ADLC, 17 avril 2025, n° 25-DCC-91
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision n° 25-DCC-91 du 17 avril 2025 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Pierre Martinet par le groupe LDC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cœuré
I. LES ENTREPRISES CONCERNEES ET L'OPERATION
1. LDC est un groupe de l’industrie agroalimentaire, dont la société-mère est la société LDC, elle-même principalement détenue par un actionnariat familial. Il est organisé autour de quatre pôles : (i) le pôle « amont », spécialisé dans les activités de production avicole et d’œufs, de collecte de céréales et de distribution d’agrofournitures ; (ii) le pôle « volaille », spécialisé dans les activités d’abattage et de commercialisation de volailles et de produits élaborés à base de viande de volaille, à la tête duquel se trouve la société LDC Volaille ; (iii) le pôle « traiteur », spécialisé dans la production et la commercialisation de produits traiteurs, à la tête duquel se trouve la société LDC Traiteur, et (iv) le pôle « international », en charge des activités de LDC en dehors du territoire français (ci-après dénommés ensemble « groupe LDC »).
2. Pierre Martinet est un groupe familial spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de salades traiteur fraiches, principalement auprès des grandes et moyennes surfaces à dominante alimentaire (ci-après « GMS ») mais également de manière plus marginale auprès de la restauration hors foyer (ou restauration hors domicile, ci-après « RHD »). Le groupe Pierre Martinet commercialise également d’autres produits traiteur tels que des quiches et des pâtisseries salées.
3. La présente opération, formalisée par une lettre d’offre du 28 mai 2024, et une convention de cession du 23 octobre 2024, porte sur l’acquisition, par la société LDC Traiteur, de 100 % du capital et des droits de vote de la société de tête du groupe Pierre Martinet, F.P.M. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Pierre Martinet par le groupe LDC, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe LDC (1) : [≥150 millions] d’euros pour l’exercice clos le 29 février 2024 ; groupe Pierre Martinet : [≥150] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2023). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe LDC : [≥50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 29 février 2024 ; groupe Pierre Martinet : [≥50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2023). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. DELIMITATION DES MARCHES PERTINENTS
5. Le groupe LDC est notamment présent sur les marchés de produits élaborés à base de viande
de volaille et sur les marchés de la production et de la commercialisation d’ovoproduits et
de produits élaborés à base d’œufs. Les groupes LDC et Pierre Martinet sont simultanément
présents sur les marchés de la commercialisation des produits traiteur (2).
A. LES MARCHES DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS ELABORES A
BASE DE VIANDE DE VOLAILLE
1. LES MARCHES DE PRODUITS
6. La pratique décisionnelle a opéré une segmentation entre les différents stades de la
transformation de la viande, qui correspondent au cycle de traitement des animaux et de leur
viande. La première transformation correspond à la collecte en vue de l’abattage de l’animal,
à l’issue duquel les carcasses et les coproduits sont obtenus et vendus. La deuxième
transformation comprend le désossage et la découpe des carcasses. La troisième
transformation consiste en la mise sous barquettes de viande prête à cuire, destinée au
consommateur final. Enfin, la quatrième transformation correspond à la fabrication de
produits élaborés à base de viande (3).
7. La Commission européenne a défini les produits élaborés comme étant des viandes de
mammifère ou d’oiseau, crues, séchées, fumées ou cuites, contenant des ingrédients tels que
du sel ou des épices (4).
8. Les autorités de concurrence segmentent le marché selon que les produits élaborés sont à
base de viande de volaille, de bœuf ou de porc (5).
9. Selon la pratique décisionnelle nationale (6), s’agissant de produits élaborés à base de viande
de volaille, une sous-segmentation peut être effectuée en fonction du type de « spécialités »,
en opérant une distinction entre les produits élaborés crus à base de viande de volaille, les
produits élaborés cuits à base de viande de volaille, la charcuterie de volaille et les confits.
L’Autorité a également envisagé, tout en laissant la question ouverte, l’existence d’un
marché des produits panés à base de viande de volaille (nuggets, cordons bleus, etc.).
10. L’Autorité a envisagé une segmentation supplémentaire en distinguant les produits élaborés
à base de viande de volaille frais des produits surgelés, aux motifs que ces derniers
nécessitent une ligne de congélation/surgélation supplémentaire et que les produits élaborés
à base de viande de volaille frais ou surgelés ne sont pas substituables du point de vue de la
demande (7).
11. Enfin, l’Autorité segmente le marché des produits élaborés à base de viande de volaille selon
le canal de distribution : GMS, bouchers et charcutiers artisans (ci-après « BCA »), RHD et
industrie agro-alimentaire (ci-après « IAA ») (8). Le rôle des marques, le conditionnement et
le mode de commercialisation des produits sont en effet très différents sur chacun de ces
canaux et répondent à des besoins distincts des acheteurs. Au sein des GMS, la distinction
entre marque de distributeur (ci-après « MDD ») et marque de fabricant (ci-après « MDF »)
apparaît pertinente en raison des différences notables en termes de prix, de goût, de qualité
et de niveau d’élaboration (9).
12. Au cas d’espèce, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la délimitation exacte des
marchés, les conclusions de l’analyse demeurant inchangées quelle que soit l’hypothèse
retenue.
13. Le groupe LDC est présent sur les marchés suivants : les produits crus de volailles (pièces
entières, découpes de volailles, produits élaborés crus) et les produits élaborés cuits à base
de viande de volailles¤
(produits cuits, confits, rôtis, séchés et/ou fumés, panés, charcuterie
cuite de volaille) qui sont commercialisés auprès des IAA parmi lesquels le groupe Pierre
Martinet.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
14. Concernant le marché des produits élaborés à base de viande de volaille, les autorités de
concurrence nationales et européenne ont retenu une dimension nationale (10). Au vu des
éléments du dossier, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition.
B. LES MARCHES DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION D’OVOPRODUITS ET DE PRODUITS ELABORES A BASE D’ŒUFS
1. LES MARCHES DE PRODUITS
15. L’Autorité a envisagé une segmentation du secteur de la commercialisation d’œufs et de
produits à base d’œufs par espèce (cailles, poules, etc.)11. Elle a également distingué (i) les
œufs coquilles, (ii) les ovoproduits et (iii) les produits élaborés à base d’œufs (omelettes,
œufs durs écalés, tortillas, blancs en neige, œufs brouillés, œufs au plat, œufs pochés, œufs
durs en barre, omelettes en cubes ou en lanières) (12).
16. Au sein du marché des ovoproduits, une segmentation a été envisagée entre les ovoproduits
secs et les ovoproduits liquides pour les produits destinés aux IAA (13).
17. L’Autorité a également envisagé une segmentation selon le canal de distribution, à savoir
les GMS, l’IAA et la RHD.
18. En l’espèce, en l’absence de problème concurrentiel quelle que soit la segmentation retenue,
la question de la délimitation exacte du marché peut être laissée ouverte.
19. Le groupe LDC est présent sur les marchés de la production et de la commercialisation
d’ovoproduits liquides et de produits élaborés à base d’œufs à destination de la RHD et des IAA, parmi lesquels le groupe Pierre Martinet.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
20. L’Autorité considère que les marchés de la production et de la commercialisation d’œufs et
de produits à base d’œufs sont au moins de dimension nationale. Elle a cependant relevé que
les acheteurs actifs sur ce marché en France avaient la possibilité de s’approvisionner auprès
de fournisseurs implantés dans d’autres États membres de l’Union européenne (14).
21. En l’espèce, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte,
dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle restent inchangées quelles que
soient les segmentations retenues. L’analyse sera menée au niveau national.
C. LES MARCHES DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS TRAITEUR
1. LES MARCHES DE PRODUITS
22. Dans le secteur de la commercialisation des produits traiteur, la pratique décisionnelle tant
européenne que nationale (15) segmente notamment les marchés en fonction de la technologie
de fabrication employée (produits appertisés, surgelés et frais) et de la catégorie de produit (16),
et identifie notamment les « salades traiteur » et les « quiches, tartes, tourtes,
flammekueches, feuilletés et friands salés » (ci-après « QTTFFF »).
23. Une distinction a également été faite entre les canaux de distribution : GMS, BCA (17), RHD,
IAA et les surfaces de vente spécialisées dans les produits surgelés, les « Freezer center ».
24. Au sein du canal des GMS, les MDD et les MDF forment deux marchés distincts
25. En l’espèce, les parties sont simultanément présentes sur les marchés de la
commercialisation des QTTFFF auprès des GMS. En matière de commercialisation de
salades traiteur fraîches, les parties sont simultanément présentes, de manière résiduelle, sur
le canal de la RHD, tandis que seul le groupe Pierre Martinet est présent sur le canal des
GMS.
26. La délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle
que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle restent
inchangées.
2. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES
27. L’Autorité considère que les marchés des produits traiteur revêtent une dimension
nationale (18). En effet, les préférences, les goûts et les habitudes de consommation diffèrent
fortement d’un pays à l’autre et les échanges intra-européens de ces produits restent limités.
Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de l’examen de la
présente opération.
III. ANALYSE CONCURRENTIELLE
28. L’opération conduit à un chevauchement d’activités des parties sur les marchés nationaux
de la production et commercialisation des QTTFFF à destination des GMS et des salades
traiteur fraiches à destination de la RHD (A).
29. L’opération emporte également des effets verticaux dans la mesure où le groupe LDC est
actif sur les marchés amont de la production et de la commercialisation de produits élaborés
à base de viande de volailles, d’ovoproduits liquides et de produits élaborés à base
d’œufs (B).
30. Enfin, l’opération emporte des effets congloméraux au vu des activités connexes des parties
en matière de production de produits traiteur (C).
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
31. Un risque d’atteinte à la concurrence peut être constaté lorsqu’une concentration confère un
pouvoir de marché à la nouvelle entité ou renforce un pouvoir de marché que l’une des
parties détenait avant l’opération, c’est-à-dire lorsque l’opération confère à une entreprise le
pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en
lui fournissant la possibilité de comportements indépendants, dans une mesure appréciable,
vis-à-vis de ses concurrents et de ses clients. La nouvelle entité serait ainsi en mesure
d’augmenter significativement ses prix, de réduire la diversité des produits ou services
disponibles sur le marché ou son rythme d’innovation.
32. Afin d’analyser l’existence d’un pouvoir de marché, l’Autorité peut notamment prendre en
compte les éléments suivants : la part de marché des parties et le degré de concentration du
marché à l’issue de l’opération, la pression concurrentielle que peuvent exercer les
concurrents actuels ainsi que les potentiels nouveaux entrants et la puissance d’achat des
clients.
33. La pratique décisionnelle considère que lorsque la part de marché de la nouvelle entité est
inférieure à 25 %, il est présumé que l’opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le
biais d’effets horizontaux.
1. SUR LES MARCHES DE LA COMMERCIALISATION DES QTTFFF AUPRES DES GMS
34. Les activités des parties se chevauchent sur le marché de la commercialisation des QTTFFF
à destination des GMS. Néanmoins, la part de marché cumulée des parties est inférieure à
20 %, quelle que soit la segmentation de marché retenue.
35. Ainsi, l’opération n’entrainera pas d’effets horizontaux susceptibles de porter atteinte à la
concurrence sur les marchés de la commercialisation de produits QTTFFF sur le canal des
GMS.
2. SUR LE MARCHE DE LA COMMERCIALISATION DE SALADES TRAITEUR FRAICHES AUPRES
DE LA RHD
36. Les activités des parties se chevauchent sur le marché de la commercialisation de salades
traiteur fraiches à destination de la RHD. Néanmoins, la part de marché cumulée des parties
est inférieure à 8 % avec un incrément inférieur à [0-5] point.
37. Par conséquent, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le
marché de la commercialisation de salades traiteur fraiches sur le canal de la RHD.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
38. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès
aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les
concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut
viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses
concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée
refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés
commerciaux.
39. La pratique décisionnelle considère, en principe, qu’il est peu probable qu’une entreprise
ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché concerné puisse verrouiller un
marché en aval ou en amont de celui-ci.
40. Les activités des parties présentent des liens verticaux. En effet, le groupe LDC est actif,
d’une part, sur les marchés amont de la fabrication et la commercialisation d’ovoproduits et
de produits élaborés à base d’œufs, et d’autre part, sur la commercialisation de produits
élaborés à base de viande de volaille. Or, ces produits peuvent entrer dans la composition
des produits traiteurs QTTFFF et salades traiteur fraîches produites par le groupe
Pierre Martinet.
41. D’ailleurs, avant l’opération, le groupe Pierre Martinet s’approvisionne en partie auprès du
groupe LDC en ovoproduits liquides et produits élaborés à base d’œufs et en produits de
volailles, pour la fabrication de pâtes feuilletées ou briochées, de quiches et tartes salées, et
de salades traiteur.
42. La nouvelle entité pourrait ainsi décider de ne plus fournir les concurrents du groupe Pierre
Martinet sur les marchés de la production et de la commercialisation de produits traiteur en
ovoproduits liquides et produits élaborés à base d’œufs et de volaille (verrouillage des
intrants). La nouvelle entité pourrait également arrêter de s’approvisionner auprès des
concurrents de groupe LDC sur les marchés amont, en ingrédients nécessaires à la
production des produits traiteur et ainsi réduire les débouchés commerciaux de ses
concurrents (verrouillage de la clientèle).
1. EFFETS VERTICAUX LIES A UNE STRATEGIE DE VERROUILLAGE DES INTRANTS
43. Sur le marché de la fabrication et de la commercialisation d’ovoproduits liquides destinés
aux IAA, la part de marché du groupe LDC est estimée à [5-10] %. Sur le marché des
produits élaborés à base d’œufs destinés aux IAA, la part de marché de LDC est estimée à [10-20] %. Sur ces marchés, le groupe LDC fait face à de nombreux concurrents, notamment
étrangers (notamment Lecoque Eggs, Egga Food, Lodewijckx Cocovite).
44. S’agissant des produits élaborés à base de volaille qui sont aujourd’hui commercialisés par
LDC auprès de groupe Pierre Martinet, ce sont principalement des produits cuits, frais, de
charcuterie de poulet (dés de poulet)¤, et de façon marginale des produits à base de poulet
cru frais, qui sont concernés par les éventuels effets verticaux de la présente opération.
45. La part de marché du groupe LDC sur le marché de la production et de la commercialisation
de produits cuits frais de charcuterie de volaille¤, toutes espèces confondues, auprès des IAA
est estimée à [5-10] %. Sur le segment des produits cuits, frais, de charcuterie de poulet¤,
cette part de marché est estimée à [5-10] %. Plusieurs concurrents de groupe LDC sont par
ailleurs actifs sur ce marché, tels que la société Galliance (groupe Terrena) et la société
Bazin.
46. Au vu de ces faibles parts de marché, une éventuelle stratégie de verrouillage des intrants
n’aurait pas d’effet sensible sur les marchés de la production et commercialisation de salades
traiteur fraiches et de QTTFFF, les acteurs de ces marchés ayant toujours la possibilité de se
tourner vers les concurrents de LDC pour s’approvisionner en ovoproduits et en produits
élaborés à base d’œufs et de poulet.
2. EFFETS VERTICAUX LIES A UNE STRATEGIE DE VERROUILLAGE DE LA CLIENTELE
a) S’agissant des fournisseurs d’intrants pour les producteurs de QTTFFF
47. Sur le marché aval de la production et de la commercialisation de QTTFFF, les parts de
marché des groupes LDC et Pierre Martinet sont inférieures à 20 %, quelles que soient les
segmentations examinées.
48. Au vu de ces parts de marché limitées, une stratégie de verrouillage de la clientèle consistant,
pour l’activité aval de la nouvelle entité, à ne pas s’approvisionner auprès de tiers en
ovoproduits et produits élaborés à base d’œufs ou de volaille pour la production et
commercialisation de QTTFFF n’emporterait pas d’effet sensible sur les marchés amont.
b) S’agissant des fournisseurs d’intrants pour les producteurs de salades traiteur
fraiches
49. Sur le marché aval de la fabrication et commercialisation de salades traiteur fraiches, les
parts de marché de groupe Pierre Martinet excèdent 30 % sur la vente auprès des GMS ([40-50] %), qu’il s’agisse de produits sous MDF ([30-40] %) ou de produits sous MDD ([40-50] %).
50. Pour autant, les ovoproduits liquides, produits élaborés à base d’œufs et les produits élaborés
à base de volaille ne constituent qu’une part limitée (19) des ingrédients entrant dans la
composition des salades traiteur fraiches. D’après la partie notifiante, le groupe Pierre Martinet ne représente en France qu’au maximum [0-5] % des approvisionnements tant en
ovoproduits liquides qu’en produits élaborés à base d’œufs par les acteurs IAA et cette part
n’excède pas [5-10] % pour les produits élaborés à base de volailles, quelle que soit l’espèce
concernée.
51. De nombreux autres concurrents du groupe Pierre Martinet, tels que Bonduelle se fournissent
en ovoproduits, produits élaborés à base d’œufs et produits à base de volaille, pour composer
les salades traiteur fraiches.
52. Dans ces conditions, dans l’hypothèse où la nouvelle entité chercherait à ne plus
s’approvisionner auprès des concurrents de LDC en ovoproduits, en produits élaborés à base
d’œufs ou en produits à base de volaille pour la production et commercialisation de salades
traiteur fraiches ces derniers pourraient trouver des débouchés auprès d’autres acheteurs qui
ne fabriquent pas de salades traiteur fraiches.
53. Ainsi, une éventuelle stratégie de la nouvelle entité de verrouillage de la clientèle consistant,
pour l’activité aval de la nouvelle entité, à ne pas s’approvisionner auprès de tiers en
ovoproduits et produits élaborés à base d’œufs ou de volaille pour la production et la
commercialisation de salades traiteur fraiches n’aurait pas d’effet sensible sur les marchés
de la production et commercialisation d’ovoproduits liquides et de produits élaborés à base
d’œufs et de volaille auprès des IAA.
54. Au vu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence
par le biais d’effets verticaux.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX SUR LE MARCHE DES PRODUITS
TRAITEUR
55. Une concentration est susceptible d’emporter des effets congloméraux lorsque la nouvelle
entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec
d’autres marchés que ceux sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. Certaines
concentrations conglomérales peuvent en effet produire des effets restrictifs de concurrence
lorsqu’elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes des produits
de la nouvelle entité de façon à verrouiller le marché et à évincer les concurrents. Toutefois,
il est peu probable qu’une concentration entraîne un risque d’effet congloméral si la nouvelle
entité ne bénéficie pas d’une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire
jouer un effet de levier.
56. La pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet congloméral peut être
écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur un marché
concerné ne dépasse pas 30 %.
57. Conformément à la pratique décisionnelle, la probabilité que l’opération fausse le jeu de la
concurrence par des effets congloméraux s’apprécie à l’aune de la capacité de la nouvelle
entité à mettre en œuvre effectivement une stratégie de verrouillage, de son incitation à
mettre en œuvre une telle stratégie et des effets de cette stratégie sur les marchés en cause.
58. En l’espèce, l’acquisition du groupe Pierre Martinet permet au groupe LDC d’acquérir une
activité de production et de commercialisation de salades traiteur fraiches sur laquelle il n’est
pas présent, et ainsi de compléter son offre de produits traiteur en GMS (20).
59. Ainsi, sur le marché de la commercialisation des salades traiteur fraiches, le groupe Pierre
Martinet détient une part de marché de [40-50] % en MDD et de [30-40] % en MDF. Sur le
marché des QTTFFF, les parts de marché cumulées des parties s’élèvent à [10-20] % en MDD et à [20-30] % en MDF.
60. Ainsi, la nouvelle entité pourrait utiliser ses fortes positions sur les marchés des salades
traiteur fraiches pour lier la vente des salades traiteur à celle d’autres produits traiteur, en
particulier les QTTFFF, lors des négociations avec la grande distribution via des achats
groupés ou des remises de gammes.
61. Toutefois, elle n’aura ni la capacité ni l’incitation à mettre en œuvre un tel effet de levier.
62. En effet, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de lier commercialement les ventes des
différents produits commercialisés sous MDD et les ventes de produits commercialisés sous
MDF. En effet, comme cela a été exposé par la partie notifiante et confirmé par les répondants au test de marché adressé aux clients distributeurs, les produits commercialisés sous MDD font l’objet d’appels d’offres renouvelés régulièrement et propres à chaque famille de produits. Pour les produits sous MDF, les négociations se font de gré à gré. En outre, les équipes d’acheteurs des GMS diffèrent pour les achats de produits sous MDD et les achats de produits sous MDF.
63. En outre, au sein de chaque typologie de produits (MDF ou MDD), il apparait que les
acheteurs des GMS sont le plus souvent différents pour les salades traiteur fraiches et pour
les QTTFFF. Les cas dans lesquels les acheteurs sont les mêmes concernent généralement
les produits MDD pour lesquels des appels d’offre distincts sont organisés.
64. La nouvelle entité sera par ailleurs confrontée à un contre-pouvoir élevé des acteurs de la
distribution, au sein d’un marché fragmenté de la commercialisation des produits traiteur et
proposant de nombreuses alternatives. En effet, l’Autorité a eu l’occasion de relever à de
nombreuses reprises (21) que, sur les marchés de la commercialisation de produits alimentaires
à destination des GMS, ces dernières disposent généralement d’un pouvoir de négociation
important vis-à-vis de leurs fournisseurs lorsqu’elles disposent d’alternatives crédibles et
suffisantes pour leurs achats.
65. En l’espèce, les GMS peuvent aisément se tourner vers des concurrents de la nouvelle entité
en cas de tentative de mise en œuvre de stratégies de ventes liées. La nouvelle entité fera en
effet face, pour les différentes catégories des produits qu’elle commercialise, à la
concurrence d’opérateurs importants qui représentent des alternatives crédibles pour les
GMS. Les concurrents de la nouvelle entité disposent également d’une gamme de produits
étendue, avec des marques notoires. C’est notamment le cas de Bonduelle, Mix Buffet, et
Sodebo. Enfin, pour la majorité des distributeurs, leur part de l’approvisionnement en
produits traiteur auprès des parties est inférieure à [20-30] %, confirmant le fait qu’il existe
d’autres sources d’approvisionnement en cas de mise en œuvre d’une stratégie de couplage
par les parties.
66. Il en résulte qu’un scénario de ventes liées ou de remise de gamme avec l’objectif de faire
levier à partir de sa position sur les salades traiteur fraiches pour commercialiser des
QTTFFF est peu vraisemblable.
67. Compte tenu de ce qui précède, la nouvelle entité n’aura ni la capacité ni les incitations à
mettre en œuvre une stratégie de verrouillage à l’égard des GMS, de sorte que l’opération
n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux.
DÉCISION
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 24-323 est autorisée.
Le président,
Benoît Cœuré
(1) Les chiffres d’affaires du groupe LDC incluent ceux sociétés Les Délices de Léonard et Groupe Routhiau acquises en janvier 2024 et 2025.
(2) Les parties sont également présentes sur les marchés de la charcuterie (andouilles et andouillettes). Cependant, les produits de groupe LDC sont surtout fabriqués à partir de volaille tandis que ceux élaborés par le groupe Pierre Martinet sont principalement à base de porc. Compte-tenu des positions limitées des parties qui n’excèdent pas [5-10] %, et à la quasi-absence d’addition de parts de marchés, ces marchés ne feront pas l’objet d’un examen détaillé dans la présente décision.
(3) Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-DCC-69 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs du groupe Arcadie Sud-Ouest par le groupe Bigard.
(4) Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-67 du 23 novembre 2009 relative à l’acquisition de la société Arrivé par la société LDC Volaille, n° 10-DCC-119 du 17 septembre 2010 relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice, Fermiers du Sud-Ouest, par les sociétés Maïsadour et Terrena, n° 10-DCC-122 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Gastronome Condom par les sociétés Euralis COOP, SCA Vivadour, Terrena et Maïsadour, n° 15-DCC-14 du 24 février 2015 relative à l’acquisition par LDC Volaille des actifs d’abattage et de commercialisation de volaille du groupe Glon Sanderset et n° 16-DCC-33 du 24 février 2016 relative à l’acquisition par LDC Volaille des actifs d’abattage, de commercialisation et de transport de volailles du groupe Agrial.
(5) Pour la viande de volaille, voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 19-DCC-101 du 22 mai 2019 relative à l’acquisition des sociétés Les Volailles Rémi Ramon et Sofral par LDC Volaille.
(6) Voir les décisions n° 09-DCC-67, n° 10-DCC-119, n° 10-DCC-122, n° 15-DCC-14, n° 16-DCC-33 et n° 19-DCC-101 précitées.
(7) Voir les décisions n° 15-DCC-14, n°16-DCC-33, n° 19-DCC-101 précitées et n°21-DCC-65 du 14 avril 2021 relative à l’acquisition par la société LDC Volaille du groupe Ronsard.
(8) Voir les décisions n° 19-DCC-101 du 22 mai 2019 et n° 21-DCC-65 précitées.
(9) Voir les décisions n° 10-DCC-119 et n° 19-DCC-101 précitées.
¤ Rectification d’erreur matérielle
(10) Voir la décision n° 21-DCC-69 précitée.
(11) Voir notamment les décisions n° 11-DCC-154 et n° 19-DCC-147 précitées.
(12) Voir notamment les décisions n° 11-DCC-154 et n° 19-DCC-147 précitées.
(13) Voir la décision n° 13-DCC-156 précitée.
(14) Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 23-DCC-60 du 30 mars 2023 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Ovoteam par le groupe LDC.
(15) Voir notamment les décisions n° 19-DCC-147 et n° 15-DCC-129 précitées.
(16) Voir notamment les décisions n° 13-DCC-23 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe coopératif Agrial de plusieurs sociétés du groupe Bakkavöer et n° 15-DCC-129 précitée.
(17) Pour mémoire, les bouchers-charcutiers-artisans.
(18) Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-87 du 04 août 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de l’activité «surgelés» du groupe Brossard par la société Financière de Kiel (groupe Alfesca), n° 13-DCC-157 du 31 octobre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs des sociétés Norway Seafoods SAS et Norway Seafoods Boulogne SAS par la société Maïsadour et n° 16-DCC55 du 22 avril 2016 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Groupe Aqualande par la société Labeyrie Fine Foods et la coopérative agricole Les Aquaculteurs Landais.
¤Rectification d’erreur matérielle
(19) Cette part est inférieure à [0-5] %
(20) En RHD, les parts de marchés des parties sur chacun des segments de marché de produits traiteurs n’excèdent pas 30%, ce qui exclut tout risque d’effets congloméraux.
(21) Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 11-DCC-77 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Brossard par le groupe Limagrain et n° 21-DCC-179 du 7 octobre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Sodiaal de Yoplait.