CA Rouen, ch. civ. et com., 15 mai 2025, n° 24/03188
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dmjd Automobiles (SASU)
Défendeur :
Brout (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vannier
Vice-président :
M. Urbano
Conseiller :
Mme Menard-Gogibu
Avocats :
Me Bodineau, SCP Silie Verilhac et Associés, Me Abdou, Me Mahiu, SELARL de Bezenac et Associés, Me Muta
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Aux termes d'un acte authentique reçu par Maître [N] [Z], notaire, le 18 février 2019, la SCI Brout a consenti un renouvellement de bail commercial à la société DMJD Automobiles portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 2].
Le contrat a été conclu pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du 1er mars 2016 jusqu'au 28 février 2025 et moyennant un loyer annuel de 32 345,26 euros, payable mensuellement et d'avance le 5 de chaque mois et ce par virement bancaire.
Par acte extrajudiciaire du 24 novembre 2023, la SCI Brout a fait délivrer à la société DMJD Automobiles un commandement de payer visant la clause résolutoire aux fins de règlement de la somme en principal de 9 548,34 euros au titre de loyers et charges impayés au 16 octobre 2023.
Par acte extrajudiciaire du 27 mars 2024, la SCI Brout a fait assigner la société DMJD Automobiles en résiliation de bail commercial devant le président du tribunal judiciaire de Rouen et pour obtenir sa condamnation provisionnelle notamment aux arriérés de loyers et indemnités d'occupation à hauteur de 16 482,22 euros.
Par ordonnance de référé du 2 juillet 2024, le président du tribunal judiciaire de Rouen a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial conclu le 18 février 2019 entre la SCI Brout et la société DMJD Automobiles, portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 1] à Déville-lès-Rouen.
- constaté en conséquence la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 24 décembre 2023 ;
- ordonné l'expulsion de la société DMJD Automobiles et celle de tout occupant par les voies légales au besoin avec l'assistance de la force publique, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;
- fixé l'indemnité d'occupation due par la société DMJD Automobiles, à compter du 24 décembre 2023, au montant du loyer mensuel augmentée des charges mensuelles, jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, et condamné à titre provisionnel la société DMJD Automobiles en tant que de besoin au paiement de cette somme au profit de la bailleresse ;
- condamné à titre provisionnel la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 16 484,22 euros au titre des loyers impayés, frais et indemnité d'occupation, selon décompte arrêté au 10 mars 2024 ;
- dit que la somme de 9548,34 euros portera intérêts à taux légal à compter du commandement de payer, que le surplus des sommes échues portera intérêts à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité ;
- rejeté la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée par la SCI Brout ;
- condamné la société DMJD Automobiles aux dépens de l'instance, lesquels comprendront le coût du commandement de payer ;
- condamné la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
La SASU DMJD Automobiles a interjeté appel de cette ordonnance de référé par déclaration du 6 septembre 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 30 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SASU DMJD Automobiles qui demande à la cour de :
- réformer dans les limites de la déclaration d'appel l'ordonnance de référé du 02 juillet 2024,
Infirmant les chefs de jugement critiqués,
Et y ajoutant,
- suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial conclu le 18 février 2019 entre la SCI Brout et la société DMJD Automobiles,
En conséquence,
- dire qu'il n'y a pas lieu à constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 24 décembre 2023,
- dire qu'il n'y a plus lieu à expulsion de la société DMJD Automobiles et celle de tous occupants par voie légale au besoin avec l'assistance de la force publique,
- dire qu'il n'y a plus lieu au règlement d'indemnité d'occupation mais d'un loyer courant,
- débouter la SCI Brout de sa demande de paiement de la taxe foncière pour un montant de 6 261 euros TTC (avec une TVA à 19,6 %) le principe et le montant de cette somme n'étant pas rapportés à défaut de production de l'avis d'impôt foncier,
- infirmer la décision entreprise en ce que la société DMJD Automobiles a été condamnée à payer la somme provisionnelle de 16 484,22 euros à la SCI Brout au titre des loyers impayés, frais, indemnités d'occupation selon le décompte arrêté au 10 mars 2024,
- infirmer la décision en ce que la somme de 9 548,34 euros portera intérêt au taux légal à compter du commandement de payer et que pour le surplus les sommes échues porteront intérêt à compter du jour de l'ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêt du jour de leur exigibilité,
- infirmer la décision entreprise en ce que la société DMJD Automobiles a été condamnée au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
- débouter la SCI Brout de sa demande nouvelle de règlement de l'impôt foncier au visa des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
- condamner la SCI Brout au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Vu les conclusions du 24 janvier 2025 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions de la SCI Brout qui demande à la Cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le Président du tribunal judiciaire de Rouen en date du 2 juillet 2024.
En conséquence,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial conclu le 18 février 2019 entre la SCI Brout et la DMJD Automobiles portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 1] à Déville-lès-Rouen,
- constater en conséquence la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 24 Décembre 2023,
- ordonner l'expulsion de la société DMJD Automobiles et celle de tous occupants par les voies légales au besoin avec l'assistance de la force publique, à défaut de restitution des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance
- fixer l'indemnité d'occupation due par la société DMJD Automobiles, à compter du 24 décembre 2023, au montant du loyer mensuel augmentée des charges mensuelles, jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, et condamné à titre provisionnel la société DMJD Automobiles en tant que de besoin au paiement de cette somme au profit de la bailleresse
- condamner à titre provisionnel, en deniers ou quittance la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 16 484,22 euros au titre des loyers impayés, frais, indemnités d'occupation selon décompte arrêté au 10 mars 2024,
- dire que la somme de 9 548,34 euros portera intérêts à taux légal à compter du commandement de payer, que pour le surplus des sommes échues portera intérêt à compter du jour de la présente ordonnance et que les indemnités mensuelles à échoir porteront intérêts du jour de leur exigibilité,
- condamner à titre provisionnel, en denier ou quittance la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 6 261,60 euros à titre provisionnel, représentant le remboursement de la taxe foncière acquittée pour l'année 2024.
- condamner la société DMJD Automobiles au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de première instance.
Y ajoutant :
- condamner à titre provisionnel, en denier ou quittance la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 6 261,60 euros à titre provisionnel, représentant le remboursement de la taxe foncière acquittée pour l'année 2024.
- débouter la société DMJD Automobiles de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- condamner la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire
La société DMJD Automobiles fait valoir que :
* à la suite d'une difficulté rencontrée avec la banque un différé de paiement est intervenu ; le chèque a été remis à la société bailleresse avant l'ordonnance de référé et il a pu être présenté en banque avec une provision suffisante en août 2024 ; il n'existe à ce jour plus aucune dette locative ;
* elle se réservera la possibilité de solliciter l'indemnisation de son préjudice de jouissance dans le cadre d'une autre instance ; le clos et le couvert ne sont pas assurés ;
* la SCI Brout n'a pas communiqué l'avis d'impôt foncier pour l'année 2024 ; la facture du 9 septembre 2024 n'est pas valable puisque le taux de TVA n'est pas le bon ; aucune facture rectificative n'est versée au débat pas plus que le moindre décompte actualisé.
La SCI Brout réplique que :
* à la date de l'assignation, la société DMJD Automobiles restait lui devoir la somme de 16 484,22 euros ; elle n'était pas à jour de ses engagements le jour où le premier juge a statué ; la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail est acquise ;
* la société DMJD Automobiles reste redevable de l'impôt foncier ; elle règle systématiquement les loyers avec retard ; elle n'a pas réglé le loyer de janvier 2025 ;
* elle conteste l'affirmation de l'appelante quant à l'état des locaux ; le constat démontre que la locataire laisse les lieux sans entretien normal de la chose louée.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, « (') Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.(...). »
Il n'est pas discuté que les sommes dues au titre du commandement de payer délivré le 24 novembre 2023 ne l'ont été que le 9 août 2024 soit au-delà du délai d'un mois qui était imparti à la société DMJD Automobiles pour ce faire peu important que le chèque de paiement qui porte la date du 3 mai 2024 ait été émis préalablement à l'ordonnance de référé puisqu'en tout état de cause la société DMJD Automobiles n'avait pas réglé les causes du commandement dans le délai d'un mois de la délivrance du commandement de payer qui a expiré le 24 décembre 2023. Ainsi c'est à bon droit que le premier juge a constaté par son ordonnance du 2 juillet 2024 l'acquisition de la clause résolutoire.
En application du premier texte ci-dessus cité, les juges ne sont autorisés à suspendre la réalisation des effets de la clause résolutoire que s'ils sont saisis d'une demande de délais qui peuvent être rétroactifs. Or la société DMJD Automobiles n'a présenté aucune demande de délais de sorte que sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire doit être rejetée.
Surabondamment, la cour relève que la société DMJD Automobiles ne conteste pas ne pas avoir réglé la facture du 9 septembre 2024 portant sur la taxe foncière 2024 d'un montant de 6261 euros TVA incluse et qui devait l'être par virement avant le 15 octobre 2024 au motif notamment qu'elle n'a pas été destinataire de l'avis d'imposition alors qu'aux termes du contrat de bail il est stipulé dans le dernier paragraphe des Conditions Générales Garanties que « le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci ». Par ailleurs la SCI Brout produit un échange de messages électroniques entre les parties des 7 novembre et 6 décembre 2024 desquels il ressort que le 7 novembre la société DMJD Automobiles n'avait payé ni le loyer de novembre ni la taxe foncière et que le 6 décembre, elle n'avait pas payé le loyer de décembre et pas plus l'impôt foncier à échéance au 15 octobre. Il s'ensuit que la société DMJD Automobiles reste défaillante dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial conclu le 18 février 2019, constaté la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 24 décembre 2023, ordonné l'expulsion de la société DMJD Automobiles.
Sur la demande présentée à titre provisionnel
La société DMJD Automobiles soutient que :
* la SCI Brout n'a pas communiqué l'avis d'impôt foncier pour l'année 2024 ; la facture du 9 septembre 2024 n'est pas valable puisque le taux de TVA n'est pas le bon ; aucune facture rectificative n'est versée au débat pas plus que le moindre décompte actualisé ; le principe et le montant des sommes réclamées par son bailleur sont contestés ;
* la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l'impôt foncier est une demande nouvelle dont ne peut être saisie la cour.
La SCI Brout réplique :
* la société DMJD reste redevable de la somme de 6.261,60 euros au titre de l'impôt foncier qui lui a été réclamé suivant facture du 9 septembre 2024.
Réponse de la cour
En application des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, « dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. »
En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
En application des dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile, la demande qui porte sur la condamnation de la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 6261,20 euros au titre de la taxe foncière 2024 n'est pas nouvelle en ce qu'elle tend aux mêmes fins que les prétentions soumises au premier juge et constitue un accessoire des demandes formées en première instance.
La SCI Brout justifie par la facture du 9 septembre 2024 et par l'avis d'imposition 2024 que la société DMJD Automobiles est redevable de la taxe foncière 2024. L'appelante ne conteste plus être redevable de la TVA sur la taxe foncière et si le taux de TVA de 19,60 % mentionné sur la facture du 9 septembre 2024 est erroné puisqu'il est de 20%, le montant réclamé à ce titre soit 1043 euros correspond bien à un taux de 20 % appliqué à la somme de 5218 euros, montant de la taxe foncière HT pour 2024 tel qu'il ressort de l'avis d'imposition. L'obligation n'est donc pas contestable en son montant.
À hauteur d'appel, compte tenu du paiement effectué le 9 août 2024 de la somme de 16 484,22 euros correspondant aux loyers d'août 2023, février et mars 2024 et à la taxe foncière 2023, la provision à la charge de la société DMJD Automobiles sera fixée à la somme de 6261,20 euros.
Dès lors, il convient d'infirmer l'ordonnance sur ce point et de condamner la société DMJD Automobiles à payer la SCI Brout à titre provisionnel, en deniers ou quittance , la somme de 6.261,60 euros.
L'ordonnance sera confirmée pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour.
Sur les demandes accessoires
La société DMJD Automobiles partie succombante sera condamnée aux dépens et l'équité commande qu'elle paie à la SCI Brout la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe,
Déboute la société DMJD Automobiles de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire,
Confirme l'ordonnance entreprise du 2 juillet 2024 en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 16 484,22 euros au titre des loyers impayés, frais et indemnité d'occupation,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société DMJD Automobiles à payer à la SCI Brout titre provisionnel la somme de 6.261,60 euros au titre de la taxe foncière 2024,
Condamne la société DMDJ Automobiles aux dépens.
Condamne la société DMDJ Automobiles à payer à la SCI Brout la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.