CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 14 mai 2025, n° 24/08937
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Dexia (Sté)
Défendeur :
Congrégation des Soeurs de Notre Dame de la Compassion
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly
Conseillers :
Mme Sappey-Guesdon, Mme Chaintron
Avocats :
Me Pelit-Jumel, CMS Francis Lefebvre Avocats, Me Mendes Gil, Cloix & Mendes-Gil
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Après négociations et par acte en date du 30 décembre 2004, l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] - la Congrégation - s'est vue consentir par la société Dexia Crédit Local un prêt nommé Périolys destiné au refinancement d'un précédent prêt relatif à une résidence étudiante pour financer la restructuration et la création d'une maison de retraite d'un montant de 1 800 000 euros remboursable en 22 années et portant intérêts :
- en phase dite de mobilisation du 15 décembre 2004 au 1er janvier 2007 au taux variable indexé Eonia + 0,44%,
- en phase de consolidation distinguant des tranches d'amortissement à un taux d'intérêt Euribor 3, 6 ou 12 mois avec une marge de 0,34 % et des tranches d'amortissement à taux fixe et option de passage à taux fixe, auquel cas il est prévu une indemnité de remboursement anticipé.
Par acte en date du 11 janvier 2025, la Congrégation a, en outre, donné en nantissement un contrat de capitalisation d'une valeur de 450 000 euros au 17 décembre 2004 en cas d'incidents de paiement et/ou d'exigibilité anticipée.
La somme à rembourser l'a été en vertu d'un taux fixe à compter du 1er octobre 2009.
Des contestations ont eu lieu sur le remboursement anticipé du prêt et notamment sur l'indemnité de remboursement anticipé.
La somme de 1 493 665,38 euros a été réglée, outre l'échéance du 1er janvier 2006 de 25 506,75 euros, par remboursement anticipé et la banque, contestant que la Congrégation ne serait pas redevable de l'indemnité de remboursement anticipé a fait racheter partiellement le contrat de capitalisation à hauteur de la somme qu'elle avait réclamée à ce titre de 485 611,87 euros.
Par acte d'huissier de justice en date du 27 décembre 2016, la Congrégation a assigné la société Dexia devant le tribunal de grande instance de Nanterre en poursuivant, à titre principal, la nullité du contrat de prêt pour dol, susbidiairement la reconnaissance du caractère indu de l'indemnité de remboursement anticipé comme lui étant inopposable car issue d'un acte du 30 décembre 2004 postérieur à la rencontre des volontés du 10 décembre 2004 qui ne le prévoyait pas, comme ne correspondant pas aux prévisions contractuelles, plus subsidiairement comme étant abusive et en recherchant la responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations d'information, de négociation de bonne foi, de conseil et de mise en garde lors de la formation et de l'exécution du contrat.
Par jugement en date du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré prescrite la demande tendant à la nullité du contrat en faisant partir le délai quinquennal de l'article 1304 du code civil de l'émission de l'offre le 15 décembre 2004 ou de la signature du contrat de prêt du 30 décembre 2004,
- au motif que le passage à taux fixe du prêt n'a pas suivi les prévisions contractuelles initiales mais a fait suite à une proposition spontanée spécifique de la banque en 2009 et que, dès lors, l'indemnité de remboursement anticipé n'était pas due, a condamné la banque à payer à la Congrégation la somme de 485 611,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016,
- au motif que, par mauvaise application du contrat la banque a privé sa cliente d'une somme pendant plus de cinq années, l'a condamnée à payer à la Congrégation la somme de 40 000 euros de dommages-intérêts,
- a condamné la banque à payer à la Congrégation la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Dexia Crédit Local a interjeté appel le 9 juillet 2021 et par arrêt en date du 3 novembre 2022, la cour d'appel de Versailles a :
- Infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité du contrat de prêt conclu le 30 décembre 2004 et, statuant à nouveau,
- débouté la Congrégation de sa demande de restitution de la somme de 485.611,87 euros, au motif, notamment, que les parties n'ont pas conclu de nouveau contrat de prêt en 2009, le passage en taux fixe ayant été réalisé dans le cadre du contrat de prêt conclu en 2004 ;
- déclaré irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité de la Congrégation formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société Dexia fondée sur de prétendus manquements lors de la formation du contrat de prêt ;
- débouté la Congrégation de sa demande indemnitaire formée à titre subsidiaire à l'encontre de Dexia fondée sur ses manquements fautifs lors de l'exécution du contrat de prêt ;
- débouté la Congrégation de sa demande indemnitaire à l'encontre de Dexia fondée sur l'abus dans la mise en oeuvre de la garantie dont elle bénéficiait,
- condamné la Congrégation à verser la société Dexia Crédit local la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
A la suite du pourvoi de l'association Congrégation des Soeurs de Notre-Dame de la Compassion de [Localité 3], la Cour de cassation, par arrêt en date du 4 avril 2024, aux motifs que :
'-Il résulte de ces textes (les articles 2224 du code civil et L. 110-1 du code de commerce) que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement.
- Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, la demande d'indemnisation de l'association, fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information quant aux modalités de mise en oeuvre de la clause du contrat de prêt stipulant, au profit de la banque, une indemnité en cas de remboursement anticipé du capital, et quant aux conséquences, sur l'application de cette clause, de la modification des modalités de remboursement du prêt intervenue le 1er octobre 2009, l'arrêt retient, d'une part, que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter de la date de formation du contrat, dès lors que le dommage résultant du manquement à l'obligation d'information consiste en la perte de chance de ne pas contracter, de sorte que le délai de dix ans avait
commencé à courir le 30 décembre 2004 et qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, l'association devait agir avant le 19 juin 2013, et que, d'autre part, l'association disposait de tous les éléments lui permettant d'agir à compter du 18 septembre 2009.
- En statuant ainsi, sans établir la date à laquelle l'association avait eu une connaissance effective du dommage résultant des manquements au devoir d'information reprochés à la banque, la cour d'appel a violé les textes susvisés', et que
' -Il résulte de ce texte (article 4 du code civil )que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
- Pour rejeter la demande indemnitaire de l'association fondée sur des manquements de la banque à ses obligations lors de l'exécution du contrat de prêt, l'arrêt retient qu'il n'est pas possible de se prononcer sur la responsabilité de la banque dès lors que l'association se borne à invoquer, au soutien de sa demande, des lettres, adressées par la banque, qualifiées de contradictoires et confuses.
- En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé,
cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité de la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse formée à l'encontre de la société Dexia crédit local fondée sur ses manquements fautifs lors de la formation du contrat de prêt, déboute la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse de sa demande indemnitaire formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société Dexia crédit local fondée sur ses manquements fautifs lors de l'exécution du contrat de prêt, condamne la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse à verser à la société Dexia crédit local la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles' et désigné la cour d'appel de Paris comme cour de renvoi.
La société Dexia Crédit Local a saisi la cour de renvoi par déclaration du 6 mai 2024 et l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] par déclaration en date du 4 juin 2024.
Sans opposition des parties, les affaires ont été jointes le 28 janvier 2025.
Par ses dernières conclusions en date du 11 février 2025, l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] demande à la cour de :
'INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nanterre le 7 mai 2021 en ce qu'il a rejeté toute demande plus ample ou contraire de la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE DAME DE LA COMPASSION DE TOULOUSE, en ce compris ses demandes en condamnation de la société DEXIA CREDIT LOCAL à lui payer les sommes de 489.611,87 ' et 50.000 ' à titre de dommages et intérêts ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société DEXIA CREDIT LOCAL au paiement d'une somme de 8.000 ' au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux dépens de première instance ;
Statuant sur les chefs critiqués :
CONDAMNER la société DEXIA (anciennement DEXIA CREDIT LOCAL) à payer à la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE DAME DE LA COMPASSION DE [Localité 3] la somme de 485 611,87 ' à titre de dommages et intérêts du fait des manquements commis par la société DEXIA (anciennement DEXIA CREDIT LOCAL) dans le cadre de la formation et l'exécution de la relation contractuelle ;
CONDAMNER également la société DEXIA (anciennement DEXIA CREDIT LOCAL) à payer à la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE DAME DE LA COMPASSION DE [Localité 3] la somme de 50 000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'abus dans la mise en oeuvre de la garantie dont elle bénéficiait ;
DEBOUTER la société DEXIA (anciennement DEXIA CREDIT LOCAL) de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la société DEXIA (anciennement DEXIA CREDIT LOCAL) à payer à la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE DAME DE LA COMPASSION DE [Localité 3] la somme de 8.000 ' au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile' en faisant valoir :
- que la société Dexia a commis de multiples fautes qui engagent sa responsabilité en violant son obligation de contracter de bonne foi et d'exécuter le contrat loyalement, en ayant inséré dans l'acte de prêt signé le 30 décembre 2004 des clauses distinctes des engagements qu'elle avait pris aux termes de son offre du 1er décembre 2004,en ayant proposé à la Congrégation un passage à taux fixe sans lui indiquer que ce passage entraînerait, en application des clauses contractuelles dont elle se prévaut (à supposer qu'elles soient applicables), l'impossibilité de procéder à un remboursement anticipé sans paiement d'une indemnité, et a généré la confusion sur la qualification juridique de l'opération en faisant état d'un « refinancement » et d'un « nouveau prêt », en ayant adressé de multiples courriers à la Congrégation présentant un caractère confus sur les conditions contractuelles applicables et sur les propositions qui lui étaient faites, destinés à l'induire en erreur et en ayant mis en oeuvre la garantie de manière abusive,
- qu'au stade de la formation du contrat, la société Dexia s'était engagée expressément à ne pas lui faire supporter une indemnité de remboursement anticipé dans les documents précontractuels alors qu'elle a inséré une telle clause dans le contrat définitif à signer en cas de passage du remboursement à taux fixe, et ce, qui plus est en contournant M. [E] auquel la Congrégation n'avait toutefois pas confié la mission d'examen du financement mais seulement d'assistance au maître d'ouvrage, que la société Dexia ne conteste d'ailleurs pas ce fait mais renvoie la Congrégation aux vérifications qu'elle aurait dû faire, que ces fautes, qu'elle a été ainsi trompée par ce qui caractérise une publicité trompeuse et des pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article devenu L 121-2 du code de la consommation,
- qu'au stade de l'exécution du contrat, la société Dexia a manqué à son obligation de l'exécuter de bonne foi à de multiples reprises notamment en l'incitant au passage à taux fixe à partir d'une offre de nouveau contrat puis en lui vantant un passage à taux fixe compte tenu de la conjoncture tout en lui dissimulant que ce passage à taux fixe du contrat ancien - finalement adopté - entraînait le paiement d'une indemnité en cas de remboursement anticipé, en entretenant la confusion sur la qualification juridique de l'opération en parlant de 'refinancement' et en n'exigeant pas le renvoi, comme expressément prévu au contrat initial de l'annexe intitulée 'passage à taux fixe', en n'adressant pas une nouvelle offre à la Congrégation contrairement à ce qui était annoncé, entretenant une confusion fautive et ne recherchant que son propre intérêt, se rendant encore responsabilité d'une pratique commerciale trompeuse,
- qu'au stade du remboursement anticipé intervenu en 2016 et alors que la Congrégation a toujours contesté être redevable du paiement de l'indemnité de remboursement anticipé, elle a fautivement complexifié les opérations en lui adressant des courriers contradictoires puis a abusé de son droit de mettre en oeuvre la garantie, se faisant justice à elle-même, qu'elle a manqué à son obligation d'information de la Congrégation et lui a fautivement fait croire à de nombreuses reprises qu'aucune indemnité de remboursement anticipé ne serait due par déloyauté,
- que la société Dexia a manqué à son devoir d'information, de mise en garde et de conseil au moment de la formation du contrat et de son exécution, qu'en effet la complexité du produit constitué d'un prêt à des taux variables distincts et à amortissement complexe la contraignait à une mise en garde en vertu de l'article 1147 du code civil à laquelle elle n'a pas satisfait et qu'elle lui a dispensé une information trompeuse et fautive au sens de la même disposition mais également des articles L 533-12 et suivants du code monétaire et financier relatifs aux prestataires de services d'investissement notamment en omettant des informations capitales,
- qu'elle n'a pas été informée ni mise en garde quant au montant maximal possible de la charge des intérêts,
- qu'en outre la société Dexia s'était engagée à une prestation de conseil comme cela résulte de son offre du 1er décembre 2004 notamment en lui adressant un procès verbal de délibération de son conseil d'administration prérempli avant même l'émission de l'offre mais après des documents qui énoncent qu'aucune indemnité de remboursement anticipé ne serait due,
- qu'elle a manqué à son devoir de coopération loyale dans l'exécution du contrat lors de sa proposition de 'refinancement' ou de passage à taux fixe, peu claire et trompeuse, sans mentionner que ce passage la priverait de la dispense de payer une indemnité de remboursement anticipé, qu'enfin malgré son opposition au paiement, elle a abusivement mis en oeuvre la garantie pour couvrir cette indemnité de remboursement anticipé,
- qu'elle est donc bien fondée à solliciter le remboursement de la somme de 485 611,87 euros indûment perçue à titre d'indemnité de remboursement anticipé et de 50 000 euros représentant le préjudice lié à la mise en oeuvre de la garantie,
- qu'enfin c'est à tort que la société Dexia soutient que son action en responsabilité serait prescrite puisque le point de départ court à compter du moment ou elle a connu ou aurait dû connaître le dommage, qu'elle a été fautivement induite en erreur par l'attitude trompeuse de la société Dexia et que le dommage ne s'est réalisé que lorsque l'indemnité de remboursement anticipé a été sollicitée lors de la demande de remboursement du prêt alors même qu'encore en 2009, lors du passage à taux fixe, il lui était expressément fait miroiter une indemnité de remboursement anticipé égale à zéro.
Par ses dernières conclusions en date du 7 octobre 2024, la société Dexia crédit local nouvellement dénommée Dexia demande à la cour de :
'DONNER ACTE à la société DEXIA de sa nouvelle dénomination.
- INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de Nanterre du 7 mai 2021 en ses dispositions suivantes non définitivement tranchées par la Cour d'appel de Versailles :
en ce qu'il a condamné DEXIA à payer à la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire,
en ce qu'il a condamné DEXIA aux dépens ;
- CONFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de Nanterre du 7 mai 2021 en sa disposition non définitivement tranchée par laquelle il a rejeté toute demande plus ample au contraire, c'est-à-dire en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION au titre de la formation et de l'exécution du contrat de prêt ;
Et statuant à nouveau :
- DECLARER irrecevable, comme prescrite, la demande indemnitaire formée par la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION sur le fondement de prétendus manquements de DEXIA lors de la formation du contrat de prêt ;
- DEBOUTER la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION de sa demande indemnitaire sur le fondement de prétendus manquements de DEXIA lors de l'exécution du contrat de prêt ;
- DEBOUTER la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la CONGREGATION DES SOEURS DE NOTRE-DAME DE LA COMPASSION à verser à la société DEXIA CREDIT LOCAL la somme de 40.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais de première instance, d'appel devant la Cour d'appel de Versailles et d'appel devant la Cour d'appel de Paris' en exposant :
- que contrairement à ce que soutient la Congrégation - qui par le biais d'une association la Compassion gère de nombreux lieux d'hébergement - elle s'est fait expressément assistée par la société Solidarité Patrimoine gérée par M. [E], et ce, également pour les aspects juridiques et financiers de l'opération comme le montre l'offre de service de cette dernière,
- que le procès verbal de délibération renvoie aux conditions exactes du contrat qui a été librement accepté,
- que le contrat mentionne clairement le cas dans lequel, dans l'hypothèse d'un remboursement anticipé en passage à taux fixe, une indemnité de remboursement anticipé serait due, tributaire du taux d'actualisation annuel proportionnel défini à l'article 5.4 'compensant les conséquences pour Dexia crédit local de ce remboursement anticipé' et en fixant le montant, les conditions étant reprises in extenso à l'article 4.3 relatives aux 'caractéristiques spécifiques des tranches d'amortissement à taux fixe', que les documents préalables s'étendaient évidement sur le taux variable, indiquant seulement sommairement qu'un passage à taux fixe serait prévu 'si ces conditions vous intéressent' mais que le contrat définitif, après le choix initial d'un taux variable par la Congrégation, a bel et bien été signé en toute connaissance de cause,
- que c'est avec mauvaise foi que la Congrégation avance que ce sont des conditions obscures qui ont présidé au passage à taux fixe alors qu'elle a simplement accepté, en deux jours, la proposition qui lui a été faite à cet égard par la banque en réponse à sa propre sollicitation même s'il s'était agi d'un courrier circulaire adressé au maire d'une commune aux lieu et place de la supérieure de la Congrégation, qu'il ressort clairement des échanges en 2009 que cette dernière avait une parfaite conscience d'être redevable d'une indemnité de remboursement anticipé après un passage à taux fixe ainsi qu'expressément stipulé dans le contrat initial, aucun autre prêt n'ayant jamais été souscrit à telle enseigne que lors de l'expression de sa volonté de rembourser par anticipation, elle a commencé par demander le montant de cette indemnité,
- que la cassation intervenue n'a été que partielle, la Cour de cassation ayant rejeté ou n'ayant pas admis les moyens relatifs à la prescription de l'action en nullité du contrat, relatifs au caractère non professionnel du prêt souscrit par la Congrégation, au caractère non averti de la Congrégation, au caractère abusif de la mise en oeuvre de la réalisation de la garantie notamment, de sorte que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles est définitif en ce qu'il a débouté la Congrégation de sa demande de restitution de la somme de 485 611,87 euros et de sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de droit dans la mise en oeuvre de la garantie au motif que le passage à taux fixe aurait résulté d'une initiative de la banque, et qu'il a déjà été jugé que la présentation commerciale sommaire de l'offre n'engageait pas les parties, qu'elles n'ont pas conclu un nouveau contrat en 2009 mais exécuté les modalités de passage à taux fixe du contrat de 2004, que l'article 5.1 du contrat est valide et n'imposait aucun formalisme à ce passage, qu'en conséquence la cour de renvoi n'a à connaître que de l'action en responsabilité intentée contre elle lors de la conclusion et lors de l'exécution du contrat, outre des frais irrépétibles,
- que, s'agissant de la demande fondée sur des manquements lors de la formation du contrat, elle n'a pas violé son obligation de bonne foi puisque le contrat n'est pas contraire aux informations précontractuelles qui réservaient ces conditions d'indemnité de remboursement anticipé en cas de passage à taux fixe au contrat lui-même 'si les conditions vous intéressent' qui envisageaient un scenario différent alors qu'il était initialement aussi proposé un taux fixe initial sans indemnité de remboursement anticipé, qu'en tout état de cause, les conditions ont été dûment acceptées après une parfaite prise de connaissance des clauses concernées,
- que la pratique commerciale trompeuse ne peut être opposée par un professionnel au sens du code de la consommation qu'est la Congrégation, qu'en 2004 n'était visée que la publicité trompeuse, alors qu'il n'y a pas eu d'offre publique, que les informations n'étaient quoiqu'il en soit ni fausses ni trompeuses, que l'absence d'indemnité de remboursement anticipé en cas de passage à taux fixe n'a jamais été une condition déterminante du consentement à la souscription du prêt,
- que, s'agissant de la demande fondée sur des manquements lors de l'exécution du contrat, elle n'a pas plus violé son obligation de bonne foi puisqu'elle n'a fait que répondre, en 2009, à la sollicitation de la Congrégation sur le passage à taux fixe en appliquant les stipulations du contrat de 2004, que le contenu du contrat est explicite et non trompeur, que l'envoi d'une annexe pour la conversion à taux fixe était facultatif sans formalisme obligatoire, qu'elle n'a nullement complexifié le processus,
- qu'elle n'a pas non plus contrevenu à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil lors de souscription du contrat la puisqu'elle n'était pas soumise, en sa qualité de prêteuse de deniers, à l'obligation d'information incombant aux seuls prestataires de services d'investissement alors que l'opération n'était pas complexe, qu'elle a délivré une information claire, précise et complète sur les modalités du contrat de prêt,
- qu'elle n'a pas violé son obligation de mise en garde qui s'impose aux seuls prestataires de services d'investissement qu'elle n'était pas, le contrat de prêt ne présentant aucune caractère spéculatif que ne suffit pas à caractériser sa soumission, un temps, à un taux variable tributaire des marchés, que le prêt n'était pas inadapté aux capacités financières, qu'elle n'était pas non plus tenue à une obligation de conseil, légale ou contractuelle,
- qu'elle n'a pas non plus contrevenu à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil lors de l'exécution du contrat puisqu'elle a parfaitement informé la Congrégation des modalités de passage à taux fixe et n'était pas redevable des autres obligations dont l'inaccomplissement lui est reproché,
- que la demande indemnitaire fondée sur le manquement à ses obligations précontractuelles est prescrite dès lors qu'il s'agit d'une perte de chance qui se manifeste à compter de la conclusion du contrat constituant le point de départ du délai, de même que celui des modalités de passage à taux fixe court à compter de celui-ci soit du 18 septembre 2009.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.
MOTIFS
Aux termes des articles 623 et 624 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.
Les articles 625 alinéa 1er et 638 du code de procédure civile disposent respectivement que 'sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé' et que 'l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation'.
Il en résulte que la cour d'appel statuant sur renvoi n'est plus saisie, outre du sort des dépens et frais irrépétibles, que du litige relatif à l'action indemnitaire de la Congrégation fondée sur la responsabilité de la banque et de la question, préalable, de la prescription de cette action fondée sur des manquements fautifs lors de la formation du contrat de prêt.
La demande de la Congrégation tendant à l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 50 000 euros correspondant à la privation de la disposition du contrat financier donné en gage à la banque qui a exercé cette garantie en exécution du contrat a été jugée par la cour d'appel de Versailles par un chef de dispositif qui n'a pas fait l'objet de la cassation et donc revêtu de l'autorité de la chose jugée, de sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable.
Sur la prescription opposée par la société Dexia à la demande indemnitaire de la Congrégation sur le fondement de ses manquements lors de la formation du contrat
La société Dexia fait valoir que l'action fondée sur ses prétendus manquements à ses obligations précontractuelles d'information, de conseil et de mise en garde sont prescrites par application des articles 2270-1 ancien et 2224 code civil dès lors que le dommage consécutif est constitué d'une perte de chance de ne pas contracter qui s'est manifestée, en l'espèce, dès la souscription du contrat de prêt du 30 décembre 2004.
Toutefois, il est désormais jugé avec constance - pour l'application de la prescription prévue par ces dispositions ainsi qu'à l'article L 110-4 du code de commerce en vertu desquels le point de départ du délai désormais quinquennal est la date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action - que cette date est celle à laquelle il a eu une connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles de tels manquements, comme cela résulte, au demeurant, de l'arrêt de cassation dans le présent litige. (outre 1ère Civ., 5 janvier 2022 n°20-18.893 ; Com., 6 janvier 2021 n° 18-24.954 ; 1ère Civ., 28 juin 2023 n°22-13.969).
Or, dès lors que la Congrégation se plaint d'un défaut de loyauté, d'un manquement à une obligation d'information, de conseil, de mise en garde ainsi que d'avoir été trompée sur la nécessité de s'acquitter d'une indemnité en cas de demande de remboursement anticipé après le passage du prêt à taux fixe, le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé en l'espèce aux 5 septembre et 3 novembre 2014, dates des courriers adressés par la société Dexia en réponse à la demande de remboursement anticipé de la Congrégation, comme cela résulte avec constance des écritures, qui informent cette dernière de ce qu'une indemnité de remboursement anticipé est due dans cette hypothèse ainsi que de son montant.
En conséquence, les demandes indemnitaires de la Congrégation, formées par l'assignation du 27 décembre 2016, ne sont pas prescrites et la fin de non recevoir doit être rejetée.
Sur les manquements reprochés à la société Dexia
Il ressort notamment de la lecture du contrat de prêt souscrit le 30 décembre 2004 après une offre émise le 15 décembre précédent :
- qu'il est consenti à taux variable indexé d'abord sur l'Eonia pendant la phase dite de mobilisation correspondant au déblocage des sommes pour les travaux devant s'achever le 1er janvier 2007 puis sur l'Euribor 12 mois pendant la phase dite de consolidation, et qu'est prévue une option de passage à taux fixe sans que ne soient stipulés de frais afférents à l'exercice de cette option,
- à sa clause 4, que pour les tranches d'amortissement indexées sur l'Euribor, une faculté pour l'emprunteur de rembourser par anticipation est prévue sans que ne soit stipulée une indemnité de remboursement anticipé,
- qu'en revanche, pour les tranches d'amortissement à taux fixe, une indemnité de remboursement anticipé est stipulée à l'article 4.3.2 si le taux est inférieur ou égal au taux d'actualisation annuel proportionnel défini à l'article 4.3.3, qui l'énonce tributaire du taux de rendement sur le marché obligataire secondaire de l'obligation à taux fixe à remboursement in fine émis par l'Etat français,
- qu'au sein de la clause 5, relative à l'option de passage à taux fixe, les clauses 5.3 et 5.4 répètent les mêmes dispositions sur l'indemnité en cas de remboursement anticipé après l'exercice de cette option.
En vertu des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, applicables aux relations contractuelles compte tenu de la date de souscription du contrat, la société Dexia en sa qualité d'établissement de crédit accordant un prêt, est tenue d'une obligation d'information de l'emprunteur sur les caractéristiques du crédit et ses modalités d'exécution mais aussi d'une obligation de négociation de bonne foi selon la jurisprudence désormais codifiée aux articles 1104 et 1112 du code civil sur les obligations précontractuelles.
La banque est tenue à cette obligation peu important que l'emprunteur soit considéré comme averti ou non étant observé que la Congrégation, en l'espèce, en souscrivant le prêt aux fins de restructurer un bien pour le faire exploiter en maison de retraite, a agi dans le cadre d'une activité professionnelle comme cela résulte de l'arrêt de la Cour de cassation sur renvoi duquel il est statué.
C'est, en revanche, à juste titre que la société Dexia fait valoir qu'elle ne serait tenue à une obligation de mise en garde qu'à la condition que l'octroi du crédit ait fait naître à la charge de la Congrégation des obligations qui excèdent ses capacités financières appréciées à la date de sa souscription et que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'au contraire les faits montrent que la Congrégation a été en mesure de faire face à ses obligations de remboursement, le risque issu du prétendu défaut de mise en garde ne s'étant, en tout état de cause, pas réalisé.
Etant rappelé que le crédit octroyé n'est pas un titre ou un instrument financier, il doit être précisé que la simple indexation du taux d'intérêts, initialement variable, sur des indices connus et publiés, même successivement distincts selon les phases de remboursement (Eonia et Euribor 12 mois) ne lui confère pas un caractère spéculatif ou même risqué, de sorte que la société Dexia n'est pas débitrice des obligations incombant aux seuls prestataires de services d'investissement, pourtant invoquées par la Congrégation par application des articles L533-12 et suivants du code monétaire et financier.
L'établissement de crédit prêteur de derniers n'est pas, en principe et sauf convention spécifique ou dispense spontanée dont il devrait alors répondre, débiteur d'une obligation de conseil au sens de l'orientation d'un choix de l'emprunteur en fonction de sa situation.
Or, la mention en toute fin de la présentation de la proposition commerciale préalable de prêt datée du 1er décembre 2004 faite par la société Dexia des 'avantages Dexia', comportant l'expression 'conseil et expérience sur une gamme de produits sécurisés' ne vaut pas engagement conventionnel à satisfaire à une obligation de conseil.
C'est enfin à juste titre que la société Dexia expose que la Congrégation était assistée par des professionnels lors de la souscription du prêt en vertu d'un contrat la liant à la société Solidarité Patrimoine, édité au mois d'avril 2003, dès lors que l'article 2 de cette convention, relatif au 'contenu de la mission d'assistance à maîtrise d'oeuvre' énonce que l'assistant se voit confier la 'définition des conditions administratives, techniques et financières selon lesquelles l'opération sera étudiée et réalisée' et l'attribution d' 'assistance au montage financier et à la gestion du plan de financement'.
En effet, la circonstance que l'article 10 de cette convention relatif au mode de financement stipule que 'la mise en place du financement nécessaire à la réalisation de l'opération est de la responsabilité exclusive du Maître D'ouvrage' n'a pas pour objet de revenir sur le contenu de la mission qui comporte expressément une assistance au montage financier mais exprime que l'assistant n'est pas pour autant tenu aux obligations financières du maître d'ouvrage.
Au demeurant, lors de la phase précontractuelle - à l'exception notable de l'offre de prêt elle-même du 15 décembre 2004 -, les courriers de la banque ont bien été adressés par elle à l'assistant, M. [E], les 28 octobre et 1er décembre précédent, lequel est qualifié de 'conseiller' par la Congrégation dans une réponse par lettre datée du 10 décembre 2004/.
Etant préalablement observé que le caractère trompeur des documents émis par la société Dexia est examiné ci-après, il résulte de ce qui précède que la responsabilité de cette dernière doit être appréciée au regard de son obligation de contracter de bonne foi et d'information loyale et complète.
S'agissant de la phase de souscription du contrat de prêt, c'est exactement que la Congrégation fait valoir que la proposition commerciale du 28 octobre 2004 qui énonce les caractéristiques essentielles du contrat - tenant aux montants, phases d'amortissement, indexation, commission et garantie - mentionne également 'autres avantages de Périolys : possibilité de remboursement partiel ou total sans indemnité, possibilité de passage au taux fixe à tout moment (si les conditions vous intéressent) sans frais' et que la nouvelle proposition affinée du 1er décembre 2004 répète ces avantages en y ajoutant, in fine 'les avantages Dexia : remboursement anticipé partiel ou total gratuit, passage en taux fixe possible à tout moment et gratuit'.
L'autorisation de signature du prêt, consentie à la supérieure générale par l'organe délibérant, dont il n'est pas contesté qu'elle a été prérédigée par la société Dexia mentionne quant à elle 'l'emprunteur peut demander, aux conditions prévues au contrat, le passage définitif en taux fixe pour le montant du capital restant dû en substitution du taux indexé initialement prévu. L'exercice de cette option s'effectue sans frais'.
Or si ces informations ne sont pas fausses en ce sens que le contrat souscrit ne stipule aucune indemnité en cas de remboursement anticipé du prêt amorti à taux variable et que le passage du taux variable à taux fixe est exempt de frais, il est exact qu'elles ne sont en revanche pas complètes au sens où il n'est pas énoncé que, dans l'hypothèse où le prêt serait converti à taux fixe, alors la Congrégation sera tenue à une indemnité si elle sollicite le remboursement anticipé.
Toutefois, cette lacune ne figure que dans les documents n'ayant pas valeur contractuelle et c'est à bon droit que la société Dexia expose que l'offre de prêt émise le 15 décembre 2004 et qui n'a été acceptée que le 30 décembre suivant, d'où se déduit un temps d'analyse et de réflexion suffisant, énonce quant à elle de manière claire, répétée et intelligible, qu'une indemnité serait due - et dont les modalités de calculs sont données - dans l'hypothèse d'un remboursement anticipé d'une tranche de prêt qui aurait été convertie en prêt à taux fixe.
Il en résulte que la Congrégation ne peut se plaindre utilement, au stade de la souscription du contrat, du défaut d'information qu'elle a pourtant reçue avant de le souscrire et que les documents précontactuels ne peuvent être qualifiés de publicité trompeuse au sens de l'article L121-1 du code de la consommation dans sa version applicable - l'incrimination des autres pratiques trompeuses n'étant pas encore en vigueur - dès lors que les informations délivrées ne sont pas fausses, que l'omission déplorée a été rectifiée avant la souscription du contrat et que, dès lors, il n'est pas établi que le comportement du client en a été altéré de manière substantielle.
S'agissant de la phase d'exécution du contrat lors de sa conversion en un prêt amortissable à taux fixe, il résulte des pièces produites :
- que le 14 septembre 2009, la société Dexia a adressé à la Congrégation (En 'réponse' à cette dernière selon ses termes lors de sa réplique du 18 septembre 2009 -'je vous remercie de votre réponse fournie par fax...' - mais sans que la banque ne produise le courrier initial alors qu'elle en a été nécessairement destinataire) une lettre qui doit être reproduite :
'objet : proposition de refinancement de prêts
« Votre commune a souscrit un (ou plusieurs) contrat(s) de prêt auprès de Dexia Crédit Local à taux révisable ou variable. Vous avez ainsi pleinement bénéficié de la forte baisse des taux à court terme intervenue ces deniers temps.
Toutefois, comme vous le savez, les taux fixes ont eux-mêmes baissé pour atteindre des niveaux historiquement bas.
Dexia ... vous propose de saisir cette opportunité pour transformer en taux fixe cet encours à taux révisable ou variable. Ainsi, vous sécuriserez à un niveau de taux très attractif une partie de votre encours.
Vous trouverez en annexe les conditions indicatives dans lesquelles cette opération pourrait se réaliser.
Si cette proposition vous intéresse, nous vous remercions de bien vouloir nous retourner le coupon réponse ci-joint en annexe. Nous vous ferons alors parvenir une offre ferme.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Maire, l'expression de notre considération distinguée'.
En annexe se trouve, outre un tableau d'amortissement, 'à titre indicatif, les conditions de réaménagement des prêts' qui 'seraient les suivantes' :
- avec mention du capital restant à rembourser de 1 728 422,93 euros, par échéances trimestrielles,
- au dessous d'une rubrique figurant sur la gauche de la page intitulée :
- 'conditions indicatives du remboursement anticipé (*)' :
- capital remboursé : 1 728 422,93,
- intérêts courus non échus : 0,00
- indemnité de remboursement anticipé : 0,00
(dont commission de rompu )"
- au dessous d'une rubrique, en regard sur la partie droite de la page intitulée 'caractéristiques indicatives de refinancement' :
- 'type de refinancement : taux fixe euro,
- durée 25,27 ans,
- type d'amortissement : échéances constantes,
- périodicité : trimestrielle,
- première échéance : 01/10/2010,
- commission d'engagement : 0,00,
- taux du nouveau prêt : 4,47 %',
- avec, enfin, une mention finale en italique à laquelle renvoie l'astérisque, selon laquelle 'le remboursement anticipé doit se réaliser contractuellement à échéance mais peut toutefois être autorisé hors échéance par le prêteur et à des conditions à déterminer d'un commun accord'.
La Congrégation a retourné le coupon réponse d'acceptation et, dans l'annexe dont le contenu est rapporté ci-dessus, a rayé les termes 'à titre indicatif' et substitué celui de 'sont' à 'seraient' dans un fax en réponse du 18 septembre 2009 confirmé par une lettre recommandée, et par la suite, sans que l'offre ferme annoncée par la banque ne soit effectivement adressée, cette dernière a confirmé l'exercice de l'option pour un amortissement du prêt à taux ferme par lettre en date du 1er octobre 2009 avec un tableau d'amortissement indicatif à compter du 1er janvier 2010.
C'est ainsi à juste titre que la Congrégation fait valoir les conditions de confusion dans lesquelles l'exercice d'une option à taux fixe a été réalisé compte tenu du caractère impropre de l'adresse à un maire du courrier, du vocabulaire imprécis employé par la banque, puis du défaut de l'envoi - pourtant annoncé - d'une offre effective plus détaillée sur l'exercice de cette option, et ce, au point que le tribunal de grande instance de Nanterre a considéré qu'il ne s'agissait pas de l'exercice de l'option de conversion prévue dans le prêt initial mais de la souscription d'une nouvelle convention de 'refinancement' même si cette interprétation n'a pas été consacrée puisqu'elle a été infirmée par la cour d'appel de Versailles sans ensuite être censurée par la Cour de cassation.
Il résulte de ces éléments qu'alors même que la société Dexia n'évoquait dans sa lettre que l'hypothèse d'une conversion en amortissement à taux fixe - voire incitait fortement la Congrégation à y procéder en insistant sur les avantages qui en seraient tirés - et non d'un remboursement anticipé à ce moment là, c'est en portant la Congrégation à la plus grande confusion qu'elle répète pourtant dans sa proposition qu'à un remboursement anticipé correspondrait une indemnité égale à zéro.
En outre, c'est de manière lacunaire qu'elle informe la Congrégation des conditions d'exercice de l'option vers un taux fixe puisqu'alors même que cela constitue, aux termes du contrat de prêt du 30 décembre 2004, le fait générateur éventuel d'une indemnité de remboursement dans le cas d'un remboursement anticipé postérieur, non seulement cet engagement n'est pas rappelé mais que l'équivoque est entretenue par la mention décrite ci-dessus, non pertinente comme expressément rattachée à aucune hypothèse alors envisagée par les parties, selon laquelle aucune indemnité de remboursement anticipé ne serait due.
Il résulte également de ce qui précède qu'à l'inverse de ce qui s'est déroulé lors de la souscription du contrat, aucun autre document n'est venu ensuite informer la Congrégation des conditions exactes de réalisation de l'option vers un prêt amortissable à taux fixe avant qu'elle ne l'exerce puisque celle-ci est ressortie des seuls échanges rapportés ci-dessus, qui plus est sans qu'il ne soit objectivé que la Congrégation était encore assistée.
En conséquence, il est démontré que la société Dexia a manqué à son obligation d'information loyale et de bonne foi de la Congrégation lors du passage de l'amortissement du prêt à taux fixe, aux mois de septembre et d'octobre 2009, duquel résultait la nécessité pour cette dernière, dans l'hypothèse ultérieure où elle souhaitait rembourser par anticipation, de payer l'indemnité prévue au contrat.
Or, cet événement est survenu et, à la suite de sa décision de rembourser le prêt par anticipation la Congrégation a vu réaliser le nantissement par la banque qui en a obtenu la somme de 485 611,87 euros actualisée au 22 avril 2016.
Le manquement ci-dessus caractérisé de la société Dexia à son obligation d'information loyale et complète a privé la Congrégation d'une chance de ne pas s'exposer à devoir payer une indemnité de remboursement anticipé en n'exerçant pas l'option, fortement proposé par la banque, de conversion pour un amortissement à taux fixe puisque la conservation d'un taux variable lui aurait permis, par la suite, le remboursement anticipé sans en être redevable.
Cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, de sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande de dommages-intérêts à hauteur de l'indemnité finalement payée de 485 611,87 euros.
Compte tenu toutefois de l'évolution de l'indice Euribor 12 mois + 0,34 % sur lequel était indexé le prêt, du taux fixe de 4,47 % demandé par la banque lors de la conversion mais aussi du délai de cinq années entre la conversion et le remboursement anticipé, la perte de chance est importante et évaluée par la cour à 70 % du coût de l'indemnité, de sorte que la société Dexia doit être condamnée à payer à la Congrégation la somme de 339 928,31 euros de dommages-intérêts.
En conséquence de ce qui précède, il y a lieu, statuant dans les limites de la saisine après la cassation partielle intervenue, d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 7 mai 2021 sauf du chef des dépens et frais irrépétibles, de condamner la société Dexia aux entiers dépens ainsi qu'à payer à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf des chefs des dépens et frais irrépétibles, qui sont confirmés ;
Statuant à nouveau dans les limites de la saisine de la cour d'appel de renvoi,
REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action indemnitaire de l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] par la société Dexia ;
DÉCLARE irrecevable la demande de condamnation à la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts de l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] fondée sur le caractère abusif de la mise en oeuvre de la garantie par la société Dexia ;
JUGE que la société Dexia a manqué à son obligation d'information complète et loyale de l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] lors de la conversion de l'amortissement du prêt à taux fixe aux mois de septembre et octobre 2009 ;
CONDAMNE, en réparation de la perte de chance consécutive, la société Dexia à payer à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] la somme de 339 928,31 euros de dommages-intérêts ;
DÉBOUTE l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] du surplus de ses demandes ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Dexia à payer à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de [Localité 3] la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Dexia aux dépens de la présente instance ainsi que ceux issus de l'arrêt cassé qui seront recouvrés par la Selas Cloix & Mendes-Gil, comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.