CA Rouen, ch. civ. et com., 15 mai 2025, n° 23/04145
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nexity Lamy (SAS)
Défendeur :
Nexity Lamy (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vannier
Conseillers :
M. Urbano, Mme Menard-Gogibu
Avocats :
Me Garraud, SCP Silie Verilhac et Associes, Me Dartix-Douillet, Me Bigot
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Monsieur [U] [J] est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 2] comprenant deux lots soumis au statut de la copropriété, la copropriété dénommée de la [Adresse 5] étant représentée par son syndic, la SAS Nexity Lamy.
Le règlement de la copropriété considérée interdit l'exercice d'une activité de restauration dans les lieux.
Par arrêt du 9 juillet 2020, cette cour a fixé une astreinte provisoire à la charge de M. [J] en faveur du syndicat des copropriétaires [Adresse 5], pour l'exécution complète des travaux prévus par des décisions du 22 juin 2017 du tribunal de grande instance de Dieppe et du 21 novembre 2018 de la cour d'appel de Rouen portant sur la cessation de toutes activités commerciales de café, bar, brasserie, restaurant, discothèque, ainsi que toutes activités nuisant à la sécurité de l'immeuble et à la tranquillité des autres occupants à hauteur de 75 euros par jour de retard et pour une période de six mois. La cour a également condamné définitivement M. [J] à payer au syndic de copropriété de la [Adresse 5] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte sous seing privé du 3 juillet 2020, la SAS Nexity Lamy, déclarant agir pour le compte de M. [J], a consenti un bail dérogatoire au sens de l'article 145-5 du code de commerce à la SAS Yourself qui y exerce une activité de restauration.
Soutenant que le bail dérogatoire conclu le 3 juillet 2020 était à l'origine du litige et qu'il avait été conclu par la directrice de l'agence Nexity Lamy pour son compte, conformément à un contrat de mandat qu'il ne pouvait verser aux débats, M. [J] a saisi le tribunal judiciaire de Dieppe par acte du 20 juin 2022 afin que la SAS Nexity Lamy assume la charge des sommes qu'il avait dû exposer en faveur du syndicat des copropriétaires.
La SAS Nexity Lamy a contesté l'existence d'un contrat de mandat et a fait valoir qu'en toute hypothèse, l'astreinte résultait de procédures antérieures au bail dérogatoire.
Par jugement du 8 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Dieppe a :
- débouté Monsieur [U] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné Monsieur [U] [J] au règlement d'une somme de 1.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [U] [J] aux entiers dépens de l'instance.
Monsieur [U] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 décembre 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 août 2024, Monsieur [U] [J] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe en date du 08 novembre 2023 en ce qu'il a :
- débouté la SAS Nexity Lamy de sa demande de condamnation de Monsieur [J] au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe en date du 08 novembre 2023 en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [U] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné Monsieur [U] [J] au règlement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [U] [J] aux entiers dépens de l'instance.
Statuant à nouveau :
- s'entendre la SAS Nexity Lamy relever Monsieur [U] [J] de ses condamnations.
- s'entendre en conséquence la SAS Nexity Lamy condamner à payer à Monsieur [U] [J] les sommes ci-après :
- 13 650 euros à titre de liquidation d'astreinte ;
- mémoire entiers dépens de l'instance précédente.
Y ajoutant :
- condamner la SAS Nexity Lamy à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner la SAS Nexity Lamy aux entiers dépens de l'instance ;
- débouter la SAS Nexity Lamy de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 avril 2024, la SAS Nexity Lamy demande à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe le 08 novembre 2023 en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [U] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné Monsieur [U] [J] au règlement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [U] [J] aux entiers dépens de l'instance.
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe le 08 novembre 2023 en ce qu'il a débouté la SAS Nexity Lamy de sa demande de condamnation de Monsieur [J] au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant de nouveau :
- débouter Monsieur [U] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Monsieur [U] [J] à verser à la SAS Nexity Lamy la somme de
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
En tout état de cause :
- condamner Monsieur [U] [J] à verser à la SAS Nexity Lamy la somme de
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [U] [J] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Exposé des moyens :
M. [J] soutient que :
- le bail consenti à la SAS Yourself a été signé par Mme [R], directrice de l'agence Nexity de [Localité 6] pour le compte de M. [J], propriétaire des lieux alors qu'il ne souhaitait pas qu'un tel bail puisse être signé puisqu'il portait sur une activité de restauration interdite par le règlement de copropriété ;
- il avait déjà notifié à la SAS Yourself, par le passé, l'incompatibilité de son commerce avec le règlement ;
- M. [J] a été assigné par la copropriété pour qu'il soit mis fin à cette activité, une astreinte a été prononcée contre lui par arrêt du 9 juillet 2020 laquelle a été liquidée à la somme de 13 650 euros par jugement du 11 août 2021 ;
- même si M. [J] ne peut justifier de l'existence d'un écrit constatant le mandat l'ayant lié à la SAS Nexity Lamy, ce mandat n'en existe pas moins ;
- dès lors qu'un écrit est nécessaire pour constater le mandat, la SAS Nexity Lamy a commis une faute en gérant le bien appartenant à M. [J] sans établir d'écrit ; elle doit en assumer les conséquences ;
- un mandat de gestion conclu sans écrit encourt une nullité relative qui peut être couverte par une ratification ultérieure des actes de gestion ;
- le bail signé par la SAS Nexity Lamy a généré la liquidation de l'astreinte ;
- la SAS Nexity Lamy a été la mandataire de M. [J] mais également le syndic de copropriété et savait que l'activité exercée par le preneur dans les lieux était interdite par le règlement de copropriété ;
- elle a commis une faute au regard du mandat et également au regard de sa qualité de syndic ;
- le fait générateur de l'astreinte est en lien avec le fait que M. [J] a continué à donner à bail un local pour l'exercice d'une activité prohibée.
La SAS Nexity Lamy fait valoir que :
- depuis l'année 2003, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] est en conflit avec M. [J] qui exerçait dans son lot une activité commerciale prohibée par le règlement de copropriété ;
- par ordonnance du 23 juillet 2003, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dieppe lui a enjoint de remettre les lieux en état ;
- M. [J] a persisté et ses preneurs ont continué à exercer une activité de bar-brasserie avec terrasse prohibée dans les lieux ;
- par jugement du 22 juin 20217, le tribunal de grande instance de Dieppe a ordonné la remise en état des lieux, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rouen du 21 novembre 2018 ;
- M. [J] n'ayant pas exécuté les décisions antérieures assorties d'une astreinte, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dieppe a liquidé l'astreinte par jugement du 23 octobre 2019, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Rouen du 9 juillet 2020 ;
- une nouvelle liquidation d'astreinte a été prononcée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dieppe du 11 août 2021 à hauteur de 13 650 euros couvrant la période allant du 27 juillet 2020 au 26 janvier 2021 ;
- les fautes du mandataire ne peuvent être appréciées qu'au vu des pouvoirs qui lui sont conférés par le mandat qui ne peut être qu'écrit en la matière ;
- aucun mandat écrit n'est communiqué par M. [J] ; aucune faute ne peut être imputée à la SAS Nexity Lamy ;
- un mandat de gestion apparent ne justifie pas de l'existence d'un mandat de gestion locative ;
- l'astreinte liquidée concerne une période antérieure à la conclusion du bail litigieux ; aucun lien de causalité ne peut être établi.
Réponse de la cour
Selon l'article 1992 du code civil, le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Selon l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, les conventions conclues avec des agents immobiliers en matière de gestion de biens locatifs doivent être rédigées par écrit et préciser divers points.
M. [J] est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 2] comprenant deux lots soumis au statut de la copropriété.
La SAS Nexity Lamy est le syndic de ladite copropriété et il est constant que le règlement de celle-ci interdit l'exercice d'activités commerciales de restauration.
Il est également constant que M. [J] a donné à bail, depuis des années, les locaux considérés dans lesquels les preneurs ont exercé une activité de restauration.
Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de grande instance de Dieppe a :
- ordonné à M. [U] [J] de cesser toute activité commerciale dans les locaux n°106 et 107 dont il est propriétaire au sein de la copropriété de la [Adresse 5] à [Localité 4],
- ordonné à M. [J] la remise en état des parties communes sur lesquelles il a entrepris des travaux de percement sans autorisation, ainsi que la démolition de la véranda-terrasse installée sur les parties communes et le ravalement en blanc des murs extérieurs peints en jaune et rose, et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte provisoire de 75 euros par jour de retard, passé ce délai,
- précisé que cette astreinte serait due pour un délai maximum de 6 mois, et qu'il appartiendrait passé ce délai à la copropriété de la [Adresse 5] de saisir le juge de l'exécution.
Par arrêt du 21 novembre 2018, cette cour a :
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant ordonné à M. [J] de cesser toute activité commerciale dans les locaux n°106 et 107 dont il est propriétaire au sein de la copropriété de la [Adresse 5],
- statuant de nouveau du chef infirmé, ordonné à M. [J] de cesser toutes activités de brasserie, restaurant, discothèque, ainsi que toutes activités nuisant à la sécurité de l'immeuble, à la tranquillité des autres occupants, notamment par le bruit qui serait produit ou les odeurs qui seraient dégagées, dans les locaux n°107 et 108 dont il est propriétaire au sein de la copropriété de la [Adresse 5] à [Localité 4].
Par jugement du 23 octobre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dieppe a :
- ordonné la liquidation de l'astreinte provisoire à hauteur de 9.100 euros,
- fixé une astreinte provisoire à la charge de M. [J] pour l'exécution complète des travaux prévus par les décisions du 22 juin 2017 et 21 novembre 2018 et la cessation de toutes activités commerciales de café, bar, brasserie, restaurant, discothèque, ainsi que toutes activités nuisant à la sécurité de l'immeuble, à la tranquillité des autres occupants, notamment par le bruit qui serait produit ou les odeurs qui seraient dégagées, à hauteur de 75 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la décision,
Par arrêt du 9 juillet 2020, cette cour a :
- confirmé le jugement du 23 octobre 2019 sur le montant de l'astreinte liquidée, l'indemnité procédurale et les dépens de première instance,
Statuant à nouveau au titre de la nouvelle astreinte provisoire et y ajoutant,
- Fixé une astreinte provisoire à la charge de M. [U] [J] pour l'exécution complète des travaux prévus par les décisions du 22 juin 2017 et 21 novembre 2018 et la cessation de toutes activités commerciales de café, bar, brasserie, restaurant, discothèque, ainsi que toutes activités nuisant à la sécurité de l'immeuble, à la tranquillité des autres occupants, notamment par le bruit qui serait produit ou les odeurs qui seraient dégagées, à hauteur de 75 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et pour une période de 6 mois,
Par jugement du 11 août 2021, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dieppe a :
- condamné M. [J] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] la somme de 13 650 euros représentant la liquidation de l'astreinte pour la période entre le 27 juillet 2020 et le 26 janvier 2021, fixée par arrêt de la cour d'appel de Rouen du 9 juillet 2020 ;
- fixé une nouvelle astreinte provisoire d'un montant de 76 euros par jour jusqu'à ce que M. [J] réalise l'intégralité des travaux ordonnés par jugement du tribunal de grande instance de Dieppe du 22 juillet 2017, astreinte commençant à courir passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement.
Par acte sous seing privé du 3 juillet 2020, la SAS Nexity Lamy, déclarant gérer le bien appartenant à M. [J] situé [Adresse 2] M. [J] a consenti un bail dérogatoire au sens de l'article 145-5 du code de commerce à la SAS Yourself.
M. [J], qui déclare avoir été lié par un mandat de gestion locative à la SAS Nexity Lamy, ne produit aucun contrat écrit justifiant de son allégation.
S'il est exact que la SAS Nexity Lamy a expressément signé le contrat du 3 juillet 2020 en qualité de gérante du bien immobilier de M. [J] et, nécessairement, en qualité de mandataire de ce dernier, l'absence de production d'un contrat écrit ne permet pas de déterminer la date à laquelle ce contrat a été donné ni son caractère général ou spécial ni les missions attribuées à la SAS Nexity Lamy.
Il appartient à M. [J] de démontrer la faute qu'il impute à la SAS Nexity Lamy et notamment celle d'avoir, en connaissance de cause, consenti un bail à la SAS Yourself alors qu'elle savait que M. [J] y était opposé étant observé que la SAS Yoursel était déjà le preneur de M. [J] depuis des années s'agissant des mêmes lieux et qu'elle y exerçait la même activité de restauration ainsi qu'il résulte d'un courrier du 9 septembre 2019 (pièce n° 2 de M. [J]) adressé directement par lui à la SAS Yourself la mettant en demeure de cesser toute activité de restauration.
Le fait que la SAS Nexity Lamy ait été, par ailleurs, le syndic de copropriété de l'immeuble dans lequel s'exerçait l'activité de la SAS Yourself, ne peut être considéré comme fautif par M. [J] dès lors qu'il déclare agir en sa seule qualité de mandant de la SAS Nexity Lamy et non en qualité de copropriétaire.
M.[J] ne justifiant pas avoir expressément ordonné à la SAS Nexity Lamy de cesser toute relation avec la SAS Yourself ou lui avoir donné l'ordre de ne conclure que des baux excluant toute activité de restauration, il n'est pas en mesure de démontrer que la SAS Nexity Lamy a commis une faute à son encontre dans l'exécution du mandat, qu'elle a elle-même indiqué détenir, en acceptant d'établir un bail dérogatoire au bénéfice d'un preneur qui était déjà dans les lieux depuis des années étant observé que, depuis cette même période de temps et malgré les multiples décisions judiciaires contre lui, M. [J] a maintenu ses preneurs dans les lieux alors qu'il savait que leur activité commerciale était interdite par le règlement de copropriété applicable.
Par ailleurs, la SAS Nexity Lamy ayant accepté un mandat de gestion sans être en mesure de le justifier par écrit contrairement aux termes de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, la présente procédure, qui procède notamment de cette anomalie laquelle est également imputable à l'agent immobilier, ne saurait être qualifiée d'abusive.
Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens de la procédure d'appel seront mis à la charge de M. [J].
En revanche, les faits de l'espèce s'opposent à ce qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit accordée à quiconque.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort ;
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 8 novembre 2023 ;
Y ajoutant :
Condamne M. [J] aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.