Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 15 mai 2025, n° 24/14632

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Laboratoire Icaunais Pour Encaissement Et Monétique (SAS)

Défendeur :

Ingenico Banks And Acquirers France (SAS), Ingenico Terminals (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

Mme Chopin, M. Najem

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Catala Marty, Me Guerre, Me Akyurek

TC Paris, du 18 juill. 2024, n° J2024000…

18 juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le groupe Ingenico est un acteur majeur de la fabrication de terminaux de paiement électroniques, dits « TPE ».

La société Laboratoire icaunais pour encaissement et monétique (« la société LIEM ») a notamment pour activité la maintenance et la réparation des TPE.

Le 4 novembre 2010, la société LIEM a conclu un contrat avec le groupe Ingenico pour la maintenance des TPE de marque Ingenico, reconductible par périodes d'une année. Le 22 octobre 2019, ce contrat a été transféré à la société Ingenico Banks and Acquirers France (« la société IBAF »).

Le 2 avril 2024, la société taiwanaise Castles technology, acteur majeur également du marché des TPE, a annoncé publiquement l'acquisition de la totalité des parts de la société LIEM.

Le même jour, la société IBAF, invoquant la cession de contrôle du capital de la société LIEM à la société Castles technology, a notifié à la société LIEM sa décision de résilier le contrat de maintenance à l'issue d'un préavis de trois mois expirant le 2 juillet 2024.

La société LIEM a contesté, par courrier du 3 mai 2024, les conditions de la résiliation du contrat qui les liait, demandant à la société IBAF de respecter un préavis de dix-huit mois.

Le 12 juin 2024, la société LIEM a à nouveau adressé un courrier à la société IBAF contestant sa décision de résilier le contrat sous préavis de trois mois.

Le 13 juin 2024, la société IBAF a confirmé sa décision à la société LIEM.

Le 21 juin 2024, le président du tribunal de commerce de Paris, sur requête, a autorisé la société LIEM à faire assigner la société Ingenico terminals en référé à heure indiquée.

Par exploit du 24 juin 2024, la société LIEM a fait assigner la société Ingenico terminals devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

constater que la résiliation unilatérale du contrat par la société Ingenico terminals est constitutive d'un trouble manifestement illicite ;

constater que la rupture brutale des relations commerciales établies empêche la société LIEM de réorganiser son activité dans le délai de préavis imparti et lui cause un dommage imminent ;

ordonner en conséquence à la société Ingenico terminals de poursuivre, sous astreinte, la relation commerciale avec la société LIEM, aux conditions définies par le contrat, durant un préavis raisonnable de dix-huit mois, soit jusqu'au 2 octobre 2025.

Le 5 juillet 2024, le président du tribunal de commerce de Paris a autorisé la société LIEM à assigner la société IBAF en référé à heure indiquée puis il a ordonné la jonction des deux instances le 11 juillet 2024.

Par ordonnance contradictoire du 18 juillet 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a notamment :

ordonné la jonction des instances RG n°202439935 et RG n° 202443174, telle qu'indiquée aux parties lors de l'audience du 11 juillet 2024 ; et

dit irrecevable la société LIEM en son action à l'encontre de la société Ingenico terminals ;

débouté la société LIEM de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société LIEM à payer une somme totale de 10.000 euros à la société Ingenico terminals et la société IBAF au titre de l'article 700 du code du procédure civile,

condamné la société IBAF aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 96,01 euros TTC.

Par déclaration du 2 août 2024, la société LIEM a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 février 2025, la société LIEM demande à la cour, sur le fondement des articles L. 442-1 du code de commerce et 696, 700, 905 et suivants du code de procédure civile, de :

infirmer l'ordonnance du 18 juillet 2024 du président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions hormis la jonction des instances ;

et, statuant de nouveau,

lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour d'appel s'agissant de l'irrecevabilité de ses demandes formées à l'encontre d'Ingenico terminals ;

juger qu'il appartient à la cour, pour statuer sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent, de se placer à la date du 18 juillet 2024 ;

juger que la résiliation unilatérale du contrat par la société IBAF est constitutive d'un trouble manifestement illicite ;

juger que la résiliation unilatérale du contrat par la société IBAF entraîne un dommage imminent à son égard ;

en conséquence,

ordonner à la société IBAF de reprendre, sous astreinte, la relation commerciale avec elle, aux conditions définies par le contrat, durant un préavis raisonnable de dix-huit mois, soit jusqu'au 2 octobre 2025 ;

ordonner à la société IBAF de lui donner tout accès, licence ou outil nécessaire à l'exécution du contrat ;

débouter la société IBAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la société IBAF à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société IBAF aux entiers dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 4 mars 2025, les sociétés Ingenico terminals et IBAF demandent à la cour de :

confirmer l'ordonnance du 18 juillet 2024 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

condamner la société LIEM à payer la somme de 50.000 euros à la société IBAF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société LIEM à payer la somme de 10.000 euros à Ingenico terminals au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société LIEM aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action de la société LIEM à l'encontre de la société Ingenico terminals

Les sociétés Ingenico terminals et IBAF soutiennent que le contrat dont la société LIEM se prévaut n'a jamais été signé avec la société Ingenico terminals mais avec la société Ingenico dénommée aujourd'hui Worldline IGSA, et qu'il a été ensuite transféré à la société IBAF.

La société LIEM expose sur ce point qu'elle était dans l'incapacité d'identifier l'entité à laquelle le contrat a été transféré et qu'elle s'en rapporte quant à la recevabilité de son action contre la société Ingenico terminals.

Selon les articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.

L'article 122 du même code indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Il apparaît que :

le contrat du 4 novembre 2010 a été signé entre la société LIEM et la société « Ingenico »,

il est produit par les intimées une lettre adressée le 22 octobre 2019 à la société LIEM par le groupe Ingenico indiquant que la société Ingenico SAS prévoyait de « transférer ses opérations et actifs relatifs à l'activités B&A à une autre société française du groupe Ingenico dénommée Ingenico Banks and Acquirers France »,

bien que la société LIEM conteste avoir reçu ce courrier, force est de constater que les factures relatives au contrat sont établies au nom de la société IBAF qui a également fait notifier à la société LIEM les courriers relatifs à la résiliation de ce contrat en date des 2 avril et 11 juin 2024,

ainsi, il se déduit de ces éléments que le société Ingenico terminals n'a entretenu aucune relation contractuelle avec la société LIEM, ce que celle-ci ne conteste d'ailleurs plus.

L'ordonnance rendue sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de la société LIEM à l'encontre de la société Ingenico terminals.

Sur le fond du référé

La société LIEM soutient notamment que le contrat est désormais rompu mais que la cour devra statuer sur l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent résultant de la résiliation du contrat au moment où le premier juge a statué. Elle précise qu'elle sollicitait du premier juge la poursuite sous astreinte de la relation commerciale et qu'elle demande désormais à la cour de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent. Elle expose que la résiliation du contrat ne repose sur aucun fondement légal ou contractuel, alors que le rachat de la société LIEM par la société Castles technology ne remplit pas les conditions contractuelles de ladite rupture et qu'aucune stipulation ne lui imposait d'en informer le groupe Ingenico, la société IBAF ne caractérisant pas l'inexécution des obligations contractuelles incombant à la société LIEM. Elle ajoute que la position de la société IBAF consistant à accorder un préavis tout en invoquant une atteinte possible au secret des affaires est incohérente. Elle indique encore que le délai de préavis de trois mois qui lui a été accordé ne constitue pas un délai raisonnable, alors que les parties entretenaient une relation contractuelle durable et stable, que la société LIEM ne peut pas exercer une activité de maintenance de TPE sans disposer de la licence accordée par le groupe Ingenico, qu'elle se trouve dans une situation de dépendance économique à l'égard de ce fabricant et qu'elle n'a pas pu réorganiser son activité, alors qu'elle a procédé à des investissements pour l'exécution du contrat. Elle ajoute qu'elle n'a commis aucun manquement à la bonne foi contractuelle, ce qui d'ailleurs ne fait pas obstacle au constat de l'existence d'un trouble manifestement illicite. S'agissant de l'existence d'un dommage imminent, elle estime qu'elle est incontestable dès lors que la société LIEM était susceptible de perdre 80% de son chiffre d'affaires, qu'elle ne serait pas en mesure de retrouver un partenaire commercial avec un volume d'affaires équivalent et qu'elle serait tenue de réduire drastiquement ses effectifs.

La société IBAF expose pour sa part que si le juge d'appel peut se placer au jour où le premier juge a statué pour déterminer si la demande est justifiée, il doit se placer à la date à laquelle il statue pour ordonner ou refuser le prononcé de mesures destinées à faire cesser le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent. Elle soutient qu'il n'existe aucun trouble manifestement illicite en ce que la société LIEM, qui a été rachetée à 100% par la société Castles technology, l'un de ses plus important concurrent, sans informer le groupe Ingenico, ce qui constituait une violation évidente de son obligation de bonne foi de la société LIEM et un risque important de révélation du secret des affaires, voire de démarchage des clients du groupe, de sorte que le préavis de 3 mois est un délai raisonnable qui n'exclut pas l'existence d'une faute grave justifiant la rupture du contrat. Elle ajoute que contractuellement la résiliation peut survenir à l'issue d'un préavis d'un mois, alors que la société LIEM a bénéficié en réalité d'un préavis de 4 mois. Elle soutient qu'il n'existe pas non plus de dommage imminent, alors que la résiliation du contrat était justifiée, et que la rupture des relations commerciales n'était pas soumise à l'exigence d'un préavis. Elle précise que le préavis finalement d'une durée de 4 mois a permis à la société LIEM de redéployer son activité avec la société Castel technology et que la maintenance des TPE de marque Ingenico ne requiert pas systématiquement de disposer des licences, cartes de sécurité et outils d'injection de clés. Elle indique encore que le risque d'atteinte au secret des affaires en cas de maintien des relations contractuelles est avéré, en ce que les informations communiquées à la société LIEM dans le cadre du contrat qui les lie sont couvertes par ce secret, l'entrée au capital de cette société de la société Castels technologie représentant un risque grave et manifeste de concurrence déloyale.

Aux termes de l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Le dommage imminent s'entend du dommage lié qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

L'article L 442-1 II du code de commerce dispose pour sa part qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

La rupture brutale d'une relation commerciale établie est donc susceptible de constituer un trouble manifestement illicite à laquelle le juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, peut mettre fin, au provisoire, dans l'attente d'une décision au fond.

De même ce juge peut, pour prévenir un dommage imminent et même en présence de contestations sérieuses, prendre des mesures provisoires jusqu'à ce qu'il soit statué au fond.

Pour déterminer si une relation commerciale peut être qualifiée d'établie, la jurisprudence prend en compte plusieurs critères telles que la durée des relations entre les partenaires, la continuité de celles-ci ou encore l'importance ou l'évolution du chiffre d'affaires réalisé : l'ensemble des critères constitue des indices quant à l'existence et la qualité de la relation commerciale, le critère de la durée restant prépondérant.

Enfin, le refus pour une partie, qui argue de la résolution d'un contrat, d'exécuter ce dernier alors qu'aucune juridiction de fond n'a encore statué sur la fin de cette convention, est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite dès lors que le comportement de cette partie remet en cause de manière flagrante le principe de la force obligatoire des contrats et est contraire au principe selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même mais toutefois, ce comportement peut perdre son caractère de trouble manifestement illicite si le comportement de l'autre partie est susceptible de constituer lui-même une illicéité flagrante.

Au cas présent, tout d'abord, la juridiction des référés, tant en appel qu'en première instance, doit se placer, pour ordonner ou refuser les mesures demandées, à la date à laquelle elle prononce sa décision. Toutefois, si la demande est devenue sans objet au jour où elle statue, il appartient à la cour d'appel de déterminer si cette demande était justifiée et si le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent existait au jour où le premier juge a statué (Cass., com., 27 Septembre 2023 - n° 22-19.436 - P). Au cas présent, force est de constater que la société LIEM considère que le contrat a été effectivement rompu, de sorte in fine que sa demande de reprise des relations contractuelles serait devenue sans objet mais elle sollicite toutefois au sein de ses écritures, au titre des mesures destinées à faire cesser le trouble manifestement illicite et le dommage imminent qu'elle allègue, qu'il soit ordonné à la société IBAF de reprendre, sous astreinte, la relation commerciale avec elle, aux conditions définies par le contrat, durant un préavis raisonnable de dix-huit mois, soit jusqu'au 2 octobre 2025, ce qui constitue bien une demande de poursuite de la relation contractuelle, même pour une durée limitée. Dans ces conditions, il appartient bien à la cour de se placer à la date où elle prononce sa décision.

Ensuite, il n'est pas contesté en l'espèce que les relations commerciales entre les parties existent depuis l'année 2010.

Précisément, un contrat a été signé le 4 octobre 2010 entre ces deux sociétés, portant sur des prestations de maintenance « niveau 2 » des TPE fabriqués par le groupe Ingenico.

Les parties ne discutent pas du caractère établi de leurs relations commerciales qu'elles considèrent donc comme acquis.

Il n'est pas contesté non plus que, par courrier du 2 avril 2024, la société IBAF a fait part à la société LIEM de son intention de résilier le contrat avec préavis de 3 mois.

Il ressort toutefois des pièces produites que :

l'article 8 du contrat qui lie les parties stipule, sous le titre « résiliation par convenance » que ledit contrat est conclu pour une durée d'un an à compter de sa signature, qu'il est tacitement reconductible par période d'un an, sauf dénonciation par l'une des parties, par lettre recommandée, avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois,

ce même article indique par ailleurs que ledit contrat peut être résilié dans les hypothèses suivantes: en cas d'inexécution par une partie d'une obligation essentielle du contrat, ou si l'une des parties est déclarée en redressement ou en liquidation judiciaire,

l'article 8 prévoit encore que dans le cas de la résiliation pour inexécution, le contrat se trouve résilié de plein droit et sans formalités trente jours calendaires après envoi d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception restée en tout ou partie sans effet à l'issue de ce délai,

il n'est pas contesté qu'aucune mise en demeure n'a été adressée à la société LIEM mais il convient d'observer que, le rachat de la société LIEM étant effectif et publié, et la résiliation du contrat reposant sur ce motif, il s'avère que celle-ci aurait été vaine (Com., 18 octobre 2023, n°20-21.579, P), la situation étant irréversible, ce que les parties ne discutent pas,

par ailleurs, la lecture de la lettre de résiliation permet à elle seule de déterminer que le contrat n'a pas été rompu par convenance mais pour l'inexécution d'une obligation estimée comme essentielle,

il convient de relever par contre que le contrat prévoit un préavis de 30 jours calendaires mais que la lettre de résiliation fait état d'un préavis de 3 mois, le contrat n'ayant été rompu finalement que le 23 juillet 2024, de sorte que le contrat a été résilié au-delà des termes contractuels mais aussi du délai annoncé de 3 mois, ce qui n'est pas discuté,

en outre, l'article 1212 du code civil dispose que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme, tandis que l'article 1224 de ce code précise que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice, les dispositions de l'article 1104 du code civil prévoyant que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public,

même le juge des référés a le pouvoir d'ordonner la reprise et le maintien d'une relation contractuelle lorsque l'une des parties y a mis un terme de manière irrégulière ou abusive (Cass., Com. 10 novembre 2009, n° 08-18.337, Cass., Com. 3 mai 2012, n° 10-28.366, P), cette résurrection contractuelle constituant une mesure d'exécution en nature,

il n'est pas discuté que la société LIEM a été rachetée par la société Castles technology ni que cette société constitue l'un des concurrents principaux du groupe Ingenico sur le marché de la fabrication des TPE, le dirigeant de la société Castles technology étant à la suite de ce rachat celui de la société LIEM,

or, si le contrat qui lie les parties ne comporte aucune clause d'exclusivité au profit de la société IBAF, il apparaît bien que la prise de contrôle capitalistique et opérationnelle de la société LIEM par un concurrent direct et à 100%, sans information préalable de la société IBAF, de surcroît, est de nature à fonder la résiliation du contrat pour inexécution d'une obligation essentielle du contrat, précisément l'obligation de bonne foi,

en effet, s'il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier l'opportunité de cette opération stratégique, le manquement à l'obligation de bonne foi de la société LIEM apparaît toutefois plausible, avec l'évidence requise en référé, en ce qu'il place les deux contractants, devenant chacun leader sur le marché de la fabrication des TPE en situation de concurrence directe, voire frontale,

ainsi, la reprise de l'exécution du contrat qui lie les parties dans les conditions dénoncées par la société IBAF est sérieusement susceptible d'entraîner une situation de concurrence déloyale et à tout le moins, de fonder la résolution du contrat aux torts de la société LIEM,

il doit en outre être relevé que la société LIEM ne produit aucun élément contraire, se contentant de contester le grief qui lui est fait, alors qu'elle n'établit pas se trouver dans une situation de dépendance économique de la société IBAF puisqu'elle se trouve justement rachetée par un concurrent direct de cette société, peu important dans ces conditions que la maintenance de niveau 2 implique que les techniciens n'aient accès à des informations sensibles, ainsi que le soutient la société LIEM, ce qu'elle ne démontre pas,

s'agissant enfin du secret des affaires, la société LIEM se contente d'affirmer que le changement de contrôle ne présente aucun risque en vue de la protection du secret des affaires et du respect de la confidentialité, dès lors que dans le cadre d'une maintenance 2, les techniciens n'ont à aucun moment accès à des opérations sensibles, alors qu'il doit être relevé que le contrat comporte dans ses articles 13 et 16 des obligations interdisant toute investigation sur les terminaux et notamment celle de éconsidérer comme confidentielle toute information communiquée par Ingenico avec interdiction de la communiquer »,

dans ces conditions, il ne peut être considéré que la résiliation unilatérale du contrat d'affiliation qui a été opérée par la société IBAF constitue une violation manifeste de la règle de droit et, par suite, un trouble manifestement illicite, alors que la reprise forcée du contrat qui lie les parties même pour une durée limitée est elle-même susceptible de faire perdurer une situation de concurrence déloyale par nature entre les contractants,

s'agissant du dommage imminent, il convient de relever que la notion de dommage imminent est indépendante de celle du trouble manifestement illicite, l'article 873 du code de procédure civile ne les liant pas et ne faisant aucune référence au caractère licite ou non de la situation à l'origine du dommage à prévenir,

or, d'une part, il apparaît que la société LIEM n'établit aucun péril économique qui serait lié à la perte d'un contractant et d'autre part, le contrat a désormais cessé, de sorte que le dommage est susceptible d'être réalisé,

la société LIEM produit à cet égard deux courriels de la société Codeo indiquant le 8 octobre 2024 l'arrêt d'un service « suite au rachat de LIEM par Castles », de même un courriel de la société Avem en date du 3 septembre 2024, sans toutefois produire aucun élément chiffré de nature à démontrer un manque à gagner, ou une incidence possible sur son chiffre d'affaires,

elle produit enfin un tableau comparatif 2023/2024 faisant état certes d'une baisse de chiffre d'affaires mais qui est insuffisant à établir que cette baisse de chiffres d'affaires serait en lien avec la résiliation du contrat par la société IBAF.

De la sorte, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de la société LIEM, la cour ne pouvant que rejeter à son tour la demande de la société LIEM tendant à voir maintenir les relations des parties jusqu'au 2 octobre 2025.

La décision du premier juge sera confirmée quant aux dépens et à la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Une somme sera également mise à la charge de la société LIEM pour les frais irrépétibles et les dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance de référé rendue en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société LIEM aux dépens d'appel ;

Condamne la société LIEM à payer à la société IBAF une somme globale de 10.000 euros et à la société Ingenico terminals une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site