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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 14 mai 2025, n° 23/01757

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

X B

Défendeur :

I C

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Robert, Mme Leclercq

Avocats :

Me Laurent, Me Cucullieres, SCP Boonstoppel Laurent

TJ Castres, du 21 avr. 2023, n° 22/00398

21 avril 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte notarié du 15 mai 2020, reçu par Maître [N], notaire à [Localité 6], M. [X] [B] [Z] a acquis de Mme [I] [M] épouse [C] un immeuble bâti à usage d'habitation situé Lieu-dit [Localité 4] à [Localité 5] (81), moyennant un prix de 217 500 euros.

Afin d'effectuer des travaux sur l'immeuble pour construire une serre tropicale, M. [X] [B] [Z] a constitué un dossier déposé auprès de la Mairie de [Localité 5] en vue d'une autorisation préalable de travaux.

M. [X] [B] [Z] a par la suite été informé par le service de l'urbanisme de la Mairie de [Localité 5] que le double garage et l'extension de la construction d'un étage ont été édifiés sans permis de construire.

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Par acte du 28 mars 2022, M. [X] [B] [Z] a fait assigner Mme [I] [M] épouse [C] devant le tribunal judiciaire de Castres aux fins de voir engager sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés.

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Par jugement du 21 avril 2023, le tribunal de judiciaire de Castres, a :

- rejeté l'ensemble des demandes présentées par M. [X] [B] [Z],

- l'a condamné aux entiers dépens,

- rejeté la demande présentée par Mme [I] [M] épouse [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

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Par acte du 16 mai 2023, M. [X] [B] [Z] a interjeté appel de cette décision rendue par le tribunal judiciaire de Castres, en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes présentées par M. [X] [B] [Z] et qu'elle l'a condamné aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 août 2023, M. [X] [B] [Z], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants, 1601 et suivants, 1604 et suivants et des articles 1137 et suivants du code civil, de:

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- 'confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

' dit et juger que la construction d'un ouvrage sans permis de construire constituait un vice caché, dont Mme [I] [M] veuve [C] ne pouvait ignorer l'existence,

' dit et juger que M. [X] [B] [Z] était fondé à solliciter à son profit l'application des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil,

- dire et juger en toute hypothèse que Mme [I] [M] veuve [C] a manqué à son obligation de délivrance d'une chose et de ses accessoires conformes,

- dire et juger enfin que son attitude peut être qualifié de dolosive,

- réformer pour partie le jugement rendu,

Statuant à nouveau

- condamner Mme [I] [M] veuve [C] à rembourser à M. [X] [B] [Z] une somme de 4 000 euros sur le prix de vente, au titre de la réfaction qu'est en droit d'exiger l'acquéreur,

- condamner également Mme [I] [M] veuve [C] au paiement des sommes de :

146,48 euros au titre des frais de signification de la correspondance du 20 août 2020,

1.476 euros au titre des honoraires d'architecte,

3.458 euros au titre de la taxe d'aménagement,

5 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire correspondant aux conséquences fiscales notamment au titre de l'augmentation de la taxe foncière suite à la régularisation administrative,

1.500 euros en réparation du préjudice moral,

5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre l'intégralité des dépens'.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2023, Mme [I] [M] veuve [C], intimée, demande à la cour, de :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle en a débouté M. [X] [B] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [X] [B] [Z] en sa qualité d'appelant aux entiers dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] [B] [Z] à la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 janvier 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 11 février 2025 à 14h.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Sur l'impropriété à destination, le premier juge a retenu que le défaut de permis de construire constitue un vice présentant la gravité requise par la loi dès lors qu'une régularisation administrative s'impose. Mme [M] soutient qu'au regard des délais de prescription pénale et administrative, aucune action ne peut être intentée à l'égard de M. [X] [B] de sorte qu'aucune impropriété n'est caractérisée. M. [X] [B] soutient que l'impossibilité de reconstruire à l'identique l'immeuble, du fait de l'absence de permis de construire, constitue un vice caché et qu'il n'aurait pas acquis le bien au même prix s'il en avait eu connaissance.

1.1 Au titre de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères

1.2 L'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dispose que lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire. Ce texte qui autorise une telle reconstruction des bâtiments détruits ou démolis depuis moins de dix ans, ne concerne que les constructions régulièrement édifiées, ce qui n'est pas le cas des extensions bâties de manière illicite et qui contreviennent aux prescriptions d'urbanisme. L'impossibilité de reconstruire un immeuble ainsi édifié peut être constitutive d'un vice caché (3e Civ., 10 juin 2021, n° 20-11.902). Elle n'est caractérisée qu'à la double condition, d'une part du défaut d'autorisation de construire et d'autre part du non-respect des constructions aux prescriptions d'urbanisme en vigueur qui ferait obstacle à toute régularisation.

1.3 En l'espèce, il est constant entre les parties que le garage et les combles de l'immeuble n'ont fait l'objet d'aucun permis de construire. M. [X] [B] indique toutefois avoir pu régulariser la situation administrative des garages. En ce qui concerne les combles il ne ressort d'aucune pièce, notamment des échanges de courriers avec la mairie, que les travaux réalisés à l'étage seraient contraires aux prescriptions d'urbanisme en vigueur et que la situation ne pourrait pas être régularisée par le dépôt d'un permis ultérieur. M. [X] [B], à qui il incombe de rapporter la preuve des caractères du vice, ne démontre donc pas l'impossibilité de reconstruire l'immeuble à l'identique en cas de perte fortuite, laquelle n'est pas caractérisée par le seul défaut de permis de construire. L'absence d'autorisation d'urbanisme n'étant pas en elle même d'une gravité suffisante pour rendre l'ouvrage impropre à sa destination, la demande de M. [X] [B] tendant à voir Mme [M] condamnée sur le fondement des vices cachés sera rejetée.

2. Sur la délivrance conforme, M. [X] [B] soutient que Mme [M] a failli à son obligation de délivrance en livrant un bien partiellement construit sans permis de construire. Mme [M] soutient que l'obligation de délivrance conforme s'apprécie conformément aux stipulations contractuelles et que l'appelant ne démontre pas que son achat n'était pas conforme à ces prescriptions.

2.1 Au titre de l'article 1615 du code civil l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. L'article 1231 du même code prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure

2.2 En l'espèce Mme [M] a délivré à M. [X] [B] un bien dont une partie des constructions a été réalisée sans permis de construire alors que, dans le cadre d'une vente immobilière, une telle autorisation conditionne la légalité des constructions et constitue donc nécessairement l'accessoire de l'immeuble vendu. En ne livrant pas le bien avec l'ensemble de ses accessoires, Mme. [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme et engage ainsi sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. [X] [B], lequel est fondé à solliciter des dommages et intérêts.

3. Sur les préjudices, le premier juge a considéré que M. [X] [B] ne rapportait pas la preuve d'une perte de valeur du bien, que les frais d'architectes engagés par lui sont sans lien avec le défaut de permis de construire et que la taxe d'aménagement découle des travaux qu'il a initiés et non de la régularisation du permis. M. [X] [B] soutient qu'il ne pourra pas obtenir la conformité des travaux réalisés à l'étage puisqu'une partie des constructions a été réalisée sans permis ce qui constitue une moins-value, qu'il a dû engager des frais d'architecte pour régulariser le permis de construire des garages et que la taxe d'aménagement qu'il a supportée aurait dû être payée par Mme [M] et son époux lorsqu'ils ont réalisé les extensions.

3.1 Sur la perte de valeur du bien, M. [X] [B] n'ayant pas rapporté la preuve du caractère non régularisable de l'aménagement de l'étage et ne produisant pas d'autres éléments de nature à établir que le bien aurait perdu de la valeur du seul fait du défaut de permis de construire, il échoue à prouver la matérialité du préjudice dont il sollicite la réparation. Sa demande formée à ce titre sera donc rejetée.

3.2 Pour justifier d'avoir eu à engager des frais d'architecte, M. [X] [B] produit aux débats un courrier du 23 juin 2020 aux termes duquel l'instructeur des autorisations du sol indique qu'en raison de l'absence de permis de construire « [X] ne peut donc prétendre effectuer ces travaux sans régulariser le garage. Compte tenu des caractéristiques du projet il ne pourra être instruit comme une serre (structure légère vitrée) soumis à DP mais comme un bâti. Il devra donc déposer un permis de construire puisque la futur 'serre' fera 40m² », par un autre courrier du 26 juin 2020 il ajoutait « je viens de me rendre compte que l'habitation comprend un étage dont les plans ne m'ont pas été présentés par [X]. S'il y'a une surface de plus d'1,80m de hauteur de plafond il faut les compter dans la surface de plancher existante et là cela risque de bloquer pour l'architecte ['] si on rajoute l'étage et la petite extension à la surface intérieure de la serre les 150m² seront à mon avis dépassés ».

3.3 Est également versée aux débats une facture adressée par Mme [T], architecte, à M. [X] [B] le 6 juillet 2020 pour la « Réalisation d'un Permis de Construire en vue d'une régularisation administrative suite à une acquisition sur la commune de [Localité 5], Tarn » pour un montant de 1 476 ' TTC ainsi qu'une attestation de cette dernière, datée du 24 mai 2022, dans laquelle elle indique avoir « rencontré Monsieur [X] [B] [Z] le mardi 7 juillet 2020 », que ce dernier lui a indiqué que le garage avait été réalisé sans permis et que « en faisant l'état des lieux, je me suis rendu compte que la surface de la demeure ne correspondait pas aux dires de Monsieur [X] [B] [Z]. En effet les combles aménagés n'étaient pas référencés, soit la surface d'environ 44m² selon la loi Carrez » et qu'elle a « intégré l'ensemble de ses manquements à la demande de Permis de Construire en stipulant qu'il s'agissait d'un Permis de construire dans le cadre d'une régularisation administrative suite à une acquisition ».

3.4 Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le projet de transformation du garage en serre avait pour effet de porter la surface totale du logement à plus de 150m² et nécessitait donc en tout état de cause de faire appel à un architecte, indépendamment de tout dépôt de permis de construire. Toutefois, il ressort également de ces mêmes éléments que les travaux ne pouvaient être réalisés sans régularisation du permis de construire et que cette régularisation a fait l'objet d'une facture le 6 juillet 2020 par Mme [T], architecte, pour un montant de 1 476 '. Dès lors que la prestation de régularisation a fait l'objet d'une facturation spécifique et qu'elle a été rendue nécessaire en raison du défaut de permis de construire que Mme [M] était tenu de délivrer, cette dernière sera condamnée à indemniser M. [X] [B] des frais qu'il a engagés pour régulariser la situation administrative. Le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par M. [X] [B] à ce titre.

3.5 Pour justifier d'avoir payé indument la taxe d'aménagement, l'appelant produit aux débats un courrier de la Direction Départementale des Territoires du Tarn l'informant de ce qu'il est redevable d'un montant de 1 729 ' au titre de la taxe d'aménagement en raison de « l'extension de l'habitation par fermeture du auvent ». Il ressort des termes de ce courrier que la taxe que M. [X] [B] est tenu de prendre en charge résulte non pas de la seule construction des garages mais des travaux de fermeture qu'il a réalisés de sorte que sa demande de réparation à ce titre est mal fondée. Il ne justifie par ailleurs aucunement ni de la matérialité du préjudice 'd'indemnités forfaitaires' fiscales de 5 000 ' ni du préjudice moral dont il sollicite la réparation. Ses demandes formées à ce titre seront donc également rejetées.

4. Sur les frais accessoires, le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis à la charge de M. [X] [B] les dépens de première instance. Mme [M], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle sera également condamnée à verser à M. [X] [B] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 21 avril 2023 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de réfaction du prix de vente formée par M. [X] [B] [Z] au titre des vices cachés.

Condamne Mme [I] [M] à payer à M. [X] [B] [Z] la somme de 1 476 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du manquement à l'obligation de délivrance complète.

Déboute M. [X] [B] [Z] de ses autres demandes d'indemnisation.

Condamne Mme [I] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne Mme [I] [M] à payer à M. [X] [B] [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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