CA Versailles, ch. civ. 1-2, 13 mai 2025, n° 24/04894
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
U
Défendeur :
Autos Ventes 78 (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
Mme Thivellier, Mme de Larminat
Avocat :
Me Flaceliere
Rappel des faits constants
M. [H] [K] [U] a acquis le 17 novembre 2022, auprès de la société Autos Ventes 78 un véhicule d'occasion de marque Hyundai pour un prix de 3 800 euros.
M. [U] indique avoir constaté des dysfonctionnements trois mois après la vente et avoir de ce fait confié le véhicule à deux reprises au garage Hyundai de [Localité 6] puis l'avoir fait expertiser à l'amiable.
Sollicitant la résolution de la vente, M. [U] a fait assigner la société Autos Ventes 78 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy par acte de commissaire de justice délivré le 3 août 2023.
La décision contestée
Devant le juge des contentieux de la protection, M. [U] a présenté, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, les demandes suivantes :
- la résolution de la vente du véhicule,
- sa condamnation à lui payer les sommes de :
. 3 800 euros à titre de restitution du prix,
. 221,76 euros au titre des frais d'immatriculation du véhicule,
. 888,91 euros au titre des frais de réparation,
. 174 euros au titre des frais de remorquage,
. 2 119,86 euros au titre des frais d'assurance depuis l'acquisition du véhicule,
. 2 348,01 euros au titre des frais de transport engendrés par l'immobilisation du véhicule,
- sa condamnation à la somme de 699 euros en remboursement des frais d'expertise ainsi qu'aux aux entiers dépens et à lui payer 99 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Auto Ventes 78 n'a pas comparu et n'était pas représentée à l'audience qui s'est tenue le 5 février 2024.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 1er juillet 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy a :
- débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné M. [U] aux dépens.
Pour débouter l'acheteur de l'ensemble de ses demandes, le premier juge a retenu que, compte tenu de l'ancienneté du véhicule (16 ans) et de son kilométrage (250 000 km), l'acheteur avait accepté en connaissance de cause d'acquérir un véhicule avec des pièces usées et que les désordres invoqués par M. [U] ne sont pas avec le temps considérés comme un vice particulièrement grave, sauf à établir que le véhicule a été rendu inutilisable en raison de sa dangerosité, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
La procédure d'appel
M. [U] a relevé appel du jugement par déclaration du 25 juillet 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/04894.
Par ordonnance rendue le 6 février 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 mars 2025, dans le cadre d'une audience devant le conseiller rapporteur.
Le conseil de M. [U] a procédé au dépôt de son dossier de plaidoiries sans se présenter à l'audience.
Prétentions de M. [U], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 30 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] demande à la cour d'appel de :
- déclarer recevable et fondé l'appel qu'il a interjeté,
- infirmer la décision entreprise,
statuant à nouveau,
vu les dispositions des article 1641 et suivants du code civil et des articles L. 211-1 et L. 217-3 du code de la consommation,
- prononcer la résolution de la vente automobile du véhicule Hyundai Tucson Confort 2.O CRDI immatriculé [Immatriculation 5] conclue le 17 novembre 2022 pour défaut de conformité du véhicule et vices cachés au regard de son kilométrage et des désordres constatés par expertise,
- condamner la société Autos Vente 78 à lui payer :
. 3 800 euros TTC en remboursement intégral du prix de vente,
. 221,76 euros au titre des frais d'immatriculation,
. 888,91 euros au titre des frais de réparation,
. 174 euros au titre des frais de remorquage,
. 2 119,86 euros au titre des frais d'assurance depuis l'acquisition du véhicule,
. 2 348,01 euros au titre des frais d'immobilisation du véhicule,
. 699 euros en remboursement des frais d'expertise automobile,
. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Me Marc Flacelière, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prétentions de la société Auto Ventes 78, intimée
La société Autos Ventes 78 n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par acte de commissaire de justice délivré le 10 septembre 2024 à personne morale.
L'arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, il est rappelé qu'en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Par ailleurs, en application de l'article 472 du code de procédure civile, le juge d'appel ne fait droit à l'appel que si celui-ci lui paraît fondé dans ses critiques de la décision rendue par les premiers juges.
Sur la résolution de la vente
M. [H] [K] [U] expose avoir acquis le 17 novembre 2022, auprès de la société Autos Ventes 78 un véhicule d'occasion de marque Hyundai pour un prix de 3 800 euros.
Il produit le bon de commande et de livraison du 19 novembre 2022, le procès-verbal de contrôle technique Securitest du 12 novembre 2022, le certificat de cession du véhicule du 17 novembre 2022, le certificat d'immatriculation du véhicule et les justificatifs des frais afférents (ses pièces 1 à 5).
Fin mars 2023, il s'est adressé au vendeur pour l'informer avoir été contraint de changer les plaquettes arrière et les disques arrière, avoir fait resserrer le frein à main et avoir constaté un problème de pression d'huile l'obligeant à immobiliser le véhicule par précaution (pièce 7 de l'acheteur).
Devant la cour, M. [U] allègue que la recherche d'historique du véhicule a permis de démontrer l'existence d'une incohérence sur le kilométrage du véhicule, qu'il est avéré que le kilométrage du véhicule a été diminué de 228 341 km au 18 septembre 2015 à 145 947 km au 30 août 2017, que le véhicule aurait donc au minimum 82 394 km de plus sur le kilométrage inscrit au compteur, que cette différence importante de kilométrage modifie de manière substantielle la valeur du véhicule de sorte que le bien n'était pas conforme.
M. [U] se prévaut également d'un rapport d'expertise établi le 13 juin 2023 qui démontre, selon lui, l'existence d'une « non-conformité du véhicule au regard de son historique de kilométrage avec des vices rédhibitoires qui préexistaient à la vente », ceci engageant la responsabilité du vendeur, nonobstant son éventuelle bonne foi et méconnaissance de ce vice.
M. [U] fonde sa demande tendant à la résolution de la vente du véhicule, à la fois sur la garantie des vices cachés et sur le défaut de conformité.
S'agissant de la garantie des vices cachés
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1641 du code civil, « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
M. [U] ne présente pas une argumentation claire, faute d'exposer explicitement ses moyens de fait. L'article 954 du code de procédure civile énonce pourtant que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, la cour n'examinant les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
L'étude des conclusions de M. [U] conduit à retenir qu'au soutien de ce premier moyen de droit, M. [U] invoque un kilométrage au compteur, inférieur au kilométrage réel, en s'appuyant sur une recherche d'historique du véhicule.
Il résulte de l'historique du kilométrage du véhicule qu'en effet, le véhicule, après avoir présenté un kilométrage de 228 341 km au 18 septembre 2015, ne présentait plus qu'un kilométrage de 145 947 km au 30 août 2017 pour augmenter régulièrement ensuite (pièces 15 et 16 de l'acheteur).
Pour autant, il résulte du bon de commande valant bon de livraison du 12 novembre 2022 que le véhicule a été acheté avec un kilométrage de 250 000 euros (pièce 1 de l'acheteur), de sorte que M. [U] ne peut prétendre à l'existence d'un vice caché, puisqu'il ne démontre pas qu'il a contracté en considération d'un kilométrage inférieur au kilométrage réel, que le seul fait que le kilométrage affiché au compteur soit inférieur au kilométrage réel du véhicule ne constitue pas un vice caché.
Par ailleurs, si le rajeunissement du compteur constitue une fraude courante pour augmenter artificiellement la valeur du véhicule, une telle intention ne peut être prêtée en l'espèce au vendeur, lequel a mentionné un kilométrage de 250 000 km sur le contrat et non le kilométrage inférieur figurant sur le compteur.
Ce moyen sera écarté.
S'agissant de la non-conformité
Il est rappelé qu'en application de l'article L. 217-3 du code de la consommation, le vendeur délivre un bien conforme au contrat ainsi qu'aux critères énoncés à l'article L. 217-5, à savoir, en plus des critères de conformité au contrat, le bien est conforme s'il répond aux critères suivants :
1° Il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien de même type, compte tenu, s'il y a lieu, de toute disposition du droit de l'Union européenne et du droit national ainsi que de toutes les normes techniques ou, en l'absence de telles normes techniques, des codes de conduite spécifiques applicables au secteur concerné ;
2° Le cas échéant, il possède les qualités que le vendeur a présentées au consommateur sous forme d'échantillon ou de modèle, avant la conclusion du contrat ;
3° Le cas échéant, les éléments numériques qu'il comporte sont fournis selon la version la plus récente qui est disponible au moment de la conclusion du contrat, sauf si les parties en conviennent autrement ;
4° Le cas échéant, il est délivré avec tous les accessoires, y compris l'emballage, et les instructions d'installation que le consommateur peut légitimement attendre ;
5° Le cas échéant, il est fourni avec les mises à jour que le consommateur peut légitimement attendre, conformément aux dispositions de l'article L. 217-19 ;
6° Il correspond à la quantité, à la qualité et aux autres caractéristiques, y compris en termes de durabilité, de fonctionnalité, de compatibilité et de sécurité, que le consommateur peut légitimement attendre pour des biens de même type, eu égard à la nature du bien ainsi qu'aux déclarations publiques faites par le vendeur, par toute personne en amont dans la chaîne de transactions, ou par une personne agissant pour leur compte, y compris dans la publicité ou sur l'étiquetage.
A ce titre également, M. [U] invoque un kilométrage au compteur, inférieur au kilométrage réel.
Ce faisant, M. [U], sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas que le vendeur ne lui a pas délivré un bien conforme au contrat, c'est-à-dire avec un kilométrage qui n'était pas de 250 000 km.
Pour le surplus, M. [U] fait état du rapport d'expertise établi le 13 juin 2023 qui démontre, selon lui, l'existence de vices rédhibitoires qui préexistaient à la vente.
Il se limite à se référer aux conclusions de l'expert amiable, sans citer et discuter les vices qu'il entend invoquer.
Le rapport d'expertise amiable fait état des constatations suivantes :
- fuite de carburant au niveau des injecteurs moteur, cylindres 3 et 4, présence résiduelle de carburant dans les aspérités de la culasse,
- les disques et plaquettes de freins AR ont été remplacés urgemment par Hyundai [Localité 6] et non portés sur le procès-verbal de contrôle technique,
(pièce 14 de l'acheteur).
- bruit en roulant et en braquant aux dires du client, à déterminer, fuite de liquide au niveau de la crémaillère de direction,
- procéder à un contrôle technique volontaire et à une recherche d'antériorité du kilométrage.
La société Auto Ventes 78 n'était ni présente, ni représentée. Le rapport n'est donc pas contradictoire.
Les conclusions sont sans rapport avec les allégations de M. [U], puisque celui-ci n'y fait état ni d'une fuite de carburant au niveau des injecteurs moteur, ni du nécessaire remplacement des disques et plaquettes de freins AR. Par ailleurs, le bruit en roulant et en braquant ne résulte que des dires du client et l'existence d'une fuite de liquide au niveau de la crémaillère de direction reste à déterminer.
Pour ces raisons, le rapport produit n'a aucune valeur probante et doit de ce fait être écarté.
En tout état de cause, il est constant que, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire des parties, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties (Ch. mixte, 28 septembre 2012, n° 12-22.710).
En outre, contrairement à ce qu'indique l'expert, le procès-verbal de contrôle technique établi le 12 novembre 2022 et remis à l'acheteur au moment de la vente mentionne expressément :
« Défaillances mineures :
. Tambours de freins, disques de freins : disque ou tambour légèrement usé AVG, AVD,
. Opacité : le relevé du système OBD indique une anomalie du dispositif antipollution, sans dysfonctionnement important »
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. [U] ne démontre pas que le vendeur ne lui a pas délivré un bien conforme au contrat, lequel fait état d'un véhicule d'occasion mis en circulation pour la première fois le 17 mai 2006 avec un important kilométrage de 250 000 km.
M. [U] sera en conséquence débouté de sa demande tendant à la résolution de la vente.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] aux dépens de première instance.
M. [U], qui succombe en son recours, supportera en outre les dépens d'appel et sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions dévolues à la cour le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy le 1er juillet 2024,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [H] [K] [U] au paiement des dépens d'appel,
DÉBOUTE M. [H] [K] [U] de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame NISI, Greffière en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.