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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 14 mai 2025, n° 24/00398

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CMPH - Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (SARL)

Défendeur :

MMA IARD (SA), MMA IARD Assurances Mutuelles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Robert, Mme Leclercq

Avocats :

Me Zanier, Me Boyer-Fortanier, Me Monferran, Me Chevrel-Barbier

TJ Toulouse, juge de la mise en état, du…

14 décembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] [H] était propriétaire d'une maison à usage d'habitation construite courant 1990/1991, sise [Adresse 1] à [Adresse 9] (31). Courant 2010, Il a fait réaliser des travaux d'isolation des combles de la maison par la société à responsabilité limitée (Sarl) Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH).

Suivant acte authentique du 14 janvier 2019, M. [C] [G] et Mme [P] [F] ont acquis la maison auprès de M. [H]. Au cours de la réalisation de travaux de réfection, ces derniers auraient constaté des désordres affectant la charpente.

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Par acte du 6 avril, 09 et 11 mai 2022, M. [C] [G] et Mme [P] [F] ont fait assigner M. [V] [H], la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat (CMPH) et l'assureur de cette dernière, la Sa Mma Iard, devant le Tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices matériels et immatériels, sur le fondement de la garantie des vices cachés ou du défaut de conformité à l'égard du vendeur et sur celui de la responsabilité contractuelle résultant d'un manquement à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde concernant la Sarl CMPH.

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Par ordonnance du 14 décembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal de judiciaire de Toulouse, a :

- pris acte de l'intervention volontaire de la Compagnie Mma iard Assurances Mutuelles aux cotés de la Sa Mma iard, en qualité de co-assureur de la société CMPH Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles contre les demandes de M. [C] [G] et Mme [P] [F],

- déclaré recevable l'action engagée par M. [C] [G] et Mme [P] [F] contre la Sarl CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande formée par la Sarl CMPH tendant à une déclaration d'irrecevabilité de toute demande que M. [H] dirigerait au fond à son encontre,

- rejeté la demande formée par la Sa Mma Iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles à l'encontre de la Sarl CMPH aux fins de production d'une attestation d'assurance sous astreinte,

- condamné la Sarl CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles in solidum aux dépens de l'incident,

- rejeté toutes les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les demandes et le surplus des dépens,

- ordonné le renvoi du dossier à l'audience de mise en état électronique du mardi 6 février, pour laquelle la Sarl CMPH devra adresser ses conclusions au fond.

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Par acte du 2 février 2024, la Sarl CMPH a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 mars 2024, la Sarl C.M.P.H. Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1792-4-3 du code civil, de :

- rejeter toutes conclusions contraires,

- infirmer l'ordonnance de mise en état rendue le 14 décembre 2023 en ce qu'elle a :

' rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl Centre Midi-pyrénees de L'habitat - CMPH, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles contre les demandes de M. [C] [G] et Mme [P] [F],

' déclaré recevable l'action engagée par M. [C] [G] et Mme [P] [F] contre la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat - CMPH, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles,

' dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande formée par la Sarl CMPH tendant à une déclaration d'irrecevabilité de toute demande que M. [H] dirigerait au fond à son encontre,

' condamné la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat - CMPH, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles in solidum aux dépens de l'incident,

rejeté toutes les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' réservé les demandes et le surplus des dépens,

' ordonné le renvoi du dossier à l'audience de mise en état électronique du 6 février, pour laquelle la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat - CMPH devait adresser ses conclusions au fond,

Et statuant à nouveau :

- déclarer irrecevables les demandes de M. [C] [G] et Mme [P] [F] dirigées contre la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat - CMPH en ce qu'elles se heurtent à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion, à tout le moins de la prescription, de l'article 1792-4-3 du code civil, et les rejeter,

- déclarer irrecevable toute demande que M. [H] dirigerait au fond contre la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat - CMPH en ce qu'elle se heurterait à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion, à tout le moins de la prescription, de l'article 1792-4-3 du code civil, et la rejeter,

- condamner in solidum Mme [P] [F], M. [C] [G] et M. [V] [H] à payer à la Sarl Centre Midi-Pyrénées de l'Habitat - CMPH :

' la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles devant le juge de la mise en état,

' la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

les dépens de première instance comme ceux d'appel.

Au soutien de ses prétentions elle fait valoir qu'en qualité de constructeur, les actions en responsabilité autre que celles fondées sur la garantie de l'article 1792 du code civil sont prescrites dix ans après réception, ce qui fait obstacle à la recevabilité de l'action des intimés.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2024, Mme [P] [F] et M. [C] [G], intimés, demandent à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 14 décembre 2023,

'Ce faisant',

- débouter la société CMPH, la société Mma iard et la société Mma iard Assurances Mutuelles de leur fin de non-recevoir tirée de la forclusion ou la prescription de l'action engagée à leur encontre par Mme [P] [F] et M. [C] [G],

- déclarer recevables les demandes de Mme [P] [F] et M. [C] [G] dirigées à l'encontre de la société CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles,

- condamner toutes parties succombantes à payer à Mme [P] [F] et M. [C] [G] une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens de l'incident.

Les consorts [F]-[G] font valoir que le délai applicable en l'espèce est le délai de droit commun quinquennal dès lors que la responsabilité de la Sarl Cmph est recherchée aux fins de réparer un ouvrage dont elle n'est pas constructeur.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 avril 2024, M. [V] [H], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de :

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en ce qu'elle a :

' rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles contre les demandes de M. [C] [G] et Mme [P] [F],

' déclaré recevable l'action engagée par M. [C] [G] et Mme [P] [F] contre la Sarl CMPH, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles,

' dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande formée par la Sarl CMPH tendant à une déclaration d'irrecevabilité de toute demande que M. [H] dirigerait au fond à son encontre,

' rejeté la demande formée par la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles à l'encontre de la Sarl CMPH aux fins de production d'une attestation d'assurance sous astreinte,

condamné la Sarl CMPH, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles in solidum aux dépens de l'incident,

' rejeté toutes les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la société CMPH au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [V] [H] soutient que si les délais de prescription et de forclusion en matière décennale sont de dix ans à compter de la réception des travaux, la responsabilité contractuelle court à compter du jour où le cocontractant a pu prendre connaissance de l'existence d'un préjudice.

Dans leurs dernières conclusions portant transmises par voie électronique le 15 avril 2024, la Mma iard et la Mma iard Assurances Mutuelles, intimées, demandent à la cour, au visa de l'article 1792-4-3 du code civil, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- infirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état en ce qu'elle a :

' rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl CMPH, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles contre les demandes de M. [C] [G] et Mme [P] [F],

' déclaré recevable l'action engagée par M. [C] [G] et Mme [P] [F] contre la Sarl CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles,

et :

- déclarer irrecevables les demandes formées à l'encontre des compagnies Mma iard et Mma iard Assurances Mutuelles,

- les mettre hors de cause,

- condamner M. [C] [G] et Mme [P] [F] à régler aux Mma iard et Mma iard Assurances Mutuelles la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les sociétés Mma iard et la Mma iard Assurances Mutuelles soutiennent que l'action en responsabilité d'un constructeur est soumise à un délai décennal même dans le cas d'un manquement à ses obligations de conseil.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 janvier 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 11 février 2025 à 14h.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Sur la fin de non-recevoir opposée aux demandes des consorts [G]-[F], le premier juge a estimé que la Sarl CMPH n'ayant pas concouru à l'édification de l'ouvrage que constitue la maison d'habitation des consorts [G]-[F] mais ayant seulement réalisé des travaux d'isolation intérieure, ces travaux ne peuvent recevoir la qualification d'ouvrage de construction. Il relève que la faute pour laquelle la responsabilité de l'appelante est recherchée est détachable des travaux qu'elle a réalisés de sorte que le délai de prescription de l'action en responsabilité ne court pas à compter de la réception tel que le prévoit l'article 1792-4-3 du code civil mais à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer conformément aux dispositions de l'article 2224 du même code.

2. Au titre de l'article 1792-4-3 du code civil, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Est ainsi réputé constructeur tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. Un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'est pas nécessairement un bâtiment mais doit impliquer un travail de construction, caractérisé notamment par l'apport de matière à l'existant. Aussi, ne sont réputées constructeurs que les entreprises étant intervenus sur l'ouvrage pour lequel leur responsabilité est recherchée.

3. Il ressort du devis établi le 15 septembre 2010 et de la facture du 28 septembre 2010 que la Sarl Cmph est intervenue sur l'ouvrage litigieux aux fins de travaux d'isolation intérieure. Les travaux comprenaient l'adjonction d'une ouate cellulose de 20 cm d'épaisseur et un croutage sur deux pans de la toiture. Ces travaux, qui impliquent l'incorporation d'une importante quantité de matière sur une partie du gros 'uvre et dont la défectuosité est par ailleurs susceptible de rendre l'ouvrage impropre à sa destination en raison d'un défaut d'isolation, doivent recevoir la qualification d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code de procédure civile.

4. Toutefois, le marché de la Sarl Cmph était limité à l'isolation thermique de la toiture et ne comprenait pas de travaux de charpente. Aussi, la Sarl Cmph ne saurait être réputée constructeur, au sens de l'article 1792-1 du code civil, d'un ouvrage qu'elle n'a pas réalisé et sur lequel elle n'est pas intervenue. Ne disposant pas de la qualité de constructeur de la charpente et sa responsabilité étant recherchée uniquement au titre de désordres dont est affecté cet ouvrage, le délai de prescription de l'article 1792-4-3 du même code n'est pas applicable à l'espèce.

5. L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl CMPH, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles contre les demandes de M. [C] [G] et Mme [P] [F].

- Sur les demandes accessoires

6. La Sarl Cmph, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, doivent supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

7. La Sarl Cmph la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles seront également condamnées à payer aux consorts [G]-[F] et à M. [V] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 du tribunal judiciaire de Toulouse,

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Cmph, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles aux dépens d'appel.

Condamne la Sarl Cmph, la Sa Mma iard et la Sa Mma iard Assurances Mutuelles condamnées à payer aux consorts [G]-[F] et à M. [V] [H] la somme de 1 500 ' au titre de l'article 700 du CPC.

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