CA Versailles, ch. soc. 4-5, 15 mai 2025, n° 23/01783
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 15 MAI 2025
N° RG 23/01783
N° Portalis DBV3-V-B7H-V536
AFFAIRE :
[E] [P]
C/
SELARL [V] prise en la personne de Me [N] [G] [V], es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S.U. DSR BAT
AGS CGEA [Localité 9]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Avril 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : F22/00531
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Charles-Elie MARTIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE MAI DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [P]
né le 07 Juin 1994 à [Localité 7] (Algérie)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Charles-Elie MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2337
APPELANT
****************
SELARL [V] prise en la personne de Me [N] [G] [V], es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S.U. DSR BAT
[Adresse 1]
[Localité 5]
non présent, non représenté
assignation par acte d'huissier de justice contenant la déclaration d'appel et les conclusions, remis à personne morale en la personne de Madame [C] [T], assistante, habilité à recevoir la copie, le 11 août 2023
INTIMEES
****************
AGS CGEA [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 9]
non présent, non représenté
assignation par acte d'huissier de justice contenant la déclaration d'appel et les conclusions, remis à personne morale en la personne de Madame [L] [X], secrétaire, habilité à recevoir la copie, le 31 août 2023
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
Greffier lors du prononcé : Madame Caroline CASTRO FEITOSA,
EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [P] expose avoir été engagé par la société DSR BAT à compter du 1er août 2021 par un contrat de travail à durée indéterminée 'oral' en qualité d'ouvrier peintre en bâtiment.
Il se prévaut par ailleurs pour ce même poste à temps plein de contrats de travail à durée indéterminée écrits à compter du 8 novembre 2021, les relations contractuelles étant régies par la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.
Par courrier du 27 juin 2022, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête reçue au greffe le 22 juillet 2022, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin de voir dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société DSR BAT de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 21 octobre 2022, le tribunal de commerce de Pontoise a placé la société DSR BAT en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL [V], prise en la personne de Me [N] [G] [V], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 11 avril 2023, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :
- fixé le salaire moyen de M. [P] à la somme de 1 410,19 euros,
- débouté M. [P] de sa demande de requalification de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [P] de l'ensemble de ses autres demandes.
Par déclaration au greffe du 29 juin 2023, M. [P] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [P] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
- fixer la moyenne des salaires à la somme de 1 566,21 euros bruts,
à titre principal,
- dire que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 27 juin 2022 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- fixer au passif de la société DSR BAT les sommes suivantes :
* 1 566,21 euros (1 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 355,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 783,11 euros (1 779,29 euros x ¿ mois) à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 78,31 euros de congés payés y afférents,
en tout état de cause,
- fixer au passif de la société DSR BAT les sommes suivantes :
* 5 459,89 euros à titre de rappel de salaire entre le 1er août 2021 et le 5 novembre 2021,
* 9 397,26 euros (1 566, 21 x 6 mois) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 2 200 euros à titre de dommages et intérêts pour non-déclaration de l'accident du travail, de l'attestation de salaire destinée à la sécurité sociale et des garanties complémentaires frais de santé et prévoyance,
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer opposable le jugement à intervenir à l'AGS CGEA [Localité 9],
- condamner L'AGS CGEA [Localité 9] à garantir les sommes fixées au profit de M. [P] dans la limite de sa garantie légale et règlementaire,
- laisser les entiers dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société DSR BAT,
- ordonner la remise des bulletins de salaire, certificat de travail et attestation pôle emploi conformes aux condamnations sous astreinte de 50 euros par jour et par document à compter de la notification de la décision à intervenir,
- assortir le montant des condamnations du taux d'intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial, et à compter du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes indemnitaires,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SELARL [V] prise en la personne de Maître [G] [V], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société DSR BAT, a été assignée en intervention forcée par acte d'huissier de justice du 11 août 2023 signifié à personne morale.
L'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 9] a été assignée en intervention forcée par acte d'huissier de justice du 31 août 2023 signifié à personne morale.
Ces deux parties n'ont pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 février 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine étant exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Les instances prud'homales en cours devant le juge prud'homal à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective ne sont ni interrompues ni suspendues mais poursuivies de plein droit.
En l'absence de mise en cause du liquidateur judiciaire, la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut se prévaloir de l'inopposabilité d'un acte juridique accompli par le débiteur au mépris de cette règle, à condition que l'acte concerne les droits et actions inhérents à l'administration et à la disposition des biens dont le débiteur est dessaisi par l'effet du jugement de liquidation judiciaire.
Au cas particulier, il ressort de la procédure que ni le liquidateur judiciaire de la société DSR BAT ni l'AGS n'ont été mis en cause devant les premiers juges quand pourtant l'ouverture de la procédure collective est intervenue au cours de cette instance.
Toutefois, il est pris acte de ce que, en cause d'appel, ces deux parties, régulièrement assignées à personnes en intervention forcée aux termes d'actes d'huissier de justice portant dénonciation et délivrance de copies du jugement déféré, de la déclaration d'appel, des conclusions d'appelant, des pièces afférentes et du bordereau, outre du jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 21 octobre 2022, ont fait le choix de ne pas constituer avocat et de ne rien soulever à cet égard.
Sur l'existence d'une relation de travail à compter du 1er août 2021 et les demandes subséquentes
Il convient de rappeler que le contrat de travail est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique, critère essentiel du contrat de travail, étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Parmi les indices permettant au juge de déterminer ce triple pouvoir figure la dépendance économique déduite de l'exclusivité de la relation avec un donneur d'ordre notamment en l'absence de clientèle propre ou compte tenu de la fixation unilatérale, par ce dernier, du montant du prix de la prestation. De même, le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Toutefois, il résulte des articles 1353 du code civil et L 1221-1 du code du travail qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Le salarié, qui prétend avoir été engagé par la société DSR BAT dès le 1er août 2021 et avoir été victime le 5 novembre 2021 d'un accident de travail en ayant chuté d'une échelle lorsqu'il travaillait au sein d'un immeuble situé à [Localité 6], verse aux débats des attestations d'habitants de cet immeuble, des messages échangés par Sms et WhatsApp avec le président de la SAS DSR BAT, et il se prévaut d'un aveu judiciaire par ce dernier en ce que le jugement mentionne que : ' Les éléments versés aux débats et les explications fournies à la barre par les parties permettent de considérer que les faits suivants sont constants. Monsieur [E] [P] a été engagé par la société DSR BAT le 1er août 2021 par CDI oral à temps plein en qualité de peintre en bâtiment'.
S'agissant de l'allégation d'un aveu de l'existence de la relation de travail que l'appelant revendique, force est de rappeler qu'en application de l'article 455 du code de procédure civile le jugement est motivé à la suite de l'exposé succinct des prétentions respectives des parties et de leurs moyens, et que la décision est énoncée sous forme de dispositif.
Il ressort du jugement déféré que conformément à cette règle celui-ci énonce les motifs de la décision prise dans sa partie ' MOTIFS DE LA DECISION' après l'énoncé des prétentions et moyens des parties au besoin par renvoi aux conclusions de celles-ci, qu'il n'y est fait état d'aucun aveu quelconque, peu important des maladresses de rédaction dans la partie 'FAITS' qui ne révèle en toute hypothèse l'existence d'aucun aveu par conclusions ou à la barre. De plus, un tel aveu ne pourrait émaner du dirigeant de la société DSR BAT par suite de son dessaisissement.
Or, les attestations versées, si elles concordent sur l'exécution de travaux par M. [P] au sein d'un bâtiment situé à [Localité 6] entre les mois d'août et novembre 2021 ainsi que sur le fait que ce dernier a chuté d'une échelle à l'occasion de cette exécution le 5 novembre de la même année, elles n'établissent pas pour autant l'exécution d'une prestation de travail par celui-ci sous lien de subordination de la société DSR BAT. De plus, ces attestations ne sont corroborées par aucun élément, étant insuffisante à cette fin la production de quelques brefs messages échangés au cours des mois de septembre et d'octobre 2021 avec le président de la société DSR BAT dont le contenu est en grande partie abscons et qui évoquent essentiellement des rendez-vous à des adresses situées à [Localité 8] et [Localité 10] sans lien précis avec l'exécution d'une prestation de travail.
En conséquence, M. [P] échoue à démontrer l'existence d'un contrat de travail du 1er août 2021 au 7 novembre 2021, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il le déboute de ses demandes s'y rapportant au titre d'un travail dissimulé, de rappels de salaire, de dommages-intérêts.
S'agissant de la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire d'une créance de dommages-intérêts d'un montant de 2 200 euros, le salarié invoque à la fois des manquements exclusivement en lien avec la période pour laquelle aucune relation de travail n'a été retenue, soit pour non-déclaration d'un accident du travail du 5 novembre 2021 et absence d'attestation de salaire, et un manquement relatif à l'absence de mutuelle et de prévoyance y compris pour la période couverte par un contrat de travail écrit, de sorte que cette demande sera examinée plus bas.
Sur la prise d'acte de la rupture et les demandes subséquentes
Il est reconnu au salarié qui invoque des manquements à l'encontre de son employeur, le droit de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ce dernier.
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme. Elle ne fixe pas les termes du litige. Le salarié ne peut pas invoquer devant le juge des éléments dont il n'a eu connaissance qu'après la prise d'acte.
Il appartient au juge d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements, même anciens, et de dire s'ils sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
M. [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 27 juin 2022, lequel mentionne une absence de rémunération et de bulletin de salaire d'août 2021 à novembre 2021, la non-reconnaissance d'un accident du travail qu'il situe au 5 novembre 2021, une absence de rémunération à compter de son arrêt de travail à compter de cette même date. Aux termes de ses conclusions, il se prévaut de ces mêmes manquements, auxquels il ajoute celui relatif à l'absence de mutuelle et de prévoyance y compris au cours de la relation de travail couverte par un contrat écrit à compter du 8 novembre 2021, pour en déduire que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, tel qu'il a été dit ci-dessus, M. [P] ne justifie pas de l'existence d'une relation de travail à l'égard de la société DSR BAT durant la période en litige à laquelle il relie et dont il fait découler les manquements qu'il reproche à cette société au soutien de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail, sauf le grief relatif à l'absence de mutuelle et de prévoyance à compter du 8 novembre 2021.
Au demeurant, il ressort des pièces versées, d'une part, qu'une déclaration préalable à l'embauche a effectivement été établie et adressée à l'Urssaf par la société DSR BAT pour une embauche à compter du 8 novembre 2021 à 8h00, d'autre part, que cette même société a établi et adressé au salarié des bulletins de paie, ceux produits couvrant la période du 8 novembre 2021 au mois de mars 2021 et mentionnant le paiement d'un salaire de base et d'indemnités de repas, le salarié ne sollicitant une fixation de créance de rappel de salaires qu'au titre d'une période antérieure au 8 novembre 2021 et ne rattachant sa demande de remise forcée de bulletins de paie et de documents sociaux qu'aux condamnations éventuellement prononcées par l'arrêt par suite de cette demande salariale et de celles en paiement d'indemnités de rupture.
En revanche, en l'absence du liquidateur judiciaire représentant la société DSR BAT, il n'est pas justifié de l'adhésion de l'employeur à une complémentaire santé obligatoire depuis le 1er janvier 2016 pour l'ensemble des salariés, laquelle doit prévoir une couverture collective comprenant un socle de garanties minimales, définies par l'alinéa II du nouvel article L. 911-7 du code de la sécurité sociale. La cour observe néanmoins que les bulletins de paie produits aux débats mentionnent des cotisations salariales et patronales versées à ce titre.
S'agissant du grief tiré de l'absence d'une couverture collective de prévoyance en méconnaissance de l'article 3 de l'avenant n°59 du 20 mars 2018 à l'accord du 31 juillet 1968 instaurant le régime national de prévoyance des ouvriers du bâtiment, cet article prévoit que : ' Toutes les entreprises du bâtiment et des travaux publics relevant du champ d'application du présent accord sont tenues de faire bénéficier, sans possibilité de dispense d'affiliation, leurs ouvriers d'une couverture collective de prévoyance respectant les différentes obligations définies par le présent accord.
Il incombe à l'employeur de mettre en 'uvre cette couverture collective de prévoyance auprès de l'un des organismes suivants :
' une institution de prévoyance au sens du livre 9 du code de la sécurité sociale ;
' une entreprise d'assurance au sens du code des assurances ;
' une mutuelle au sens du livre 2 du code de la mutualité'.
Si, en l'absence du liquidateur judiciaire, il n'est pas non plus justifié de cette couverture collective, il convient là encore d'observer que les bulletins de paie produits font état de versements par l'employeur de cotisations Sécurité sociale ' Maladie Maternité Invalidité Décès.
Au vu de tout ce qui précède, il n'est pas démontré que les seuls griefs retenus auraient empêché, à eux seuls, la poursuite des relations contractuelles. Ainsi, en l'absence de preuves de manquements de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite du contrat de travail, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [P] de sa demande de voir dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes, et y ajoutant, il convient de dire que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission.
Sur la demande de fixation d'une créance de dommages-intérêts d'un montant de 2 200 euros
Tel qu'indiqué ci-dessus, les manquements tirés de l'absence de déclaration d'un accident du travail du 5 novembre 2021 et d'une attestation de salaire ne peuvent être retenus.
Si les autres manquements qui fondent cette demande de dommages-intérêts ont été retenus, force est d'observer que le salarié allègue un préjudice de perte de chance de pouvoir bénéficier d'indemnités journalières au titre d'un accident du travail survenu selon lui le 5 novembre 2021, ainsi sans lien avéré avec la relation de travail au cours de laquelle le grief est établi. En tout état de cause, le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice causé par ces manquements. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il le déboute de cette demande de dommages-intérêts.
Sur la garantie de l'AGS
Eu égard à la solution du litige, la garantie de l'AGS n'a pas vocation à s'appliquer. La demande formée à ce titre sera donc en voie de rejet.
Sur les autres demandes
Du débouté des demandes examinées ci-dessus doit découler celui des demandes accessoires relatives aux intérêts légaux, indus de surcroît dès lors que la procédure collective en a arrêté le cours, et de remise de bulletins de paie et documents sociaux conformes à l'arrêt.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il statue les frais irrépétibles.
En cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement entrepris ayant omis de statuer sur les dépens, M. [P] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [E] [P] produit les effets d'une démission ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Condamne M. [E] [P] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Caroline CASTRO FEITOSA, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 15 MAI 2025
N° RG 23/01783
N° Portalis DBV3-V-B7H-V536
AFFAIRE :
[E] [P]
C/
SELARL [V] prise en la personne de Me [N] [G] [V], es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S.U. DSR BAT
AGS CGEA [Localité 9]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Avril 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : F22/00531
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Charles-Elie MARTIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE MAI DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [P]
né le 07 Juin 1994 à [Localité 7] (Algérie)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Charles-Elie MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2337
APPELANT
****************
SELARL [V] prise en la personne de Me [N] [G] [V], es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S.U. DSR BAT
[Adresse 1]
[Localité 5]
non présent, non représenté
assignation par acte d'huissier de justice contenant la déclaration d'appel et les conclusions, remis à personne morale en la personne de Madame [C] [T], assistante, habilité à recevoir la copie, le 11 août 2023
INTIMEES
****************
AGS CGEA [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 9]
non présent, non représenté
assignation par acte d'huissier de justice contenant la déclaration d'appel et les conclusions, remis à personne morale en la personne de Madame [L] [X], secrétaire, habilité à recevoir la copie, le 31 août 2023
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
Greffier lors du prononcé : Madame Caroline CASTRO FEITOSA,
EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [P] expose avoir été engagé par la société DSR BAT à compter du 1er août 2021 par un contrat de travail à durée indéterminée 'oral' en qualité d'ouvrier peintre en bâtiment.
Il se prévaut par ailleurs pour ce même poste à temps plein de contrats de travail à durée indéterminée écrits à compter du 8 novembre 2021, les relations contractuelles étant régies par la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.
Par courrier du 27 juin 2022, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête reçue au greffe le 22 juillet 2022, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin de voir dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société DSR BAT de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 21 octobre 2022, le tribunal de commerce de Pontoise a placé la société DSR BAT en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL [V], prise en la personne de Me [N] [G] [V], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 11 avril 2023, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :
- fixé le salaire moyen de M. [P] à la somme de 1 410,19 euros,
- débouté M. [P] de sa demande de requalification de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [P] de l'ensemble de ses autres demandes.
Par déclaration au greffe du 29 juin 2023, M. [P] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [P] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
- fixer la moyenne des salaires à la somme de 1 566,21 euros bruts,
à titre principal,
- dire que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 27 juin 2022 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- fixer au passif de la société DSR BAT les sommes suivantes :
* 1 566,21 euros (1 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 355,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 783,11 euros (1 779,29 euros x ¿ mois) à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 78,31 euros de congés payés y afférents,
en tout état de cause,
- fixer au passif de la société DSR BAT les sommes suivantes :
* 5 459,89 euros à titre de rappel de salaire entre le 1er août 2021 et le 5 novembre 2021,
* 9 397,26 euros (1 566, 21 x 6 mois) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 2 200 euros à titre de dommages et intérêts pour non-déclaration de l'accident du travail, de l'attestation de salaire destinée à la sécurité sociale et des garanties complémentaires frais de santé et prévoyance,
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer opposable le jugement à intervenir à l'AGS CGEA [Localité 9],
- condamner L'AGS CGEA [Localité 9] à garantir les sommes fixées au profit de M. [P] dans la limite de sa garantie légale et règlementaire,
- laisser les entiers dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société DSR BAT,
- ordonner la remise des bulletins de salaire, certificat de travail et attestation pôle emploi conformes aux condamnations sous astreinte de 50 euros par jour et par document à compter de la notification de la décision à intervenir,
- assortir le montant des condamnations du taux d'intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial, et à compter du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes indemnitaires,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SELARL [V] prise en la personne de Maître [G] [V], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société DSR BAT, a été assignée en intervention forcée par acte d'huissier de justice du 11 août 2023 signifié à personne morale.
L'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 9] a été assignée en intervention forcée par acte d'huissier de justice du 31 août 2023 signifié à personne morale.
Ces deux parties n'ont pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 février 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine étant exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Les instances prud'homales en cours devant le juge prud'homal à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective ne sont ni interrompues ni suspendues mais poursuivies de plein droit.
En l'absence de mise en cause du liquidateur judiciaire, la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut se prévaloir de l'inopposabilité d'un acte juridique accompli par le débiteur au mépris de cette règle, à condition que l'acte concerne les droits et actions inhérents à l'administration et à la disposition des biens dont le débiteur est dessaisi par l'effet du jugement de liquidation judiciaire.
Au cas particulier, il ressort de la procédure que ni le liquidateur judiciaire de la société DSR BAT ni l'AGS n'ont été mis en cause devant les premiers juges quand pourtant l'ouverture de la procédure collective est intervenue au cours de cette instance.
Toutefois, il est pris acte de ce que, en cause d'appel, ces deux parties, régulièrement assignées à personnes en intervention forcée aux termes d'actes d'huissier de justice portant dénonciation et délivrance de copies du jugement déféré, de la déclaration d'appel, des conclusions d'appelant, des pièces afférentes et du bordereau, outre du jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 21 octobre 2022, ont fait le choix de ne pas constituer avocat et de ne rien soulever à cet égard.
Sur l'existence d'une relation de travail à compter du 1er août 2021 et les demandes subséquentes
Il convient de rappeler que le contrat de travail est constitué par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique, critère essentiel du contrat de travail, étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Parmi les indices permettant au juge de déterminer ce triple pouvoir figure la dépendance économique déduite de l'exclusivité de la relation avec un donneur d'ordre notamment en l'absence de clientèle propre ou compte tenu de la fixation unilatérale, par ce dernier, du montant du prix de la prestation. De même, le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Toutefois, il résulte des articles 1353 du code civil et L 1221-1 du code du travail qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Le salarié, qui prétend avoir été engagé par la société DSR BAT dès le 1er août 2021 et avoir été victime le 5 novembre 2021 d'un accident de travail en ayant chuté d'une échelle lorsqu'il travaillait au sein d'un immeuble situé à [Localité 6], verse aux débats des attestations d'habitants de cet immeuble, des messages échangés par Sms et WhatsApp avec le président de la SAS DSR BAT, et il se prévaut d'un aveu judiciaire par ce dernier en ce que le jugement mentionne que : ' Les éléments versés aux débats et les explications fournies à la barre par les parties permettent de considérer que les faits suivants sont constants. Monsieur [E] [P] a été engagé par la société DSR BAT le 1er août 2021 par CDI oral à temps plein en qualité de peintre en bâtiment'.
S'agissant de l'allégation d'un aveu de l'existence de la relation de travail que l'appelant revendique, force est de rappeler qu'en application de l'article 455 du code de procédure civile le jugement est motivé à la suite de l'exposé succinct des prétentions respectives des parties et de leurs moyens, et que la décision est énoncée sous forme de dispositif.
Il ressort du jugement déféré que conformément à cette règle celui-ci énonce les motifs de la décision prise dans sa partie ' MOTIFS DE LA DECISION' après l'énoncé des prétentions et moyens des parties au besoin par renvoi aux conclusions de celles-ci, qu'il n'y est fait état d'aucun aveu quelconque, peu important des maladresses de rédaction dans la partie 'FAITS' qui ne révèle en toute hypothèse l'existence d'aucun aveu par conclusions ou à la barre. De plus, un tel aveu ne pourrait émaner du dirigeant de la société DSR BAT par suite de son dessaisissement.
Or, les attestations versées, si elles concordent sur l'exécution de travaux par M. [P] au sein d'un bâtiment situé à [Localité 6] entre les mois d'août et novembre 2021 ainsi que sur le fait que ce dernier a chuté d'une échelle à l'occasion de cette exécution le 5 novembre de la même année, elles n'établissent pas pour autant l'exécution d'une prestation de travail par celui-ci sous lien de subordination de la société DSR BAT. De plus, ces attestations ne sont corroborées par aucun élément, étant insuffisante à cette fin la production de quelques brefs messages échangés au cours des mois de septembre et d'octobre 2021 avec le président de la société DSR BAT dont le contenu est en grande partie abscons et qui évoquent essentiellement des rendez-vous à des adresses situées à [Localité 8] et [Localité 10] sans lien précis avec l'exécution d'une prestation de travail.
En conséquence, M. [P] échoue à démontrer l'existence d'un contrat de travail du 1er août 2021 au 7 novembre 2021, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il le déboute de ses demandes s'y rapportant au titre d'un travail dissimulé, de rappels de salaire, de dommages-intérêts.
S'agissant de la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire d'une créance de dommages-intérêts d'un montant de 2 200 euros, le salarié invoque à la fois des manquements exclusivement en lien avec la période pour laquelle aucune relation de travail n'a été retenue, soit pour non-déclaration d'un accident du travail du 5 novembre 2021 et absence d'attestation de salaire, et un manquement relatif à l'absence de mutuelle et de prévoyance y compris pour la période couverte par un contrat de travail écrit, de sorte que cette demande sera examinée plus bas.
Sur la prise d'acte de la rupture et les demandes subséquentes
Il est reconnu au salarié qui invoque des manquements à l'encontre de son employeur, le droit de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ce dernier.
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme. Elle ne fixe pas les termes du litige. Le salarié ne peut pas invoquer devant le juge des éléments dont il n'a eu connaissance qu'après la prise d'acte.
Il appartient au juge d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements, même anciens, et de dire s'ils sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
M. [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 27 juin 2022, lequel mentionne une absence de rémunération et de bulletin de salaire d'août 2021 à novembre 2021, la non-reconnaissance d'un accident du travail qu'il situe au 5 novembre 2021, une absence de rémunération à compter de son arrêt de travail à compter de cette même date. Aux termes de ses conclusions, il se prévaut de ces mêmes manquements, auxquels il ajoute celui relatif à l'absence de mutuelle et de prévoyance y compris au cours de la relation de travail couverte par un contrat écrit à compter du 8 novembre 2021, pour en déduire que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, tel qu'il a été dit ci-dessus, M. [P] ne justifie pas de l'existence d'une relation de travail à l'égard de la société DSR BAT durant la période en litige à laquelle il relie et dont il fait découler les manquements qu'il reproche à cette société au soutien de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail, sauf le grief relatif à l'absence de mutuelle et de prévoyance à compter du 8 novembre 2021.
Au demeurant, il ressort des pièces versées, d'une part, qu'une déclaration préalable à l'embauche a effectivement été établie et adressée à l'Urssaf par la société DSR BAT pour une embauche à compter du 8 novembre 2021 à 8h00, d'autre part, que cette même société a établi et adressé au salarié des bulletins de paie, ceux produits couvrant la période du 8 novembre 2021 au mois de mars 2021 et mentionnant le paiement d'un salaire de base et d'indemnités de repas, le salarié ne sollicitant une fixation de créance de rappel de salaires qu'au titre d'une période antérieure au 8 novembre 2021 et ne rattachant sa demande de remise forcée de bulletins de paie et de documents sociaux qu'aux condamnations éventuellement prononcées par l'arrêt par suite de cette demande salariale et de celles en paiement d'indemnités de rupture.
En revanche, en l'absence du liquidateur judiciaire représentant la société DSR BAT, il n'est pas justifié de l'adhésion de l'employeur à une complémentaire santé obligatoire depuis le 1er janvier 2016 pour l'ensemble des salariés, laquelle doit prévoir une couverture collective comprenant un socle de garanties minimales, définies par l'alinéa II du nouvel article L. 911-7 du code de la sécurité sociale. La cour observe néanmoins que les bulletins de paie produits aux débats mentionnent des cotisations salariales et patronales versées à ce titre.
S'agissant du grief tiré de l'absence d'une couverture collective de prévoyance en méconnaissance de l'article 3 de l'avenant n°59 du 20 mars 2018 à l'accord du 31 juillet 1968 instaurant le régime national de prévoyance des ouvriers du bâtiment, cet article prévoit que : ' Toutes les entreprises du bâtiment et des travaux publics relevant du champ d'application du présent accord sont tenues de faire bénéficier, sans possibilité de dispense d'affiliation, leurs ouvriers d'une couverture collective de prévoyance respectant les différentes obligations définies par le présent accord.
Il incombe à l'employeur de mettre en 'uvre cette couverture collective de prévoyance auprès de l'un des organismes suivants :
' une institution de prévoyance au sens du livre 9 du code de la sécurité sociale ;
' une entreprise d'assurance au sens du code des assurances ;
' une mutuelle au sens du livre 2 du code de la mutualité'.
Si, en l'absence du liquidateur judiciaire, il n'est pas non plus justifié de cette couverture collective, il convient là encore d'observer que les bulletins de paie produits font état de versements par l'employeur de cotisations Sécurité sociale ' Maladie Maternité Invalidité Décès.
Au vu de tout ce qui précède, il n'est pas démontré que les seuls griefs retenus auraient empêché, à eux seuls, la poursuite des relations contractuelles. Ainsi, en l'absence de preuves de manquements de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite du contrat de travail, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [P] de sa demande de voir dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes, et y ajoutant, il convient de dire que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission.
Sur la demande de fixation d'une créance de dommages-intérêts d'un montant de 2 200 euros
Tel qu'indiqué ci-dessus, les manquements tirés de l'absence de déclaration d'un accident du travail du 5 novembre 2021 et d'une attestation de salaire ne peuvent être retenus.
Si les autres manquements qui fondent cette demande de dommages-intérêts ont été retenus, force est d'observer que le salarié allègue un préjudice de perte de chance de pouvoir bénéficier d'indemnités journalières au titre d'un accident du travail survenu selon lui le 5 novembre 2021, ainsi sans lien avéré avec la relation de travail au cours de laquelle le grief est établi. En tout état de cause, le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice causé par ces manquements. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il le déboute de cette demande de dommages-intérêts.
Sur la garantie de l'AGS
Eu égard à la solution du litige, la garantie de l'AGS n'a pas vocation à s'appliquer. La demande formée à ce titre sera donc en voie de rejet.
Sur les autres demandes
Du débouté des demandes examinées ci-dessus doit découler celui des demandes accessoires relatives aux intérêts légaux, indus de surcroît dès lors que la procédure collective en a arrêté le cours, et de remise de bulletins de paie et documents sociaux conformes à l'arrêt.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il statue les frais irrépétibles.
En cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement entrepris ayant omis de statuer sur les dépens, M. [P] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [E] [P] produit les effets d'une démission ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Condamne M. [E] [P] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Caroline CASTRO FEITOSA, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président