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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 14 mai 2025, n° 23/08020

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/08020

14 mai 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 MAI 2025

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08020 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHRSI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2022 - tribunal judiciaire de Paris 9ème chambre 2ème section - RG n° 22/06953

APPELANTS

Maître [D] [N] Es qualité de liquidateur judiciaire de Madame [C] [Y], née le [Date naissance 2] 1967, de nationalité portugaise, demeurant [Adresse 3] ' [Localité 11], placée en liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 2019 (RG 19/00043)

[Adresse 1]

[Localité 9]

Monsieur [B] [I]

né le [Date naissance 5] 1968

[Adresse 3]

[Localité 11]

S.C.I. D'ESCRENNES

[Adresse 3]

[Localité 11]

N° SIREN : 809 579 824

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentés par Me Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : A0866, substitué à l'audience par Me Carole ROYER de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : A0866

INTIMÉE

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC)

[Adresse 4]

[Localité 6]

N°SIREN : 542 016 381

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : D1119

Ayant pour avocat plaidant Me Clémence STOVEN-BLANCHE de la SCP STOVEN - PINCZON DU SEL, avocat au barreau D'Orleans

PARTIE INTERVENANTE

S.A.R.L. MJC2A, prise en la personne de Maître [D] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société d'Escrennes, placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 mars 2023

[Adresse 7]

[Localité 8]

N° SIREN : 501 184 774

Représentée par Me Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : A0866, substitué à l'audience par Me Carole ROYER de la SELARL HUGO AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : A0866

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président de Chambre

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Vincent BRAUD dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte authentique en date du 17 mars 2015, le Crédit industriel et commercial (CIC) a consenti à la société civile immobilière d'Escrennes un prêt no 20272902 d'un montant de 526 000 euros, remboursable en 180 mensualités au taux d'intérêt annuel de 2,20 %, ayant pour objet l'achat de biens immobiliers et mobiliers sis à [Localité 10], destinés à être loués à un centre équestre.

Suivant acte authentique en date du 30 juin 2015, le Crédit industriel et commercial a consenti à la société civile immobilière d'Escrennes un prêt no 20272903 d'un montant de 135 166,22 euros, remboursable en 180 mensualités au taux d'intérêt annuel de 2 %, destiné à financer des travaux dans l'ensemble immobilier acquis.

Le remboursement de ces deux prêts était garanti notamment par le cautionnement solidaire des deux associés, [B] [I] et [C] [Y], ces cautionnements ayant respectivement été souscrits les 7 mars et 12 juin 2015.

Le Crédit industriel et commercial a prononcé la déchéance du terme de ces deux prêts le 20 avril 2017 et a fait signifier à la société civile immobilière d'Escrennes, le 20 juin 2018, un commandement de payer valant saisie immobilière.

Par exploit en date du 17 avril 2018, la société civile immobilière d'Escrennes a assigné le Crédit industriel et commercial devant le tribunal de grande instance de Paris, principalement aux fins d'obtenir la reprise de l'échéancier des deux prêts, avec intérêt au taux légal.

Par exploit en date du 20 juin 2018, le Crédit industriel et commercial a assigné [B] [I] et [C] [Y] devant le tribunal de grande instance d'Évry, aux fins de condamnation solidaire au payement des sommes dues au titre des deux prêts. Par ordonnance du juge de la mise en état du 7 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Évry s'est dessaisi de cette instance au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 22 octobre 2019.

Par jugement en date du 12 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de [C] [Y], maître [N] étant désigné mandataire liquidateur. Le Crédit industriel et commercial a déclaré ses deux créances contre [C] [Y] en sa qualité de caution, les 28 février et 3 mars 2020.

Par lettre du 19 novembre 2019, le Crédit industriel et commercial a indiqué au notaire ayant reçu les actes de vente, accepter de donner mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière contre le versement du prix de vente du bien immobilier financé, soit la somme de 385 000 euros, outre les frais, la banque précisant ne pas renoncer au recouvrement du solde éventuel auprès de la SCI et des deux cautions.

Le 26 novembre 2019, la société civile immobilière d'Escrennes a vendu à l'amiable le bien immobilier au prix susdit de 385 000 euros.

Par exploit en date du 15 juin 2020, le Crédit industriel et commercial a assigné maître [N], en qualité de mandataire liquidateur de [C] [Y], aux fins de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire. Par ordonnance du juge de la mise en état du 8 décembre 2020, cette instance a été jointe à l'instance principale.

Par jugement réputé contradictoire en date du 25 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a:

' Rejeté les contestations et demandes de la société civile immobilière d'Escrennes et de [B] [I] ;

' Condamné solidairement la société civile immobilière d'Escrennes et [B] [I] à payer au Crédit industriel et commercial les sommes suivantes :

- au titre du prêt no 20272902, la somme de 152 338,63 euros, avec intérêts au taux de 2,20 % à compter du 26 novembre 2019 ;

- au titre du prêt no 20272903, la somme de 147 562,98 euros, avec intérêts au taux de 2 % à compter du 26 novembre 2019 ;

' Dit que sur ces sommes [B] [I] n'est pas redevable, pour le cautionnement du 10 mars 2015, des intérêts conventionnels du 31 mars 2015 au 18 mai 2017, et pour le cautionnement du 1er juillet 2015, des intérêts conventionnels du 31 mars 2016 au 18 mai 2017 ;

' Dit que sur ces sommes [B] [I] n'est redevable que des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017 ;

' Fixé au passif de la liquidation judiciaire de [C] [Y] les créances suivantes du Crédit industriel et commercial :

- au titre du prêt no 20272902, la somme de 152 338,63 euros, avec intérêts au taux de 2,20 % à compter du 26 novembre 2019 ;

- au titre du prêt no 20272903, la somme de 147 562,98 euros, avec intérêts au taux de 2 % à compter du 26 novembre 2019 ;

' Condamné la société civile immobilière d'Escrennes et [B] [I] aux dépens, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer, chacun, au Crédit industriel et commercial la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration du 31 janvier 2023, la société civile immobilière d'Escrennes, [B] [I] et [C] [Y], « en qualité de mandataire liquidateur de [C] [Y] », ont interjeté appel du jugement.

Par déclaration du 27 avril 2023, la société civile immobilière d'Escrennes, [B] [I] et maître [D] [N], en qualité de mandataire liquidateur de [C] [Y], ont interjeté appel du jugement.

Les appels ont été joints par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 10 décembre 2024.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 17 février 2025, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée MJC2A, prise en la personne de maître [D] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société civile immobilière d'Escrennes, placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 mars 2023, maître [D] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de [C] [Y], placée en liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 2019, et [B] [I] demandent à la cour de :

- RECEVOIR la SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [D] [J], en son intervention volontaire à la procédure, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société d'Escrennes ;

- DECLARER recevable et bien fondés la SELARL MJC2A, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société d'Escrennes, Maître [D] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de Mme [C] [Y] et M. [I] en leur appel du jugement rendu le 25 octobre 2022 par le Tribunal judiciaire de Paris ;

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit que le CIC ne pouvait réclamer à M. [I] les intérêts conventionnels à compter du 31 mars 2015 pour le premier cautionnement et du 31 mars 2016 pour le second cautionnement ;

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

' Rejeté les contestations et demandes de la SCI d'Escrennes et de M. [I]

' Condamné solidairement la SCI d'Escrennes et M. [B] [I] à payer au CIC les sommes suivantes : au titre du prêt n°20272902, la somme de 152.338,63 euros, avec intérêts au taux de 2,20 % à compter du 26 novembre 2019 ; au titre du prêt n°20272903, la somme de 147.562,98 euros, avec intérêts au taux de 2 % à compter du 26 novembre 2019

' Dit que M. [I] était redevable, pour les deux cautionnements, des intérêts conventionnels et légaux à compter du 18 mai 2017

' Fixé au passif de la liquidation judiciaire de Mme [C] [Y] les créances suivantes du CIC : au titre du prêt n°20272902, la somme de 152.338,63 euros, avec intérêts au taux de 2,20 % à compter du 26 novembre 2019 ; au titre du prêt n°20272903, la somme de 147.562,98 euros, avec intérêts au taux de 2 % à compter du 26 novembre 2019

Ce faisant, statuant à nouveau :

Dans les rapports avec la SCI d'Escrennes

- JUGER que le Crédit Industriel et Commercial engage sa responsabilité en ce qu'il a manqué à son obligation d'information et de mise en garde à l'encontre de la SCI d'Escrennes, qu'il a exigé des garanties disproportionnées en contrepartie des concours qu'il a consenti et/ou qu'il a fait preuve de mauvaise foi lors de l'exécution des contrats ;

- CONDAMNER, en conséquence, le Crédit Industriel et Commercial à payer à la SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [D] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société d'Escrennes, une indemnité égale aux montants réclamés par le Crédit Industriel et Commercial en exécution des contrats de prêts n°20272902 et n°20272903 et ORDONNER la compensation de cette indemnité avec la créance que le Crédit Industriel et Commercial détient à l'encontre de la SCI d'Escrennes ;

Dans les rapports avec Mme [Y] et M. [I]

A titre principal,

- JUGER que le Crédit Industriel et Commercial a exigé des garanties disproportionnées en contrepartie des concours qu'il a consenti ;

- PRONONCER, en conséquence, la nullité des cautionnements souscrits par Mme [Y] et M. [I] en vue de garantir les prêts n°20272902 et n°20272903 ;

A titre subsidiaire,

- JUGER que le Crédit Industriel et Commercial ne peut se prévaloir des cautionnements souscrits par Mme [Y] et M. [I] en vue de garantir les prêts n°20272902 et n°20272903 en ce qu'ils étaient manifestement disproportionnés ;

- DEBOUTER en conséquence le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des cautions tendant à la confirmation des dispositions du jugement ayant condamné M. [I] et fixé les sommes demandées au passif de la liquidation judiciaire de Mme [Y] ;

A titre encore plus subsidiaire,

- JUGER que le Crédit Industriel et Commercial engage sa responsabilité en ce qu'il a manqué à son obligation de mise en garde à l'encontre de la SCI d'Escrennes et de Mme [Y] et M. [I] ;

- CONDAMNER, en conséquence, le Crédit Industriel et Commercial à payer à Maître [D] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de Mme [C] [Y] et M. [I] une indemnité égale aux montants réclamés par le Crédit Industriel et Commercial en exécution des cautionnements souscrits par Mme [Y] et M. [I] en vue de garantir les prêts n°20272902 et n°20272903 et ORDONNER la compensation de cette indemnité avec la créance que le Crédit Industriel et Commercial détient à l'encontre de Mme [Y] et M. [I] ;

A titre infiniment subsidiaire,

- REDUIRE les cautionnements souscrits par Mme [Y] et M. [I] en vue de garantir les prêts n°20272902 et n°20272903 à 40.000 ', en raison de l'exigence par le Crédit Industriel et Commercial de garanties disproportionnées en contrepartie des concours qu'il a consenti ;

En toute hypothèse

- PRONONCER la déchéance totale du droit aux intérêts Crédit Industriel et Commercial pour les prêts n°20272902 et n°20272903 et ORDONNER en conséquence que tous paiements qui ont été réalisés par la SCI d'Escrennes soient affectés en priorité au règlement du principal de la dette ;

- REDUIRE le montant de la clause pénale à un euro ;

- PRONONCER, dans le cas où M. [I] demeurerait redevable d'une quelconque somme au Crédit Industriel et Commercial, l'échelonnement de la dette sur une durée de deux ans, de sorte qu'il s'en acquitterait par 23 versements d'un montant égal, à partir du mois suivant la signification de la décision, puis par un 24 ème représentant le solde ;

- DEBOUTER le Crédit Industriel et Commercial de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- CONDAMNER le Crédit Industriel et Commercial à verser aux appelants la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER le Crédit Industriel et Commercial aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 février 2025, la société anonyme Crédit industriel et commercial (CIC) demande à la cour de :

Débouter Maître [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI D'ESCRENNES, Maître [N] en sa qualité de liquidateur de Madame [C] [Y] et Monsieur [B] [I] de l'ensemble de leurs demandes.

Confirmer les dispositions suivantes du jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 25 octobre 2022 :

¿ Rejet des contestations et demandes de la SCI D'ESCRENNES et de Monsieur [B] [I] ;

¿ Condamnation de Monsieur [B] [I] à payer au CIC les sommes suivantes :

- Au titre du prêt n°20272902 : la somme de 152.338,63 ' avec intérêts au taux légal à compter 18 mai 2017 ;

- Au titre du prêt n°20272903 : la somme de 147.562,98 ' avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017.

- Au titre de l'article 700 du code de procédure civile : la somme de 2.000 '.

¿ Fixation de la créance du CIC au passif de la liquidation judiciaire de Madame [C] [Y] comme suit :

- Au titre du prêt n°20272902 : la somme de 152.338,63 ' avec intérêts au taux de 2,20% à compter du 26 novembre 2019 ;

- Au titre du prêt n°20272903 : la somme de 147.562,98 ' avec intérêts au taux de 2% à compter du 26 novembre 2019.

Par voie d'appel incident,

Fixer la créance du CIC au passif de la liquidation judiciaire de la SCI D'ESCRENNES comme suit :

- Au titre du prêt n°20272902 : la somme de 165.347,91 ' avec intérêts au taux annuel de 2,20% à compter du 10 mars 2023 ;

- Au titre du prêt n°20272903 : la somme de 157.257,67 ' avec intérêts au taux annuel de 2% à compter du 10 mars 2023.

Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dus par Monsieur [B] [I].

Condamner Monsieur [B] [I] à payer au CIC une indemnité complémentaire de 4.000 ' en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Monsieur [B] [I] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Belgin PELIT-JUMEL, Avocat.

Pour l'essentiel, les parties développent les moyens et arguments suivants.

Sur les manquements vis-à-vis de l'emprunteur

Manquements du CIC à son devoir d'information et de mise en garde

Les appelants font valoir que le CIC n'a pas respecté son devoir d'information adapté à la situation de l'emprunteur. Premièrement, la SCI était un emprunteur non averti et c'est à tort que le jugement a retenu qu'il était averti car l'opération consistant en la souscription de prêts en vue de réaliser un investissement immobilier entrait dans son objet social. [C] [Y] qui avait la qualité de gérante de la société n'avait pas les connaissances en matière de crédit pour être qualifiée d'avertie, qu'importe qu'elle ait apporté la somme de 350 000 euros au capital de la SCI. Deuxièmement, la clause de style (article 3.3.1) du contrat de prêt doit être écartée car la banque ne peut se décharger de son obligation de mise en garde et ne peut contraindre l'emprunteur à renoncer à des recours fondés sur cette obligation. Troisièmement, le prêt était inadapté aux capacités financières de l'emprunteur, les difficultés de payement de la SCI étant intervenues très rapidement. Quatrièmement la SCI un subit un préjudice en raison des manquements du CIC. En effet, le défaut à l'obligation d'information et de mise en garde a créé une perte de chance de ne pas souscrire aux prêts.

Le CIC fait valoir qu'il n'engage pas sa responsabilité pour ne pas avoir mis en garde la SCI. En effet, la SCI était un emprunteur averti car comme l'a jugé le tribunal judiciaire de Paris [C] [Y] (dirigeante de la société) était avertie en matière de crédit comme le traduisait son apport de 350 000 euros au capital de la société. De plus [C] [Y], dirigeante de la société depuis 2006, a également suivi en 2004 une formation sur la création et la gestion des centres équestres. En outre, les crédits accordés ne présentaient pas un risque d'endettement particulier. Les premiers impayés ne sont apparus qu'en octobre 2016, compte tenu principalement de trois évènements imprévisibles survenus à partir du début de l'année 2016 (commande non honorée, arrêt maladie longue durée du cavalier principal, frais relatifs à un litige), contrairement à ce que soutiennent les appelants. Les crédits accordés en 2015 n'étaient pas voués à l'échec, la société n'est d'ailleurs entrée en liquidation qu'en 2023. Enfin, le CIC soutient que les contrats de prêts contiennent une clause de mise en garde qui n'est en rien une clause de style. Ces contrats ayant été régularisés par acte notarié, la SCI a reconnu expressément que les caractéristiques et les risques de l'investissement lui ont été présentés.

Disproportion des garanties accordées

Les appelants font valoir que le CIC a commis une faute au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce. Premièrement, le crédit accordé était abusif puisqu'insupportable par la SCI. Deuxièmement, cela concerne les deux crédits accordés par la banque pour des montants respectifs de 526 000 euros et 135 166, 22 euros. Troisièmement, les garanties obtenues étaient importantes à savoir des cautionnements de [C] [Y] et de [B] [I], des hypothèques immobilières et un privilège de prêteur de deniers pour le premier prêt. Quatrièmement, il y aurait une disproportion dans les garanties accordées à la banque puisque le montant total des garanties s'élèverait à la somme de 459 564,92 euros, soit environ 3,4 fois le montant garanti.

Les appelants soutiennent que la faute résultant du soutien abusif du CIC a engendré un préjudice dû à l'accroissement du passif né du soutien abusif fourni par la banque qui a consenti le crédit en exigeant des garanties disproportionnées aux concours financiers.

Le CIC fait valoir que les conditions d'application de l'article L. 650-1 du code de commerce ne s'appliquent pas en l'espèce. Les appelants ne démontrent pas que les prêts accordés soient fautifs, d'autant que les garanties accordées sont classiques et nullement excessives. Les crédits ne sont en rien abusifs, les échéances étant normales. D'ailleurs les premiers impayés sont dus à des évènements imprévisibles et ils sont survenus plus tard que ce qu'affirment les appelants. De plus, la SCI sollicite l'extinction de sa dette par compensation avec l'indemnité de même montant qu'elle réclame au CIC alors que l'article L. 650-1 du code de commerce ne permet aucunement une telle sanction

L'exécution déloyale contrat

Les appelants font valoir que le CIC aurait commis une faute dans l'exécution du contrat en application des dispositions de l'article 1104 du code civil. Le CIC aurait cessé de soutenir les appelants dès l'apparition des premières difficultés financières de la SCI. La déchéance du terme et les demande du CIC lui sont reprochés, notamment concernant la demande de présentation d'un plan de redressement rejeté.

Les appelants soutiennent que le comportement déloyal du CIC leur a causé un préjudice. Ce comportement a empêché la SCI de retrouver une situation financière stable, ce qui a entraîné sa liquidation judiciaire. Le CIC sera donc condamné à lui payer une indemnité en réparation du préjudice, égale au montant des créances impayées de la SCI, soit les sommes exigées par le CIC en exécution des contrats de prêts.

Le CIC fait valoir qu'il n'a pas été déloyal dans l'exécution du contrat. Il lui est reproché d'avoir prononcé la déchéance du terme le 27 avril 2017, or au préalable plusieurs mises en demeure avaient été adressées à la SCI (28 novembre 2016, 19 décembre 2016, 8 février 2017 et 21 mars 2017). Le tribunal a par ailleurs rejeté ce moyen en première instance. Il y a un paradoxe des appelants qui parlent de crédit voué à l'échec mais reprochent au CIC de vouloir y mettre un terme. La résiliation a été prononcée au regard de la défaillance de l'emprunteur qui n'a pas respecté son engagement de remboursement.

Clause pénale (indemnité)

Les appelants demandent de réduire à la somme d'un euro le montant de l'indemnité contractuelle. Le taux de 5 % paraît largement excessif, étant notamment rappelé que la SCI a entrepris toutes les démarches possibles afin de parvenir à honorer le règlement des échéances mensuelles.

Le CIC fait valoir que les articles 13 et 18 des contrats de prêts prévoyant une pénalité conventionnelle égale à 5 % des montants échus et due au CIC en cas de défaillance de l'emprunt doivent être appliqués. Le juge peut modérer une pénalité si elle est manifestement excessive. Ce caractère n'est en rien justifié par la SCI. Il n'y a donc pas lieu de réduire la clause pénale.

Sur les manquements vis-à-vis des cautions :

Disproportion des garanties octroyées

Les appelants font valoir qu'en vertu de l'article L. 650-1 du code de commerce le CIC aurait commis une faute, pour les mêmes arguments que précédemment. La sanction de la garantie excessive est la nullité des garanties prises ou leur réduction. Dès lors, les cautionnements de [C] [Y] et de [B] [I] doivent être frappés de nullité.

Le CIC fait valoir que l'article L. 650-1 du code de commerce ne s'applique pas. Les mêmes arguments sont repris que pour les garanties octroyées par l'emprunteur.

La possibilité de se prévaloir du cautionnement

Les appelants font valoir que les cautionnements étaient manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions. Les patrimoines de [C] [Y] (389 516,45 ') et de [B] [I] (373 926,55 ') auraient été inférieurs au montant total cautionné (793 399,46 '). Cette somme serait aussi largement supérieure aux revenus des deux cautions. [B] [I] percevait un salaire net de 62 020 euros en 2014 et [C] [Y] avait des revenus s'élevant à la somme totale de 6 893 euros en 2014, étant précisé que d'autres prêts et charges pesaient sur eux.

Le CIC fait valoir que [C] [Y] et [B] [I] ne démontrent pas le caractère disproportionné de leurs engagements. Le CIC fait valoir en s'appuyant sur les revenus, les relevés bancaires et l'estimation de patrimoine des cautions que leur patrimoine de l'époque était d'au moins 763 443 euros, ce qui n'est donc manifestement pas disproportionné aux cautionnements de 661 166,22 euros.

L'obligation mise en garde

Les appelants font valoir que le CIC n'a pas respecté son obligation de mise en garde des cautions. Premièrement, les deux cautions étaient non averties. Cela a déjà été expliqué pour [C] [Y]. [B] [I] n'a exercé comme cadre que dans le domaine de l'informatique. Deuxièmement, les prêts présentaient un risque d'endettement excessif, tant pour la SCI, que pour chacune des cautions individuellement. Troisièmement, il y a un préjudice subi par [C] [Y] et [B] [I], en raison du défaut de mise en garde du CIC, qui consiste dans la perte de chance de l'emprunteur de ne pas contracter le prêt, de sorte qu'ils n'auraient pas été engagés en leur qualité de caution. Il peut également s'agir de la perte de chance de ne pas eux-mêmes souscrire les cautionnements.

Le CIC fait valoir qu'il n'a pas manqué à son obligation de mis en garde. En rappelant qu'il est tenu d'un devoir de non-immixtion et non de conseil, d'autant que la mise en garde porte sur les risques d'endettement liés à l'octroi du prêt et non sur les risques liés aux opérations financées.

Le CIC soutient que la SCI et [C] [Y] étaient bien avertis comme cela déjà été développé. Concernant [B] [I], il est bien averti : au-delà de ses apports dans la SCI, il travaille dans une compagnie d'assurances (AG2R La Mondiale) où il dirige une équipe de 25 personnes et « gère les budgets qui lui sont confiés pour les projets qu'il doit mener à bien ». La confirmation du jugement est donc demandée.

La déchéance des intérêts

Les appelants font valoir que le CIC n'a pas respecté son obligation d'information annuelle de la caution relative à l'évolution de la dette garantie, prévue par l'article 2302 du code civil. L'article L. 313-22 du code monétaire et financier précise en outre que la méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par la déchéance des intérêts. Les juges de premières instance ont retenu cela mais il est demandé d'aller plus loin en prononçant l'impossibilité pour le CIC d'exiger le payement des intérêts sur les créances qu'il détient contre [B] [I] et [C] [Y], au titre de leurs engagements de caution respectifs. Le CIC ne justifie pas qu'il ait bien procédé à l'information annuelle des cautions. Aucun intérêt conventionnel ne peut être exigé. En conséquence tous les payements de la SCI seront affectés en priorité au règlement du principal de la dette.

Le CIC fait valoir que les lettres d'information aux cautions en 2016 et 2017 ont bien été adressées. De plus, les différentes mises en demeure ont parfaitement informé les cautions de la situation. Le CIC estime que c'est à tort que le tribunal a retenu que ces documents ne suffisaient pas à justifier l'information annuelle imposée par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.

Le CIC soutient également que c'est à raison que le tribunal a retenu la date du 18 mai 2017 qui correspond à la mise en demeure notifiée à [B] [I] et à l'a condamné à juste titre au payement de l'intérêt légal en application du droit commun. Enfin, le jugement doit être confirmé à ce sujet, sauf à ordonner en sus la capitalisation annuelle des intérêts.

Sur l'octroi de délai de payement

Les appelants demandent qu'en vertu de l'alinéa 1er de l'article 1343-5 du code civil, dans l'hypothèse où [B] [I] se verrait condamné à payer des sommes au CIC, lui soient accordés des délais de payement. Puisque [C] [Y] est en liquidation judiciaire, [B] [I] assume en conséquence seul le remboursement de l'ensemble des charges du ménage, remboursements d'emprunts et factures. De plus, les appelants ne disposeraient pas des liquidités nécessaires. Sont donc demandés des délais de payement en échelonnant sur deux ans le montant exigé par le CIC, soit 23 mensualités d'un montant égal et le solde le 24e mois.

Le CIC fait valoir que la demande de délai de payement de deux ans faite par [B] [I] doit être refusée. En effet, depuis la première mise en demeure du 18 mai 2017, [B] [I] a en réalité bénéficié d'un délai de plus de sept ans.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025 et l'audience fixée au 10 mars 2025.

CELA EXPOSÉ,

Sur les rapports entre le prêteur et l'emprunteur :

Sur le devoir d'information et de mise en garde du prêteur :

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La société d'Escrennes reproche en premier lieu au Crédit industriel et commercial un manquement à son devoir d'information et de mise en garde.

Sur le devoir d'information :

Le banquier dispensateur de crédit doit éclairer l'emprunteur sur les caractéristiques du prêt accordé. La société d'Escrennes ne caractérise à cet égard aucun manquement de la part du Crédit industriel et commercial, les contrats de prêt étant rédigés de façon claire et complète.

Sur le devoir de mise en garde :

La banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenue à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d'endettement excessif nés de l'octroi du prêt. Le banquier auquel il appartient de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde, est dispensé de cette obligation s'il établit que son client a la qualité d'emprunteur averti.

Il appartient à l'emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde d'apporter la preuve de la disproportion de son engagement au regard de ses capacités financières ou du risque d'endettement né de l'octroi du crédit (Com., 13 mai 2014, no 13-13.843). La banque est en droit, sauf anomalie flagrante, de se fier aux informations qui lui sont fournies par l'emprunteur (Com., 5 nov. 2013, no 12-24.520 ; 1re Civ., 25 juin 2009, no 08-16.434).

Ainsi, le tribunal a exactement relevé que la société d'Escrennes a indiqué dans ses demandes de prêt que le payement des échéances de remboursement, d'un montant total de 4 419,37 euros, devait être réalisé au moyen de revenus locatifs prévisionnels d'un montant mensuel de 5 800 euros (pièces nos 5 et 6 du CIC). Par suite, le tribunal a pu apprécier les capacités financières de l'emprunteur en prenant en compte les revenus escomptés de l'opération financée, qui ne présentaient pas d'anomalie manifeste (1re Civ., 20 avr. 2022, no 20-14.215), alors que le banquier dispensateur de crédit n'a pas à se substituer à l'emprunteur dans l'appréciation de la rentabilité de l'opération financée (Com., 3 mai 2016, no 14-11.358). Dans ces circonstances, à la date de la conclusion des contrats, les crédits étaient adaptés au regard des capacités financières de l'emprunteur et du risque de l'endettement né de l'octroi de ces prêts, ce dont il résulte que la banque, en l'absence d'un tel risque, n'était pas tenue à l'égard de la société d'Escrennes d'un devoir de mise en garde (Com., 7 juil. 2009, no 08-13.536). Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la disproportion des garanties :

L'article L. 650-1, alinéa premier, du code de commerce dispose :

« Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. »

La société d'Escrennes reproche en deuxième lieu au Crédit industriel et commercial de lui avoir octroyé un crédit abusif en prenant des garanties disproportionnées, à savoir :

' pour le prêt no 20272902 :

- privilège de prêteur de denier pour un montant garanti de 496 000 '

- hypothèque immobilière conventionnelle pour un montant de 30 000 '

- caution solidaire de [B] [I] pour un montant de 631 200 '

- caution solidaire de [C] [Y] pour un montant de 631 200 '

' pour le prêt no 20272903 :

- hypothèque immobilière conventionnelle pour un montant de 135 166,22 '

- caution solidaire de [B] [I] pour un montant de 162 199,46 '

- caution solidaire de [C] [Y] pour un montant de 162 199,46 '.

Les crédits accordés ne peuvent être considérés comme abusifs en les rapportant, comme le fait l'appelante, au montant du loyer de 2 399 euros dont s'acquittait précédemment [C] [Y] pour exploiter un autre centre équestre, alors qu'il a été jugé ci-avant qu'ils ne présentaient pas de risque prévisible d'endettement excessif au regard des revenus escomptés de l'opération financée. Il n'est ainsi pas démontré que les concours consentis par le Crédit industriel et commercial aient été en eux-mêmes fautifs.

Au surplus, les garanties stipulées se sont révélées insuffisantes puisque, malgré la perception du prix de vente de l'immeuble hypothéqué, la créance réclamée par le Crédit industriel et commercial au titre des deux prêts s'élève encore à 299 901,61 euros, dette que la société appelante ne conteste qu'à concurrence de 30 544,25 euros, montant des indemnités conventionnelles de 5 %. Ainsi les garanties prises en contrepartie des concours consentis par le Crédit industriel et commercial ne sont pas disproportionnées à ceux-ci. La société d'Escrennes sera déboutée de ce chef.

Sur l'exécution de bonne foi du contrat :

Aux termes de l'article 1134, alinéa 3, ancien du code civil, les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi.

La société d'Escrennes reproche en troisième lieu au Crédit industriel et commercial d'avoir manqué à ses obligations de bonne foi pendant toute l'exécution des contrats de prêt, avant et après la déchéance du terme, en adoptant une attitude contradictoire aux effets néfastes, consistant à soutenir excessivement le projet de la société d'Escrennes à ses débuts, puis à l'abandonner à ses difficultés dès que celles-ci se sont fait jour.

Par des motifs pertinents que la cour fait siens, les premiers juges ont écarté toute déloyauté de la part du prêteur de la société d'Escrennes, tant lors du prononcé de la déchéance du terme que dans le recouvrement de ses créances. Il sera ajouté qu'il ne peut être reproché au Crédit industriel et commercial d'avoir entretenu pendant de longs mois l'incertitude sur son acceptation du plan de relance proposé par la société alors que le prévisionnel et le bilan transmis par celle-ci le 20 octobre 2017, puis validés le 16 janvier 2018 par un expert-comptable indépendant à la demande légitime de l'établissement de crédit, ont été déclinés par le Crédit industriel et commercial courant février 2018. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la clause pénale :

En application des articles 13 et 18 des contrats de prêt fixant une pénalité conventionnelle de 5 % des montants échus, le Crédit industriel et commercial réclame une indemnité de 23 915,17 euros pour le prêt no 20272902 et une indemnité de 6 629,08 euros pour le prêt no 20272903.

L'article 1231-5, alinéas 1et 2, du code civil dispose :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

« Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. »

Estimant excessif le taux de 5 %, la société appelante demande en dernier lieu à la cour de réduire à un euro l'indemnité convenue. La société d'Escrennes se contente d'affirmer, sans en justifier davantage à hauteur d'appel qu'en première instance, que « le montant réclamé est manifestement disproportionné au préjudice subi par le CIC ». Or, il convient de relever que le montant total des intérêts attendus par le prêteur s'élève à 92 032,63 euros et à 23 980,56 euros, et que la déchéance du terme est survenue dans les deux ans qui ont suivi la souscription des emprunts. Aussi le tribunal a-t-il jugé à raison qu'il n'y avait pas lieu de modérer les pénalités convenues.

Sur la créance du prêteur :

Le jugement n'étant pas autrement critiqué en ce qu'il liquide la créance du Crédit industriel et commercial sur la société d'Escrennes, et l'intimé ayant déclaré sa créance par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 2023 (sa pièce no 53), il sera fait droit à sa demande de fixation conformément aux termes du jugement.

Sur les rapports entre le prêteur et les cautions :

Sur l'annulation des cautionnements :

L'article L. 650-1, alinéas 1 et 2, du code de commerce dispose :

« Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

« Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge. »

Sur ce fondement, [B] [I] et [C] [Y] concluent à la nullité des cautionnements, subsidiairement à leur réduction. Il a toutefois été précédemment jugé que les garanties prises par le Crédit industriel et commercial en contrepartie de ses concours n'étaient pas disproportionnées à ceux-ci. Les appelants seront donc déboutés de ce chef.

Sur la disproportion des cautionnements :

En application des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions de l'article L. 332-1 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus. La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus (Com., 28 fév. 2018, no 16-24.841). Cette disproportion s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement, au regard du montant de l'engagement, de l'endettement global, des biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

Sur le cautionnement de [B] [I] :

À hauteur d'appel, [B] [I] fait valoir que :

' il percevait un salaire net de 62 020 euros en 2014 (sa pièce no 14) ;

' il était lié, avec [C] [Y], par un prêt contracté pour l'achat de leur résidence principale, remboursable par mensualités de 1 920,08 euros, et dont le capital restant dû s'élevait à la date du 24 mars 2015 à la somme de 236 557 euros (sa pièce no 15) ;

' ce bien immobilier, sis à [Localité 11] (Essonne) et détenu à 85 % par [B] [I] et 15 % par [C] [Y] (leur pièce no 19, p.3), était estimé au moment de la souscription du cautionnement à la somme de 500 000 euros (leur pièce no 6), de sorte que cet actif peut être évalué à 263 443 euros (500 000 ' ' 236 557 '), soit 223 926,55 euros pour [B] [I] ;

' il n'y a pas lieu de prendre en compte l'apport de 500 000 euros au capital de la société civile immobilière d'Escrennes, la valeur des parts de ladite société devant s'apprécier en considérant que le montant total de l'emprunt en cause était supérieur à la valeur du bien acquis.

Si le Crédit industriel et commercial avance en effet que [B] [I] et [C] [Y] ont apporté de leurs deniers propres à la société civile immobilière d'Escrennes un capital de 500 000 euros lors de sa constitution le 20 janvier 2015, à savoir 150 000 euros pour le premier et 350 000 euros pour la seconde (pièce no 1 des appelants), ces sommes correspondent selon les appelants à la valeur du bien immobilier acquis par ladite société et financé au moyen du prêt accordé par le Crédit industriel et commercial. Il ne s'agissait donc pas de sommes dont disposaient les cautions associées. Aussi bien est-il stipulé dans les statuts de la société civile immobilière d'Escrennes : « La somme représentative de ces apports sera libérée sur appel de fonds de la gérance et selon les modalités fixées par cette dernière au fur et à mesure des besoins de la société » (pièce no 1 des appelants, p. 4). Les appelants indiquent sans être contredits que leurs apports furent libérés à concurrence du remboursement des crédits. Dans ces circonstances, les parts de la société d'Escrennes détenues par chaque caution doivent être estimées au jour de leur engagement en tenant compte du prix d'achat du bien immobilier, soit 520 000 euros, et des emprunts cautionnés portant sur des montants en principal de 526 000 euros et de 135 166,22 euros.

Par ailleurs, le Crédit industriel et commercial ne peut être suivi lorsqu'il prend en considération l'ensemble du patrimoine des deux cautions, car le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de plusieurs cautions solidaires s'apprécie au regard des revenus de chacune d'entre elles (1re Civ., 22 oct. 1996, no 94-15.615).

Compte tenu des revenus (62 020 euros) et charges (12 × 1 920,08 euros = 23 040,96 euros) de la caution, et de son patrimoine net qui peut être évalué à 223 926,55 euros, les cautionnements que [B] [I] a souscrits le 7 mars 2015 à concurrence de 631 200 euros, puis le 12 juin 2015 à concurrence de 162 199,46 euros, apparaissent manifestement disproportionnés dans la mesure où la caution se trouvait, lorsqu'elle les a souscrits, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.

Il n'est pas démontré, ni même allégué, que le patrimoine de [B] [I], au moment où celui-ci est appelé, lui permette de faire face à son obligation.

Il s'ensuit que le Crédit industriel et commercial ne peut se prévaloir des contrats de cautionnement conclus le 7 mars 2015 et le 12 juin 2015 par [B] [I]. Le jugement entrepris sera infirmé en conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés en défense par la caution, notamment la déchéance de la garantie des intérêts conventionnels pour défaut d'information annuelle, laquelle déchéance n'a d'effet que dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit et devient donc sans objet.

Sur le cautionnement de [C] [Y] :

À hauteur d'appel, [C] [Y] fait valoir de manière justifiée que :

' elle percevait un revenu total de 6 893 euros en 2014 (pièce no 54 du CIC) ;

' elle était liée, avec [B] [I], par un prêt contracté pour l'achat de leur résidence principale, remboursable par mensualités de 1 920,08 euros, et dont le capital restant dû s'élevait à la date du 24 mars 2015 à la somme de 236 557 euros (sa pièce no 15) ;

' ce bien immobilier, sis à [Localité 11] (Essonne) et détenu à 85 % par [B] [I] et 15 % par [C] [Y] (leur pièce no 19, p.3), était estimé au moment de la souscription du cautionnement à la somme de 500 000 euros (leur pièce no 6), de sorte que cet actif peut être évalué à 263 443 euros (500 000 ' ' 236 557 '), soit 39 516,45 euros pour [C] [Y] ;

' la valeur de sa participation dans la société civile immobilière d'Escrennes doit être appréciée comme il été précédemment exposé.

Compte tenu des revenus (6 893 euros) et charges (12 × 1 920,08 euros = 23 040,96 euros) de la caution, et de son patrimoine net qui peut être évalué à 39 516,45 euros, les cautionnements que [C] [Y] a souscrits le 7 mars 2015 à concurrence de 631 200 euros, puis le 12 juin 2015 à concurrence de 162 199,46 euros, apparaissent manifestement disproportionnés dans la mesure où la caution se trouvait, lorsqu'elle les a souscrits, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.

Il n'est pas démontré, ni même allégué, que le patrimoine de [C] [Y], au moment où celle-ci est appelée, lui permette de faire face à son obligation.

Il s'ensuit que le Crédit industriel et commercial ne peut se prévaloir des contrats de cautionnement conclus le 7 mars 2015 et le 12 juin 2015 par [C] [Y]. Le jugement entrepris sera infirmé en conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés en défense par la caution, notamment la déchéance de la garantie des intérêts conventionnels pour défaut d'information annuelle, laquelle déchéance n'a d'effet que dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit et devient donc sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'intimé en supportera donc la charge.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1o À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2o Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.

Sur ce fondement, le Crédit industriel et commercial sera condamné à payer à [B] [I] et maître [D] [N] ès qualités la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

' Rejeté les contestations et demandes de la société civile immobilière d'Escrennes ;

' Condamné la société civile immobilière d'Escrennes aux dépens, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer au Crédit industriel et commercial la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

FIXE la créance du Crédit industriel et commercial au passif de la liquidation judiciaire de la société civile immobilière d'Escrennes comme suit :

- au titre du prêt no 20272902, la somme de 152 338,63 euros, avec intérêts au taux de 2,20 % à compter du 26 novembre 2019 ;

- au titre du prêt no 20272903, la somme de 147 562,98 euros, avec intérêts au taux de 2 % à compter du 26 novembre 2019 ;

DÉBOUTE [B] [I] et maître [D] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de [C] [Y], de leur demande d'annulation ou de réduction des cautionnements souscrits par [B] [I] et [C] [Y] en vue de garantir les prêts numéro 20272902 et numéro 20272903 ;

DIT que le Crédit industriel et commercial ne peut se prévaloir des cautionnements manifestement disproportionnés souscrits par [B] [I] et [C] [Y] en vue de garantir les prêts numéro 20272902 et numéro 20272903 ;

DÉBOUTE le Crédit industriel et commercial de ses demandes contre [B] [I] et [C] [Y] ;

CONDAMNE le Crédit industriel et commercial aux dépens d'appel ;

CONDAMNE le Crédit industriel et commercial à payer à [B] [I] et maître [D] [N] en qualité de liquidateur judiciaire de [C] [Y], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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