CA Basse-Terre, 2e ch., 15 mai 2025, n° 24/00902
BASSE-TERRE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Safigel (SARL)
Défendeur :
La Ruche (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robail
Conseillers :
Mme Clédat, Mme Bryl
Avocats :
Me Bouyssou, Me Bichet, Me Ferly, Me Chomereau-Lamotte
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte sous seing privé du 12 juin 2015, la société civile immobilière la Ruche, ci-après SCI la Ruche, a donné à bail commercial à la SCI Paltin un hangar à usage de dépôt d'environ 642 m² situé [Adresse 1] à [Localité 3], avec mise à disposition d'un terrain de 500 m², à compter du 22 juin 2015, pour une durée de neuf années. Le loyer mentionné dans le contrat était un 'loyer annuel de base (hors taxes et hors charges)' de 7.000 euros, payable à compter du 1er octobre 2015 en douze termes égaux, le premier jour de chaque mois.
Suivant avenant du 5 septembre 2019, la SARL Safigel s'est substituée à la SCI Paltin en qualité de preneur et la surface louée a été ramenée à 392 m², le 'loyer annuel de base' étant fixé à 4.500 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er avril 2019.
Enfin, suivant avenant du 25 avril 2022, la mise à disposition du terrain de 500 m² a été supprimée, les autres termes du bail demeurant inchangés.
Le 2 octobre 2023, la SCI la Ruche a fait signifier à la SARL Safigel un commandement de payer la somme de 25.414,45 euros en principal, représentant le solde des loyers impayés arrêtés au mois d'août 2023, qui visait la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail.
Par acte du 5 mars 2024, la SCI la Ruche a assigné la SARL Safigel devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, afin principalement de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 novembre 2023 et d'obtenir son expulsion, sous astreinte, ainsi que sa condamnation au paiement de diverses sommes provisionnelles au titre de l'arriéré locatif, d'une clause pénale et de l'indemnité d'occupation.
Par ordonnance réputée contradictoire du 12 août 2024, rendue en l'absence de la SARL Safigel, le juge des référés a :
- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseraient mais dès à présent, par provision :
- constaté la résiliation, par l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 novembre 2023, du bail commercial conclu le 12 juin 2015,
- dit que, dans les deux mois de la signification de l'ordonnance, la SARL Safigel devrait rendre les lieux qu'elle occupait situés [Adresse 1],
- à défaut, ordonné son expulsion ou celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec, si besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier,
- débouté la SCI La Ruche de sa demande d'astreinte,
- condamné dès à présent la SARL Safigel à payer à la SCI La Ruche une somme de 21.907,79 euros à titre de provision à valoir sur l'arriéré de loyers et charges dû suivant le décompte arrêté au 2 novembre 2024 ( loyer du mois d'octobre 2023 inclus),
- condamné la SARL Safigel à payer à la SCI la Ruche une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers courants, soit 5.053,39 euros à compter de novembre 2023 et jusqu'au départ effectif de la locataire des lieux par la remise des clés au propriétaire,
- rappelé que les indemnités d'occupation provisionnelles échues à la date de l'ordonnance seraient immédiatement exigibles,
- condamné la SARL Safigel à payer à la SCI la Ruche la somme de 1.000 euros à titre de clause pénale,
- débouté la SCI la Ruche de sa demande au titre du dépôt de garantie,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la SARL Safigel à payer à la SCI la Ruche la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
- rappelé que la décision était de plein droit exécutoire à titre provisoire.
La SARL Safigel a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 1er octobre 2024, en indiquant que son appel portait expressément sur chacun des chefs de jugement, à l'exception de ceux ayant débouté la SCI la Ruche de sa demande d'astreinte et de sa demande au titre du dépôt de garantie et rejeté le surplus des demandes.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 24 février 2025.
Le 9 décembre 2024, en réponse à l'avis du 20 novembre 2024 donné par le greffe, la société Safigel a fait signifier la déclaration d'appel et l'avis d'orientation et de fixation à bref délai à la SCI la Ruche, qui a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 15 janvier 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 24 février 2025, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 15 mai 2025.
Suivant note adressée par RPVA le 28 avril 2025, l'avocat de l'intimée a été invité à transmettre sa pièce 8, qui figurait sur son bordereau de communication de pièces, mais qui semblait être incomplète dans le dossier remis à la cour.
Aux termes d'un autre message adressé par RPVA aux parties le 28 avril 2025, la cour les a invitées à faire valoir leurs observations, avant le 12 mai 2025, sur l'irrecevabilité des prétentions formées par l'intimée, à l'exception de celles afférentes à la confirmation de certains chefs de jugement, aux frais irrépétibles et aux dépens de l'instance d'appel, faute pour elle d'avoir préalablement formé appel incident en demandant, dans le dispositif de ses conclusions, l'annulation ou l'infirmation du jugement (2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694).
Aucune des parties n'a adressé d'observations en réponse à cet avis.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ La SARL Safigel, appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 décembre 2024, par lesquelles l'appelante demande à la cour :
- de déclarer son appel recevable et bien fondé,
- d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions mentionnées dans la déclaration d'appel,
- statuant à nouveau :
- de dire qu'il existe des contestations sérieuses,
- de dire qu'il n'existe pas de dommage imminent,
- en conséquence, de déclarer irrecevables les demandes de la SCI la Ruche,
- de 'retenir l'incompétence du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pris en sa formation de référé',
- de dire n'y avoir lieu à référé,
- 'à titre principal' :
- de prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, celle-ci étant invoquée de mauvaise foi par la société la Ruche et les montants étant injustifiés,
- de déclarer non applicable la clause résolutoire mise en oeuvre par la société la Ruche,
- d'ordonner la poursuite du bail,
- de débouter la société la Ruche de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- à titre subsidiaire :
- de constater que la société Safigel a réglé les loyers et a agi de bonne foi,
- de dire et juger que la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué,
- d'enjoindre à la société la Ruche de communiquer à la société Safigel les justificatifs du montant du loyer, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- à titre infiniment subsidiaire :
- de suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial,
- de lui accorder les plus larges délais de paiement en fonction des sommes justifiées,
- en tout état de cause :
- de condamner la société la Ruche au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la même aux entiers dépens de l'instance.
2/ La SCI La Ruche, intimée :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, par lesquelles l'intimée demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance rendue le 12 août 2024 en ce qu'elle a :
- constaté la résiliation, par l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 novembre 2023, du bail commercial conclu le 12 juin 2015,
- dit que, dans les deux mois de la signification de l'ordonnance, la SARL Safigel devrait rendre les lieux qu'elle occupait situés [Adresse 1],
- à défaut, ordonné son expulsion ou celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec, si besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier,
- débouté la SCI La Ruche de sa demande d'astreinte,
- condamné dès à présent la SARL Safigel à payer à la SCI La Ruche une provision de 21.907,79 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et charges dû suivant le décompte arrêté au 2 novembre 2024 ( loyer du mois d'octobre 2023 inclus),
- condamné la SARL Safigel à payer à la SCI la Ruche une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers courants, soit 5.053,39 euros à compter de novembre 2023 et jusqu'au départ effectif de la locataire des lieux par la remise des clés au propriétaire,
- rappelé que les indemnités d'occupation provisionnelles échues à la date de l'ordonnance seraient immédiatement exigibles,
- condamné la SARL Safigel à payer à la SCI la Ruche la somme de 1.000 euros à titre de clause pénale,
- condamné la SARL Safigel aux dépens,
- rappelé que la décision était de plein droit exécutoire à titre provisoire,
- 'et statuant à nouveau' :
- de déclarer la société Safigel mal fondée en ses demandes et de les rejeter,
- de constater que la clause résolutoire contenue au bail en date du 12 juin 2015 est acquise,
- de constater en conséquence la résiliation du bail à compter du 2 novembre 2023,
- de dire que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur,
- de condamner à titre provisionnel la société Safigel à lui payer les sommes suivantes :
- 21.907,79 euros correspondant aux loyers et charges exigibles jusqu'au 2 novembre 2023, outre un intérêt de retard conventionnel au taux de 1,5% par mois de retard,
- 2.190,77 euros à titre d'indemnité complémentaire en application de la clause pénale comprise dans le bail,
- 10.106,78 euros par mois d'indemnité d'occupation du 3 novembre 2023 jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés,
- en tout état de cause :
- de condamner la société Safigel à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'appel principal :
Conformément aux dispositions de l'article 490 du code de procédure civile, les ordonnances de référé sont susceptibles d'appel dans le délai de quinze jours, qui court à compter de leur notification.
En l'espèce, la SARL Safigel a interjeté appel le 1er octobre 2024 de l'ordonnance de référé rendue le 12 août 2024, sans qu'aucun élément ne permette d'établir à quelle date elle en aurait reçu notification.
En conséquence, son appel sera déclaré recevable.
Sur l'irrecevabilité des prétentions de l'intimée :
Conformément aux dispositions de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
L'article 906-2 précise que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Enfin, l'article 954 rappelle que les conclusions d'appel formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il résulte de la combinaison de ces articles que lorsque l'intimé ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, l'appel incident n'est pas valablement formé (2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694). Les prétentions tendant à voir réformer des chefs de jugement dont l'intimé n'a pas interjeté appel sont donc irrecevables.
En l'espèce, la SCI la Ruche n'a sollicité, dans le dispositif de ses conclusions ni l'annulation, ni l'infirmation de l'ordonnance de référé.
En conséquence, faute pour elle d'avoir formé un appel incident, les prétentions qu'elle formule, au-delà de la confirmation de certains des chefs de jugement déférés à la cour, des frais irrépétibles et des dépens de l'instance d'appel, seront déclarées irrecevables, ce moyen relevé d'office ayant préalablement été soumis aux observations contradictoires des parties.
Sur les pouvoirs du juge des référés :
Conformément aux dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 835 du même code dispose en outre que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut également accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, la société Safigel demande à la cour de dire n'y avoir lieu à référé eu égard à l'existence de contestations sérieuses relatives :
- au montant des sommes réclamées par la bailleresse, qui étaient selon elle injustifiées au regard des clauses contractuelles, puisque la SCI la Ruche demandait le règlement d'un loyer mensuel de 4.500 euros HT, alors que le bail prévoyait un loyer annuel de ce montant, et qu'elle n'avait pas tenu compte des versements faits par la société preneuse,
- à la mise en oeuvre de mauvaise foi de la clause résolutoire par la bailleresse, qui avait demandé le règlement de loyers qui n'étaient pas dus, ce qui devait conduire à la nullité du commandement de payer, que le juge des référés ne pouvait prononcer.
La SCI la Ruche, en réponse, réfute l'existence de contestations sérieuses, en indiquant que le bail comportait une simple erreur matérielle et que la société Safigel a toujours réglé un loyer mensuel de 4.500 euros hors taxes.
Il ressort effectivement des pièces produites que la SCI la Ruche a sollicité le paiement d'un arriéré locatif calculé sur la base d'un loyer de 4.882,50 euros par mois, puis de 5.053,39 euros par mois à compter de mai 2023, alors que l'avenant au bail commercial du 5 septembre 2019, comme le bail lui-même, prévoyait un 'loyer annuel de base' hors taxes et hors charges, de 4.500 euros à compter du 1er avril 2019, l'avenant du 25 avril 2022 prévoyant quant à lui que ce loyer serait indexé à compter du 1er mai 2023.
Cependant, la société Safigel ne produit aucun élément permettant de laisser penser que le loyer qu'elle réglait depuis plusieurs années à la SCI la Ruche n'était pas un loyer mensuel dont le montant correspondait à celui mentionné dans le contrat et les avenants, quand bien même il y était qualifié de 'loyer annuel'.
Au contraire, les extraits du grand livre de la SCI la Ruche concernant la société Safigel, produits par l'intimée en pièce 8 de son dossier, mentionnent la facturation de loyers mensuels de 4.882,50 euros à compter d'octobre 2019, puis de 5.053,39 euros à compter de mai 2023, sommes dont la société Safigel s'est acquittée à de nombreuses reprises.
Par ailleurs, à réception du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 2 octobre 2023, auquel était joint un décompte visant des loyers mensuels de ces montants et arrêtant le solde restant dû à ce titre à 25.414,45 euros, le gérant de la société Safigel a adressé un courrier à l'huissier de justice, le 10 octobre 2023, en indiquant : 'J'accuse bonne réception du commandement de payer les loyers. Conscient de la somme due de 25.414,45 ' majorée du coût de l'acte d'huissier de 259,44 ', je sollicite votre bienveillance en vue d'établir un échéancier permettant ainsi à notre structure de régulariser de façon progressive sa dette. [...] je vous propose que l'entreprise paye chaque mois en sus du loyer la somme de 2.000 ', ce qui permettrait d'apurer la dette en 13 mensualités'.
A aucun moment, le dirigeant de la société Safigel n'a contesté le montant de la dette de cette société, ni le fait que la somme de 5.053,39 euros correspondait bien au loyer mensuel pour un entrepôt de plus de 300 m² dans la zone commerciale la plus dynamique de Guadeloupe, et non à un loyer annuel.
Enfin, il convient de constater que l'avenant du 5 septembre 2019 prévoyait le règlement d'un dépôt de garantie de 'deux mois de loyer (hors taxes et hors charges) soit 9.000 euros', là où le montant du 'loyer annuel de base' était fixé à 4.500 euros hors taxes et hors charges, confirmant ainsi que cette somme correspondait à un loyer mensuel.
Dès lors, la société Safigel échoue à démontrer qu'il existerait une contestation sérieuse quant au montant du loyer mensuel retenu par la SCI la Ruche pour calculer l'arriéré locatif dont elle lui a demandé le règlement.
Par ailleurs, si la société Safigel reproche à la SCI la Ruche de ne pas justifier du montant de la créance alléguée, allant jusqu'à demander à la cour de lui enjoindre de communiquer, sous astreinte, les justificatifs du montant du loyer, cette dernière produit la copie de son grand livre qui retrace l'intégralité des opérations concernant la société Safigel depuis la reprise du bail en 2019 jusqu'au 17 janvier 2015. La demande de production de pièces formée à son encontre sera donc rejetée.
A l'encontre des allégations de l'appelante, il convient de rappeler que son gérant a expressément reconnu qu'elle était redevable de la somme mentionnée par la SCI la Ruche dans le commandement de payer. Elle échoue donc à démontrer que ce commandement aurait pu lui être délivré de mauvaise foi par la SCI la Ruche et, en conséquence, qu'il existerait une contestation sérieuse quant à sa validité.
Par ailleurs, si la société Safigel invoque l'existence de versements et affirme que la SCI la Ruche ne les aurait pas pris en compte, elle ne produit aucune pièce permettant de démontrer qu'elle aurait procédé à des paiements qui n'auraient pas déjà été pris en compte par la SCI la Ruche dans ses écritures comptables. Son argumentation n'est donc pas de nature à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse afférente au montant de sa dette.
En conséquence, en l'absence de contestation sérieuse, c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'il disposait des pouvoirs pour statuer.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences :
L'article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
A ce titre, il est constant qu'un commandement de payer délivré de mauvaise foi par le bailleur ne lui permet pas de faire constater en référé l'acquisition de la clause résolutoire.
En revanche, l'erreur sur le montant de la dette locative mentionnée dans le commandement de payer n'affecte pas sa validité.
En l'espèce, pour s'opposer à l'acquisition de la clause résolutoire, la société Safigel reprend son argumentation précédente concernant le fait que les sommes réclamées ne correspondaient pas au montant contractuel du loyer, que la SCI la Ruche n'avait pas tenu compte des versements importants qu'elle avait faits et qu'elle lui avait fait délivrer un commandement de payer de mauvaise foi, ce qui affectait sa validité.
Cependant, pour les motifs précédemment développés, cette argumentation sera écartée.
Au contraire, c'est à juste titre qu'après avoir constaté que les sommes réclamées par la SCI la Ruche aux termes du commandement de payer signifié le 2 octobre 2023 n'avaient pas été réglées dans le mois de sa délivrance, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 novembre 2023.
Par ailleurs, la société Safigel ne produisant aucun élément de nature à remettre en cause le montant de l'arriéré locatif retenu par le premier juge, arrêté à 21.907,79 euros au 2 novembre 2023, et non 2024 comme mentionné par erreur dans le dispositif de l'ordonnance, sa condamnation au paiement d'une provision de ce montant sera confirmée.
De la même façon, c'est à bon droit que le premier juge l'a condamnée au paiement d'une indemnité provisionnelle d'un montant équivalent à celui du loyer qu'elle payait jusqu'à la résiliation du bail, soit 5.053,39 euros par mois, à compter du 3 novembre 2023.
Enfin, la société Safigel ne développant aucune argumentation tendant à voir moduler le montant de la clause pénale, que le juge des référés a déjà réduit à 1.000 euros après avoir très justement retenu que le montant contractuellement prévu était manifestement excessif, sa condamnation au paiement d'une provision de ce montant sera confirmée.
Sur les demandes de suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement :
Dans le cadre de l'instance d'appel, la société Safigel demande à la cour, à titre subsidiaire, de lui accorder des délais de paiement et de suspendre les effets de la clause résolutoire.
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose en effet que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L'article 1343-5 du code civil, quant à lui, prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, la société Safigel soutient qu'elle 'est de bonne foi dès lors [qu'elle] a versé les loyers et que la société La Ruche a sciemment omis de l'indiquer à la juridiction de première instance'.
Cependant, force est de constater que si elle a effectué des versements, ainsi que le prouve le grand livre produit par la SCI la Ruche, elle n'a pas régulièrement repris le paiement du loyer courant postérieurement à la délivrance du commandement de payer, ni commencé à apurer sa dette.
Au contraire, sa dette, qui s'élevait à 21.907,79 euros au 2 novembre 2023, a atteint 78.064,40 euros au 17 janvier 2025.
Par ailleurs, aucun élément ne permet de démontrer qu'elle serait en mesure de s'acquitter des sommes dont elle est redevable, en plus de la reprise du paiement du loyer courant, dans un délai de 24 mois.
En conséquence, il n'y a pas lieu de lui accorder de délais de paiement ni, a fortiori, de suspendre les effets de la clause résolutoire.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Safigel, qui succombe dans toutes ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, et l'équité commande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SCI la Ruche la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de la condamner à lui payer une somme complémentaire de 3.000 euros au titre de ceux de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'appel interjeté par la SARL Safigel,
Déclare irrecevables les prétentions formées par la SCI la Ruche, à l'exception de celles afférentes à la confirmation de certains chefs de l'ordonnance, des frais irrépétibles et des dépens de l'instance d'appel,
Confirme l'ordonnance contestée en toutes ses dispositions déférées à la cour, sauf à préciser que la somme de 21.907,79 euros que la SARL Safigel a été condamnée à payer à la SCI La Ruche à titre provisionnel équivaut à l'arriéré de loyers et charges dû suivant le décompte arrêté au 2 novembre 2023, et non au 2 novembre 2024, comme indiqué par erreur dans le dispositif de l'ordonnance,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Safigel de toutes ses prétentions formées en causes d'appel,
Condamne la SARL Safigel à payer à la SCI la Ruche la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Safigel aux entiers dépens de l'instance d'appel.