun préjudice résultant de son défaut de conformité. M. [H] soutient que le jardin est affecté d'un important dénivelé et est recouvert en grande partie d'une bâche alors que l'acte prévoyait qu'il en aurait la jouissance exclusive et privative, que conformément aux dispositions de l'article 1642-1 du code civil il est bien fondé à solliciter une indemnité.

5.1 Le vendeur en l'état futur d'achèvement est tenu d'une obligation de délivrance conforme en vertu de laquelle il s'oblige à livrer à l'accédant un bien correspondant aux caractéristiques mentionnées au contrat. Le droit de jouissance privative est, selon l'article 6-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, 'nécessairement un accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d'un lot'. Au titre de l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.

5.2 En l'espèce, l'acte authentique de vente désigne comme suit le lot acquis par M. [H] « LOT N° 2 Dans le bâtiment A au rez-de-chaussée, un appartement T3, portant le N° A02 sur les plans annexés, avec la jouissance exclusive et privative d'une terrasse et du jardin attenant, et les DEUX CENT SOIXANTE DIX/DIX-MILLIEMES des parties communes générales. ». La vente a été conclue pour un prix de 210 530 euros. L'annexe 3 de l'acte authentique détaille les caractéristiques techniques de l'appartement n° A02 et mentionne une surface de terrasse de 9,6 m², une surface de jardin d' 'environ 57,5 m²' et une surface d'appartement de 65,6 m². Est enfin produit un constat d'huissier du 2 février 2022 indiquant p. 5 que le jardin litigieux est d'une surface totale de 37,5 m² et p. 6 que sa « surface utile plate utilisable par les locataires » est de 10,5 m². Le constat précise, photo à l'appui, que « après une distance d'1m40, la surface du jardin n'est plus plate. Sur une largeur de 1m, il existe une pente de 80 cm soit : 80%. Après le terrain est plat jusqu'au mur. Le terrain est recouvert d'une bâche de jardin après la distance plate d'1m40 ».

5.3 Ainsi que l'indique à juste titre la Sccv [Adresse 5], le plan de l'appartement annexé à l'acte fait état de deux surfaces de jardin distinctes, l'une face au séjour de l'appartement, attenant à une terrasse en bois, l'autre face à deux chambres et sans aucune terrasse, la référence approximative au jardin est de 57,5 m² sans autre précision, englobant donc ces deux surfaces et sans aucune mention sur la planéité du terrain. Le constat d'huissier précité ne concerne que l'espace de jardin situé devant les chambres dit 'jardin en ouest'. Outre le caractère approximatif annoncé de la surface du jardin, cette superficie ne concerne nullement une surface habitable et se rapporte à une partie commune, la partie litigieuse du terrain comportant une surface plate de 10,50 m². La société intimée ajoute par ailleurs qu'en page 38 de l'acte de vente, l'acquéreur a donné au syndic de la copropriété tous pouvoirs pour procéder en son nom à la constatation du parachèvement des parties communes ainsi qu'à la conformité de leur réalisation avec les plans et pièces concernant l'immeuble déposés au rang des minutes de l'office notarial.

5.4 Il en résulte que l'acte notarié portait sur un appartement avec droit de jouissance exclusive d'un jardin et d'une terrasse constituant des parties communes affectées d'un droit de jouissance exclusif dont M. [H] n'était pas le propriétaire et ayant fait l'objet d'une réception par le Syndicat des copropriétaires qui n'a dénoncé aucune non-conformité. Certes, le titulaire d'un tel droit de jouissance exclusive sur une partie commune peut au même titre que le Syndicat des copropriétaires exercer, en sa qualité de détenteur d'un quantième de celle-ci, une action contre le vendeur du bien en l'état futur d'achèvement sur le fondement de l'article 1642-1 pour défaut de conformité de cette partie commune même pour des vices ou défauts de conformité apparents après l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des ouvrages, notamment pour une réparation en nature ou par équivalent du préjudice de jouissance qui en résulterait pour ce copropriétaire. Cependant, il ressort des constatations qui viennent d'être faites que M. [H] ne rapporte nullement la preuve que le vendeur s'était engagé à asseoir le droit de jouissance exclusive sur le jardin non seulement en considération d'une superficie précise de cet espace vert devant les chambres mais aussi d'une planéité de cette partie du jardin. Le descriptif technique sommaire figurant en annexe 4 de l'acte de vente prévoit en son point 14 des 'espaces verts engazonnés, aménagés de façon paysagère'. Le constat d'huissier réalisé deux ans après la livraison montre un jardin non entretenu ainsi que la présence de 13 pieds de lavande et 5 pieds d'arbustes divers. Il ne permet nullement de constater un usage de cet espace, expressément conçu pour être paysager, qui ne soit pas conforme aux prévisions du contrat qui prévoyait par ailleurs un droit de jouissance exclusif d'un autre espace de jardin et d'une terrasse. La demande présentée par M. [H] sur le fondement du manquement à la délivrance conforme doit être rejetée.

6. Sur la demande subsidiairement présentée sur le fondement du dol par réticence, M. [H] a reproché au vendeur de n'avoir fait aucune mention dans l'acte de vente de ce que plus de la moitié de ce jardin serait affectée d'un important dénivelé le rendant inutilisable dans sa quasi-totalité. Cependant, ainsi que cela vient d'être amplement développé, il n'est nullement démontré que la planéité de cette partie du jardin était rentrée dans le champ contractuel et que ce point représentait une qualité essentielle du bien acquis. Ce moyen doit donc être écarté.

7. Le jugement entrepris qui a débouté M. [H] de ses demandes relativement au défaut prétendu de conformité du jardin et à la réticence dolosive alléguée, sera confirmé.

8. Sur les demandes accessoires, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Sccv [Adresse 5] aux dépens de première instance et à payer à M. [H] une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La Sccv [Adresse 5] sera également condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 2 500 ' au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 12 mai 2023 en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au montant des pénalités de retard.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la Sccv [Adresse 5] à payer à Monsieur M. [V] [H] la somme de 38 378,63 euros au titre des pénalités de retard de livraison.

Condamne la Sccv [Adresse 5] aux dépens d'appel,

Condamne la Sccv [Adresse 5] à payer à M. [V] [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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