CA Rouen, 1re ch. civ., 14 mai 2025, n° 24/01429
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lh Flaubert (SNC)
Défendeur :
Groupement Hospitalier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wittrant
Vice-président :
Mme Berthiau-Jezequel
Conseiller :
Mme Deguette
Avocats :
Me Boyer, Me Scolan, Me Bart, Me Moisson
N° RG 24/01429 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUK3
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 14 MAI 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00542
Président du tribunal judiciaire du Havre du 9 avril 2024
APPELANTE :
SNC LH FLAUBERT
RCS de Nanterre 882 704 711
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Pierre-Xavier BOYER de la SELARL AUDICIT, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Caroline SCOLAN
INTIMEE :
GROUPEMENT HOSPITALIER [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Elisabeth MOISSON, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 5 mars 2025 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 5 mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 mai 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 mai 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par promesse notariée du 27 mars 2020, l'établissement public Groupe hospitalier [Localité 4] s'est engagé à vendre à la Snc Lh Flaubert une parcelle de terrain d'une surface approximative de 12 654 m² supportant plusieurs bâtiments, située [Adresse 6], et divisée en trois lots, au prix de 10 500 000 euros. Il y a notamment été prévu que :
- les bâtiments existants seraient démolis par l'acquéreur et que serait construit un ensemble immobilier à usage principal d'habitation, une résidence seniors, une crèche, et des bureaux,
- la vente serait faite divisément pour chaque lot,
- la signature des actes authentiques de vente aurait lieu au plus tard le 30 juin 2021 pour les lots n°1 et 3 et au plus tard le 30 octobre 2023 pour le lot n°2.
Suivant courrier du 5 novembre 2020, la Sasu Icade Promotion, une des deux sociétés ayant créé la Snc Lh Flaubert, a transmis au Groupe hospitalier [Localité 4] un rapport du 28 juillet 2020 des études et d'un diagnostic de la qualité des sols de la parcelle visée ci-dessus réalisés à sa demande par la société Iddea faisant état de la présence de différents polluants à plusieurs endroits.
La vente des lots n°1 et 3 a été régularisée par acte notarié du 8 juillet 2021.
Un rapport de diagnostic complémentaire de l'état de pollution des sols a été établi par la société Iddea le 28 février 2022.
Le 31 octobre 2023, le Groupe hospitalier [Localité 4] a mis en demeure le directeur de la Snc Lh Flaubert et de la Sasu Icade Promotion de se présenter au rendez-vous de signature de l'acte notarié de vente du lot n°2 prévu le 9 novembre 2023.
Par acte de commissaire de justice du 3 novembre 2023, la Snc Lh Flaubert, estimant que des terres polluées avaient été déplacées par le Groupe hospitalier [Localité 4] depuis son propre site sur le lot n°2 avant la conclusion de la promesse de vente, l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire du Havre aux fins de réalisation d'une expertise.
Un procès-verbal notarié de carence a été dressé le 9 novembre 2023, aux termes duquel il a été constaté que la Snc Lh Flaubert refusait de réitérer la promesse de vente en raison de l'état de pollution réel du terrain et de l'absence de justification par le Groupe hospitalier [Localité 4] de décisions de désaffection et de déclassement définitives des biens inaliénables comme faisant partie du domaine public.
Par ordonnance du 9 avril 2024, le juge des référés a :
- débouté la Snc Lh Flaubert de sa demande d'expertise,
- condamné la Snc Lh Flaubert aux dépens,
- condamné la Snc Lh Flaubert à payer au Groupe Hospitalier [Localité 4] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 19 avril 2024, la Snc Lh Flaubert a formé appel de l'ordonnance.
Par décision du président de chambre du 13 mai 2024, l'affaire a été fixée en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2024, la Snc Lh Flaubert demande de voir en application de l'article 145 du code de procédure civile :
- infirmer l'ordonnance rendue le 9 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire du Havre en toutes ses dispositions,
- désigner tel expert qu'il lui plaira avec mission de :
I. se rendre sur les lieux (parcelle CB[Cadastre 3], commune [Localité 4]) et en faire la description, et ce, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et leurs avocats avisés ; se faire remettre tout document utile et recueillir les observations des parties,
II. décrire les lieux et leur évolution dans le temps et entendre tout sachant,
III. procéder à tout prélèvement et à toute analyse nécessaire ; dire si les terres du lot n°2, objet de la promesse du 27 mars 2020, sont polluées et préciser, dans ce cas, la nature, la localisation et la quantité des polluants présents,
IV. dire si les pollutions présentes résultent, en tout ou partie, de remaniements de terrains ou déplacements de terre réalisés sous la maîtrise d'ouvrage du Groupe hospitalier [Localité 4] et, dans ce cas, indiquer la date à laquelle ont eu lieu ces déplacements ; déterminer si ces déplacements ont été précédés d'évaluations environnementales,
V. donner son avis sur les mesures appropriées au regard, d'une part, des constatations opérées et, d'autre part, des caractéristiques de l'opération de construction en vue de laquelle a été conclue la promesse de vente du 27 mars 2020,
VI. d'une manière générale, donner son avis sur les préjudices de toutes natures, directs et indirects, matériels et immatériels subis par la société demanderesse, notamment le préjudice subi en raison du retard pris pour l'exécution des travaux ou pouvant résulter des opérations nécessaires au traitement des pollutions relevées,
VII. dire si des travaux urgents sont nécessaires, soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible,
VIII. dresser du tout un pré-rapport qui sera soumis à la discussion des parties,
IX. déposer son rapport d'expertise définitif,
- condamner le Groupe hospitalier [Localité 4] à lui verser une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la Selarl Audicit, Me Boyer, conformément à l'article 699 du code précité.
Elle fait valoir que le Groupe hospitalier [Localité 4] a négligé de l'informer des dépôts de terres polluées qu'il a réalisés depuis une autre partie de son site sur le lot n°2 en 2019, ce qui est de nature à caractériser l'existence d'un dol ayant vicié son consentement au jour de la promesse, subsidiairement à constituer un vice caché, et encore plus subsidiairement à rendre impossible l'exécution par le promettant de son obligation de délivrance conforme d'un bien exempt de pollution ; que sa demande d'expertise visant à déterminer la nature et l'étendue de ces pollutions et les mesures techniques pour y remédier est, par son utilité, justifiée par un motif légitime.
Elle précise qu'en exécution de la promesse qui contenait une clause d'exonération de garantie au profit du vendeur, le Groupe hospitalier [Localité 4] avait une obligation particulière d'information sur les caractéristiques environnementales du site incluant l'état de pollution des sols, y compris lorsqu'ils provenaient de remblais ou de remaniements de terrain, qu'il n'a pas respectée préalablement à la conclusion de la promesse, ni dans le cadre de celle-ci, alors qu'il connaissait la réalité des déplacements de terre qu'il a opérés sur son propre site avant la signature de la promesse ; que ces manquements sont susceptibles de caractériser des manoeuvres dolosives ayant affecté la validité de la promesse de vente.
Elle déduit du moyen du Groupement hospitalier [Localité 4], selon lequel les sols excavés réutilisés sur le même site ne constituaient pas des déchets et n'avaient pas à être qualifiés au regard de la réglementation sur la pollution, qu'il a méconnu les règles applicables pour de tels déplacements de terres lesquelles conditionnent leur réutilisation sur site au respect d'un plan de gestion devant être établi par un bureau d'études au regard de la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués d'avril 2017, ce qui suppose que les terres ont fait l'objet d'une caractérisation préalable pour connaître leur état environnemental ; que le juge des référés qui a exonéré le Groupe hospitalier [Localité 4] de cette obligation a commis une erreur de droit.
Elle réplique que, si les pollutions admises par le Groupe hospitalier [Localité 4] sont bien réelles, leur ampleur et les coûts de traitement ne sont pas à ce stade déterminés comme il ressort du rapport Iddea de 2022 et sont sous-évalués par l'intimé, ce qui justifie la mesure d'expertise demandée pour déterminer son préjudice de manière précise et contradictoire.
Elle ajoute que, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, elle n'est pas à l'origine de la pollution du lot n°2 du fait des travaux qu'elle a effectués pour réaliser un passage entre les lots n°1 et 3 déjà acquis ; que ces travaux ont démarré en juin 2022, soit après le constat de l'état de la pollution en 2020 et février 2022, et se sont limités au terrassement du passage en limite ouest du lot n°2 et à la démolition d'une cheminée ; qu'elle s'est préoccupée de l'état de pollution des sols auprès du Groupe hospitalier [Localité 4] dès février 2021 et non pas plus tard lorsque la conjoncture économique était défavorable.
Par dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2024, le Groupe hospitalier [Localité 4] sollicite de voir sur la base de l'article 145 du code de procédure civile :
- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire du Havre le 9 avril 2024 en tant qu'elle a :
. rejeté la demande d'expertise formée sur le lot n°2, objet de la promesse signée entre la Snc Lh Flaubert et le Groupe hospitalier [Localité 4] le 27 mars 2020,
. condamné la Snc Lh Flaubert à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance,
- débouter la Snc Lh Flaubert de toutes ses demandes,
y ajoutant,
- condamner la Snc Lh Flaubert à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, en plus des entiers dépens de la présente procédure.
Il fait valoir que, sous couvert de cette demande d'expertise et au-delà des mouvements de terre qu'il a réalisés, la Snc Lh Flaubert tente de revenir sur ses engagements contractuels ; que celle-ci produit deux rapports réalisés par la société Iddea en mai 2020 et février 2022 dont il ne conteste pas le contenu, ni la méthodologie, qu'il ne conteste pas davantage l'existence et le quantum de la pollution dans le sol et/ou le sous-sol du lot n°2 ; qu'il n'y a donc pas lieu à expertise sur ces points, ni sur le préjudice subi par la Snc Lh Flaubert en raison du retard des travaux lié au traitement des terres polluées, ni encore sur les mesures à prendre au regard de la construction projetée.
Il précise que les mouvements de terres d'un volume d'environ 320 m3 qu'il a réalisés avant la signature de la promesse de vente, alors que l'appel à projets était en cours et que les visites sur site avaient lieu, ont été excavés de la cour d'honneur et mis en remblais sur le lot n°2 pour un poids de 576 tonnes selon les calculs opérés par la société de géomètres-experts Ahmes à partir des plans établis en 2016 et 2019 ; qu'un expert ne serait pas en mesure d'établir un calcul différent ; que ce volume de terres représente un surcoût de traitement de 35 000 euros HT pour un prix de cession de 5 356 000 euros selon le tarif le plus élevé figurant dans les rapports environnementaux communiqués par la Snc Lh Flaubert.
Il expose que la nomination d'un expert n'est pas davantage nécessaire pour savoir si ces mouvements de terre ont fait l'objet d'une caractérisation préalable, dès lors que l'obligation de qualification des terres excavées réutilisées sur le même site ne pesait pas sur lui à la date de leur réalisation en 2019, ceux-ci ne constituant pas des déchets, l'emprise foncière de l'opération immobilière ne relevant pas d'une installation classée pour la protection de l'environnement, et cette opération de requalification ne constituant pas une opération de réhabilitation d'un site pollué ; que la version de la note d'explication de la nomenclature Icpe des installations de gestion et de traitement des déchets à laquelle se réfère la Snc Lh Flaubert a été publiée en décembre 2020 ; qu'il n'avait aucune raison d'avoir connaissance d'une éventuelle pollution de remblais.
Il ajoute qu'une expertise n'est pas nécessaire à la saisine du juge du fond sur les trois fondements alternatifs indiqués par la Snc Lh Flaubert ; qu'une telle mesure n'améliorera pas la situation probatoire de cette dernière, professionnel de l'immobilier, qui a eu un accès libre à la totalité de l'assiette foncière lors des pourparlers préalables à la signature de la promesse et entre cette signature et le procès-verbal de carence du 9 novembre 2023 pour lui permettre de réaliser une étude préalable et/ou un diagnostic complémentaire ; qu'il a été transparent avec elle notamment en lui remettant un diagnostic pollution.
Il soutient que la Snc Lh Flaubert n'établit, ni même n'allègue, que la pollution constatée dans les deux rapports de la société Iddea ne peut trouver son origine dans la pollution figurant dans les activités polluantes sur le site de l'hôpital ou dans une grande proximité, conformément à ce qui figure dans les diagnostics pollution ; qu'elle ne démontre pas davantage l'existence d'une non-conformité du bien à la description figurant dans la promesse de vente ; qu'il n'y a pas de litige potentiel sur la pollution du terrain.
Il souligne que la Snc Lh Flaubert n'explique pas pourquoi elle a affirmé dans la promesse de vente qu'elle avait une connaissance approfondie du site y compris en matière environnementale alors qu'elle était informée au préalable qu'il ne consentirait aucune condition suspensive ; qu'en réalité, elle a attendu d'avoir signé la promesse de vente pour faire réaliser une opération de diagnostic ; qu'elle ne peut se prévaloir d'un vice caché, ni d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme du vendeur.
Il indique qu'en toute hypothèse la pollution figurant aujourd'hui sur le lot n°2, non issue des éléments déclarés et figurant dans la Data-Room, et au-delà même des éléments qui figurent dans les rapports, peut avoir d'autres origines, dont les travaux entrepris en août 2022 par la Snc Lh Flaubert de création d'un passage entre les lots n°1 et 3 et en limite ouest du lot n°2, lesquels ont entraîné des mouvements de terres ne permettant pas la réalisation d'une expertise et l'évaluation de la pollution des terres issues des déblais et remblais qu'il a réalisés en 2019 ; que la demande d'expertise s'inscrit dans un contexte économique défavorable et après son refus de renégocier les conditions de signature de la cession du lot n°2.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 septembre 2024.
MOTIFS
Sur la demande d'expertise
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Le motif légitime existe dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties, et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l'intimé.
En l'espèce, la Sasu Icade Promotion a fait diligenter une étude historique et documentaire, une étude de vulnérabilité du site, et un diagnostic de la qualité environnementale des sols par la société Iddea au droit du site, objet de la promesse de vente.
Le rapport de ces travaux a été établi le 28 juillet 2020. Il en ressort que :
- la visite de site et les documents dépouillés aux archives ont permis de mettre en lumière la présence de structures potentiellement polluantes : un dépôt souterrain de fioul, un ancien garage, un ancien transformateur, et d'anciennes cuves de fuel démantelées à l'ouest du site,
- les investigations sur les sols, effectuées les 9, 10 et 11 juin 2020, ont consisté dans la réalisation de 13 sondages de sol entre 5 et 9 mètres de profondeur à l'aide d'une tarière mécanique sur l'ensemble du site,
- les investigations ont mis en évidence :
* au droit des anciennes cuves (sondages I6 et I7) : une anomalie en hydrocarbures volatils, la présence de HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) semi-volatils, et une anomalie en mercure,
* au droit du lot n°1 (sondages I12 à I15) : des anomalies en mercure et en zinc, la présence d'hydrocarbures HAP semi-volatils, et des traces de PolyChloroBiphényles,
* au droit du lot n°2 (sondages I10 et I11) : des anomalies en mercure, une anomalie aux hydrocarbures volatils, et la présence d'HAP. La purge des remblais au droit de I10 jusqu'à 3 mètres de profondeur permettrait d'éliminer les anomalies en composés organiques. Il pourrait toutefois subsister du mercure. Avec un ou plusieurs niveaux de sous-sol (en considérant un rez-de-chaussée au niveau du TN du sondage I11), l'ensemble de ces anomalies serait évacué. Peu de sondages ont été réalisés sur ce lot composé de bâtiments dans lesquels un accès n'était pas possible,
* au droit du lot n°3 (sondages I1 à I7) : des anomalies en cuivre et en mercure, la présence d'hydrocarbures volatils et HAP semi-volatils, et des traces en BTEX (benzène, toluène, ethylbenzène, xylènes).
Un diagnostic complémentaire de l'état de pollution des sols a été réalisé par la même société du 25 au 27 janvier 2022. 17 sondages ont été effectués à la tarière mécanique sur l'ensemble du site au droit de l'emprise des futurs sous-sols. Ces investigations, objets d'un rapport du 28 février 2022, ont mis en évidence :
* au droit du lot n°1 : des fractions lourdes et peu mobiles d'hydrocarbures au droit du futur bâtiment et la présence de mercure et de HAP au droit de la future crèche et du futur bâtiment sur un niveau de sous-sol,
* au droit du lot n°2 : des composés volatils (HAP, mercure, et hydrocarbures volatils) uniquement au droit des futurs espaces verts et/ou voiries et du sondage I10,
* au droit du lot n°3 : des composés volatiles (HAP, mercure, et hydrocarbures volatils) uniquement au droit des futurs espaces verts et/ou voiries et des sondages I3, I6, et I7.
Au vu des résultats analytiques recueillis lors de ces deux campagnes d'investigations, la société Iddea a recommandé :
- la réalisation de la purge du sondage I10 (situé hors emprise du sous-sol) sur au moins 4 mètres de profondeur, du fait des teneurs identifiées (impact en hydrocarbures totaux et en HAP, présence de composés semi-volatils à volatils) et de sa proximité vis-à-vis de l'emprise du sous-sol. Au-delà de 4 mètres de profondeur, ces composés ne sont plus quantifiés,
- la poursuite du terrassement du sondage I1 entre 6 et 7 mètres de profondeur (terrassement initialement prévu jusqu'à 5,39 mètres de profondeur) du fait de la présence de composés volatils hydrocarburés,
- le recouvrement des espaces verts compte tenu des teneurs résiduelles et de la gestion des terres impactées (I10 et I1) et sur la base des résultats d'analyse. Il s'agit de la mise en place d'un géotextile ou grillage avertisseur surmonté d'une épaisseur de terre végétale saine d'apport extérieur au site,
- une gestion des terres potentiellement impactées hors site selon une filière adaptée, lors de futurs travaux nécessitant des excavations.
Le Groupement hospitalier [Localité 4] ne discute pas des modalités d'accomplissement de ces investigations et de leurs conclusions. Il reconnaît avoir excavé des terres dans la cour d'honneur de son site et les avoir amenées et mises en remblais sur l'assiette foncière constituant le lot n°2 en 2019, soit au cours des appels à projets et avant la conclusion de la promesse de vente.
Certes, il n'a pas porté ces travaux à la connaissance de son cocontractant dans la promesse de vente, alors qu'il y a spécifié, à la page 26, l'exploitation sur l'assiette foncière des lots n°1, 2 et 3 d'un dépôt de liquides inflammables, installation classée soumise à déclaration et identifiée sur la base Basias, qu'il a mise à l'arrêt définitif depuis plus de trente ans, et qui a donné lieu à l'hébergement de cuves enterrées de fioul domestique pour alimenter des groupes électrogènes depuis démantelés et évacués.
Toutefois, il résulte de l'article 8 de la note sur les modalités d'application de la nomenclature des installations classées pour le secteur de la gestion des déchets de la Direction générale de la prévention des risques du 25 avril 2017, relatif à la gestion des terres excavées et à la réhabilitation de sites pollués, que les terres excavées, polluées ou non, qui restent sur le site d'où elles ont été extraites, ne prennent pas le statut de déchets. Contrairement à ce qu'indique la Snc Lh Flaubert, un plan de gestion n'avait pas à être établi en l'espèce, cette obligation ne s'imposant que pour la gestion sur site de terres excavées dans le cadre d'une opération de réhabilitation d'un site pollué.
Aucune obligation administrative n'imposait donc au Groupement hospitalier [Localité 4] de qualifier et de déclarer ces terres, ni plus généralement de prendre des mesures spécifiques à l'égard de celles-ci.
Ensuite, aucun élément ne permet d'affirmer qu'il connaissait le caractère pollué de ces terres au moment de ses travaux et au plus tard au jour de la conclusion de la promesse de vente. En outre, contrairement à ce qu'avance la Snc Lh Flaubert, le Groupement hospitalier [Localité 4] ne s'est pas engagé à lui vendre un bien exempt de pollution. Enfin, ces terres excavées et déplacées n'entraient pas dans le champ d'application de l'article L.511-1 du code de l'environnement en vigueur en 2019, relevant du titre 1er relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement. Selon ce texte, sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
Par ailleurs, la promesse de vente précise à la page 27 que :
- 'Aucune garantie n'est donnée par le VENDEUR au titre de l'état environnemental du bien, que l'ACQUEREUR acquière en l'état.',
- 'En particulier, l'ACQUEREUR fera son affaire de toutes études environnementales nécessaires et de toutes mesures de gestion des éventuelles pollutions qui s'avèreraient nécessaires pour garantir l'absence de risque pour la santé et l'environnement en fonction des travaux et usages projetés, en ce compris la gestion des terres qui seraient excavées dans le cadre de son projet.'.
Elle mentionne également à la page 28 que : 'L'ACQUEREUR reconnaît avoir été spécialement averti par le notaire soussigné de l'opportunité de faire réaliser préalablement aux présentes une étude de sol permettant de mesurer sa compatibilité environnementale avec son usage futur tel qu'il l'a déclaré.
Il déclare, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, faire son affaire personnelle sans recours contre le VENDEUR de cette situation et de ses conséquences.'.
Enfin, à la page 4, la Snc Lh Flaubert a déclaré 'avoir procédé, en sa qualité promoteur immobilier professionnel, tant par lui-même qu'avec l'assistance de professionnels spécialistes de l'immobilier choisis par lui, à une étude tant sur le plan juridique que technique, environnemental, fiscal et administratif du bien vendu.
Cette étude comprend des visites du site dont dépend le bien vendu.'.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens portant sur l'ampleur des pollutions, leurs coûts de traitement, et un préjudice de la Snc Lh Flaubert, une action fondée sur un dol ayant vicié la promesse de vente, ou sur la garantie du vendeur pour vices cachés, ou encore sur l'obligation du vendeur d'une délivrance conforme du bien vendu, engagée à l'encontre du Groupe hospitalier [Localité 4] serait manifestement vouée à l'échec. Le motif légitime n'est pas établi. La demande d'expertise sera rejetée.
La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.
Partie perdante, la Snc Lh Flaubert sera condamnée aux dépens d'appel.
Il est équitable de la condamner également à payer au Groupe hospitalier [Localité 4] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés pour cette instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la Snc Lh Flaubert à payer au Groupe hospitalier [Localité 4] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Snc Lh Flaubert aux dépens d'appel.