CA Rennes, 4e ch., 15 mai 2025, n° 23/07018
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Kloeckner Metals France (SAS)
Défendeur :
Miroiterie de Cornouaille (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Desalbres
Conseillers :
Mme Malardel, Mme Pichon
Avocats :
Me David, Me Paublan, Me Briec, SELARL Quadrige Avocats, Association LPBC, SELARL Briec Gerard
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [R] [M] est propriétaire d'une maison d'habitation située [Adresse 4] à [Localité 6].
En 2011, elle a confié à un architecte une mission de maîtrise d''uvre jusqu'au dépôt du permis de construire dans le cadre de l'extension et de la rénovation de sa maison, lequel a été accordé le 29 novembre 2011.
Suivant devis en date du 16 décembre 2011, elle a commandé à la société Miroiterie de Cornouaille, pour un montant de 23 000 euros TTC, la pose et fourniture de menuiseries réalisées en acier métallisé et thermolaqué, laquelle a mis en oeuvre des profilés de type Fineline fabriqués par la société KDI devenue Kloeckner Metals France.
La société Miroiterie de Cornouaille a sous-traité le laquage des profilés à la société G2H29.
Les travaux ont été réalisés en début d'année 2012 et facturés entre le mois de mars et la fin du mois d'avril sans qu'une réception formalisée ne soit intervenue.
Se plaignant de l'apparition de condensation sur les profilés, Mme [M] n'a pas réglé le solde du marché de 3 000 euros et a fait établir deux constats d'huissier en date des 17 novembre 2016 et 3 janvier 2017.
Une expertise judiciaire a été ordonnée suivant ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Quimper du 7 juin 2017, désignant M. [O] [P] pour y procéder.
Par ordonnances des 14 février et 14 mars 2018, puis 4 mars 2020, les opérations d'expertise ont été étendues à la société G2H29, à la société Électricité Générale [Localité 8] dès lors que le phénomène de condensation était susceptible d'être aggravé par une ventilation mécanique non adaptée, puis à la société KDI actuellement Kloeckner Metals France, fabricant des menuiseries extérieures.
L'expert a déposé son rapport le 20 juillet 2020.
Par acte du 21 avril 2021, Mme [M] a assigné la société Miroiterie de Cornouaille devant le tribunal judiciaire de Quimper en indemnisation de ses préjudices.
Par exploit du 21 juin 2021, la société Miroiterie de Cornouaille a appelé en garantie la société Kloeckner Metals France.
Par jugement du 5 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Quimper a :
- condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] les sommes suivantes au titre de la reprise des désordres :
- 9 561,17 euros HT dépose verrière, cache-moineau, lambris, protection cuisine, bâchage,
- 495 euros HT électricité,
- 1 210,70 euros HT embellissements,
- 1 800 euros HT capotages,
- 1 100 euros HT travaux de jardinage,
- ces sommes seront augmentées de la TVA en vigueur à la date du présent jugement et indexées sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du présent jugement, l'indice de référence étant le dernier publié le 20 juillet 2020, date du rapport d'expertise,
- 3 778, 67 euros HT seuil BA et carrelage,
- cette somme sera augmentée de la TVA en vigueur à la date du présent jugement et indexée sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du présent jugement, l'indice de référence étant le dernier publié le 5 juin 2023, date du devis Clerembaux,
- 50 000 euros HT (fourniture et pose de menuiseries acier rupture thermique),
- cette somme sera augmentée de la TVA en vigueur à la date du présent jugement et indexée sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du présent jugement, l'indice de référence étant le dernier publié le 29 août 2023, date du devis Le Grand,
- débouté Mme [R] [M] de sa demande au titre de la maîtrise d''uvre,
- condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] la somme de 9 840 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral,
- prononcé la réception de l'ouvrage au 30 avril 2012 avec la réserve suivante :
- non-conformité de l'ouverture de la porte en façade Sud qui ne s'ouvre pas complètement et bute sur le pignon,
- condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé, les frais et honoraires de l'expert judiciaire conformément aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront recouvrés par la société Quadrige Avocats, par application de l'article 699 du Code de procédure civile,
- condamné la société Kloeckner Metals France à garantir intégralement la société Miroiterie de Cornouaille de l'ensemble des sommes mises à sa charge,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
La société Kloeckner Metals France a interjeté appel de cette décision le 14 décembre 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions du 5 septembre 2024, la société Kloeckner Metals France demande à la cour de :
- infirmer et/ou réformer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [R] [M] de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle,
- débouter la société Miroiterie de Cornouaille de son recours en garantie à son encontre,
Subsidiairement, ne la condamner à garantir la société Miroiterie de Cornouaille que dans une proportion maximale de 20 % du coût total du sinistre,
- débouter Mme [M] de sa demande de condamnation à hauteur de 50 000 euros au titre de la fourniture et pose de menuiseries acier à rupture de pont thermique, au regard de la disproportion de la demande et/ou ramener la demande à plus juste proportion,
- débouter Mme [M] de sa demande d'expertise et de sa demande de condamnation à hauteur d'un montant de 114 838,15 euros et toutes autres demandes telles qu'exprimées dans ses écritures d'intimée,
En tout état de cause,
- condamner toute partie succombante au paiement d'une indemnité de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Quadrige Avocats, par application de l'article 699 du code de procédure civile,
Dans ses dernières écritures du 2 septembre 2024, la société Miroiterie de Cornouaille demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la réception de l'ouvrage au 30 avril 2012 avec la réserve suivante : « non-conformité de l'ouverture de la porte en façade sud qui ne s'ouvre pas complètement et qui bute sur le pignon »,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à indemniser Mme [M] de ses préjudices,
- débouter Mme [R] [M] de ses demandes dirigées à son encontre,
À titre subsidiaire, juger en toute hypothèse que le coût des réparations ne saurait excéder la somme de 40 146,01 euros éventuellement indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction (ICC) et 5 400 euros pour le préjudice pendant la durée des travaux,
- juger que le préjudice de jouissance ne saurait excéder 70 euros/an depuis 2016,
- débouter Mme [M] de sa demande au titre du préjudice moral,
- débouter Mme [M] de toute demande plus ample ou contraire ;
À titre subsidiaire, et en toute hypothèse,
- vu les dispositions des articles 1231 et suivants du code civil, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société KDI actuellement Kloeckner Metals France à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,
- réduire de façon significative la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombante à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 4 octobre 2024, Mme [R] [M] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à l'indemnisation de ses entiers préjudices,
- vu la date de réception judiciaire de l'ouvrage arrêtée au 30 avril 2012,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- a condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui verser les sommes suivantes au titre de la reprise des désordres :
- 9 561,17 euros HT dépose verrière, cache-moineau, lambris, protection cuisine, bâchage,
- 495 euros HT électricité,
- 1 210,70 euros HT embellissements,
- 1 800 euros HT capotages,
- 1 100 euros HT travaux de jardinage,
sommes augmentées de la TVA en vigueur à la date du jugement et indexées sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du jugement, l'indice de référence étant le dernier publié le 20 juillet 2020, date du rapport d'expertise,
- 3 778, 67 euros HT seuil BA et carrelage,
somme augmentée de la TVA en vigueur à la date du jugement et indexée sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du jugement, l'indice de référence étant le dernier publié le 5 juin 2023, date du devis Clerembaux,
- 50 000 euros HT (fourniture et pose de menuiseries acier rupture thermique),
somme augmentée de la TVA en vigueur à la date du jugement et indexée sur le dernier indice du coût de la construction BT01 publié à la date du jugement, l'indice de référence étant le dernier publié le 29 août 2023, date du devis Le Grand,
- l'a déboutée de sa demande au titre de la maîtrise d''uvre,
- a condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui verser la somme de 9 840 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- a condamné solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral,
Statuant de nouveau et réformant la décision dont appel,
S'agissant des travaux de reprise
- en tout état de cause, vu l'actualisation des devis
- condamner solidairement la société Miroiteries de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui payer les sommes suivantes au titre des travaux de reprise et des frais de maîtrise d''uvre se décomposant comme suit :
À titre principal
- au titre des travaux de reprise - solution N°1 bis : 95 698,46 euros HT soit 114 838,152 euros TTC
- au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 9 500 euros HT
À titre subsidiaire - solution n°2 1ère option :
- au titre des travaux de reprise actualisés avec prise en considération d'un remplacement véranda en acier et reprise intégrale du carrelage : 77 884,59 euros HT soit 93 461,508 euros TTC
- au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 7 700 euros HT
À titre infiniment subsidiaire
- au titre des travaux de reprise - solution N°1 : 60 635,55 euros HT soit 72 762,66 euros TTC,
- au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 6 000 euros HT
À titre encore plus subsidiaire - solution n°2 seconde option
- au titre des travaux de reprise avec prise en considération d'un remplacement véranda en aluminium et reprise intégrale du carrelage : 50 081,52 euros HT soit 60 097,824 euros TTC, - au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 5 000 euros HT
À titre encore plus subsidiaire, elle sollicite que soit faite application sur chaque lot de l'indice BT publié par l'INSEE sur les lots concernés et à titre encore plus subsidiaire que l'indice BT 01 soit appliqué,
S'agissant du préjudice de jouissance durant les travaux de reprise
- condamner solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui payer
À titre principal
- solution N°1 : 6 600 euros,
À titre subsidiaire
- solution n°2 : 11 000 euros,
S'agissant du préjudice de jouissance depuis 2012
- condamner solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui payer la somme de 15 450 euros pour la période allant du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2020 inclus, outre 150 euros par mois à compter du mois d'août 2020 jusqu'à la reddition du jugement à intervenir,
S'agissant du préjudice moral
- condamner solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- condamner solidairement la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les entiers frais et dépens, ceux compris les frais d'expertise judiciaire de M. [O] [P], expert, et en ceux compris les frais de procès-verbal de constats d'huissiers en date des 3 janvier 2017, 17 novembre 2016 et 23 février 2021.
MOTIFS
Il résulte de l'expertise que la société Miroiterie de Cornouaille a fourni et posé des menuiseries sur l'extension de type véranda, avec vitrages sur toute la périphérie, à usage de cuisine.
M. [P] a constaté :
- que la conception des profilés favorise les condensations en intérieur dès lors que la température extérieure est froide en raison d'une fonction atténuation thermique des profilés en acier insuffisante,
- un défaut de porte lié à la nécessité d'adapter l'architecture de façade,
- des traces blanchâtres sur les profilés liées à des défauts de laquage qui constituent un défaut esthétique,
- des rayures sur les vitrages qui constituent un préjudice esthétique.
Les constatations matérielles de l'expert ne sont pas discutées.
Le tribunal a prononcé la réception judiciaire des travaux de la société Miroiterie de Cornouaille à la date du 30 avril 2012, avec pour réserve la non-conformité de la porte en façade sud, laquelle ne s'ouvre pas complètement et bute sur le pignon. Cette disposition du jugement, non contestée en appel, est confirmée.
I. Sur les responsabilités
A. La société Miroiterie de Cornouaille
Le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de la société Miroiterie de Cornouaille.
Mme [M] soutient que le caractère décennal du désordre est établi, l'expert ayant indiqué que l'insuffisante atténuation des thermiques des profilés était de nature à atteindre la destination de l'ouvrage. À titre subsidiaire, elle fait valoir que le désordre est lié à un problème de conception qui engage la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur sur le fondement de l'article 1147 dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 du code civil.
La société Miroiterie de Cornouaille réplique que les phénomènes de condensation sont sans conséquence véritablement dommageable et ne relèvent pas de la garantie décennale. Elle considère qu'elle a été induite en erreur par la documentation de la société KDI qui énonçait que la fenêtre ne comportait pas de rupture de pont et avait une performance thermique remarquable, comparable aux menuiseries à rupture, mais qu'elle n'a commis aucune faute.
En l'espèce, M. [P] note que le risque de condensation est évoqué par le rapport du cabinet d'expertise technique du bâtiment (CETB) de novembre 2001 dès lors que l'humidité est supérieure à 50%, que cette valeur est dépassée en finition en quasi permanence, que la fonction d'atténuation technique est illusoire. Pour autant, si les températures des profilés intérieures ont été mesurées de 2 à 3 degrés supérieurs à l'extérieur, il n'a été constaté aucune conséquence sur la chaleur des pièces chauffées à 17/18 degrés. Quant à la condensation, elle est présente en bas des vitres environ 10 minutes par jour lorsque le temps est froid et humide. L'expert souligne cependant, sans être démenti, que même dans une cuisine très bien ventilée et isolée il peut y avoir des condensations sur les châssis, lesquels sont pourvus à cet effet selon le DTU, de goulottes pour condensats.
Il suit de là que Mme [M] ne démontre pas l'existence d'une impropriété à destination en l'absence de conséquences du désordre sur la température de la cuisine, lequel ne relève donc pas de la garantie décennale. Seule peut en conséquence être recherchée la responsabilité pour faute du menuisier.
La société Miroiterie de Cornouaille est responsable à l'égard du maître de l'ouvrage de la conception et des caractéristiques et des inconvénients des matériaux choisis.
Ainsi que le souligne le fabricant, dans le catalogue de la société KDI, devenue Kloeckner Metals France, figure dans le paragraphe performance thermique un avertissement aux termes duquel il est mentionné qu'afin 'd'éviter l'apparition de point de rosée sur les profils, il est important que les locaux recevant des ouvrages réalisés avec la gamme Fineline soient correctement ventilés. Il est impossible d'intégrer des grilles de ventilation dans les profils Fineline. Ces grilles devront être prévues à l'extérieur de la menuiserie, ou dans les coffres de volets roulants, ou dans un profil haut rajouté sur la menuiserie Fineline.' Il est ensuite précisé que les performances thermiques de Fineline font l'objet d'un rapport du CEBTP disponible sur demande.
En sa qualité de professionnelle, le menuisier devait vérifier l'avis technique des profilés afin de s'assurer de leur adéquation à la construction et prendre en compte le risque d'apparition de condensation encore plus important dans le cadre d'une véranda, compte tenu de l'importance des surfaces vitrées, au regard des observations du fabricant. Ses manquements sont démontrés. Sa responsabilité contractuelle pour faute est engagée.
La société Kloeckner Metals France
Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie du vice caché soulevée par le fabricant au motif qu'elle avait été tranchée par le juge de la mise en état. Il a retenu que la responsabilité de la société Kloeckner Metals France était engagée à l'égard de Mme [M] sur le fondement de l'article 1641 du code civil.
Le fabricant excipe à nouveau de la prescription de l'action fondée sur le vice caché soutenant qu'elle n'a pas été formée dans le bref délai de l'article 1648 du code civil.
Mme [M] demande la confirmation du jugement.
Le maître de l'ouvrage bénéficie d'une action contractuelle directe à l'encontre du fabricant. Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Or aucun défaut propre au produit fabriqué n'est caractérisé et l'action en garantie des vices cachés est impossible en cas de simple inadaptation au site, alors que le fabricant ne savait pas quel serait l'usage de son matériau. C'est d'ailleurs sur le fondement du manquement à son devoir d'information et de conseil à son égard que l'entrepreneur fonde son recours en garantie contre le fabricant et la discussion entre les parties ne porte en effet que sur ce point.
Il convient en conséquence de requalifier au visa de l'article 12 du code de procédure civile l'action en garantie des vices cachés en action fondée sur un manquement au devoir d'information et de conseil sans qu'il ne soit utile de ré ouvrir les débats puisque les parties ont déjà conclu sur ce fondement. La fin de non-recevoir est donc sans objet.
La société Miroiterie de Cornouaille reproche au fabricant le contenu de sa documentation qui indique que les profilés vendus ont une performance comparable aux menuiseries à rupture, ce qui est erroné.
Le fabricant rétorque que le problème de conception dénoncé par l'expert judiciaire concerne exclusivement la société Miroiterie de Cornouaille, qu'il n'existe pas de devoir de conseil entre deux professionnels de même spécialité, que l'entrepreneur spécialiste de la pose des menuiseries a incontestablement commis une faute et été imprudent en ne vérifiant pas les performances thermiques de la gamme Fineline qu'elle a posée chez Mme [M] et en ne consultant pas le rapport du CEBTP. Elle considère que c'est au locateur d'ouvrage qui connait la configuration de son ouvrage et les spécificités recherchées par son client, de l'adapter aux objectifs alors qu'il avait la compétence nécessaire pour apprécier la qualité des produits livrés et son adaptation aux contraintes de l'ouvrage.
Le catalogue de la gamme Fineline mentionne que les ouvrages vitrées présentent des performances thermiques remarquables, comparable aux menuiseries à rupture, ce que contredit l'avis du CETB comme celui de l'expert judiciaire, ce que ne dément pas le fabricant.
Cette brochure, qui est davantage qu'une accroche publicitaire contrairement à ce qu'indique la société Kloeckner Metals France, par son information biaisée n'est pas appropriée et engage la responsabilité du fabricant pour manquement à son obligation de conseil et d'information du locateur d'ouvrage puisque si ce dernier est un professionnel de la menuiserie, il est moins qualifié que le fabricant pour juger des qualités des nouveaux procédés et techniques innovantes.
La responsabilité la société Kloeckner Metals France pour manquement au devoir de conseil et d'information de l'acheteur est donc engagée et Mme [M] bien fondée à s'en prévaloir dans le cadre de son action directe.
II. Sur l'indemnisation
Mme [M] ne reprend pas dans son dispositif sa demande d'expertise aux fins de chiffrage des travaux réparatoires, il n'y sera donc pas répondu.
A. Sur le préjudice matériel
Le maître de l'ouvrage demande à nouveau que l'extension construite soit entièrement déposée et reposée, afin que le support soit accepté par les professionnels. Elle réclame que les devis actualisés soient pris en compte au regard de l'augmentation des prix de la construction.
Pour rappel elle sollicite au titre des travaux de reprise :
- solution N°1 bis : 95 698,46 euros HT soit 114 838,152 euros TTC
- au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 9 500 euros HT
À titre subsidiaire - solution n°2 1ère option :
- au titre des travaux de reprise actualisés avec prise en considération d'un remplacement véranda en acier et reprise intégrale du carrelage : 77 884,59 euros HT soit 93 461,508 euros TTC
- au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 7 700 euros HT
À titre infiniment subsidiaire
- au titre des travaux de reprise - solution N°1 : 60 635,55 euros HT soit 72 762,66 euros TTC,
- au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 6 000 euros HT
À titre encore plus subsidiaire - solution n°2 seconde option
- au titre des travaux de reprise avec prise en considération d'un remplacement véranda en aluminium et reprise intégrale du carrelage : 50 081,52 euros HT soit 60 097,824 euros TTC, - au titre des frais de maîtrise d''uvre (10% HT) : 5 000 euros HT
À titre encore plus subsidiaire, elle demande que soit faite application sur chaque lot de l'indice BT publié par l'INSEE sur les lots concernés et à titre encore plus subsidiaire que l'indice BT 01 soit appliqué,
La société Miroiterie de Cornouaille estime que seule la seconde solution proposée par l'expert, qui ne comprend pas la déconstruction de l'extension, peut être retenue, mais sans reprise intégrale du carrelage, arguant que la première hypothèse est sans fondement.
Le fabricant fait valoir que le remplacement des profilés posés par des profilés en acier est insuffisant, l'expert indiquant que la nature même des profilés imposait leur remplacement. Il estime également que la demande du maître de l'ouvrage est totalement disproportionnée.
L'expert judiciaire a estimé que les devis produits par Mme [M] pour la démolition complète (solution 1) de l'extension pour un coût de 84 571,01 euros HT comportaient des doublons et que l'ampleur de travaux étaient surévalués. Il estime ce chiffrage 'déraisonnable' (page 33).
La cour fait sien l'avis de l'expert repris par le tribunal selon lequel les travaux réparatoires doivent être limités au remplacement des profilés par des profilés à rupture de ponts thermiques, au changement des panneaux de verre ainsi qu'à la reprise du carrelage outre l'exécution de travaux de peinture pour les embellissement et qu'il n'y a pas lieu de procéder à la dépose de la structure Scop Bois qui n'est pas en cause ni de la couverture et des doublages.
Mme [M] est mal fondée à faire valoir que la société Scop Bois qui ne souhaitait pas réintervenir pour des questions de garantie ne permet pas de réaliser des travaux ponctuels de reprise puisqu'il n'y a pas lieu de refaire la structure qu'elle a réalisée et qu'il n'est pas davantage justifié qu'aucun carreleur ne voudra reprendre le carrelage.
Pour la solution n°2 qui correspond à la reprise partielle de l'extension, l'expert a détaillé comme suit la solution réparatoire :
- 9 561,17 euros HT (dépose verrière, cache-moineau, lambris, protection cuisine, bâchage),
- 19 555,48 euros HT: remplacement des châssis,
- 2 674 euros HT : seuil BA et découpe carrelage,
- 495 euros HT électricité,
- 1 210,70 euros HT embellissements,
- 1 800 euros HT capotages,
- 1 100 euros HT travaux de jardinage,
Le tribunal a entériné les montants de 9 561,17 euros HT, 495 euros HT, 1 210,70 euros HT, 1 800 euros HT, 1 100 euros HT. Il a actualisé la reprise du carrelage à la somme de 3 778,67 euros HT et pris en compte le devis produit par Mme [M] pour la construction d'une véranda avec des profilés acier qu'il a limité à la somme de 50 090 euros HT.
L'expert judiciaire avait cependant évalué les travaux réparatoires et procédé à une analyse approfondie des coûts sur la base des devis transmis par Mme [M] qui avait choisi des profilés aluminium sans que cela ne lui soit imposé. Il n'y a donc pas lieu de reprendre le chiffrage qui ne peut être vérifié d'autant que le devis aujourd'hui produit et d'un montant de plus du double que celui initialement retenu.
En revanche, compte tenu de la spécificité et de la complexité des travaux réparatoires à réaliser, il sera ajouté les honoraires d'une maîtrise d''uvre pour un coût de 4 000 euros (10%) comme préconisé par M. [P].
L'allocation de ces sommes permettent la réparation intégrale du préjudice et ne sont nullement disproportionnées au regard des désordres constatés.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] les sommes de 9 561,17 euros HT, 495 euros HT, 1 210,70 euros HT, 1 800 euros HT, 1 100 euros HT auxquelles seront ajoutées celles de 19 555,48 euros HT et 2 674 euros HT, outre 4 000 euros au titre des frais de maîtrise d''uvre. Ces société seront condamnées in solidum, et non solidairement en l'absence de lien contractuel entre elles. Le jugement est infirmé sur ce point.
L'actualisation de ces sommes sur l'indice BT 01 est suffisante pour prendre en compte les fluctuations du coût des matériaux.
La reprise des désordres des menuiseries mettant un terme aux désordres du laquage et de la porte, il n'y a pas lieu de les examiner.
B. Sur les préjudices immatériels
1. Sur le préjudice de jouissance
L'expert judiciaire a évalué à 1800 euros par mois le coût de la location d'un bien nécessaire au relogement de Mme [M] avec son fils pendant les cinq mois de travaux nécessaires pour la reprise de l'extension qui privera ses occupants de cuisine.
Le tribunal a sur cette base alloué la somme de 9 000 euros à Mme [M] qui demande de voir réévaluer cette indemnité à 11 000 euros considérant que le coût moyen d'une location saisonnière est de 550 euros par semaine.
Elle demande également que la somme de 1 800 euros octroyée compte tenu de la condensation des profilés soit augmentée à 15 450 euros de 2012 à 2020 sur la base de 150 euros par année outre 150 euros par an 'jusqu'à la reddition du jugement à intervenir'.
Ainsi que l'ont souligné les premiers juges, les annonces produites par Mme [M] pour 4 à 6 personnes ne correspondent pas à la nécessité de relogement pour elle et son fils. La somme de 1 800 euros par mois est donc satisfactoire.
Le tribunal sera également approuvé pour avoir octroyé la somme de 840 euros au maître de l'ouvrage compte tenu de la gêne occasionnée par la condensation, aucune flaque provenant des profilés n'ayant été constatée contrairement à ce qu'elle soutient et le désordre n'intervenant que ponctuellement lors de conditions météorologiques spécifiques ainsi qu'il a été rappelé supra.
Le jugement sera en conséquence infirmé uniquement en ce qu'il a prononcé une condamnation solidaire au lieu d'une condamnation in solidum.
2. Sur le préjudice moral
La condamnation du fabricant et du menuisier à régler à Mme [M] la somme de 1 500 euros sera confirmée, sauf à dire qu'elle seront tenues in solidum, au regard des soucis et tracas de la procédure qui a duré pendant plusieurs années, la somme de 5 000 euros réclamée étant excessive et non justifiée au regard des circonstances de l'affaire telle qu'elle résulte des pièces du dossier.
III. Sur les recours en garantie
Les co-obligés sollicitent réciproquement la garantie de l'autre. La faute commise par le fabricant, qui a à tort mentionné dans la documentation que son produit était équivalent à un profilé avec rupture de pont thermique est prépondérante.
Le partage de responsabilité sera fixé comme suit :
- la société Miroiterie de Cornouaille : 40%
- la société Kloeckner Metals France : 60%
L'entrepreneur et le fabricant se garantiront réciproquement de l'ensemble des condamnations dans ces proportions.
IV. Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et dépens sont confirmées sauf à dire que les sociétés Miroiterie de Cornouaille et Kloeckner Metals France sont tenues in solidum et non solidairement.
Elles seront condamnées in solidum à payer une indemnité complémentaire de 3 500 euros à Mme [M] en application de l'article 700 du code de procédure civile qui comprendront les frais de constats d'huissier et aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la réception de l'ouvrage au 30 avril 2012 avec la réserve suivante : non-conformité de l'ouverture de la porte en façade Sud qui ne s'ouvre pas complètement et bute sur le pignon,
- condamné la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] les sommes suivantes au titre de la reprise des désordres :
- 9 561,17 euros HT dépose verrière, cache-moineau, lambris, protection cuisine, bâchage,
- 495 euros HT électricité,
- 1 210,70 euros HT embellissements,
- 1 800 euros HT capotages,
- 1 100 euros HT travaux de jardinage,
sauf à dire qu'elles seront tenues in solidum et non solidairement,
- condamné la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] :
- la somme de 9 840 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- la somme la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral,
- la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
sauf à dire qu'elles seront tenues in solidum et non solidairement,
- condamné la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé, les frais et honoraires de l'expert judiciaire conformément aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, sauf à dire qu'elles seront tenues in solidum et non solidairement,
- dit que les dépens seront recouvrés par la société Quadrige Avocats, par application de l'article 699 du Code de procédure civile,
L'infirme sur le surplus en ses dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau
Condamne in solidum la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à verser à Mme [R] [M] les sommes suivantes au titre de la reprise des désordres :
- 19 555,48 euros HT: remplacement des châssis,
- 2 674 euros HT : seuil BA et découpe carrelage,
- 4 000 euros au titre des frais de maîtrise d''uvre,
Dit que les sommes allouées au titre des travaux réparatoires seront augmentées de la TVA en vigueur à la date de la décision et actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 publié entre le 20 juillet 2020 et l'indice le plus proche de la date du présent arrêt.
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
- la société Miroiterie de Cornouaille : 40%
- la société Kloeckner Metals France : 60%
Les condamne à se garantir réciproquement de l'ensemble des condamnations, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens, dans ces proportions.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Y ajoutant
Condamne in solidum la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France à payer à Mme [R] [M] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Miroiterie de Cornouaille et la société Kloeckner Metals France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.